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C’était mieux avant ?

Ah, qu’il était doux le bon vieux temps des valeurs et de la morale, du machisme tranquille et des rôles sociaux fixés ! Madame torchait les mioches et faisait la vaisselle tandis que Monsieur travaillait au dehors, mettait les pieds sous la table ou bricolait au garage. Las, mai 68 est passé par là, mais aussi le développement de l’instruction, de la culture et des droits avec celui de l’économie. Désormais, Madame peut rester Mademoiselle sans offusquer personne ; elle peut choisir de ne pas avoir d’enfants ou un ou deux si elle veut, quand elle veut ; elle peut bricoler au garage et laisser Monsieur torcher les mioches, tous deux travaillant au-dehors. Les rôles sociaux en sont bouleversés. D’où les mariages tardifs, après longue cohabitation à l’essai – ou pas de mariage du tout ; d’où un enfant sur deux né bâtard, « hors mariage » dit-on par euphémisme aujourd’hui ; d’où les états d’âme masculins, partagés entre androgynie pour se fondre dans la masse ou survirilité pour se distinguer des filles à cheveux courts, en jean et qui font de la boxe ; d’où les interrogations inquiètes sur l’éducation donnée aux enfants, les parents dépossédés par Internet et par l’école, cette fabrique de crétins où des enfeignants font de l’animation idéologique.

roger peyrefitte les amities particulieres film

Ah, qu’il était doux le bon vieux temps des enfants de chœur et des collèges fermés où les garçons en pension et les filles au couvent étaient préservés de toutes les souillures du monde, gardant – croyait-on – l’âme pure des oies blanches ! Il suffit de lire les Mémoires d’une jeune fille rangée de Simone de Beauvoir ou Les amitiés particulières de Roger Peyrefitte (parmi bien d’autres) pour se rendre compte que le bon vieux temps, cet âge d’or, n’est qu’un mythe. Dès 7 ans, les garçonnets allaient aux louveteaux et se faisaient tripoter par le curé lorsqu’ils servaient en enfants de chœur ; dès 11 ans, on les bizutait chez les scouts, avec mise à l’air, caresses brutales et pénétrations diverses ; au même âge, le curé passait aux sucettes (la sienne enduite de confiture), et les pensionnaires se faisaient fouetter, brûler à la cigarette, pénétrer devant et derrière, jusqu’à ce qu’une amitié particulière leur offre la protection virile d’un plus grand ; dès 14 ans, lorsqu’ils étaient au travail, ils se dépravaient comme des hommes, Céline le décrit bien dans Mort à crédit.  Ce n’était guère mieux chez les filles, La religieuse de Diderot n’étant pas encore passée de mode, ni les caresses brûlantes des couvents.

balancoire

Est-ce cela que réclame le lobby chrétien intégriste de Civitas, qui cherche « à se mobiliser avec détermination contre cet enseignement sournois de la perversion aux enfants, en participant notamment à toutes ces initiatives de bon sens qui s’opposent à ces folles velléités du pouvoir, de vouloir imposer cette idéologie contre-nature dans la société et son enseignement obligatoire à nos enfants dans le système scolaire » ? Mais non, ce ne sont pas contre les curés pédophiles (fort nombreux dans l’église catholique qui interdit le mariage des prêtres), ni contre les éducateurs des collèges de garçons (traquant le péché par des confessions sur listes d’émoustillantes turpitudes et profitant des troubles) – c’est contre l’école de la république, laïque et obligatoire. Ce qu’ils veulent, c’est une « reconquête politique et sociale visant à rechristianiser la France (…) dans le sens des valeurs chrétiennes et de l’ordre naturel ».

Un groupe de pression chrétien est parfaitement légitime, puisque  juifs, islamistes, communistes et écologistes en ont. Mais le citoyen peut garder l’esprit critique sur la mythologie de tous ces « croyants ». Que défend Civitas ?

