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Aujourd’hui saint Amour

Compagnon de mission de saint Pirmin en Allemagne, au 8ème siècle, cet Amour-là fonda l’abbaye d’Amorbach et est vénéré le 17 août, bien que le calendrier de l’Administration laïque d’Etat des Postes françaises situe la saint Amour le 9 août…

Un autre Amour plus tardif, du 9ème siècle, était natif d’Aquitaine où naquit la « fine amor ». Mais, névrosé par la Morale d’Eglise, il refusa le désir, le siècle et la vie, passant son existence en reclus à… Maastricht.

Du saint Amour de Bourgogne, on sait peu de choses, sinon qu’il fut copain de saint Viator et que leurs reliques sont enchâssées en la commune qui donna son nom au vin si bien connu.

Saint-Amour, commune du Jura à 28 km de Bourg-en-Bresse compte moins de 2500 Saint-amourains. Le petit-fils de Clovis y érigea une église pour les reliques de saint Amator et de saint Viator, soldats chrétiens de la légion thébaine massacrés à Saint-Maurice d’Agaune en Valais. Mais ont-ils existé ? Leur culte aurait probablement remplacé celui des dieux romains antiques Cupidon et Mercure. Comme quoi l’Amour chrétien ne serait que le petit-fils de l’Eros grec et le fils du Cupidon romain… rhabillé.

Le Gamay noir à jus blanc appelé saint-amour est vif, fin et équilibré, sa robe rubis dégage des arômes de kirsch, d’épices et de réséda. Son corps, dit-on unanimement, est tendre et harmonieux… Le saint-amour est un vin rouge AOC produit dans le Beaujolais. Il est voluptueux et particulièrement agréable en bouche. Avis aux amoureux(ses)…

Où l’on en revient donc aux « amours » de la symbolique. Aux temps anciens des Grecs, Amour dit Eros fut figuré comme un enfant de 6 à 8 ans gai, primesaut et tendre, d’une beauté harmonieuse : il était affection sans raison.

Lorsque la société se sophistiqua, que les gens eurent le loisir d’émerger d’une existence purement utilitaire, les relations humaines se firent plus complexes, tournant autour du sexe comme il se doit. Amour fut alors figuré comme un prime adolescent espiègle, cruel et fouaillé d’appétits. Beaumarchais en revivifia le caractère au grand siècle sous l’apparence de Chérubin : il est désir sans raison.

Mais l’Eglise, pour contrôler les âmes, se devait de mettre le holà à l’amour. Celui-ci n’est-il pas hors loi et foncièrement subversif ? N’écoutant que lui-même et tourné seulement vers l’objet de son appétit, il remet en cause toutes les morales, les raisons et les dieux. Inacceptable ! Il fallait donc châtrer Amour et l’on en fit un « ange ». Éthéré, sans appétits ni vouloir, pur messager de Dieu sans corps, il est affection sans désir. Bien que certains curés, célibataires par vœux, aient eu parfois le désir baladeur.

L’Eglise a retenu beaucoup plus de saints Ange ou Angèle que de saints Amour. Il a fallu Freud pour que l’on redécouvre en l’enfant une sexualité, même si elle reste en devenir. L’amour adolescent, Platon l’a montré, a de nombreux visages. Il ne se réduit en rien à la fornication, même si cet acte naturel n’est vilipendé par la Morale chrétienne (et bourgeoise) que pour de mauvaises raisons : celles du pouvoir, de l’économie, du contrôle des hommes.

« A force de parler d’amour, l’on devient amoureux… », croyait Pascal. Mais il n’a vraiment aimé que Dieu, selon les textes qu’il a laissés. Pour Tolstoï, dans son Journal en mars 1847, nul ne peut aimer Dieu : « Je ne reconnais pas d’amour de Dieu : car on ne saurait appeler du même nom le sentiment de ce que nous éprouvons pour des êtres semblables ou inférieurs à nous, et le sentiment pour un Être supérieur, qui n’a de limites ni dans l’espace, ni dans le temps, ni dans la puissance, et qui est inconcevable.» Dans la foi chrétienne, ce qui est appelé le Saint Amour, ce sont les deux grandes injonctions aimantes : l’accomplissement du message de l’Évangile et l’incarnation des Dix commandements.

Saint Amour du 9 août, que de turpitudes couvre-t-on en ton nom…

Si m’en croyez, fêtez Amour sous toutes ses formes : tendres ou passionnées, charnelles ou filiales, platoniques ou concluantes. Soyez ami et amant, ardent ou capricieux, conquérant ou enflammé, transi ou soupirant. Et mettez le tout au féminin ou au neutre selon votre genre.

