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Le Choc des mondes de Rudolph Maté

Au tout début des années cinquante, la science-fiction au cinéma chante l’Apocalypse ; elle peut être nucléaire ou spatiale. La science est reine, tout comme le mâle blanc américain est roi. C’était un autre univers d’avant notre naissance, que les trumpistes adoreraient voir revenir. Mais, le cinéma le montre avec sa technique alors rudimentaire, l’histoire ne se refait pas. Reste une allégorie typiquement américaine de la Grande peur de la Fin du monde et le besoin immédiat d’action pour la contrer.

Inévitablement c’est The Holy Bible, en première image du film, qui donne le ton. Nous naviguons entre la colère de Dieu envers « la chair » (flesh en anglais, torturée comme celle de Sébastien) qui va conduire au déluge et aux quelques élus sauvés (avec les bêtes) autour de Noé, et la colère de Jean qui, depuis Patmos, veut faire peur aux gens comme un écolo d’époque prédisant l’Apocalypse. Cette fois, la Bête vient de l’espace, c’est la gigantesque planète Bellus, toute rouge comme le diable, qui fonce vers la Terre à des millions de kilomètres-secondes.

Un astronome du Cap, le professeur Bronson, calcule que Bellus entrera en collision avec Terre dans huit mois. Il paye l’aviateur mercenaire David Randall (Richard Derr) pour convoyer photos et calculs auprès du professeur Hendron (Larry Keating) de l’observatoire de New York afin qu’il les confirme. Celui-ci confie à sa fille et assistante Joyce (Barbara Rush) la mission de faire tourner la Vérification analytique. Et le spectateur peut voir le calculateur d’il y a soixante-dix ans sous la forme d’une mécanographie de bielles complétée par l’usage de la règle à calcul. Mais tout est confirmé : la Fin du monde approche.

Bien évidemment les nantis au pouvoir n’y croient pas, notamment l’ONU qui se gausse ouvertement de cette prédiction (et le représentant français en premier, tout content de lui). Seuls peuvent y croire les industriels milliardaires à l’américaine, adorant les défis et les start-ups, dont certains financent le projet d’arche pour échapper au désastre. Car le professeur Bronson a aussi repéré une planète dans l’orbite de Bellus qu’il nomme Zyra (un prénom féminin sans signification particulière) qui pourrait ressembler suffisamment à la terre pour que l’humanité puisse y vivre. Ce n’est que « théorique », c’est un pari pascalien, mais agir pour aider « Dieu » à vous élire correspond tellement à la mentalité américaine que la tentative est irrésistible.

Une arche est donc construite sur le modèle de l’époque, un avion-fusée stratosphérique (sorte d’U2 amélioré) pouvant contenir 44 personnes et des couples d’animaux utiles. Outre l’équipage chargé de piloter le vaisseau et des compétences techniques, un tirage au sort (la main de Dieu) désigne autant de jeunes hommes que de jeunes filles parmi les quelques six cents ouvriers, techniciens et ingénieurs du projet. Ce qui ne va pas sans quelques récriminations de dernière minute due à l’individualisme de survie. Mais tout a été prévu et la seule scène de révolte in extremis n’aboutit à rien. C’est peut-être dommage, la longueur du prologue aurait pu être réduite pour favoriser les obstacles de la fin, les égoïsmes et les générosité, l’individualisme et la discipline. Mais l’époque est optimiste et veut rejouer la geste des Pères pèlerins du Mayflower partis de Plymouth en 1620 pour le Nouveau monde, 102 immigrants dont 35 puritains anglais qui allaient fonder « l’Amérique ». Une réminiscence accentuée par la curieuse chasuble brun-moine que portent tous les nouveaux immigrants, avec cordon blanc et calotte noire.

Ce qui est cocasse en 2020 est d’observer que les hommes sont tous « ingénieurs » (y compris agronomes) tandis que les femmes (en dortoir séparé) sont toutes « techniciennes » – y compris Joyce, la fille du « professeur ». Que le seul enfant admis à être sauvé est « Michel » (VF), un gamin (blond) de 6 ans qui s’était réfugié sur le toit de sa maison, engloutie par les eaux du tsunami engendré par l’approche de la grosse planète, en passant par la cheminée à l’aide d’une corde en draps noués. Son initiative lui a permis d’être aperçu et sauvé par Randall et Drake, partis livrer des vivres et des médicaments en petit hélicoptère à une centaine de kilomètres du projet, sur appel de détresse radio. Qu’enfin tous les nouveaux pèlerins sont blancs : Dieu est avec nous, Dieu sauve l’Amérique, Dieu les a élus.

Pour donner un peu de consistance à cette histoire (Archi)-connue et pimenter la Peur apocalyptique d’un peu de sexe (convenable), Joyce qui devait se marier avec Drake tombe en amour pour Randall, moins « professeur » calculateur que casse-cou bricoleur. Drake va-t-il se battre avec Randall ? Va-t-il l’abandonner sur le toit de la maison du gamin ? Deux scènes marquent l’hésitation du jaloux mais la Bonté naturelle des élus ne peut se permettre de telles manifestations du Mal : Drake s’effacera au profit de Randall et adoptera le gamin au lieu de la fille. Happy end.