  • Valeurs chrétiennes ? « Sa dépendance à l’égard du Créateur ».
  • Ordre naturel ? « La philosophie naturelle d’Aristote et les textes du magistère traditionnel de l’Église catholique, en particulier chez saint Thomas d’Aquin et dans les encycliques sociales ».
  • Rejet ? « L’individualisme et (le) libéralisme qui rejette toute idée de dépendance vis-à-vis de valeurs que l’homme n’aurait pas définies lui-même ».

Etait-il donc dans l’ordre divin que les enfants soient mis dans des conditions quasi carcérales, voués à ne pouvoir s’aimer qu’entre eux, Dieu planant loin au-dessus ? Ne serait-il en revanche pas dans l’ordre chrétien (« laissez venir à moi les petits enfants » dit Jésus), ni dans l’ordre naturel (« l’homme est un animal politique » dit Aristote), que l’école aide chacun des enfants à s’épanouir par lui-même (« à faire fructifier son talent », dit l’Évangile) ? Une bien étrange conception de l’homme, créé pourtant « à l’image de Dieu », et de la place qui lui est sur cette terre. Une « dépendance » qui ressemble fort à un esclavage…

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« Ce qui se joue, dit Virginie Despentes, c’est pouvoir affirmer : nos enfants nous appartiennent. Entièrement. S’ils sont différents de ce que nous attendions, nous avons le droit de les éliminer. C’est pourquoi les livres les inquiètent tant, car quand les enfants apprennent à lire ils échappent à leurs parents, ils peuvent aller chercher une vision du monde différente de celle qu’on leur sert à la maison, et l’école les inquiète aussi – ce moment où les enfants ne sont plus enfermés sous leur seul contrôle ».

Propriété, appartenance, enfermement, contrôle : le citoyen raisonnable a le droit de ne pas soutenir ce genre de mouvement.

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Musée du loup au Cloître Saint-Thégonnec

Sous la IIIème République fut tué le dernier loup breton. Pierre Berrehar, du Cloître Saint-Thégonnec, en a touché la prime le 6 octobre 1884. Nous sommes à l’entrée des monts d’Arrée et ce territoire encore sauvage reste alors le dernier refuge des loups. Ceux-ci ont en effet besoin d’espace et de halliers où mettre bas. Le recul du bocage et l’extension des forestiers et des agriculteurs a chassé le loup peu à peu. Il a aujourd’hui disparu.

Le Cloître Saint-Thégonnec est le nom d’une commune qui n’a rien à voir avec celle de Saint-Thégonnec, à 25 km de là, célèbre pour son enclos paroissial. Isolée des circuits touristiques et de la voie rapide Rennes-Brest, le Cloître – 12 km au sud de Morlaix – a eu l’heureuse idée de consacrer au loup un musée.

Le prétexte en est que le dernier loup de Bretagne a fini là. La publicité de ce nouvel établissement est habilement faite, par des panneaux de signalisation sur le circuit des enclos et par des dépliants dans les offices de tourisme. Le musée est surtout conçu pour les enfants, mais les adultes apprendront beaucoup de choses, de quoi alimenter les veillées et les histoires raides, juste avant de dormir.

Tout commence avant l’entrée par des hurlements à vous donner froid dans le dos. Vous sentez vos poils se hérisser alors que les petits vous prennent la main.

Courageusement, vous vous avancez, jusqu’à rencontrer une toute jeune fille au fond d’un couloir sombre. Elle a les joues roses et le chaperon tiroir-caisse puisqu’elle vous soutire 3,50€ par tête. D’un ton ingénu, elle vous prévient qu’elle va bientôt passer « un film pour adulte » dans la salle du fond…Vous vous demandez si l’interprétation psychanalytique des contes de fée a quelque consistance, notamment le petit chaperon prépubère mais déjà rouge qui rencontre au lit le viril loup poilu « déguisé en grand-mère » – lorsque vous voilà poussés derrière un rideau noir.