Le pic des naissances est depuis 1991 en juillet (il était en mai de 1975 à 1989), ce qui veut dire fécondation en novembre. Au 9 août, fêtez le petit bébé tout frais pondu, Amour tout pur !

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Peter Tremayne, Le concile des maudits

Sœur Fidelma renouvelle son terrain de chasse. Nous ne sommes plus dans la verte Eireann (Irlande) mais dans la Burgundie franque (Bourgogne). En l’an 670, au concile catholique d’Autun, Rome veut faire converger les différentes églises chrétiennes sur son modèle machiste méditerranéen : plus de femmes ! L’évêque franc Leodegar, apparenté à la famille royale de Clotaire III, mélange pouvoir spirituel et pouvoir temporel ; comme tous les démagogues assoiffés de puissance, il utilise l’idéologie pour son compte. C’est ainsi qu’il a décidé, quelques mois auparavant, de faire divorcer les prêtres et moines mariés. Le lien d’époux étant considéré par Rome comme hérétique, ne saurait être béni par Dieu…

Mais il y a pire. Les femmes et les enfants des moines d’Autun sont d’abord séparés de leur époux et père par la division physique du monastère. Certaines galeries sont murées, les femmes cantonnées à la Domus Femini, sous la férule sévère d’une ex-prostituée de Divio (Dijon), devenue abbesse. Mais ces femmes disparaissent. Elles laissent soi-disant un écrit dans lequel elles disent préférer retourner au monde, ou trouver une autre communauté. Est-ce possible ? Nous verrons comment cette déchéance de la fraternité entre homme et femme fera de ces dernières des êtres inférieurs analogues à des objets. Nous supputerons comment cette négation de l’épanouissement de l’âme par le corps – voulu par le Créateur – préparera les honteuses affaires de pédophilie des prêtres catholiques sur les jeunes garçons un millénaire plus tard. Car c’est là, dans ce haut moyen-âge, que tout commence.

Le concile religieux est comme un congrès de parti communiste, l’occasion de mesurer les écarts à la norme majoritaire, donc de désigner les boucs émissaires de l’épuration exigée pour prendre soi-même le pouvoir. Les nationalismes à vif des peuples divers font que la religion ne relie guère. Le premier chapitre commence par la querelle entre un évêque briton et un évêque saxon, apaisé par un évêque d’Eireann, sous les yeux de l’évêque franc d’Autun. Quoi d’étonnant à ce qu’un meurtre suive ?

C’est là qu’intervient sœur Fidelma de Cashel flanquée de son époux en Dieu et dans le siècle Eadulf de Seaxmund’s Ham. Pour concilier les nations et faire rapport à Rome qui fera briller son pouvoir, l’impérieux évêque Leodegar d’Autun mande Fidelma de trouver le coupable – et vite ! Sans quoi il jugera lui-même, en politique. Sont ainsi opposée la force brutale des Francs aux subtilités juridiques libérales des Irlandais. Ce ne sera pas la seule fois, Fidelman rencontrant le jeune roi Clotaire, poursuivi dans les bois.

Est une fois de plus mise en scène l’église de Rome « qui voudrait que nous nous retrouvions tous sous le joug d’une règle universelle » p.351. Nous pouvons faire le parallèle entre la Rome d’hier et la Bruxelles d’aujourd’hui, entre l’église catholique impérieuse et l’Europe unificatrice. Les particularités résistent, parfois pour le meilleur (sœur Fidelma), parfois pour le pire (les assassinats d’ennemis proches). L’auteur, historien celte et auteur policier, revendique l’originalité irlandaise, opposée au joug des Saxons comme des Francs – sans parler des Romains !

L’intrigue est enlevée, dans un décor monumental et un pays riche. La Bourgogne franque, un siècle avant Charlemagne, est un pays de vaches grasses et de vin capiteux. Ses rivières permettent le commerce depuis la Méditerranée et jusqu’à l’océan. L’héritage architectural romain a laissé de vastes bâtiments de pierres, harmonieux et sûrs comme des forteresses, avec ce goût des jardins et des plantes qui appartient à la culture du sud. Le lecteur devinera quelques bribes de la conclusion finale, mais restera mené en bateau jusqu’au bout, les rebondissements ne manquant jamais.

Ce tome est probablement le dernier de la série Fidelma, l’auteur ajoutant un épilogue situé cinq ans plus tard, comme une sorte de bilan moral de ce qui s’est passé à Autun. Le familier de sœur Fidelma lira ce livre comme un testament de sagesse ; celui qui ne connaît pas encore l’érudite avocate des cours de justice trouvera là un encouragement à lire les tomes précédents.

Peter Tremayne, Le concile des maudits (The Council of the Cursed), 2008, 10-18 2011, 356 pages, €7.69

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