Car la fusée décolle, use tout son carburant pour se faire capter par la planète Zyra, et réussit à atterrir grâce à Randall sur la neige glacée entre deux montagnes, devant un paysage de grandes plaines verdoyantes où l’air est pur et les couleurs crues comme à Hollywood.

D’après un roman d’époque sous le même titre de Philip Wylie et Edwin Balmer, le film est devenu « culte » pour avoir été pionnier dans la fiction scientifique envers l’espace. Mais plus d’un demi-siècle nous séparent de 1951 et les effets spéciaux et décors, primés en 1952, font bien carton-pâte et peinture aujourd’hui. Reste un portrait psychologique de l’Amérique triomphante qui dominait le monde après la Seconde guerre mondiale. La candeur sûre d’elle-même est toujours revigorante.

DVD Le Choc des mondes (When Worlds Collide), Rudolph Maté, 1951, avec Richard Derr, Barbara Rush, Peter Hansen, John Hoyt, Larry Keating, Paramount Pictures 1995, 1h19, €10.98

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Son et lumière à Kergroadez

A 15 km au nord de Brest, sur ses terres du bas-Léon, François 1er marquis de Kergroadès décida en 1598 de faire bâtir un château. La demeure, de style « Renaissance bretonne » fur achevée en 1613. 2013 fête les quatre siècles des vieilles pierres, devenues Monument historique.

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Delphine et Franck Jaclin, propriétaires ayant fait fortune dans la communication, ont restauré l’ensemble depuis une douzaine d’années, faisant feu de tout bois : visites guidées, arboretum, animations toute l’année, concerts, ateliers enfants, hébergement en gîte et pour mariages, forfaits touristiques, vente de bois de chauffe, culture de légumes, salon de thé… Telle est la rançon de la démocratie pour se faire pardonner d’être propriétaire. En 1684, les commissaires de la réformation du domaine ont refusé le titre de château à la demeure et la Révolution l’a pillée avant de la transformer en hôpital militaire.

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L’été 2013 voit le Tantad de Granite, association de bénévoles, organiser un son et lumière autour du château sur le thème de l’expédition Lapérouse, partie en 1785 et qui n’est jamais revenue, naufragée en 1788 à Vanikoro dans les îles Salomon.

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Le rendez-vous permet d’organiser les centaines de visiteurs en attendant la nuit tombée (plus de 300 le soir où nous y fûmes). Six groupes sont plus maniables qu’une foule compacte entre les animations.

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Nous avons commencé par voir l’enrôlement d’un équipage pour les navires du Roy, allant du paysan mal dégrossi qui signe avec une croix au mousse d’à peine dix ans pris parmi les spectateurs, non sans une certaine appréhension du gamin ainsi désigné à la vue de tous.

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Le théâtre d’ombre est une projection vidéo dans la nuit noire comme dans un four entre les arbres denses du parc, sur laquelle des acteurs miment l’embarquement des marchandises, des bêtes et des hommes.

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Le jardin de l’apothicaire met en scène les herboristes du bord, chargés de remplir leurs coffres de médecines et d’herbes. Les acteurs en costume, dont un jeune page noir facétieux, met de la gaieté dans la pose docte de Messieurs les médicastres.

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La cour intérieure du château réunit les officiers autour d’un grand banquet de départ. La poularde énorme, apportée par le maître queux plus apte à goûter le cidre qu’à diriger son équipe de mitronnes piaillardes, devra contenter une douzaine de personnes, dont le mathématicien Louis Monge.

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Engagé comme astronome, efféminé porté sur les étoiles et qui craint déjà le mal de mer, il sera débarqué pour cette raison à Ténériffe – et sera le seul survivant de l’expédition…

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Un passage au lavoir pour écouter cancaner les lavandières en français et en breton, celles du village et celles du château, toutes la langue fort bien pendue. Le lieu se révèle une sorte de Facebook avant la lettre, où chacun se déballe, tout en observant sa voisine. Les « amis » se cliquent l’une l’autre en « publiant » à haute voix leurs nouvelles.

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La façade sud du château donne le départ pour l’embarquement avec le défilé des calèches et des chevaux, ainsi que l’adieu final au public, passé minuit. La brume venue de la mer, qui tombe depuis une couple d’heures, ajoute à la magie de l’histoire.

C’était une belle soirée famille, les enfants ravis, les adultes éblouis. Il y avait même des bancs pour s’asseoir devant chaque animation. « Pour les seniors » ont dit les organisateurs – pour « les adultes », m’ont traduit les ados formatés au jargon éducation nationale. Un grand parking dans un champ, à l’extrémité de l’allée d’arbres centenaires conduisant au domaine, permettait à chacun de ne pas se sentir à l’étroit.

Château de Kergroadez

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Tahiti et la mer

Article repris par Medium4You.

