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Le dernier complot

Toute crise désoriente les esprits peu sûrs d’eux-mêmes ; la raison fuit devant la croyance. Ce pourquoi les religions font recette particulièrement en ces moments-là :

  • Autour de l’an mil c’était l’Apocalypse, qui prépara l’élan des croisades comme celui des bâtisseurs de cathédrales (les deux faces d’une même foi) ;
  • dans les années 1970 au moment des deux chocs pétroliers (1973 et 1979), la Malédiction satanique de l’Associé du diable exigeant l’Exorciste ;
  • à la fin des années 2010, c’est désormais la Cabale de l’Etat profond contre le Blanc moyen que des hordes d’immigrés orientaux ou latinos doivent envahir en Europe et aux Etats-Unis tandis que leurs gènes seront submergés par le Mélange et leurs enfants, selon Q, éradiqués par le kidnapping, le soutirage du sang, le viol et la torture. Le viol comme arme de guerre, ce n’est pas nouveau mais fait toujours recette.

Le sang serait destiné à l’adénochrome qui donnerait aux puissants longue vie. Rien de nouveau sous le soleil, boire le sang était déjà considéré comme prendre la force de son ennemi durant la préhistoire et les Romains accusaient déjà les chrétiens d’égorger les petits enfants, ce que le Moyen-Âge reprendra pour les Juifs. Inutile non plus de décortiquer cet adénochrome : il n’est que l’oxydation de l’adrénaline en laboratoire qui sert contre l’épilepsie et pour guérir les hémorroïdes (donc les épanchements du Q). On le fabrique industriellement et chacun peut le trouver facilement sous les noms des médicaments Adona, Phleboside, Anaroxyl, Medostyp ; pas besoin de saigner des enfants… Mais cette preuve ne sert à rien car ce qui compte est la croyance.

Or nul être sensé ne peut rien contre un croyant. Il est imperméable à tout, sauf à la force. Les islamistes le savent bien qui s’intoxiquent d’Allah (et certains de haschisch) pour devenir assassins. La foi rend blindé, robocop discipliné du gourou, soumis au dieu vengeur. L’empathie envers les enfants maltraités est humaine ; elle conduit tout naturellement à croire, donc à suivre aveuglément ceux qui sont contre. Jusqu’aux absurdités qui ont conduit au Pizzagate en 2016 et, rien qu’en 2020, à la tuerie allemande de Tobias Rathjen et à l’accusation de vendre des enfants sous le nom d’armoires par l’entreprise de meubles Wayfair à Boston !

La pédocriminalité est, avec le nazisme, le fantasme le plus violent du Mal au début du XXIe siècle. De quoi en avoir un orgasme, bien plus qu’avec les égorgeurs d’Allah. Être nazi, le rêve ! On peut tout faire, tout se permettre, on est le plus fort. Violer les enfants, rendre esclaves les femmes, torturer le mécréant, égorger l’apostat. On peut transgresser tous les tabous, surtout juifs et chrétiens, donc les Commandements de la Bible, l’inverse même de la morale américaine. Être antéchrist une bonne fois pour jouir de tout sans entraves, c’est atteindre le septième ciel sans attendre l’au-delà. Dès que vous reconnaissez cet Ennemi absolu du nazi pédo – le Diable incarné – si vous n’êtes pas pervers, vous vous trouvez forcément dans le camp du Bien. Hein ? des doutes ? vous seriez donc pervers ? Soyons décent, inutile de penser, suivez : le Bien sait tout. Il encadre la morale. Il est le Q, la puissance réactive en électrotechnique. Il vous donne des règles simples à suivre. Restez dans les clous et avec les bons : croyez !

L’effroi du petit Blanc paupérisé, la peur du Grand remplacement par les colorés dans le monde blanc, font monter l’insécurité intime et culturelle. Les errements des gouvernements trop technocratiques qui ne savent pas et décident en aveugle tourmentent la passion politique : sur la pandémie (Castex et le casse-tête des Qltes et le Q de Tobin appliqué à la rentabilité des pistes skiables) ; sur l’économie (Hollande qui voulait réduire le chômage tout en augmentant massivement les impôts !). Le sentiment démocratique de ne jamais être entendu (les gilets jaunes), entraîne ressentiment et méfiance. Tout ce qui est dit par le pouvoir et par les élites devient mensonge et entraîne par réaction la tendance à faire l’inverse, en ado rebelle qui n’a jamais su grandir :

  • Le masque ne sert à rien ? – Si, si au contraire, j’en veux un !
  • Le masque devient obligatoire ? – Non, non, je me sens libre de ne pas le porter !
  • Pas de vaccins ? – Mais que fait le gouvernement ?
  • Des vaccins bientôt disponibles ? – Je me méfie, je ne me ferai pas vacciner, ils pourraient contenir des nanopuces de contrôle par les GAFAM ou des produits abrutissants pour le FBI ou la CIA… (tous les monstres fantasmés du Complot, le numérique IA et l’empire américain)

