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Les trois mousquetaires de Richard Lester

Une série à l’ancienne de trois films d’1h45 chacun environ pour mettre en images les romans célèbres d’Alexandre Dumas. L’histoire est connue, d’Artagnan (Michael York) est un cadet de Gascogne écervelé, au corps souple et plein d’énergie, que son père ancien soldat a entraîné vigoureusement à l’épée et à la lutte pour l’envoyer à ses 18 ans à Paris, auprès du comte de Tréville (Georges Wilson), capitaine-lieutenant des mousquetaires du roi. Une lettre de recommandation lui est confiée ainsi que l’épée du grand-père en souvenir du bon vieux temps.

Le cadet agira comme un jeune chien dans un jeu de quilles, se battra en duel contre les gardes du cardinal et se fera trois amis, couchera avec sa logeuse qui a l’oreille de la reine, laquelle lui confie la mission d’aller récupérer à Londres des ferrets de diamant imprudemment donnés à Buckingham son amant de cœur. Aidé de son fidèle laquais Planchet (Roy Kinnear), d’Artagnan trouvera sur sa route le comte de Rochefort (Christopher Lee), capitaine des gardes du cardinal et Milady (Faye Dunaway), une perverse narcissique qui travaille contre la reine et Buckingham.

D’Artagnan est un personnage qui a vraiment existé, de son vrai nom Charles de Batz de Castelmore, né vers 1615 près de Lupiac en Gascogne et mort au siège de Maastricht en 1673, après que Louis XIV lui ait fait arrêter en 1661 le surintendant Fouquet puis l’ait fait gouverneur de Lille. D’Artagnan a habité au numéro 1 de la rue du Bac à Paris dans un hôtel particulier et a eu deux fils prénommés Louis tous les deux. Il a pris des notes avec lesquelles Gatien de Courtilz de Sandras a rédigé à la Bastille des Mémoires apocryphes qu’Alexandre Dumas, les découvrant par hasard chez son ami Joseph Méry à Marseille en 1843, s’empresse de reprendre pour son feuilleton dont le premier tome paraît en 1844. Quant aux autres « trois », ils ont aussi existé parmi les mousquetaires : Armand de Sillègue d’Athos d’Autevielle, Isaac de Portau et Henri d’Aramitz, tous Béarnais. Mais Dumas a bien sûr raccourci, enjolivé et déformé pour créer une œuvre d’imagination emplie d’action et de verve.

Le film de Richard Lester simplifie et caricature encore, ce qui est la loi du genre. Notre époque pressée préfère le simplet et les images font, plus que la lecture, support à l’imaginaire. La première scène où le jeune d’Artagnan se bat torse nu comme un lion contre son père qui finit par reconnaître qu’il est devenu son égal est un morceau d’anthologie. Après la sortie du film, en 1974, nombre de jeunes garçons sortaient se battre aux bâtons sans chemise sur les stades et dans les prés. D’autres scènes juste assez érotiques pour titiller la puberté naissante, sans faire sourciller les parents rigoristes, restent à la mémoire. Constance Bonassieux (Raquel Welch), la logeuse de Paris au mari faible et niais, femme de chambre de la reine, est bien jolie et aime prendre du plaisir avec les jeunes hommes plein de vigueur qui lui plaisent. Cela tombe à pic, d’Artagnan garde rarement sa chemise et ne la ferme presque jamais avant d’être devenu mousquetaire et policé. Plus tard, ce sera la courtisane espionne de luxe « Milady » dite « de Winter » alors qu’elle a été flétrie de la fleur de lys sur l’épaule comme voleuse et putain, qui sert les intérêts du cardinal duc de Richelieu (Charlton Heston). Elle est bien plaisante elle aussi et sait faire agir ses charmes, notamment la naissance de ses seins ; mais elle est un adversaire redoutable, loin d’être une faible femme, et porte toujours un poignard dans son corset entre ses deux mamelles.

