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Alain Bauer, Les lois, décrets et arrêtés les plus cons de l’histoire

Les députés bavassent, ils n’agissent pas. Quand ils font des lois pour dicter les règles, c’est comme si c’était fait. Ils ne se préoccupent jamais de suivre leurs édits, de vérifier qu’ils sont bien respectés, qu’ils sont encore valables. C’est ainsi que pas moins de 320 458 articles de valeur réglementaires ont été répertoriés par Légifrance en 2018 : êtes-vous bien sûr de les connaître, de les respecter ? A quoi sert une règle si elle se trouve enfouie dans la jungle ? A quoi sert de continuer à légiférer tant et plus si c’est pour ajouter de la confusion ?

Avec une certaine malice, Alain Bauer, criminologue, dresse le portrait des règles « les plus cons » toujours en vigueur… Cela n’étonnera personne qu’il y en ait le plus aux États-Unis, pays fondé sur le droit mais qui s’assoit volontiers dessus, tant chaque ville établit ses propres règles, chaque État sa loi, et la fédération en plus. Mais il en reste en France, bien trop, de ces lois imbéciles, de ces règlements ineptes, de ces édits obsolètes.

Par exemple p.22, 15 000 € d’amende si l’on est « vu » nu. Il suffit que « le lieu soit potentiellement accessible au regard du public » (art.222-32 du Code pénal). Autrement dit, si un voyeur vicieux braque son téléobjectif sur votre chambre, à 50 m de tout voisinage, et vous voit sortir à poil de la douche, il peut être « choqué » et porter « plainte ». On ne condamnera pas le voyeur, ce Tartuffe hypocrite – mais vous.

Pas d’alcool sur les lieux de travail selon le Code du travail dans son art.R4228-20… sauf « le vin, la bière, le cidre et le poiré » (p.24). Une absurdité aujourd’hui, qui date du temps des paysans.

Une ordonnance du 7 novembre 1800, jamais officiellement abrogée, interdit « le travestissement des femmes ». « Toute femme désirant s’habiller en homme [doit] se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l’autorisation ». Sauf, depuis 1892 et 1909, « si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval ». Le Sénat l’a évoqué en séance publique du 30 juillet 2013, mais qu’attend donc le Parlement pour abolir cette imbécillité ? p.31. Ou la police pour faire respecter la loi – puisqu’elle existe ?

Un arrêté municipal de Châteauneuf-du-Pape du 25 octobre 1954, dans le Vaucluse, interdit « le survol, l’atterrissage et le décollage d’aéronefs dits soucoupes volantes ou cigare volant sur le territoire de la commune sous peine de mise en fourrière immédiate » p.38. Sûr que les extraterrestres ou les Russes ex-soviétiques testant des engins d’espionnage, vont s’en préoccuper ! Encore du temps passé et du papier gâché inutiles.

A Challans en Vendée, le maire a pris un arrêté aussi stupide le 14 février 2018, il n’y a pas si longtemps : Il a interdit la pluie sauf « trois nuits par semaine » p.46. Ce serait amusant si ce n’était jouer avec le droit. Édicter une règle absurde est le meilleur moyen d’inciter à n’en respecter aucune.

Aussi « con » le maire de Cugnaux en Haute-Garonne, qui a interdit en 2007 « à toute personne ne disposant pas de caveau de décéder sur le territoire de la commune » sous peine de « sanctions sévères » p.49. Lesquelles ? La profanation publique de cadavre par les officiels en écharpe tricolore ?

Aux États-Unis, le délire juridique est une conséquence de la psychose yankee. Ainsi, au Texas, parler à quelqu’un dans l’espoir de trouver un emploi constitue un délit selon le Code §38.12(a) alinéa 2 (p.59). Seuls les sourds et les muets peuvent légalement trouver du travail.

Les cannibalisme est strictement interdit et passible de 14 ans de prison… depuis 1990 (p.73). Avant, c’était donc permis ? Une exception quand même, au cas où : le cannibalisme est autorisé « en tant que seul moyen apparent de survie » Idaho Statutes, title 8, chap.50, 18-5003. Il faut dire que l’État est situé en pleine cambrousse, au nord-ouest de Salt Lake City, où la vie est encore sauvage…

Jusqu’en 1969, il était interdit dans l’Illinois de parler anglais car la seule langue officielle était « l’américain » 5 ILCS, 460/20 p.85. On se demande quelle est cette langue, non répertoriée. En Arkansas, les personnes athées ne peuvent occuper de position administrative ni témoigner devant une cour de justice (Arkansas Constitution art.19, sec.1. Dans cet État du sud, la discrimination est ici clairement négative et assumée. Mais il suffit de « se dire » chrétien ou musulman ou juif pour que tout redevienne possible. Hypocrisie américaine.

Le code municipal de Boulder dans le Colorado indique qu’il est autorisé d’insulter, de se moquer ou de défier un flic SAUF s’il dit d’arrêter p.94. On devrait adopter ça dans nos banlieues. De même en Utah, il est interdit de « lancer un missile » sur un bus ou une gare routière, sauf pour les « officiers de la paix » et le personnel de sécurité (Utah Code, title 76, chap.10, part.15, §76-10-1505. Il y en a qui ont du temps à perdre dans ces arguties juridiques… p.116.