Rien de rationnel là-dedans, que de la rumeur, de la croyance, de l’abandon de soi à la horde de ceux qui pensent « bien » – c’est-à-dire comme sa bande. Dans les années 1970 le complot était celui des multinationales, dans les années 1990 la Trilatérale, c’est désormais Davos le forum des riches et des puissants bientôt immortels par transformisme et régnant par l’intelligence artificielle augmentée par la 5G… (tant qu’à faire, amalgamons tout). La nanopuce, est-ce la crainte d’avoir enfin du plomb dans la cervelle ? Ou de garder la cervelle dans le Q ?

Tout événement majeur déstabilise : la crise financière puis économique et sociale 2008 ; la pandémie 2019 et la crise de la mondialisation 2020 aggravée par un Trump agressivement tweeteur. Chacun cherche alors à se rassurer et à retrouver ses marques. Pour cela trois choses :

  1. Donner un sens (même absurde) pour reprendre le contrôle – le délire paranoïaque est toujours très logique ; il n’en reste pas moins un délire hors du réel
  2. Agir pour résister – faire n’importe quoi mais faire – pour avoir le sentiment de garder prise
  3. Se sentir relié, donc s’affilier à une tribu de croyants, à une communauté de religion (de religere, relier), à des gens qui pensent comme vous et vous confortent dans le nid – même au prix du déni.

La théorie du Complot trouve des échos parmi les plus fragilisés, les perdants, les « esclaves » (au sens métaphysique de Nietzsche), ceux qui sont incapables de penser par eux-mêmes ou d’oser seulement le faire. Ils préfèrent suivre la foule, lyncher en cœur dans l’anonymat de masse (c’est pas moi c’est l’autre), manifester sans projet, casser des biens publics pour se plaindre des moindres biens publics, faire du bruit pour ne pas entendre.

Il n’existe plus de vérité autre que celle à laquelle on croit ; plus de faits autres que ceux qui nous intéressent ; plus de débat entre gens de raison évoluée mais la haine entre bêtes d’instincts primaires. Plus de régime démocratique mais la guerre civile. Aux Etats-Unis, nous n’en sommes pas passés loin au moment de la défaite de Trump. En France ? ça vient… Comme toujours depuis des décennies les petits intellos français imitent ce qui vient des Amériques. Et rarement pour le meilleur.

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Vrai Hold up du faux Q

Connaissez-vous le Q ? C’est un pseudo yankee annonçant depuis 2017 l’Apocalypse de la chienlit soixantuitarde (permissive, démocrate, multiculturelle) et un coup d’état militaire aux Etats-Unis. Le grand Q ânon a un gros Qi, c’est du moins ce qu’il fait croire. Car il manipule le Complot comme un prophète des religions. Les gens ne savent pas qui est Q, c’est normal : en général ils sont assis dessus. Car le Q représente la bêtise au front de taureau selon Nietzsche, le terre à terre de la vache qui regarde avec crainte passer les trains, le faux bon sens qui délire.

Tout est Q, Freud l’avait déjà dit mais le faire péter conforte à la face du monde. Le culte du Q porte à l’obsession textuelle. Tout est bon pour exciter les instincts primaires qui font surgir les émotions ; l’esprit est alors court-circuité, submergé par l’affect. On ne raisonne plus, on résonne – comme une cloche – sous les battements à l’unisson de la bande. Au culte on psalmodie, au Q on ânonne, en chœur, en cœur, la bouche en Q de poule.

Car il s’agit d’horreur qui vous saisit à l’énoncé des faux faits des vrais Q : quoi, des enfants enlevés, gardés captifs, évidemment violés, puis saignés pour obtenir un élixir de longue vie ? Comment ne pas compatir, comment ne pas céder au saisissement ? Même si tout est inventé, sexuellement fantasmé, même si aucune enquête, ni policière ni journalistique, n’a découvert une quelconque preuve tangible, même si tout est rumeur colportée par l’amie de la belle-sœur du coiffeur dont Madame Unetelle a entendu dire sur le net… Même si c’est Donald, le macho canard qui « prend les femmes à la chatte » qui a enfermé les enfants (d’immigrants) en les séparant de leurs parents – ce que ni Madame Clinton lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat, ni Barack Obama lorsqu’il était président n’ont fait. Mais plus gros est le loup, plus c’est flou.