Des « trois » mousquetaires restants, seul Athos (Oliver Reed) a quelque consistance dans le film ; les deux autres sont insignifiants et servent de faire-valoir. Porthos (Frank Finlay) est balourd et vaniteux, dépensier et constamment perdant ; Aramis (Richard Chamberlain) est fin et bien mis mais fasciné par la prêtrise. Athos, le plus âgé, prend le jeune d’Artagnan sous son aile, comme un fils qu’il croit n’avoir jamais eu (lisez la suite, Le vicomte de Bragelonne, pour le savoir). Il a été marié à une femme très belle à qui il a donné son titre de comte de la Fère, son château et sa fortune, et dont il a découvert la flétrissure lors d’une chute de cheval. Il l’a répudiée mais n’a jamais pu oublier son amour. Il la fera condamner au terme de péripéties aventureuses où elle trahit la reine de France Anne d’Autriche (Geraldine Chaplin) puis le duc de Buckingham (Simon Ward), Premier ministre d’Angleterre avec qui elle couche avant de le faire zigouiller, d’étrangler la Bonnasieux et de tenter de tuer à plusieurs reprises d’Artagnan après l’avoir mis dans son lit. Car il s’agit de Milady, évidemment. Le bourreau de Béthune, sur les terres de la Fère, lui tranchera la tête pour cinq pistoles, comme on fait d’un serpent.

Le roi Louis XIII (Jean-Pierre Cassel) est présenté comme frivole et bêta, la reine comme une jolie femme qui s’ennuie mais ne veut pas trahir son mari, son roi, ni la France. Le cardinal de Richelieu, en revanche, est un grand personnage du film, l’égal de d’Artagnan en importance. Il est fin, raisonnable et a le sens de l’honneur. Il fait de la haute politique, ce qui implique les intrigues et le meurtre, mais sait reconnaître les qualités de ses adversaires. A commencer par d’Artagnan, mousquetaire du roi, que les gardes du cardinal ne cessent de provoquer en duels divers. Ceux-ci sont assez mal organisés dans le premier opus, mieux dans le second, à moins que l’on s’habitue à ce que l’épée soit maladroite et les coups de pieds ou de poings majoritaires. C’est en tout cas un bon spectacle.

Les costumes sont superbes et les lieux bien rendus, quoique le palais du Louvre fasse carton-pâte en fond de décor. Des galapiats errent entre les soldats, les marins et sur les marchés, dépoitraillés à loisir à la mode des années 70, et toute cette vie bien rendue est un plaisir supplémentaire et un clin d’oeil aux gamins spectateurs. De même qu’un certain humour, comme ce duel sur la glace entre Rochefort et d’Artagnan puis, au siège de La Rochelle, ces moutons chassés par les canons qui tirent un à un – après qu’un prêtre catholique les eut bénis !

Une bonne série pour enfants et adolescents, emplie de scènes d’action, d’amitié virile et de désirs délicats pour les belles femmes, sur fond d’honneur du royaume et de trahisons d’espions.

DVD Les trois mousquetaires 1973 – On l’appelait Milady 1974 – Le retour des mousquetaires 1989, Richard Lester, 1973, avec Michael York, Faye Dunaway, Oliver Reed, Raquel Welch, Geraldine Chaplin, Charlton Heston, Richard Lester, Christopher Lee, Richard Chamberlain, Jean-Pierre Cassel, Frank Finlay, StudioCanal 2004, 5h04, €148,64

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Antoine Blondin, Certificats d’études

Certificats au pluriel car il s’agit de préfaces sollicitées aux œuvres classiques ; études au pluriel car ces œuvres sont éclectiques mais souvent liées à l’éthylisme, grande spécialité de l’auteur, et au non-conformisme, expertise qui va de soi.

Antoine Blondin, lettré diplômé et fils de poétesse, possède ses auteurs sur le bout de la plume. Il évoque délicieusement leurs talents, malicieusement leur vie et souverainement leur œuvre. Ce mince volume est un bijou de lecture qui se parcourt agréablement. Vous y apprendrez beaucoup de choses, hors des sentiers battus par Mesdames et Messieurs les profs qui ne veulent retenir que ce qui leur apparaît convenable à enseigner.

Sur Baudelaire, « je découvris que cet anarchiste s’imposait des disciplines implacables, que ce mauvais fils adorait sa mère, que ce loup solitaire pouvait saigner d’amour et d’amitié, que ce dandy sarcastique en appelait au lecteur son ‘frère’ » p.13. Et qu’il écrivait des femmes : « La bêtise est souvent un ornement de la beauté » (Salon de 1846), cité p.39.

Suit Dickens, cet « oncle d’Angleterre » qui « fait visite à Noël » (on offrait ses livres aux jeunes adolescents) : « Ouvrir Dickens, c’est, par miracle, pénétrer dans une maison fortifiée contre la misère, la sottise, l’injustice, terre promise après un long cheminement sur des routes picaresques, parfois cruelles » p.59.

