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Van Hamme et Berthet, La fortune des Winczlav 1 – Vanko 1848

Winczlav (prononcez Vinclo) est le début d’une trilogie qui révèle comment, en trois générations, s’est bâtie la fortune dont Largo Winch est devenu l’héritier.

En 1848, au Monténégro, les paysans se révoltent contre le prince-évêque inféodé aux Turcs qui dominent le pays. Vanko Winczlav est un jeune médecin idéaliste croate qui les soigne. Il s’élève malgré lui contre la tyrannie du prince-évêque aux ordres de l’occupant. Il est trahi par un paysan pour éviter de voir brûler son village et doit fuir. A l’auberge qui lui est recommandée pour passer la nuit, il rencontre la jeune Bulgare Veska, esclave sexuelle de l’aubergiste et fille d’un chef de l’insurrection. Ils fuient ensemble et embarquent pour le Nouveau Monde.

Veska n’a aucun papier d’identité et Vanko, qui a les siens ainsi que son diplôme de médecine de Belgrade, doit l’épouser pour quelle puisse franchir l’immigration à New York. Ils ne s’aiment pas, mais s’entraident. Lui ne peut exercer comme médecin, son diplôme n’étant pas valable aux États-Unis et les études supplémentaires durent quatre ans, en plus de coûter cher. Il trouve cependant un emploi d’infirmier. Veska accouche d’un petit Sandor qu’elle refuse, car issu du viol serbe, et le couple divorce, Vanko gardant l’enfant. Il est vite séduit par l’infirmière Jenny, qui lui donne un autre garçon. Elle est la fille d’un riche importateur de whisky irlandais. Veska s’établit comme couturière et est vite approchée par l’inventeur Singer, qui lui propose une machine à coudre pour en faire la promotion ; l’influenceuse s’en sort bien.

Pendant ce temps, la mort en couches d’une patiente envoie Vanko au tribunal pour meurtre et exercice illégal de la médecine, alors qu’il n’y est pour rien, son patron le docteur James Paterson ayant opéré saoul. Vanko est condamné à 15 ans au bagne de Sing-Sing. Le républicain Washington est élu président des États-Unis et la Caroline du Nord se retire de l’Union. Commence alors la guerre civile, dite « de Sécession ». La guerre exige des uniformes, donc de la couture, donc des machines pour aller plus vite. Et voilà Singer comme Veska riches. Vanko Winczlav est sorti de la prison pour soigner comme lieutenant en première ligne les blessés nordistes, tandis que ses deux grands fils, de sept ans plus âgés, sont livrés à eux-mêmes après le décès de leur mère.

Sandor, l’aîné, sait depuis l’âge de 6 ans que Vanco n’est pas son père, ni Jennifer sa mère, et décide de rejoindre sa vraie mère à partir de vagues renseignements de sa nourrice dont il se souvient. Il la retrouve chef d’entreprise Singer et il lui demande seulement 12 000 $ pour se lancer dans la vie. Il ne survivra pas aux hors-la-loi et aux Indiens sauvages. Milan le second fils, décide d’aller conquérir l’Ouest pour se construire un avenir dans l’élevage ou le pétrole. En Pennsylvanie, lui qui n’y connaît rien, il découvre les exploitations de pétrole en pleine expansion. Dans la diligence vers Titusville, il fait la connaissance de Julie Lafleur, canadienne championne de tir à la winchester. Contre toute attente, il trouve du pétrole dans la concession qu’il a achetée dans l’Oklahoma, et épouse Julie qui lui donne des jumeaux : Elisabeth et Thomas.

Mais Milan n’est pas fidèle et copule avec toutes les très jeunes servantes de la maisonnée. Julie le quitte, préférant à la vie d’épouse trompée la vie d’aventure avec Bill Cody – Buffalo Bill et son Wild West Show. Elle ne garde avec elle qu’Elisabeth et part pour l’Europe ; Milan élèvera Thomas. Le Bureau des affaires Indiennes a décidé de racheter les propriétés de Milan pour une somme dérisoire. Parce qu’il n’avait pas cédé aux avances des candidats républicains, la politique se venge. Les autorités veulent faire une réserve indienne pour les Cherokees chassés de Géorgie, tout en poursuivant l’exploitation du gisement de pétrole, ce qui ne leur coûtera rien. Milan refuse le chèque et met le feu aux installations. L’un des signataires Cherokee est Saving Hands, le guérisseur blanc déserteur de l’armée nordiste et évadé de prison. Donc son père, il ne le sait pas encore…

Voilà où nous en sommes à la fin du tome 1. Aventures, affairisme, politique et trahison, l’histoire est haute en couleurs et résume assez bien le siècle de prédateurs que fut le XIXe.