A peine la suggestion vous vient-elle que, décidément, c’est le bordel, voilà la nuit profonde qui vous happe. Venus du dehors, où règne le grand soleil de la transparence démocratique, vous êtes plongés ensemble dans l’obscurité propre à tous les fantasmes et à toutes les suggestions. Inutile de dire que les petits ne vous lâchent pas. Malgré les 25° ambiants, les frêles épaules frissonnent au-dessus des débardeurs. Monte un hurlement alors que vous vous heurtez à un coude du couloir, tandis qu’apparaissent de petites paires d’yeux fendus qui luisent fixement dans la pénombre. Vous voilà mis dans l’ambiance.

Lorsque vous émergez de la chicane, un loup blanc fort connu projette une ombre gigantesque sur le mur. Il vous attend tranquillement, assis sur son train. Il a aiguisé ses crocs et ses griffes sont prêtes.

Un autre vous guette au tournant, babines ouvertes et crocs menaçants à votre hauteur, les oreilles en arrière comme font les carnivores quand ils vont vous sauter dessus. Les mômes seraient impressionnés si vous n’étiez pas là – mais seraient-ils venus d’eux-mêmes se fourrer dans la gueule du loup ?

Vous leur montrez que la bête ne bouge pas, qu’elle est froide et même empaillée ; vous leur faites toucher la fourrure rêche. Vous leur faites remarquer que les yeux fixes sont de verre, ils ne vous regardent plus quand vous n’êtes plus dans l’axe. Adulte, vous pensez quand même que voilà une parfaite machine à tuer, 50 kg de muscles velus entraînés au marathon, enrichis d’une mâchoire à fracasser un fémur et qui a faim de viande saignante à raison de 10 kg par jour. Un panneau explicatif vous fournit obligeamment ces quelques renseignements.

Il ajoute, on le saurait depuis La Fontaine si l’E.NAtionale faisait encore réciter quoi que ce soit, que le cerveau du loup est d’un tiers plus gros que celui d’un chien. Nettement plus rusé, chassant en meute, obéissant à sa hiérarchie, le loup est proche de la bête humaine : ne dit-on pas que l’homme est un loup pour l’homme ? C’est un samouraï, un commando, un fasciste, pas comme ce con de chien démocratique qui geint dès qu’on le regarde fixement et recule cauteleusement, la queue entre les jambes, avant de vous aboyer après, mais de loin et quand vous êtes passés.

Le loup vous reconnaît pour dangereux même à dix ans et, avec raison, se méfie des hommes. Un panneau raconte l’histoire de ce petit berger qui en fit fuir un. L’animal préfère se cacher et ce n’est que dans les grandes étendues, lorsque le froid a chassé toute proie vivante, qu’il s’attaque aux troïkas russes ou aux petites filles des histoires de notre enfance. La « bête » du Gévaudan elle-même serait peut-être moins un loup qu’un homme, tueur en série avide de viols et de sang des très jeunes gens. Mais à toujours crier au loup… qui vous croira ?

Les salles se succèdent, éclairées de façon théâtrale du plus sombre au plus clair à mesure que vous avancez. L’irrationnel d’abord, le rationnel à la fin, la progression est savamment menée. Vous passez du physique de la bête aux mœurs évoluées du loup, de ses prédations aux légendes des hommes – déformées et amplifiées. On le dit issu du Diable, évidemment, alors que Dieu, sensé être à l’origine de toute la Création, n’aurait fait que le chien… S’il est diabolique, alors il tente l’homme, surtout le mâle, l’incitant à se transformer en garou (sexuel et violent, au contraire des Commandements d’église). Le garou serait la prononciation gauloise de vere ou vir, l’homme, dans l’expression germanique ‘verewolf’, homme-loup.

