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Enseigner aux décideurs

L’enseignement n’est pas que scolaire, il n’est pas l’ingurgitation de connaissances seulement, mais aussi de savoirs pratiques. Surtout passé le collège, lieu où l’ignorance et l’indiscipline adolescente doivent être maîtrisées avant d’aller plus loin. Déjà, en Terminale, l’élève apprend à raisonner par lui-même en philo et en histoire. Mais ces savoir-faire sont plus importants encore par la suite. La jeunesse apprend à devenir utile dans la cité, dans l’entreprise, dans la famille. Pour cela, elle doit quitter l’hédonisme consommateur de l’enfance attardée pour devenir responsable d’elle-même, apte aux responsabilités.

Ce qui est (mal) fait à l’Éducation nationale jusqu’aux prépas et BTS, qui préparent des têtes pleines mais rarement faites, est réparé (autant que faire se peut) par les écoles professionnelles et les écoles de commerce. Il se trouve que j’ai une certaine expérience depuis quelques années à parler de ces sujets.

Emploi refuse

Quel est l’objectif d’un élève en école professionnelle ou de commerce ? De devenir opérationnel rapidement dans une entreprise pour trouver plus vite un emploi intéressant et correctement rémunéré.

Cet objectif utilitaire, qui n’exclut ni la passion ni le désir, ne peut être atteint que par des méthodes de raisonnement, d’apprentissage et de comportement. L’entreprise demande au jeune postulant des aptitudes à la responsabilité et à l’écoute, des capacités d’initiative et de travail en commun, des savoirs pratiques applicables. Ce vaste requis – qui englobe presque tous les aspects de l’existence si l‘on y réfléchit bien – s’apparente à la philosophie. Non ce savoir desséché et blablateur d’intello issu du monde des clercs, mais ce savoir pratique du bien vivre et d’agir à propos qui était celui des Antiques et de Montaigne.

Cela nécessite de former des étudiants qui ne se contentent pas d’apprendre par cœur des sommes théoriques (qui seront vite obsolètes) pour répondre aux questions ouvertes ou aux QCM de l’examen, mais une façon d’être par rapport aux questions :

  1. Tout d’abord savoir bien la lire.
  2. Ensuite établir une réponse avec méthode.
  3. Enfin présenter sa réponse avec clarté, précision et concision.

Ce qu’on appelle en bref « être professionnel ».

Du côté des enseignants, l’exigence est donc l’interdisciplinaire. Il est contreproductif d’enseigner une méthode unique ou des savoirs gravés dans le marbre ; mieux vaut de suite poser que toute analyse se doit d’être « liquide », ouverte et non figée. Le savoir enseigné est alors évolutif, collaboratif, multiforme : il doit enseigner l’adaptation, pas le manuel ; savoir le faire, pas tout savoir ; applications pratiques, pas théories abstraites.

Le meilleur apprentissage est en faisant – ce qui se traduit en école par la recherche :

  1. Poser une question ouverte sur un objet enseigné
  2. Laisser trouver les éléments de réponse sur le net ou en médiathèque
  3. Faire travailler en équipes restreintes pour confronter les originalités
  4. Enfin corriger en commun le travail de chaque équipe.

Ainsi chacun se sent épaulé, partie d’un collectif, faisant des erreurs « comme tout le monde » mais capable d’apprendre de ses erreurs avec tout le monde. Tous exposent leurs façons de faire et confrontent leurs méthodes.

Ce processus est analogue à celui des équipes de recherche scientifique ; il est pratiqué aussi dans les entreprises nordiques et anglo-saxonnes, plus lourdement dans les entreprises germaniques. Il n’y a qu’en France où la hiérarchie inhibe le plus souvent cette pratique – dans l’administration, à l’hôpital comme dans les banques et les grandes entreprises – au nom d’un statut imbu de lui-même selon lequel le concours, la cooptation ou le statut suffisent à poser la légitimité.

Il n’y a pas que les charges sociales qui pèsent sur l’emploi dans notre pays : ily a aussi la formation des postulants aux emplois et la mentalité pyramidale autoritaire !

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Quel socialisme après La Rochelle ?

Article repris par Medium4You.

