
Premier roman d’un éditeur danois aux études éclectiques, et premier d’une série policière de la Section V. Carl Mørk est « vice-commissaire » et vient de s’être fait tirer dessus ; son partenaire Hardy est resté paralysé. Ils n’ont rien pu faire contre des malfrats déterminés. Mais Carl est vieux, bougon et pas aimé. Le chef de la brigade criminelle profite d’une proposition de loi du Parti populaire danois approuvée par le Parlement pour créer un pôle des Cold cases, les affaires non résolues. Il est baptisé Département V, non pas le chiffre 5 romain, mais le V de l’alphabet, qui est la première lettre du nom du parti libéral : Venstre.
Qui de mieux que l’enquêteur hors pair mais misanthrope Carl Mørk pour en prendre la tête ? Le budget alloué à cette nouvelle entité – confortable – servira à toute la brigade criminelle, mais Carl aura les mains libres. On lui trouve un bureau (au sous-sol), un homme de ménage assistant (auprès du bureau de chômage), et quelques dossiers (poussiéreux) ignorés depuis longtemps pour l’occuper. A lui de voir.
Il voit. Rien que des enquêtes bâclées, mal menées, où des pièces manquent, des témoignages n’ont pas été relevés, des pistes pas suivies. La routine de la bureaucratie qui a trop d’affaires en cours et trop de pression sur les cas les plus médiatiques, sans parler des lacunes de la formation policière.
Une affaire retient particulièrement l’attention de son nouvel assistant : la disparition cinq ans auparavant de Merete Lynggaard, vice-présidente du parti Démocrate au Folketing (Parlement danois). C’était sur un ferry, avec son frère handicapé Oluf ; on a supposé qu’elle s’était noyée, mais… Le jeune homme, réfugié de Syrie pour raisons politiques, avait lu des articles dans les journaux évoquant cette affaires alors qu’il apprenait le danois.
Un curieux personnage que cet immigré de 1998 engagé comme homme de ménage et devenu chauffeur du vice-commissaire, puis carrément assistant. Il se fait appeler Hafez el Hassad – comme le dictateur syrien. Mais il reste mystérieux sur sa vie d’avant. Aurait-il été dans la police ? Les services secrets du régime ? Il a en tout cas l’œil affûté, l’esprit prompt et l’enthousiasme qui convient. Sauf qu’il ne connaît pas les procédures et met souvent les pieds dans le plat devant les suspects.
Toujours est-il que, partant de presque rien, le duo improbable va arriver à presque tout. Merete a été enlevée, elle ne s’est pas noyée. Elle est détenue depuis cinq années dans une cellule de pression d’un ancien laboratoire de pointe qui travaillait pour les centrales nucléaires. Les chapitres alternent entre le présent et le passé, permettant d’expliquer pas à pas tout en ménageant un certain suspense, ce pourquoi je ne dévoile pas grand-chose en disant cela.
Tout remonte à l’Accident primordial, le jour où Merete avait 14 ans. Elle chahutait avec Oluf à l’arrière de la voiture quand son père s’est mis à doubler une Ford sur la route enneigée. Les deux voitures ont embouti les arbres, les parents de Merete sont morts sur le coup, ainsi que le père et deux enfants de l’autre voiture. Deux autres enfants ont été blessés, Merete indemne et Oluf retardé dans sa croissance.
Elle disparaît du ferry juste après s’être disputée avec son frère Oluf. Est-elle tombée à la mer ? En ce cas, son corps aurait fini par être repêché, tant la Baltique est une mer fermée. Y aurait-il autre chose ? Une affaire crapuleuse, ou politique ? Un crime maquillé en accident ? Carl et Hassad reprennent l’enquête du début, sollicitent les témoignages pas pris en compte alors, reconstituent les derniers jours de la vice-présidente aux dents longues, recherchent les personnes non interrogées.
C’est long, c’est tordu, c’est bien découpé : une belle enquête qui tient en haleine. Certes, le personnage d’Hafez el Hassad paraît plus sympathique au lecteur que le vieux flic Carl Mørk – et les autres policiers, comme les journalistes, sont dépeints plus noirs qu’ils ne sont peut-être dans la réalité. Mais l’auteur a de l’humour et n’hésite pas à le dégainer. La fin se précipite, mais les suites sont étonnantes.
Un bon vieux roman policier du nord, pessimiste sur la nature humaine et réaliste sur le crime.
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