BD scénario Jan Van Hamme et dessins Philippe Berthet, La fortune des Winczlav 1 – Vanko 1848, Dupuis 2021, 56 pages, €16,95, e-book Kindle €9,99

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J. Van de Wetering, Un vautour dans la ville

L’auteur, néerlandais ayant vécu aux États-Unis, a écrit divers romans policiers et œuvres pour enfants. Il a été volontaire comme réserviste dans la police d’Amsterdam, Amsterdam Special Constabulary, devenant sergent puis inspecteur. Il connaît bien la ville. Ses deux personnages principaux sont l’adjudant Grijpstra et le sergent De Gier. Leur supérieur, le commissaire, est censé partir en cure de bain de boue pour sa hanche, en Autriche ; il délègue à Grijpstra le soin de mener l’enquête. Mais, à la Mitterrand, il garde deux fers au feu et travaille en sous-main pour comprendre.

L’affaire est en effet compliquée. Un jeune proxénète noir s’est fait descendre à deux pas du commissariat, en plein centre d’Amsterdam, ce qui ne se fait pas. De plus, c’était avec une mitraillette Schmeisser, une arme allemande datant de la Seconde guerre mondiale et affectionnée des SS. Crime raciste ? Règlement de compte du Milieu ? Vengeance personnelle ? Luka Obrian a pour concurrents Lennie et Gustav, propriétaires de bordels prospères et dealers de drogue en gros. La police ferme plus ou moins les yeux, avec ce laxisme caractéristique en Occident de la période post-68, où l’interdit d’interdire était dans les mentalités. Sauf s’il y a meurtre : alors, la morale revient et fait respecter les règles, ce qui surprend tout le monde.

L’auteur, fantasque, digresse très souvent et s’attache à des détails incongrus, tels ces trois jeunes hommes en costume, circulant en patins à roulette à trois heures du matin en pleine ville, un attaché-case à la main. Ou la présence d’un vautour, charognard exotique, au-dessus des maisons du XVIIe siècle hollandais. Ces façons ressemblent à celles de Fred Vargas, à se demander si elle ne s’en est pas inspirée pour créer son atmosphère Adamsberg, commissaire pelleteur de nuages, toujours à penser à autre chose, sans méthode, avant de synthétiser la solution d’un coup, comme un composé chimique.

Tandis que Grijpstra et De Gier vont rencontrer l’étrange Jacobs, employé de la morgue qui a toujours une peur bleue que les SS viennent le prendre, quarante ans après la fin de la guerre, le commissaire va s’installer chez Nellie, une ancienne pute qui a acheté un hôtel et qui est amie avec son voisin Wise, guérisseur noir venu tout droit du Surinam (l’ex-Guyane néerlandaise). Le vaudou n’est pas loin et le crime serait prémédité… C’est que Luka était brutal et impérieux. Tout lui réussissait, et il suffisait d’un regard noir en coin pour que la femme la plus indépendante tombe à genoux devant lui pour lui tailler illico une pipe, en plein jour, sur le pont à touristes du vieux quartier. Ainsi Madeleine. Un agent de police surnommé Karaté n’hésite pas à se maquiller en femme pour enquêter dans les bars à putes chics ; une fille de 15 ans sollicite les clients de la violer en arrachant ses vêtements avant de l’emboutir profond, tout cela en public, une fois le ticket d’entrée payé : filles et alcool à gogo.

De longues digressions en courtes actions, de psychologie des personnages en sociologie de la ville, l’enquête progresse – et le dénouement est inattendu, disant beaucoup sur la morale post-68 et le libéralisme tendant vers la liberté totale du plus fort de cette époque-là. Amsterdam permettait tout, et des charters entiers de touristes sexuels venaient y déguster les filles, souvent mineures, et jouer avec les garçons, pas plus majeurs, en fumant diverses substances interdites partout ailleurs. De quoi faire des affaires… juteuses. Et provoquer des crimes, en réaction.

Tous les sens sont sollicités, comme chez Vargas, le bien-manger, la boisson, le climat d’Amsterdam, les plantes, les bêtes, les gens. On ne s’ennuie pas, même si l’on se demande au début où l’auteur nous emmène. Ce « style Vargas » peut agacer (il m’agace), ceux qui aiment sont ravis.

