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Tarquinia ville

Nous remontons dans l’atmosphère à 32° affichés par une pharmacie pour aller déjeuner dans un petit restaurant d’une ruelle en pente. Il s’appelle Le Due Orfanelle (les deux orphelines) s’ouvre sur une cour intérieure avec terrasse où nous sont servis un plat simple de charcuteries et des salades.

Dans une vitrine de la ville, un torse de femme à poil vendu pour 10 € à qui le veut.

Une statue en bronze d’une danseuse acrobate dont la contraposition audacieuse lui permet de présenter à la fois sa face et ses fesses !

Nous reprenons ensuite la route vers Rome, en passant par l’aéroport.

Ce voyage intéressant a été effectué avec l’agence Chemins du sud.

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Colette, La vagabonde

Après Claudine, Annie, Minne, voici Renée – mais c’est toujours la même histoire, celle de Sidonie-Gabrielle Colette elle-même, devenue auteur de plein exercice sans la tutelle de son ex, Willy. Celle d’une libération des rets du mariage et de l’idéalisme de l’Amour. Ne reste que la solitude, les copains, et ce prurit de sensualité qui s’en va doucement avec l’âge. C’est que Colette aborde bientôt la quarantaine, à tous les sens du mot.

Voici donc Renée Néré au mari aimé devenu infidèle, qu’elle a quitté un jour sans se retourner alors qu’il lui disait d’aller se promener pour pouvoir lutiner en toute tranquillité sa maîtresse. Comme il faut vivre, il faut travailler. Renée écrit trois romans (comme les trois Claudine) puis use de son corps pour danser, mimer. Elle s’exhibe dans les petits théâtres de la périphérie parisienne, nue sous son long voile qui laisse entrevoir parfois un sein, et deviner le reste. Le music-hall est son usine, les comédiens sa famille, le maquillage et la danse son métier. Elle court parfois les cachets des représentations privées chez de riches bourgeois qui payent pour le spectacle à domicile. Renée y revoit alors, un peu honteuse, ses anciennes relations du temps de son mari, le peintre Taillandy très connu mais au talent limité.

Un soir, un riche oisif de province monté à Paris vient la relancer dans sa loge. Il est tombé amoureux d’elle, ou plutôt, pense-t-elle, il désire son corps puisqu’il ne sait rien de sa vie ni de son tempérament. Elle soupire, le siège amoureux l’ennuie, elle sait bien comment cela peut finir. Mais Maxime Dufferein-Chautel insiste (dans la réalité, il s’agissait d’Auguste Hériot, oisif, d’une famille propriétaire des Grands magasin du Louvre). Il est du même âge qu’elle, bel homme, héritier d’une scierie dans les Ardennes avec son frère aîné ; il a de l’argent, il rêve du mariage paisible avec foyer stable et enfants – l’anti-Willy absolu. Il fait son siège sans forcer, tout en douceur, attentif à ce qu’elle peut supporter ou vouloir. Cela la touche, voilà un homme bien différent de son ex-mari qui prenait son plaisir en prédateur et considérait son épouse comme un bien à exhiber ou à reléguer à son gré.

Renée est tentée : après tout, le mariage est la sécurité, matérielle mais surtout affective si le mari est fidèle. Elle se laisse courtiser et l’amour naît des relations qui progressent, sans aller jusqu’à la consommation ultime. Son impresario Salomon lui propose avec ses partenaires masculins une tournée théâtrale en province de quarante jours. Exactement la durée que Jésus fit au désert – est-ce un hasard ? Renée pourra y réfléchir, à ce nouvel amour, décider si sa vie prend une autre voie que celle de la solitude.

La vagabonde est lassée de ses vagabondages et, en même temps, les désire. Il y a tant de choses à voir et à sentir dans la nature, les forêts d’Ardennes mais aussi les joncs bretons et le brouillard de Lyon ou un carré de mer bleue à Marseille. Et puis l’usure de la jeunesse est là, la vieillesse vient avec les rides ; bientôt la beauté ne sera plus qu’apprêts et maquillages, Maxime l’aimera-t-elle encore en sachant que l’homme reste physiquement moins atteint que la femme par les effets de l’âge ?

La perspective d’une tournée en Amérique du sud se profile… Renée prend alors sa décision. Elle ne peut retomber en mariage. Elle doit poursuivre sa vie choisie sans la confier à un autre. Une fois son métier devenu impossible, lui restera la ressource de l’écriture, dont elle a déjà tâtée.