Edith Gassion, môme Piaf, c’est « la misère apprivoisée ». Elle s’est éteinte la même matinée que Jean Cocteau, « autre porteur de clefs, prince et portier majuscule de territoires qu’il nous avait ouverts, entrouverts, plutôt » p.77. Ce qui est troublant, ajoute l’auteur, « c’est qu’il faille le prendre au sérieux » p.81. Son chef-d’œuvre, c’est sa vie, c’est la vie. Cocteau – qui le sait ? – a été proposé pour la croix de guerre 1914.

Homère a créé avec le périple d’Ulysse un nom commun : l’odyssée. Chacun peut raconter la sienne alors que nul ne racontera son iliade. « En quelque façon, L’Odyssée pourrait s’intituler « Ma femme m’attend », dit drôlement l’auteur p.95. Et, dans un milieu mâle, « qu’elle envoûte les hommes, comme Circé, ou les retienne, comme Calypso, la femme dans L’Odyssée jouit des plus grands pouvoirs » p.96. Gardienne du patrimoine, elle est l’opulence qui fait la douceur de vivre autour de la Méditerranée.

Jacques Perret est moins connu, « Français au long cours », conteur sentimental. « Mais plus encore que la saveur française où baigne son propos, le burlesque de la satire, l’infaillibilité de l’argumentation, l’ingéniosité vertigineuse des développements, ce qui attire et retient, c’est la curiosité affectueuse de cet œil sereinement ouvert sur les hommes à travers les âges et les espaces » p.107. Il aime les gens.

D’Alexandre Dumas, les éditeurs n’ont demandé à l’auteur que de préfacer les romans Henri III, La Reine Margot, La Dame de Monsoreau et Les Quarante-cinq. Les Atrides revivent chez les Valois en 1572. « Dans le sombre palais, où un roi débile prélude à son dernier soupir en s’époumonant dans un cor de chasse, les cousins se tendent des embuscades au détour des couloirs, de jeunes gens jaloux rejoignent leurs propres sœurs dans leurs chambres, une reine-mère terrifiante colle son oreille aux tuyaux des cheminées et son œil aux serrures pour conserver le gouvernement des intrigues où ses rejetons se déchirent » p.113. Voilà du romanesque, du Dumas in situ, de la cavalcade et de l’honneur.

Goethe, le Mao allemand de son temps, a écrit son « petit livre rose » avec son Werther. Amour impossible, suicide de jeunesse, mal du siècle. Une « inertie violente », commente l’auteur, vie intérieure intense et vie extérieure d’une vacuité totale – tout comme nos petits intellos d’aujourd’hui.

Le « mal du siècle », s’est incarné officiellement en Alfred de Musset, vicomte et poète, qui l’a théorisé en sa personne. Malheureusement amoureux de cette ogresse dominatrice bisexuelle que fut « George » Sand, il s’est flétri dans le masochisme et la consomption. Antoine Blondin le compare à James Dean et cela crée des étincelles de compréhension : « L’ivresse chez l’un, c’est la vitesse chez l’autre : même griserie » p.144. Musset comme Dean, « ce sont des après-guerres qui ont lâché dans l’existence des êtres échappés aux routines d’une éducation traditionnelle », dit encore finement l’auteur, p.146. L’enfant du siècle était bien resté un enfant, « malgré la débauche » p.151.

Francis Scott Fitzgerald est « un beau carnassier (…) vulnérable » p.159, écartelé entre « la jouissance et la grâce (au sens théologique) » p.161. La sexualité est un instrument du salut. O. Henry est au contraire un conteur du Far West qui met en scène un « peuple exquis d’escrocs au grand cœur empêtrés dans des tourments sereins » p.170. Voilà pour les Amériques.

De Balzac, Le cousin Pons clôt la Comédie humaine. Balzac se détraque, Madame Hanska se dérobe, leur enfant nait mort. Pons appartient à ces « esprits fins et sensibles promis aux agressions jalouses des esprits inférieurs et brutaux. Ce qui distingue Pons, c’est la sensualité très particulière où il baigne et les modes de refuge qu’ont adopté ses appétits » p.185. Roman de l’union et de l’amitié, il est l’inverse des romans de l’ambition qui précèdent.