En attendant le passage de Vénus devant le soleil phénomène qui durera six heures, les préparatifs vont bon train. On construit Pointe te fauroa ou pointe Vénus à Tahiti une réplique du fort de James Cook mais en décor de théâtre. James Cook, jeune officier fut chargé de conduire jusqu’à Tahiti sur un ancien navire charbonnier rebaptisé l’Endeavour l’astronome Charles Green, ainsi que deux autres savants chargés d’étudier la flore et la faune. A son arrivée le 13 avril 1769, Cook entreprend la construction d’un fort afin de protéger l’astronome et ses instruments. L’inauguration du site ce sera la 6 mai. Aux armes, Maohi !

Le roi de Tonga est mort, vive le roi. Cette petite monarchie polynésienne de 106 000 habitants dont le roi George Tupou V vient de décéder en mars est une constellation de 170 îles, éparpillées sur 700 km2 au nord-est de la Nouvelle-Zélande et à 650 km à l’est de Fidji. Le pays est touché de plein fouet par la crise mondiale car 35% de son PIB est apporté par la diaspora tongienne. Quelques 200 000 Tongiens (le double de la population de l’archipel) vit et travaille en Australie, en Nouvelle-Zélande, aux USA et envoient au pays une part de leurs revenus. Or ces expatriés sont employés dans le bâtiment et l’aménagement. Un bon nombre d’entre eux ont perdu leur emploi. Le seul vrai potentiel de développement de Tonga est le tourisme qui piétine autour de 90 000 visiteurs par an. Tonga table sur une croissance de 2% en 2013/2014 mais le pari n’est pas gagné vu la pauvreté des infrastructures d’accueil, le manque de fonds pour la promotion, le mauvais entretien des sites historiques et les problèmes dus à l’éloignement géographique.

Quatre pays s’engagent, Australie, France, Nouvelle-Zélande, îles Cook pour surveiller la pêche en haute-mer. La marine française avait sur zone le P400 « La Tapageuse » qui a réalisé 4 contrôles, le Patrouilleur « Arago » 3 contrôles, le FS « Prairial » 2, le patrouilleur « Tekukupa » des îles Cook. Treize navires contrôlés : 8 Chinois, 2 Taiwanais, 1 Japonais, 1 Fidjien, 1 Singapourien et seulement 2 infractions relevées. Une première opération d’une longue série… atation ! Chaque bateau devait patrouiller dans une zone délimitée. La Tapageuse accompagnée du Tekukupa des Cook étaient dans les eaux polynésiennes occidentales et dans la zone jouxtant les ZEE (zone économique exclusive) des îles Cook et Kiribati. Les palangriers chinois avaient leurs soutes pleines ce qui rend les contrôles « difficiles » au milieu des carcasses de thons, marlins et requins. Les ailerons de requin font l’objet d’une attention particulière de « India ». Le Prairial a quant à lui rejoint l’est de la ZEE polynésienne. Aucune infraction relevée. L’« Arago » était envoyé dans le nord de ZEE polynésienne entre les Kiribati et les Marquises, une zone importante sise sur la « Tuna Belt ». Les thonidés représentent 25% des ressources mondiales dans cette zone.

Après 15 ans de desserte du Maupiti Express, le capitaine a eu la surprise d’être accueilli, pour ce dernier trajet, dans la passe d’Onoiau avec une couronne de tiare de 50 (cinquante) mètres de long.

Marquises, vos beaux yeux me font mourir d’amour… pour les dauphins ! C’étaient certainement les paroles des scientifiques qui ont joué les photographes avec les dauphins entre les îles Marquises, de Hiva Oa à Ua Pou. Ils ont répertorié 9 espèces de dauphins : des péponocéphales ou dauphins d’Electre qui faisaient le spectacle avec du spyhopping, des dauphins tachetés, des dauphins à long bec, des globicéphales, des grands dauphins communs, des péponocéphales, un Kogia sima (cachalot nain), des dauphins de Risso. Vous pourrez consulter le site où vous trouverez tous ces détails que je ne saurais vous donner.

Et toujours aux Marquises, la mission du navire océanographique Alis rend compte : une richesse. Les scientifiques se sont attelés à caractériser les éléments biologique, végétal et marin de l’archipel. Tout y est passé : flore, plantes médicinales, spongiaires, mollusques. Les Marquises ont été gâtées par le ciel ou la mer. Imaginez, 3752 mollusques appartenant à 182 espèces récoltées dont six nouvelles pour la Polynésie française. C’est une richesse exceptionnelle de la faune malacologique (mollusques) littorale, tant par son intensité que par sa diversité. L’extrême isolement géographique, la dispersion des îles sont parmi les facteurs qui ont favorisé la spéciation des plantes vasculaires à l’origine d’une flore endémique relativement riche.

Et si les Marquises qui possèdent un patrimoine considérable, une langue propre, une culture propre, des ressources alimentaires, faisaient sécession d’avec Tahiti ? Un département supplémentaire ?

Hiata de Tahiti

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