Colette fait dans ce roman un bilan en trois mouvements de ses expériences amoureuses et de son essai matrimonial, un de plus. Mais avec un talent renouvelé, plus apaisé, plus mûr. Sa réflexion personnelle se mêle au métier de théâtre, aux coulisses et aux gagne-petit. Car le premier mouvement est celui des vagabonds des café-concert et des petits théâtres, les comédiens, danseurs et acrobates sont seuls mais solidaires, n’ayant que des camarades. Brague le mime est exigeant avec lui-même et enseigne aux autres ; Bouty se consume de maladie et maigrit ; Jadin la goualeuse est le portrait de la réelle Fréhel ; toute comme Cavaillon est le vrai Maurice Chevalier, un temps amoureux de Colette.

Le second mouvement est celui du miroir, il révèle l’image et « réfléchit » la personne. Renée est vide mais se reflète en danseuse et revit son mari en Max, donc reste toujours en devenir. S’il y a de la désillusion sur l’idéal de l’Amour, tant vanté des salons et de la littérature (le romantisme s’achève à peine) et une nostalgie pour la vie à deux au calme dans la nature, à peine vécue avec Willy, rien n’est figé.

Le troisième mouvement est de faire front. C’est une victoire sur soi-même, le désir dompté par la raison, l’instinct impérieux et sauvage qui la lie à la terre, les convenances jetées par-dessus les moulins pour vivre sa vie propre – libre – de femme émancipée. Il y faut du courage.

Colette, La vagabonde, 1910, Livre de poche 1975, 251 pages, €7,40, e-book Kindle €5,99

Colette, Œuvres tome 1, Gallimard Pléiade 1984, 1686 pages, €71,50

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Dessins de Montherlant

Henry de Montherlant n’a pas été qu’essayiste, romancier ou homme de théâtre – il a aussi dessiné. Le regard était pour lui tout, ce pourquoi il a quitté la vie lorsque ses yeux ont trop faibli.

Près du Pont-Neuf ont été exposés en 1979 quelques dessins que fit Montherlant. L’œil a pu apprécier la nervosité des traits de crayon sec. Il a suivi la ligne ferme, épurée, vive et nue comme une taille d’épée. En croquis rapides est esquissé le mouvement des corps.

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Les toreros sont des danseurs et les taureaux de combat ont la vie puissante et magnifique des charbons de Lascaux. Sobriété des lignes, contraste affirmé des ombres et des lumières, sol y sombra. Montherlant a la maîtrise du geste qui lui fait saisir l’essence du mouvement, le squelette même de l’attitude. Son crayon a pris l’acuité de sa pensée, il aime la litote en littérature et le trait est un raccourci plus net encore.

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Ses études féminines sont un peu académiques, comme si l’œil avait analysé les parties plutôt que le tout, soucieux des attaches d’un sein ou du port d’une hanche plus que du corps tout entier en son architecture. Les chairs sortent un peu molles, à l’image peut-être des Jeunes filles anémiques du Paris bourgeois des années 30 qui ont donné ce roman contre les femmes de son temps (pas contre toutes les femmes).

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Seules les danseuses espagnoles ont du chien, Montherlant aimant saisir la cambrure et le mouvement, analogues à ceux des toreros.

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Les dessins d’enfants sont presque inexistants et comme maladroits. Ils sont difficiles à saisir, les gosses, surtout lorsque l’on aime ce qu’ils ont d’inachevé. L’enfant n’a pas cette beauté sereine, sûre d’elle-même, de la sculpture classique. Les enfants n’ont rien encore de ces jeunes hommes souples et musclés qui jouent avec les taureaux. Le charme de l’enfance est plutôt impressionniste, une métamorphose continue, l’ininterrompu des gestes, le mouvement délié du corps. Difficile à figer, cette grâce qui naît de la durée. Et, puisqu’il s’agit d’un « petit », à l’image que nous étions, l’œil dialogue avec le cœur. Le portrait ne rend pas cette beauté dynamique faite d’amour qui devient. Il n’offre qu’un beau visage, cet achevé qui est aussi une fin.

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Montherlant aimait l’achevé pour en saisir le dessin ; mais il préférait le devenir, ce que sa main ne savait tracer. Ce pourquoi il a plutôt écrit que dessiné, au fond. Bien qu’il s’y soit essayé.