Dernier auteur : Rimbaud. Blondin voit en lui un manipulateur de ses aînés du Parnasse, dont Verlaine, ours aux appétits homos qui adorait « les étreintes d’Hercule » dans les chambres d’hôtel avec l’éphèbe des Ardennes. Jean-Arthur, lui, n’aime pas, en égoïste profond. Fugueur et rebelle, il prenait « des prétextes divers où entraient la gloutonnerie des horizons nouveaux, la frustration d’un exilé de naissance précocement réduit au chômage spirituel par la guerre [de 1870], les engouements complexes d’un communard adolescent » p.193. Le poète n’est un Voyant que par « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens » : « A l’entendre, la débauche et l’insanité constituaient de parfaits modes d’investigation » p.198. Mais, à 20 ans, il est fini comme poète ; commence une autre vie qui restera stérile.

Le lecteur ressort de ce recueil ébloui de fulgurances jamais émises, familier de ces auteurs devenus « grands » dans le dictionnaire, heureux du style qui les dit. Un grand livre joyeux sur la littérature !

La pagination indiquée est celle de l’édition épuisée en Livre de poche 1979.

Antoine Blondin, Certificats d’études, 1977, La table ronde, Petite vermillon 2016, 256 pages, €4.92

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Django unchained de Quentin Tarantino

Django est un esclave déchainé (Jamie Foxx). D’où la fascination et la répulsion qu’engendre le film. Il est fort bien construit avec scènes fortes, second degré et explosions hollywoodiennes. Mais le sadisme affiché de la violence esclavagiste, la jouissance de se venger de façon atroce et l’inversion des valeurs humanistes produit un net malaise.

Django est un Noir esclave, vendu pour rébellion après avoir été abondamment fouetté pour s’être enfui, deux ans avant la guerre de Sécession. Il est convoyé en tunique, enchaîné avec d’autres, comme les bourgeois de Calais soumis par l’envahisseur anglais dans notre culture. Dans la forêt profonde arrive une carriole surmontée d’une quenotte branlante, la voiture d’un dentiste itinérant. Son conducteur, un Allemand américain qui se présente comme le docteur Schultz (Christoph Waltz) propose dans un vocabulaire fleuri et un brin précieux de racheter l’un des nègres de la caravane aux deux soudards qui les conduisent. Mais ceux-ci n’en ont cure ; ils sont donc descendus aussi sec et les nègres libérés. Django est donc en premier lieu désenchaîné.

Le dentiste est un chasseur de primes incognito et il propose à Django de lui donner sa liberté s’il reconnait pour lui, car il ne les a jamais vus, trois frères condamnés pour meurtre recherchés par la justice et pour lesquels une grosse prime est promise. Commence alors une association entre l’Allemand et le Nègre (la carpe et le lapin dans l’imaginaire) qui fait le sel du film. La chasse est palpitante, les fusils précis et les maximes définitives.

Sauf que l’humaniste germain qui croit en l’égalité des hommes et délivre les esclaves n’a aucun scrupule humaniste à descendre un père, certes meurtrier et condamné, mais sous les yeux de son fils encore enfant. Son acolyte ne manque pas de lui faire remarquer. Mais l’existence est une struggle for life darwinienne et les Etats-Unis ne se sont construits que sur le droit du plus fort. L’esclave est donc requis d’imiter le maître : il singera son adresse au tir, ses décisions sans pitié, son bagout pour circonvenir les niais. Mais ce n’est pas se libérer, le chameau ne fait que se transformer en lion selon la métaphore de Nietzsche. Il ne devient pas « enfant », c’est-à-dire entière liberté, épanouissement personnel. En témoigne son déguisement en Gainsborough 1770 et son ultime costume de mac qu’il trouve à son goût. Tout frimeur montre sa faiblesse au regard des autres en affichant sa prétention.

Une fois l’hiver de chasse passé et fortune faite pour les deux, Django désire retrouver sa jeune femme esclave Broomhilda dont il a été séparé de force (Kerry Washington). Le prénom est allemand, le Brunhilde de la Chanson des Nibelungen, et Schultz est séduit. Même fouettée et violée, utilisée par tous ceux qui le peuvent, elle reste le grand amour de Django, mythe américain puissant mais un brin naïf, comme quoi l’univers Disney n’est jamais loin des gros machos à Colt. C’est ce qui fait la faiblesse du scénario : si une vie nouvelle commence, pourquoi renouer avec les vieilleries ?

