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Islam historique

Ibn Khaldoun, historien arabe andalou de l’islam médiéval, est né en 1332 et est mort en 1406, à 74 ans. Il est issu d’une tribu yéménite qui a émigré en Espagne dès les débuts de la conquête, au 8ème siècle. Il connait bien sûr enfant le Coran et les hadiths, apprend le droit et la jurisprudence islamique. Adolescent, il poursuit ses études à l’université Zitouna de Tunis où il s’initie aux mathématiques, à la logique et à la philosophie auprès d’Al-Abuli, une célébrité d’époque. Il étudie également l’astronomie et la médecine. Ibn Khaldoun lit Platon, Aristote et d’autres penseurs grecs traduits en arabe.

Adulte, il obtient quelques fonctions auprès des divers sultans qui se renversent les uns les autres, ce qui lui permet de voyager. Il rencontre même Tamerlan. Mais c’est dans le Livre des exemples qu’il médite sur l’histoire universelle… précédée d’une introduction en trois volumes.

ibn khaldoun le livre des exemples

L’historien se fait alors sociologue pour conter l’essor d’une civilisation. Pour lui, le pouvoir d’un groupe tient à la cohésion sociale, souvent d’origine ethnique (les clans de parenté). Ce sont ensuite les intérêts et les comportements qui fondent une communauté, laquelle impose sa souveraineté et crée un ordre de civilisation. La religion est l’un des éléments de la civilisation, superstructure soumise (comme chez Marx) à des déterminismes matériels et aux intérêts qui en découlent. À chaque phase de l’évolution sociale correspond un type de comportement religieux. La religion n’est pas le dessein de Dieu car le sentiment religieux se dénature en même temps que se délitent les liens de de solidarité du groupe.

La dynamique du violent et du productif est à l’origine de l’histoire arabe. Ibn Khaldoun explique la conquête fulgurante par quelques milliers de bédouins d’environ 35 millions de sujets perses et byzantins jusqu’en Espagne, de 634 à 720, par l’écart entre des guerriers résolus et des peuples désarmés. Les producteurs sont riches, donc mous et pacifiques ; ils se soumettent à qui les protègent, la liberté ne les intéressent pas, seule la prospérité est pour eux essentielle. Ils font soumission donc volontiers aux loups faméliques ultra violents, qui les exploitent mais sans jamais tuer la poule aux œufs d’or. Les sédentaires sont conquis avant même que les conquérants ne se manifestent… Ainsi la France en 40.

Telle est bien cette geste mythique que « l’état islamique » tente de reproduire. Quelques milliers de djihadistes sans pitié asserviraient à « la foi » (mais surtout aux intérêts matériels des nouveaux maîtres), quelques dizaines de millions de pacifistes productifs proche-orientaux et européens, nombreux et grassement imposables. Le moyen-âge a montré combien 2% de la population pouvait s’imposer aux 98% restants si sa volonté de puissance était sans faille. Lénine a réitéré l’expérience sur l’immense territoire russe, non sans mal mais avec un certain succès. Il suffit donc d’en revenir « aux origines » de la dynamique musulmane pour retrouver la puissance et la gloire.

Mais les daechistes n’ont pas lu jusqu’au bout Ibn Khaldoun. Celui-ci note aussitôt que les conquêtes ne durent pas. Dès que l’État prédateur est installé par les guerriers pour ponctionner l’impôt, ces mêmes guerriers deviennent de peu d’utilité. Jouent alors les fameuses bases matérielles des intérêts bien compris, et c’est le système d’État qui assure la protection, plus les guerriers personnellement, qui voient s’effriter peu à peu toutes leurs solidarités claniques. Le sultan veut se dégager de sa tribu pour assurer son pouvoir personnel et appelle, pour ce faire, des sédentaires vaincus aux fonctions civiles. La violence ne peut que s’éroder avec la puissance pacificatrice de la bureaucratie d’État…

empire islam carte

L’effondrement les tribus arabes en Perse, au profit des Turcs seldjoukides, puis des Mongols avec la prise de Bagdad en 1258, a altéré la puissance des guerriers, donc la religion musulmane. C’est l’islam, dit Ibn Khaldoun, qui a créé « le peuple » arabe : leur empire historique est dû à leur foi intransigeante et exclusive. La religion s’est liée à l’État par le djihad. Mais la victoire des Turcs a brisé le lien et a rendu l’islam religion comme les autres, où la guerre sacrée est absente et où la force réside dans l’économie sédentaire. Dès le 11ème siècle, la division est consommée entre sédentaires et bédouins, productifs ou savants et tribaux violents. L’islam « modéré » est issu des marges de l’empire, des Turcs, des Berbères, des Mongols – pas des Arabes. Ainsi se crée le soufisme – tandis que le djihad reste bien l’islam originel.

Depuis 1979, l’islam radical sent donc son heure venue pour ressusciter l’élan des premiers temps, aussi apocalyptique qu’un nouveau cycle. Il s’agit de terrasser la Bête des « perversions et abominations » en obéissant à la lettre à la voix même d’Allah, sans réfléchir, car Allah sait mieux que tous ce qui est bon pour tous. L’Égypte de Sadate a trahi la cause arabe en reconnaissant Israël ; l’URSS athée a envahi l’Afghanistan, ce qui discrédite tout « progressisme » socialiste ; la révolution chiite de Khomeiny en Iran montre que le Grand Satan est un tigre de papier et qu’un État théocratique est possible ; le terrorisme de la Kaaba à La Mecque montre la naissance d’un radicalisme de pureté, attirant la jeunesse déboussolée. Tout cela durant la seule année 1979… Qui a dit que nous n’étions pas prévenus ?