Janwillem Van de Wetering, Un vautour dans la ville (The Streetbird), 1983, Rivages noir 1988, 348 pages, occasion €1,82

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Survivre à Tahiti

S’il est un endroit dangereux à la Presqu’île, c’est Te Pari. Deux randonneurs français se sont perdus récemment. Grâce à une guide rencontrée quelques jours plus tôt, ils ont pu être hélitreuillés, fatigués et à court de nourriture, par la gendarmerie après s’être perdus plusieurs jours à Te Pari. Te Pari est un des lieux les plus inhospitaliers de Tahiti. Il reste une randonnée aventureuse donnant accès à plusieurs sites sauvages. Vaiote est une vallée isolée à l’extrémité orientale des falaises du Te Pari, qui abrite un ensemble de vestiges archéologiques où l’on trouve de remarquables pétroglyphes.

La grotte de Vaipoiri, au pied des falaises du Te Pari, évoque de nombreuses légendes dont la plus connue est celle de Vei, enfant du pays, qui, fou amoureux de la fille du chef de la vallée, alla affronter les monstres de la grotte. Après avoir accompli cet acte de bravoure, l’union fut acceptée. Il n’y a pas de route pour aller se frotter à Te Pari, il faut  aller à pied ou par bateau. Et attention, vous devez être bien équipés car les puissantes vagues s’écrasant sur les rochers au pied des falaises seront de redoutables pièges pour vous, les randonneurs. Enfin un dernier conseil, prenez un guide local, sinon le Haussariat devra encore faire déplacer le Dauphin. Ça coûte cher une heure d’hélico, et de plus ce sont les contribuables métropolitains qui paient, alors ce que j’en dis …

Il semble qu’il y ait plus de complémentarité entre les médecines traditionnelles et occidentale que de risques d’interaction, selon les médecins. Il faudrait distinguer la pharmacopée kanak « pour les petits maux » et la pratique de la médecine traditionnelle par le guérisseur. Le guérisseur serait plutôt consulté pour des maladies avec les ancêtres, les totems ou le mauvais sort. La maladie s’intègre dans le cadre d’un malheur, d’une malédiction, de la rupture d’un tabou, ce serait un dérèglement du cosmos. Le guérisseur va chercher à identifier ce dérèglement et y remédier par un échange matériel ou immatériel. Mais pour comprendre cette logique il faut d’abord comprendre la société kanak. « L’individu y est indivisible du cosmos. Il vit dans un univers à l’équilibre entre la terre, les ancêtres, les morts et la hiérarchie des vivants. Cette société est perçue à l’équilibre grâce à des échanges, matériels et immatériels ». Propos du Dr Salino.

L’été austral débute en décembre et se termine en mars. La saison cyclonique dans le Pacifique Sud démarre en novembre selon les météorologues. Comme pour les matchs sportifs, la météo nationale de Polynésie, Météo France, fait des pronostics sur les risques de cyclone sous nos latitudes. On semble s’orienter vers une saison plus chaude et relativement plus sèche que d’habitude. Le cumul des précipitations devrait être inférieur aux moyennes trimestrielles, les températures plus chaudes que les valeurs normales observées. El Niño est aux commandes du Pacifique…

La communauté chinoise honore ses défunts deux fois l’an à Ka-San (j’ai déjà parlé de cette fête dans d’anciennes élucubrations) et le cimetière chinois du repos éternel est arrivé à saturation. L’association Si Ni Ton gérante de ce lieu appelé aussi « Repos éternel » compte près de 10 000 tombes, dont la partie principale se trouve sur la commune d’Arue. Certaines tombes ont été laissées à l’abandon, sans aucune descendance. Dans ce cimetière chinois  y reposent aussi des Sud-Coréens, matelots ou pêcheurs et des Indonésiens. Si Ni Tong voudrait acquérir un nouveau lieu, ses recherches demeurent vaines actuellement. Les terrains sont rares et chers. Les Chinois de Tahiti gardent toutefois l’espoir de loger leurs morts décemment afin de pouvoir les honorer deux fois l’an bien que les jeunes générations ont prévenu leurs parents qu’ils ne fêteront pas Kan-San.

Hiata de Tahiti

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Disparus de Polynésie

Tiurai est le personnage polynésien qui a eu l’honneur récent de figurer sur un timbre-poste. De son vrai nom Tahiarua Onohi Mihinoa A Tati (1842-1918), il était un célèbre guérisseur tahitien. Né à Papara, il fut baptisé à Punaauia en 1858 par Monseigneur Jaussen. Grand et bel homme à la forte carrure, d’aspect autoritaire, il vivait solitaire, vêtu d’un simple pareu (paréo) près du cimetière de Punaauia. Totalement désintéressé, il ne recevait aucun argent des malades qui affluaient quotidiennement vers lui. Il les soignait avec des herbes, des médications fort simples, des traitements d’ordre psychologique et beaucoup d’autosuggestion. On prêtait à Tiurai les guérisons les plus extraordinaires. Ses malades étaient des gens simples, aimant le merveilleux, sans esprit critique. Il mourut de la grippe espagnole le 5 décembre 1918 et fut enterré dans le cimetière catholique de Punaauia.