L’université d’été s’est achevée et la question demeure : le socialisme s’est-il perdu dans les sables ?

A écouter les six candidats à la candidature, Manuel Valls, Ségolène Royal, Martine Aubry, François Hollande, Jean-Michel Baylet et Arnaud Montebourg – seuls les plus jeunes ont quelques idées d’avenir ; ils sont aussi les plus marginaux dans ce parti de vieux. Pour les ténors, l’œil britannique n’a pas manqué sa cible : « on les croirait congelés en 1981 ». Il ne s’agit que de taxer, règlementer, surveiller, étatiser…

Aucun pragmatisme mais le tropisme théorique : yaka faire une « grrande » réforme fiscale et tout ira bien, on pourra dépenser à tout va comme avant, pour arroser les clientèles.

L’Europe ? Yaka violer Merkel, « l’égoïsme » allemand est insupportable aux tenants du Bien qui ont la Raison pure infuse. Puisque les socialistes français détiennent – de droit divin historique – la Vérité, yaka la clamer à la face du monde pour que tout le monde s’incline.

C’est pitié que d’observer une grande nation se perdre en ses vieilles lunes de parti usé jusqu’à la corde. Le monde a changé mais la France socialiste demeure figée dans sa grandeur passée, incapable de bouger, de changer, de s’adapter. La France de gauche ne sait plus où elle en est. A l’origine syndicaliste-anarchiste avec Proudhon, devenu marxiste réformiste sous Lénine, le socialisme du parti s’est transformé en social-démocratie après 1945 puis s’est perdu dans l’émergence du monde tiers.

Plus de sous ! Fiscaliser ne suffit pas, d’autant que Thomas Picketty, expert des impôts au PS, avait déjà montré en 2007 qu’il y avait certes justice sociale à taxer les riches mais aucun « trésor caché » puisque les riches sont fort peu nombreux (Le Monde, 11 juin 2003).

  • Comment imposer les transactions financières sans nuire aux emprunts d’État – que seuls les étrangers vont désormais acheter ?
  • Comment raboter les niches fiscales sans nuire à l’emploi, le premier d’entre eux étant l’immobilier ?
  • Comment répartir ce qu’on ne sait pas produire ?

Le socialisme, expert en administration d’État, n’a pas su penser la société civile. Ce pour quoi il se réfugie aujourd’hui dans l’utopie écolo. Sans voir qu’entre l’utopie positive qui entraîne et la réalité à ses pieds qui résiste demeure un gouffre si l’on n’imagine pas aussi la passerelle !

Tout commence par la réforme de l’État, or le PS a la majorité de ses électeurs, militants et sympathisants dans l’appareil d’État. Équation impossible si l’on dit que la France est dans la moyenne haute des pays de l’OCDE pour le nombre de fonctionnaires par habitant (90 pour 1000 habitants) mais surtout que leur fonction n’est plus à la page pour être efficace (la centralisation d’État devrait nécessiter moins de fonctionnaires que le Royaume-Uni ou l’Allemagne, plus décentralisés). Scandale de l’évaluation pour les évaluateurs, ceux qui jugent tout du haut de leur statut : profs, flics, fonctionnaires du social. Alors que cela se fait sans drame dans tous les pays voisins.

L’écosocialisme se contente de ressourcer la vieille « croisade des enfants » où les illuminés marchent vers l’étoile. Économiser les ressources de la planète est bon, mais il serait mieux de rendre plus efficace la production de ce qui est. Las ! Les discours se bornent au catastrophisme mondial et aux micro détails locaux. Entre le « petit » producteur qui vend des paniers aux bobos et le « grand marché mondial » où la Chine est très présente, il n’y a aucune pensée de gauche. Veut-on nous faire croire qu’on gère un pays comme une région ? Le Poitou-Charentes ou Lille n’ont pas d’armée, que je sache ! Pas de politique étrangère, pas de place aux négociations de l’OMC ni dans les instances européennes !

La seule pensée de gauche se réduit, pour les plus avancés du PS, à la doctrine du FMI.Le bien-vivre écologique est une philosophie de sagesse… mais pour qui a déjà quelques ressources. S’il s’agit de conforter fonctionnaires et retraités, la France n’a pas besoin du parti socialiste. Aménager la stagnation, tous les partis savent faire. Pour aller de l’avant, peu ont des propositions.