Ce n’est pas très difficile de sombrer, à lire un « avis » placardé ici : « Si vous vous sentez tout drôle un soir de pleine lune ; si vous êtes restés sept ans sans vous confesser ou mettre les doigts dans un bénitier ; si vous êtes épuisé le matin… Vous êtes probablement un loup-garou ! » Le film pour adulte vous donne plus de détails. Un ethnologue insiste : pour devenir garou, semblable au loup, il fallait se dé-civiliser, se dépouiller de son humanité en enlevant ses vêtements pour se rouler tout nu, la nuit, au bord de certaines mares ou dans des feuilles mortes. Cela vous lavait de l’homme et faisait resurgir vos instincts profonds de bête, de prédateur carnassier que notre espèce a été durant des centaines de milliers d’années. A voir jouer et se battre les petits enfants l’été, presque nus dans le sable ou la boue, heureux sous la pluie ou le ventre dans l’herbe, vous vous dites que peut-être le mythe du loup-garou n’est pas si bête. Il ne serait que la tentation qui vient de balancer toute raison…

Le musée expose des images, mais use de beaucoup de mots pour apprivoiser le loup. Lorsqu’on en rencontrait un, il fallait citer de mémoire l’invocation à un saint – manière de faire entrer dans les crânes obtus les bienfaits de l’éducation. Saint Hervé était réputé pour avoir apaisé le loup – manière pour l’Eglise de profiter de la peur pour assurer son emprise. On parle aussi de saint Ronan, mais en rapport avec la lune du loup qui vient des légendes celtes (il la bouffait au 372ème mois pour que le cycle soit pur). Cependant, les paysans madrés savaient que la « danse des sabots » était plus efficace que les incantations : enlever ses sabots et les frapper l’un contre l’autre rendait prudent le loup, de même que brandir un bâton ou une fourche.

Vous avancez dans le musée, voici la cheminée sous laquelle vous pouvez entendre l’histoire du petit chaperon rouge, lue par un adulte ou en bande dessinée sous le manteau.

La salle suivante, bien éclairée, fait jouer avec le loup petits et moyens par des objets à soulever, des trous où mettre l’œil, des vitrines de peluches. Les parents iront voir, pendant ce temps, la salle attenante consacrée aux peintures et sculptures temporaires en rapport avec le loup. Un dernier endroit, peint en sombre pour lâcher l’imagination, laisse des livres d’images à portée des loupiots. Vous êtes juste avant la boutique, tenue par la même jeune fille aux joues roses, qui vous vend les désirs repérés : les livres d’enfants y tiennent la meilleure place.

Comptez-les biens, vos petits, peut-être le loup vous en a-t-il pris un ? Qui le saura avant de revoir le soleil ?

Un manque choquant dans ce musée : les louveteaux, ci-dessous croqués par Pierre Joubert. Si l’on peut laisser de côté loubards de banlieue et Loups gris turcs, la laïcité n’exige pas d’ignorer de façon aussi flagrante un fait social aussi important que le scoutisme, fût-il à l’origine religieux. Alors que toutes les marchandises de la religion Disney sont en vitrine et dans les livres proposés.

Musée du loup, 1, rue du calvaire, 29410 Le Cloître Saint-Thégonnec, 02 98 79 73 45

Ouvert tous les jours de 14 heures à 18 heures en juillet et août et toute l’année sur réservation pour les groupes (20 personnes). Tarifs : adultes : 3,50€, enfants 7 à 12 ans : 2,50€, enfants – de 7 ans : gratuit.

Site : http://www.museeduloup.fr/

Animations estivales 2012 :

  • Exposition Le petit conte rouge, du 1er juillet au 31 Octobre
  • Loup gris et paysage en Monts d’Arrée, les vendredi 6, 13, 20 et 27 juillet : Après une visite guidée au musée du loup le matin, un guide nature de Bretagne Vivante-SEPNB, vous fera découvrir les landes du Cragou l’après-midi, réserve naturelle régionale entre steppe et savane, riche d’une flore et d’une faune exceptionnelles et ensorcelantes…. Réservation obligatoire : 02.98.79.73.45
  • Les nuits du Loup, les 18 juillet et 8 août : Partez sur les traces du loup… visite libre du musée à partir de 21h, puis balade nocturne dans la réserve naturelle régionale des Landes du Cragou en compagnie d’un guide nature. A partir de 6 ans. Réservation obligatoire : 02.98.79.73.45
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