L’objectif est de fanatiser les croyants par l’islam littéral, le seul « vrai islam » historique, pour en faire des guerriers aiguisés dont la violence sans borne permettra d’asservir les populations pacifiques amollies par la consommation et les loisirs, vite « choquées » par toute manifestation de pure virilité machiste. C’est ce romantisme identitaire qui rassemble la « communauté » des croyants dans le dar al-islam, tandis que tout le reste de la planète est décrétée zone de guerre : à piller et à réduire à volonté. Il s’agit bel et bien d’un projet « politique », dont l’idéologie est l’islam du seul Coran et dont l’instrument est cette fraternité utopique des « frères » unis en vol, viol et violence – allant jusqu’à forcer des petites filles de 9 ans, puisque le Prophète l’a fait.

Qui a dit que nous n’avions pas tous les éléments pour le comprendre ? Oui, l’islam historique, celui des premiers temps, encourage la violence et la haine – il faut le dire. Donc pousser les musulmans qui ne s’y reconnaissent pas (la religion est toujours dans l’histoire, elle peut donc évoluer) à dire combien ils ne sont pas d’accord. Certains le font, pas sûr que, du côté « gauche » (dont l’autre sens est « maladresse ») on ait vraiment compris. A court terme, François Hollande cause, il cause bien, mais ce ne sont encore que des mots.

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Amour, sexe et pollution (diurne) à Paris

Ah, l’amour ! « Paris sera toujours Paris ». Sauf que le pont des amoureux est plein : la passerelle des Arts entre Louvre et Académie française regorge de cadenas pour la fidélité éternelle (hum !). Ils sont accrochés sur les grilles des garde-fous et sur les cadenas précédents eux-mêmes. Plus de place pour l’amour nouveau : allez voir ailleurs !

cadenas amoureux pont neuf

Les pauvres fidèles qui se « jurent » l’immortalité de leurs sentiments (hum !) sont forcés de se parachuter un pont plus loin. C’est ainsi que le Pont-Neuf se remplit, sous le regard égrillard du bon roi Henri IV, fort peu « genre ABCD » mais grand trousseur de poules : au pieu les poules, avant le pot ! Ce pourquoi on ne saurait plus apprendre l’histoire à l’école, trop politiquement incorrecte !

cadenas amoureux passerelle d orsay

La passerelle d’Orsay, qui relie le jardin des Tuileries au musée d’Orsay, commence elle aussi à aligner ses cadenas de fidélité. La mode n’existait pas il y a dix ans. Elle passera comme les passerelles – ainsi coule la Seine. Amour, toujours ? « Genre bonne blague », disent les ados.

fille et torse nu abercrombie paris tuileries

Le sexe est plus concret, on sait au moins ce que l’on s’offre, on peut toucher, évaluer, consommer – et passer à autre chose. Ou non, si l’on est bien ensemble. Une fan Abercrombie s’est payé un sac arborant un beau mâle torse nu, ce qui ne l’empêche pas de dormir. Chaque chose en son temps, mais ici et maintenant, pas dans l’éternité éphémère – et surtout sans menottes ni cadenas !

lion paris tuileries

L’amour à mort (cette éternité de l’humain) est une prison. Léviathan Hâmour vous engloutit un couple d’un coup de crocs, le fusionnel étouffe et infantilise. Aux cadenas, je préfère les pinces, à l’éternité l’instant, à la fidélité jurée l’adhésion consentie.

Mais les Français ne sont plus raisonnables. La gauche adore faire du « libéralisme » américain le diable – mais elle adore servilement en même temps les modes américaines, se distinguer intellectuellement par les théories américaines, faire du genre à l’américaine. Comment ? n’aurait-elle pas lu Marx – pourtant à la mode durant deux générations ? ou n’a-t-elle rien compris à ce qu’elle aurait vaguement lu du barbu ? Si « l’infrastructure conditionne la superstructure » (en bon jargon philo-germain), alors c’est bien l’ultralibéralisme américain qui permet aux théories de fleurir, l’un conditionnant l’autre : new age, écolo-globalité, féminisme du genre et autres cooleries. Si l’on refuse l’ultralibéralisme, comment peut-on – sans rire – adopter toutes ses productions intellectuelles conséquentes ? Si l’on a libéré Voltaire, on vient de barbeler Descartes, sur la façade sud du Louvre…

descartes paris louvre

Le moutonnisme bobo se voit encore dans ces files de voitures, un lundi vers 15 h, sur les quais. La grande migration du tous pareils, les Héritiers assurant leur Distinction par Imitation de caste : Bourdieu, mais c’est bien sûr !

quai des tuileries paris

Le vulgaire, lui, continue de taguer les murs de Paris. Régression sadique-anale, disait Freud, autre barbu de langue germanique. La Municipalité peut ainsi « créer des emplois » de détagueurs ; on appelle cela un « service public » – et les Français en sont très fiers… surtout si ce sont les autres qui payent.

tags effaces paris

Louis XIV, l’homme de l’Etat-c’est-moi, montre l’exemple en caracolant vers l’ouest. Il semble fuir vers le Nouveau monde, comme tous ces jeunes Français qui veulent créer une entreprise, faire de la recherche ou gagner de l’argent.

bassin louvre statue louis 14

Même la Seine coule vers l’ouest ; il n’y a guère que le bassin Mitterrand, au palais du Louvre, qui ait pour seule ambition de stagner autour des éternelles pyramides.

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