C’est dans la marmite du flou que se concoctent les meilleures soupes de croyances. Rien à savoir, tout à croire ! Depuis le procès des Templiers sous Philippe le Bel, l’affaire Calas sous Voltaire, les jugements expéditifs sans avocats sous la Terreur de Robespierre et les Protocoles des Sages de Sion, chacun sait que le Complot est inventé. L’Okhrana des tsars, la Section de préservation de la sécurité et de l’ordre publics de l’empire instaurée en 1881 (l’année même où la France de la IIIe République votait la liberté de la presse…), l’avait fait contre les Juifs, accusés d’anarchisme – donc de terrorisme. Selon les inventions du roman feuilleton commenté dans les salons parisiens de la fin du XIXe où l’antisémitisme catholique sévissait fort en ces temps de République et de laïcité, dit-on. Depuis, tout le monde croit la belle histoire – et le marketing marchand a repris cette technique sous le terme de storytelling. Peu importe que ce soit vrai, il suffit qu’on y croie. Ainsi de la vertu des politiciens ou du verdissement écolo des multinationales industrielles. Ou encore du Complot des élites contre les lambdas selon Q. Or la fièvre Q, selon les médecins, est une maladie infectieuse qui se transmet de l’animal à l’homme – des bêtes aux raisonnables, des complotistes aux citoyens.

Car QAnon vénère Donald Trump, appelé Q+ dans le camp du Bien sur l’exemple des LGBTQ+ dans le camp du Mal. Trump le trompeur, l’éléphant chef du parti des droites, est l’élu de la contre-Cabale, celle qui a placé au pouvoir des présidents progressistes depuis Kennedy. Selon le Q, la Clinton était infâme – puisqu’elle était déjà une femme ; Obama était pire – puisque nègre plus qu’à demi. Ainsi le petit Blanc appauvri par les grands groupes inféodés à l’internationalisme multicoloré gai et mondialiste, abruti par les médias de divertissement et subissant le mépris des élites, serait condamné aux poubelles de l’Histoire. Q l’a dit et tout est dit. Hillary Clinton dévorerait avec appétit les nouveau-nés au petit-déjeuner et se filmerait même en train de les mâcher selon le bon gros Q. Comme le disait Goebbels, un expert en la matière : plus c’est gros, plus ça passe ! Michelle Obama serait trans donc Barack un pédé. Seule l’armée des Etats-Unis échapperait à la Cabale. Pourquoi ? On ne sait pas, mais savoir n’est surtout pas ce qui importe : il faut seulement croire. Q est le titre du film américain Épouvante sur New York réalisé par Larry Cohen en 1982. A l’ombre du cul tout est puant et épouvantable.

Ce comportement de secte rencontre non seulement les intérêts bien compris du clan politique de droite extrême, particulièrement fort dans les Etats-Unis du paon récemment viré dans les urnes (le Q raciste du Ku Klux Klan), mais aussi les intérêts bassement économiques des gourous qui exploitent le filon en vendant livres, DVD et autres méthodes pour résister (189 000€ de crowdfunding pour Pierre Barnérias de Hold up). Et encore plus les intérêts symboliques des idiots utiles du complotisme, ces has-been, artistes ou chercheurs sur le déclin qui cherchent à faire parler d’eux sur les réseaux. Aux Etats-Unis l’acteur James Woods qui soutient Trump, l’actrice Roseanne Barr dont la sitcom a été supprimée du réseau ABC en raison de ses sorties racistes, la vieille star du porno Jenna Jameson qui ne peut plus autant séduire Michael Levitt biophysicien américano-israélo-britannique né en Afrique du sud qui prédisait la fin de l’épidémie en février. En France, Martine Wonner psychiatre et politicienne exclue d’En marche qui déclarait que les masques ne servaient à rien, le médecin Christian Perronne démis de ses fonctions de président du conseil scientifique des maladies vectorielles, Luc Montagnier déconsidéré pour ne voir dans le SIDA qu’un complot, Laurent Toubiana l’épidémiologiste qui niait la possibilité d’une seconde vague, la Pinçon-Charlot sociologue de la reproduction sociale, désormais 74 ans et hantée par « l’holocauste climatique », dont la qualité scientifique des travaux a baissé en proportion de son engagement politique à gauche toute – ainsi que nombre d’autres, cités dans le faux documentaire Hold up. Un film viral qui connait un gros succès de complotisme sur l’air (connu) de « tous pourris ! on nous ment ! on nous cache des choses ! ».

Le complotisme, l’opium des imbéciles, a surgi aux Etats-Unis en 2001 après les attentats du 11-Septembre ; l’élection présidentielle américaine avec ses enjeux de race et de repli national-sécuritaire de 2020 l’a ravivé ; la pandémie du virus chinois l’a conforté. Il était préparé par le biblisme sommaire qui imbibe les esprits faibles des grandes plaines et les laborieuses cités du Nouveau monde.

A suivre…

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