La droite s’adapte avec pragmatisme, selon les vents du monde – c’est déjà ça. Au PS, on attend encore le Sauveur alors que le dernier pressenti, adepte de la dépense compulsive, imposée avec violence, vient de se griller lamentablement dans une chambre d’hôtel à Manhattan. Peu importent les particularités de la procédure américaine, les rapports médicaux et policier font foi, qui prouvent une émission de sperme strausskhanien et lésions sur le vagin de la femme. Consentante ou non, pour le fric ou non, l’aventure laisse apparaître toute l’arrogance, la vie de riche et les mensonges soigneusement mis en scène d’un apparatchik socialiste à qui tout semble permis. Une fois de plus un dirigeant du PS se dit responsable mais pas coupable.

Il faut donc encore « reconstruire »… Mais cela fait plus de dix ans que le socialisme ne cesse de se « reconstruire » sans avancer d’un pas. Depuis Jospin, rien. Plane l’ombre du populisme d’extrême-droite, contre laquelle seules des incantations émanent du PS.

Or le monde avance. Les Français peuvent être fiers de leur modèle économique et social, mais il craque de partout : trop de carcans, trop de niveaux hiérarchiques d’État, trop de dilution des responsabilités – et plus assez de sous pour des prélèvements obligatoires au sommet des pays de l’OCDE !

  • On ne fait pas l’Europe sans consentir à entamer la souveraineté nationale,
  • on ne se dit pas solidaires sans avoir une idée des conséquences de la crise grecque,
  • on n’emprunte pas auprès des marchés financiers sans se dire qu’il faut fixer un cap de sérieux,
  • on n’évoque pas un déficit keynésien sans voir qu’il n’est efficace que lorsqu’il est provisoire et non le prétexte perpétuel à la distribution démagogique,
  • on ne se préoccupe pas de l’emploi et de la vie quotidienne sans poser les problèmes de l’immigration et de l’identité des autochtones, et ceux de la paperasserie administrative et des règlementations sans fin.

Sur tout cela, motus au PS ! Yaka faire une « grrrande » réforme fiscale et violer Merkel. Point à la ligne. Alors que toutes ces pressions conduisent le Français moyen et populaire à un repli sur soi et au refus de toute différence.

Ce pourquoi les ouvriers ont déserté le PS aux élections récentes. Tout ce qui change est menaçant. Le modèle multiculturel est en faillite pendant que les partis de gauche ou les militants antiracistes sont peu à peu contestés. Car ce n’est pas être « raciste » que de dire que l’intégration se fait mal : c’est dire qu’on a mal et que c’est la faute au tabou concernant l’immigration. Ne pas en parler est bien pire que de dire ce qui est : que l’intégration se fait cahin-caha, que les « quartiers » sont des sas de passage vers une évolution par l’emploi et pas ces ghettos à l’anglo-saxonne qui fomentent des émeutes, que les études mènent à intégrer la société mieux que les discours compassionnels sur sssseuxquiisouffrrrr.

La primaire serait la solution ? Nous l’avons toujours écrit, adopter les mœurs américaines nécessite de laisser tomber l’esprit de caste à la française. Hillary Clinton a embrassé Barack Obama après son échec : verrait-on Martine embrasser François ou – pire ? – Ségolène baiser Martine (sur les joues) ? Si primaire il y a, il faut qu’elle soit ouverte. Tous les candidats, même les plus improbables, doivent pouvoir se présenter. Ce n’est évidemment pas le cas dans un parti resté léniniste pour qui il s’agit surtout de verrouiller.

L’électeur de gauche n’aura donc le choix qu’entre la fille de son père, le mari de sa femme et la femme du mari, plus quelques vagues outsiders mal considérés dans les rangs enseignants. Manuel Valls a le pragmatisme propre à la droite, voilà qu’il est aussitôt catalogué « de » droite, en bonne pratique stalinienne.

Hors du Dogme, point de salut ! C’est ce que disait le capitaine du Titanic lorsqu’on évoquait vaguement les icebergs déréglementés se baladant librement sur la mer libre…

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