Le récit de sa vie a été publié sous une trentaine de pages dans ‘Oceania’, livre réédité par la Société des Études Océaniennes. Intéressant ce livre, qui se partage entre légendes et traditions, mœurs, littérature, ethnologie, poésie et tourisme. Ces écrits avaient été publiés entre 1917 et 1930 dans le Bulletin de la Société des Études océaniennes marquant la participation des Établissements français d’Océanie à l’Exposition coloniale de Paris en 1931. Quatre-vingt ans plus tard, la Société des Études océaniennes réédite en livre le devenu mythique ‘Oceania’, et remet en question les liens entre la mémoire et l’histoire (3000 FCP).

Le diocèse de Taiohae (Marquises) est en deuil. Monseigneur Hervé Marie Le Claec’h est décédé à 97 ans. Né le 11 mars 1915 à Dineault (Finistère), ordonné prêtre le 18 décembre 1943 dans la Congrégation des Pères du Sacré Cœur, nommé administrateur Apostolique du diocèse de Taiohae le 8 décembre 1970, puis évêque dans ce même diocèse le 1er mars 1973 et ordonné le 24 juin suivant par Mgr Michel Coppenrath, devenu évêque-émérite le 31 mai 1986. Il était très connu et aimé de sa population des Marquises. Il avait traduit la Bible en marquisien et était appelé par les Marquisiens « le prince qui vient du ciel ». J’ai eu la grande chance d’échanger quelques mots avec ce prélat lors d’une croisière sur L’Aranui.

[Présentation de l’émission sur Monseigneur Hervé Le Cleac’h sur le site du Jour du Seigneur.]

Kiribati, ce sont 33 îles, collier d’émeraude posées sur le bleu turquoise de l’Océan Pacifique, 810 km2 de terres émergées. Pour combien de temps encore ? Pour les 140 000 habitants, les marées entraînent des inondations, certaines maisons ne sont plus accessibles par la route, les cultures impossibles, l’eau salée stérilise les terres, l’eau douce se fait rare.

Alors on construit des digues, on rehausse celles existantes. C’est inéluctable ! Le président de cette république du bout du monde a demandé aux îles Fidji de lui vendre 5000 km2 de terres pour ses concitoyens qui seront bientôt les « premiers réfugiés climatiques » de l’histoire de l’humanité. En 2050, il se pourrait bien que les Kiribati disparaissent dans le Pacifique.

Hiata de Tahiti

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Du Pérou en Bolivie

Terre inca également, la Bolivie moderne compte 1 098 581 km² où demeurent 8 857 000 habitants.

Des Indiens quechuas pour 30%, des Métis pour 28%, des Indiens Aymaras pour 25%, des Européens pour 10% d’ascendance espagnole. Les Boliviens sont catholiques à 95%.

La Bolivie est Amazonie et Andes, nature et culture. Et si vous relisiez  les exploits du reporter à la célèbre houppette et de son chien ?…

Mêmes civilisations qu’au Pérou, même histoire : Inca, Inca, Inca.

Tout le monde connaît la musique andine de Bolivie, la vraie avec la kana, la zampona, le charango (guitare dans une carapace de tatou). Tous, avez-vous jamais dansé la lambada ?

Aux marchés, vous croisez les ponchos de différentes couleurs. Dessous sont les paysans venus vendre leurs produits ou acheter les denrées indispensables.

La religion catholique et le paganisme font bon ménage chez les Indiens. Ils adorent le soleil, la lune, la terre. Il m’a été donné t’entendre dans une église un Indien venu hurler à une statue qu’elle n’avait pas guéri son enfant alors qu’il avait prié, donné des offrandes… et rien ne s’était passé.

A genoux devant la même statue, ce paysan menaçait du poing l’objet de sa colère et lui adressait des insultes à haute voix dans l’église. Rien ne pouvait le faire sortir de sa hargne, même quand le prêtre a essayé d’intervenir. Il est parti  après son long monologue, seul et très malheureux.

Les Indiens viennent prier à l’église pour une guérison mais font venir à la maison le guérisseur (curandero) qui demandera des « honoraires » très élevés.

Hiata de Tahiti

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