En Caroline du nord, « un homme âgé de plus de 16 ans » qui séduit « une femme célibataire dans cet État » est coupable d’un délit – sauf si la femme n’était pas vierge au moment de l’infraction (South Carolina Code Title 16, chap.15, art.1 sec.16-15-50). Donc, à vous les moins de 16 ans !

Les technocrates européens sont réputés pour leur vocabulaire abscons, voire con tout court. Il faut dire qu’ils ont été élevés à l’ENA ou équivalent, où bavasser techno pour noyer le poisson est une règle de l’art. « Faites chiant », disait Balladur à ses fonctionnaires. Bruxelles l’applique. En témoigne cette Directive 2009/67/CE citée p.130 : « Les feux indicateurs de direction automobiles doivent être situés à l’extérieur des plans verticaux longitudinaux tangents aux bords extérieurs de la plage éclairante du ou des » feux de route. Comprenne qui pourra, surtout traduit en 27 langues, y compris le belge.

Alain Bauer, Les lois, décrets et arrêtés les plus cons de l’histoire, 2024, First éditions, 216 pages, €12,95, e-book Kindle €8,99

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L’Hôtel de la Plage de Michel Lang

Qui veut comprendre ce qu’a produit Mai 68 doit se débarrasser des toiles gluantes du mythe, fantasmes manipulatoires d’une génération qui va bientôt lâcher la main, atteinte par la limite d’âge. La « révolution » 68 ne fut pas celle du pouvoir ; tout juste a-t-on remplacé dans les années qui ont suivi un vieux général né à l’ère victorienne par un prof intelligent (Pompidou), puis par un jeune fort en thème (Giscard) avant de renouer avec le vieux de la vieille Mitterrand (né en 1916). Mais l’emprise des élites grandes écoles, sélectionnées par les maths et la cooptation sociale, n’a pas été bouleversée. En revanche, les mœurs le furent bel et bien.

En témoigne ce film indéracinable, primesaut et véritable document d’époque : L’Hôtel de la Plage de Michel Lang, sorti en 1977.

Oh, certes, les critiques de ‘l’Hâârt’ font toujours la fine gueule devant un succès populaire ; le tropisme de ‘gôch’ a le réflexe du dédain contre tout ce qui ne ressemble pas au militantisme orienté, sérieux bon poids ; et le fait que l’histoire ait plu à Marcel Dassault (ex-Bloch, patron d’armement et pilier du gaullisme) ne peut que susciter un mouvement réactionnaire chez toute la frange ‘anti’. Il n’en reste pas moins que cette bluette d’une heure quarante-cinq est enlevée, drôle, et qu’elle brasse toute une sociologie de la France moyenne des années post-68.

Le thème en est l’amour : le flirt, le jeu, les caresses, le baratin, la drague, les sentiments, la baise – mais celle-ci en dernier, à sa place, entre consentants.

Tous les âges sont concernés, du petit blond de 10 ans (Lionel Mellet beau comme une poupée) au quadragénaire pré-calvitie (Daniel Ceccaldi), avec leurs copines ou épouses respectives. Après Mai 68 et avant 1986 et le SIDA, ce qui reste révolutionnaire est l’amour. Pas seulement le sexe, même s’il a été libéré par l’autorisation du divorce, de l’avortement, de la pilule. Mais l’amour sous toutes ses formes, du spleen poétique aux liaisons dangereuses.

Un hôtel de bord de mer, dans une contrée encore un peu sauvage (Locquirec en Bretagne), durant cette parenthèse libertaire des ‘vacances’, voilà un lieu clos hors du temps propice à tous les échanges. De bateau ivre en Titanic, tous et toutes vont faire connaissance, jouer, permuter, conclure ou remettre. Il y a de la tendresse, du non-dit, une certaine légèreté française.

L’approche du petit 10 ans envers la blonde de son âge est touchante ; le spleen de la vamp de 15 ans lâchée par son petit ami snob de 16 est poignant ; la défaite du dragueur (Daniel Ceccaldi) pour cause intestine est hilarante ; lorsque le macho type (Guy Marchand) aperçoit sa femme (réputée froide) embrasser le jeune Cyril de moitié son âge, c’est vache ; et lorsque la soirée se conclut par un cadeau… pour son anniversaire, c’est émouvant. L’écart de Léonce, vieux garçon quinqua avec sa maman, dont le seul loisir est non pas le flirt mais le jacquet, est le contrepoint absolu de ces années-là. Ce qui était « normal » avant (respect aux anciens, relations sociales réservées, jeux innocents) ne l’est plus.