Les oripeaux du passé vont d’ailleurs détruire l’alliance miraculée entre le pseudo-docteur Schultz et l’ex-esclave Django. Le premier va élaborer un scénario alambiqué et à mon avis complètement tordu pour racheter la belle sans en avoir l’air (pourquoi, justement, ne pas en avoir l’air ?). Le planteur Calvin J. Candie (Leonardo DiCaprio) dans sa plantation du Mississippi, la quatrième par ordre d’importance de l’Etat, est riche et n’a cure de faire affaires avec ceux qu’il ne connait pas. Comme il est amateur de lutte mandingue, Schultz l’appâte avec une offre d’achat d’un lutteur. Mais ledit Calvin, au prénom de célèbre prédicateur protestant et au nom de sucre d’orge, n’est pas intéressé. Il fait combattre les lutteurs pour son plaisir de voir du muscle souffrir et le vaincu est tué d’un coup de marteau par le vainqueur : telle est la loi de nature.

C’est alors que le docteur fait exprès une offre extravagante, la tactique même du « pied dans la porte » des manuels de marketing. C’est que l’Amérique reste l’Amérique et que seul le « deal » est digne des relations sociales et est propice, croit-on, à faire avancer les choses. Offrir 12 000 $ pour un nègre qui en vaut en gros 500 est à considérer. « Messieurs, vous aviez ma curiosité, maintenant vous avez mon attention », dit le cabot. Car le Caprio est cabotin comme jamais, soucieux de se démarquer une fois de plus de son rôle d’éphèbe romantique dans Titanic, il ne cesse d’accumuler les personnages de Tycoon machos et cruels ; il en rajoute, il en fait trop, il est immonde. Ce qui fait la faiblesse du casting.

Le maître blanc est flanqué d’un intendant noir obséquieux et gluant comme on en fait peu (Samuel L. Jackson). Il se veut plus blanc que blanc, plus conventionnel que les conventions, gardien scrupuleux des règles et punisseur sans pitié. Il a fait enfermer Broomhilda entièrement nue dans « l’étouffoir », un coffre de métal laissé en plein soleil. Il ne comprend pas que son maître lui demande de la délivrer pour que son hôte puisse parler allemand avec elle, langue qu’elle a apprise d’une précédente maitresse. Il ne comprend pas non plus qu’un nègre puisse monter un cheval et il surnomme Django « nègre en selle ». Il n’aura de cesse que de soupçonner un complot contre l’ordre social dans lequel il a su se couler (et il n’aura pas tort). Ce personnage est original et amusant, caricature mais de qualité du larbin inamovible, de l’esclave-né. Il hait Django et en même temps le délivre, espérant en la liberté par procuration, lorsque celui-ci se retrouvera nu pendu par les pieds et menacé de se voir couper les couilles.

Je ne vous conte pas la fin, ce serait déflorer l’action, mais fusillades et explosion font partie du programme (sauf que la dynamite n’a été inventée qu’en 1866, soit 16 ans après l’histoire). La liberté dans un grand feu d’artifice, cela fait barnum, effet tout à fait adapté au QI étriqué des partisans de Trump qui pointaient déjà sous Obama (un « nègre » à la Maison Blanche, vous n’y pensez pas !).

Tarentino, dans sa haine de mode pour tout ce qui a construit le monde d’aujourd’hui inverse les valeurs. Les Blancs se croyaient supérieurs aux Noirs ? Un Noir leur prouve qu’ils sont plus cons. Candie avait nommé l’un de ses lutteurs d’Artagnan avant de le jeter aux chiens mais, lorsque le docteur Schultz lui demande s’il apprécie Alexandre Dumas, l’auteur des Trois mousquetaires paru sept ans auparavant dont d’Artagnan est le personnage principal, il répond qu’il le prise fort. Or, répond Schultz, Dumas est issu d’une grand-mère esclave noire aux Antilles… Le Blanc étale sa culture mais ne la possède pas. Il croit se fonder sur la science, la phrénologie ou étude des crânes, comme il était de bon ton à l’époque, pour « prouver » que les trois petits bourrelets à l’arrière du crâne d’un Noir sont plus petits que ceux d’un Blanc.

Tarantino a hésité entre film spaghetti, drôle et décalé, et message humaniste. La violence gratuite très commerciale, censurée pour les versions télé en prime time, a tout gâché. Si elle permet de ne pas masquer le réel, c’est-à-dire l’exploitation cruelle d’êtres considérés comme sous-humains, elle alimente chez le spectateur un voyeurisme morbide qui va alimenter chez certains la pulsion d’imiter. Ce n’est pas le meilleur du cinéma américain qu’il soit poussé vers de plus en plus d’outrance pour faire du fric.

DVD Django unchained, Quentin Tarantino, 2012, avec Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Kerry Washington, Samuel L. Jackson, Sony Pictures 2013, 2h39, standard €1.79 blu-ray €12.20

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