Henry de Montherlant, Dessins, préface de Pierre Sipriot, Copernic 1979, 190 pages, 88 planches, €14.12

Henry de Montherlant, Essais, Gallimard Pléiade, 1963, 1648 pages, €62.00

Henry de Montherlant, Théâtre, Gallimard Pléiade 1955, 1472 pages, €49.50

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Yasunari Kawabata, La danseuse d’Izu

Il y a l’avant-guerre et l’après-guerre, la jeunesse et l’âge mûr, mais ces cinq nouvelles parlent toujours d’homme et de femme, et d’amour impossible. La nature donne l’exemple des saisons qui passent, des éléments qui se déchaînent, de la lune qui se mire et disparaît. Dureté du roc et voiles de brume, le style de Kawabata est un paysage du Japon, élégant et cruel.

yasunari kawabata la danseuse d izu

La danseuse d’Izu est une adolescente qui suit sa famille de baladins errants d’auberge en auberge de montagne. Elle est jeune, belle, innocente ; et pourtant s’offre en spectacle, vend son corps en mouvement, récolte de l’argent. Elle ensorcelle mais ne se donne pas, encore fille et toujours rêve. Pour Kawabata à 20 ans, frustré de mère trop jeune, la femme est ce mystère, appel érotique et angoisse de dégradation, pureté de fleur et anticipation du fruit mûr.

Lycéen mélancolique dans la première nouvelle, il marche avec la jeune fille et parle avec son frère. Jeune fille morte il dit le bouddhisme pour qui tous les esprits s’unissent après la vie dans la seconde nouvelle, ce don d’aimer que l’on prend dans l’existence si l’on est vertueux. Célibataire dans la trentaine, il tente l’amour avec les bêtes, élevage de chiens et d’oiseaux, mais ne peut les garder dans la troisième nouvelle, car la nature n’est pas la cage ou la maison. Soldat de retour de la guerre, après la défaite et l’occupation dans la quatrième nouvelle, le narrateur mûr retrouve une femme qu’il a aimée avant, bien que marié, et l’emmène baiser dans les ruines de Tokyo en retrouvailles – sans savoir de quoi demain sera fait pour tous les deux. L’ultime nouvelle voit le narrateur malade, n’ayant vue du monde que par un miroir de poche que sa femme lui a donné afin qu’il regarde le potager, le jardin, les enfants qui jouent – et son visage aussi, qui se dégrade.

La réalité n’est-elle pas plus belle dans le souvenir qu’elle nous laisse ? L’au-delà ne nous fait-il pas aimer plus encore l’ici-bas ? Les couples d’oiseaux ne nous montrent-ils pas l’exemple de l’amour accompli jusqu’à la mort entre mâle et femelle ? Les destructions de la guerre ne remettent-elles pas les valeurs de vie à l’endroit ? Le monde n’est-il pas plus brillant vu dans un miroir ? Ce sont toutes ces questions qu’agitent imperceptiblement ces nouvelles. Légèreté des amours défuntes ou ratées, silences malheureux, émotions incommunicables, désirs impossibles… Pas de joie sans tristesse, pas de lumière sans ombre, pas de vie sans la mort.

Et la nature, toujours, en fond de décor, écrite au scalpel d’une plume directe : « Vers le soir, une pluie violente se mit à tomber. Le paysage de montagne, blanchi par l’averse, perdait toute profondeur. La rivière qui coulait devant l’auberge, devenue trouble et jaune en un instant, grondait fort » p.14. Dans cet écrin, les corps apparaissent comme éléments de la nature, brins de vie comme des arbres ou des bêtes. « Puis aussitôt je vis une femme nue sortir en courant de la salle de bain sombre ». Dans les auberges traditionnelles japonaises, les bains publics sont à l’extérieur, bordés d’une véranda de bois. « Elle n’avait même pas une serviette sur elle. C’était la danseuse. A la vue de ce corps blanc, de ces jambes sveltes comme de jeunes paulownias, je sentis de l’eau fraîche couler dans mon cœur et, poussant un profond soupir, soulagé, je souris paisiblement. Elle n’était encore qu’une enfant. Enfant au point que, tout à la joie de nous apercevoir, elle sortit nue sous le soleil et se haussa sur la pointe des pieds. Mon sourire s’attarda longtemps sur mes lèvres, une joie claire m’emplissait ; j’en eus la tête comme nettoyée » p.16. Il lui croyait 17 ans, la danseuse n’en a que 14 : impossible érotisme.

Raffinement et désespérance, le bonheur est avidement recherché mais s’en va aussitôt. Tout est vain parce que tout est éphémère ou décalé. Seule la mémoire, révélée par l’écriture, sauve l’existence de ce qu’elle a de fugace.

Yasunari Kawabata, La danseuse d’Izu (5 nouvelles), 1926-1953, Livre de poche 1984, 124 pages, €4.37

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