Il y a aussi cette pesanteur petite-bourgeoise du statut procuré par ‘la bagnole’ (symbole de cette époque), par les vêtements (belles chemises et robes moulantes), par le fait de parler anglais (scène désopilante du train), par le chic citadin de la chine aux vieux objets campagnards. Les quadras et quinquas installés dans la vie avec bobonne et mioches, halètent en cadence au matin sur la plage, entraînés par un athlète pour faire fondre leurs formes empâtées de vin blanc et bonne bouffe. Le machisme tranquille des années 70 se poursuit, loin des « femmes en lutte » des barricades de Mai. Guy Marchand, prototype du beauf pré-68, avoue un matin de pêche qu’on « n’est bien qu’entre mecs ». Il prépare les « coups » des autres mais ne raconte rien des siens, croyant qu’on ne le voit pas. Sa fille lui avoue placidement que tout le monde est au courant, à commencer par elle.

C’est avec une force tranquille que femmes et filles prennent leur liberté neuve, sans le dire, par les actes. De la petite blonde de 10 ans qui rend jaloux son boy pour l’appâter, à la vamp de 15 ans qui caresse l’un et l’autre avant de prendre le plus séduisant d’apparence (aussi léger qu’elle), l’épouse surveillée qui s’en laisse conter par téléphone avant d’accepter un rendez-vous à l’hôtel, et la moitié du macho qui se laisse attirer, enfermer en lit clos… par un gamin de l’âge de sa fille. Chacun joue, entre divertissement et roulette selon le degré où il s’implique. On aime toujours qui vous préfère un autre. Être seul est la pire des choses. La bonne fortune vous tombe dessus quand on ne s’y attend pas.

L’après-68, c’est surtout cette libération des mœurs, ces gens tout occupés au flirt comme des gosses devant un présentoir de friandises. Les petits imitent les grands et ce soupir de 10 ans devant la ‘boum’ des jeunes et des adultes a tout le poids de l’espoir : « ah ! je voudrais avoir quelques années de plus ! » Nous sommes avant l’ère SIDA qui verra le retour de la morale et bercés par la chanson de Richard Anthony So hard to forget.

La réaction victorienne survenue depuis empêche la génération trentenaire d’imaginer ce que fut cette liberté légère, ce jeu de l’amour et du hasard, cette proximité affective et poétique qui pouvait naître entre presque inconnus, dans ces lieux clos hors du temps. Il y a le mythe 68 – et il y a la réalité. Mais pourquoi cette dernière devrait-elle être moins belle ?

DVD L’Hôtel de la Plage de Michel Lang, 1977, avec Sophie Barjac, Myriam Boyer, Daniel Ceccaldi, Michèle Grellier, Guy Marchand, Gaumont 2008, 1h50, €13.00

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Parler anglais sur le bout de la langue

Les éditions Syros viennent de mettre au point un « concept » : parler anglais en s’amusant. Il s’agit de petits livres de 100 pages, écrits gros et illustrés en noir et blanc, qui racontent une aventure à la portée des 10-13 ans. L’idée est qu’ils commencent en français, le lecteur pouvant se mettre dans la peau d’un jeune héros (garçon ou fille) de son âge. Le personnage vit une histoire et progresse en anglais parce qu’il a envie d’en savoir plus.

tip tongue romans garcons

Au début, les explications des mots difficiles sont effectuées par un adulte dans l’histoire ; par la suite, un dictionnaire ou un traducteur électronique suffit ; à la fin, le seul contexte permet de comprendre. L’idée est intéressante, le bain passant du chaud au froid progressivement, l’intrigue étant là pour captiver et donner envie d’en savoir plus. Seul le réglage des transitions est parfois délicat. Dans le livre que j’ai lu de bout en bout, Tom et le secret du Haunted Castle, les explications sont un peu lourdes au début ; à l’inverse, elles cessent brutalement vers le second tiers. La progression n’est pas linéaire.

Mais le jeune lecteur (mâle ou femelle, la langue française utilisant le masculin pour le neutre), peut aussi télécharger gratuitement chaque histoire en MP3 sur le site. Par exemple, pour le livre ci-dessus, à l’adresse http://tom.syros.fr. Il aura donc l’écrit et l’oral pour suivre et réviser.

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Pour le moment, quatre titres sont parus, deux mettant en scène des filles et deux des garçons ayant juste l’âge des bases en anglais et commençant à acquérir le vocabulaire, soit vers 10 ou 12 ans. Une autre idée est de varier les régions anglophones (jusqu’ici Écosse, Irlande, Londres, sud-anglais), tout en conservant un anglais standard pas trop compliqué. Les personnages guident le sens, s’adressant à de Young French boys ou French girls.

L’auteur est anglaise, arrivée à 22 ans en France où elle vit et rédige notamment des romans policiers et histoires pour enfants (plus de 40 titres). Mais elle est reconnue officiellement par l’Éducation nationale comme Maître de conférences en anglais à l’Université Bordeaux-Montaigne. De quoi « rassurer » les parents trop français qui révèrent le scolaire et se prosternent devant les parchemins tamponnés par l’État.

Stéphanie Benson, Tom et le secret du Haunted Castle, 2014, éditions Syros, 103 pages, €6.60

Du même auteur et dans la même collection :

Site pédagogique de l’université dédié à cette nouvelle collection didactique : http://www.tiptongue.u-bordeaux-montaigne.fr
Attachée de presse de la collection : Guilaine Depis, guilaine_depis@yahoo.com

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