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Jean Guisnel, Histoire secrète de la DGSE

La Direction générale de la sécurité extérieure fait l’objet d’un point d’enquête par un journaliste à Libération puis au Point. Il raboute des articles déjà publiés (et cités) par un liant général, qui est de décrire l’état actuel du service. C’est un peu brouillon, les 16 chapitres comme des dossiers sans ordre, mais nous en savons un peu plus à la fin qu’avant d’ouvrir le livre.

L’image des « espions » a changé en France avec la série bien réalisée du Bureau des légendes. Tout un chapitre lui est consacré en introduction. La réalité ne colle pas tout à fait à la fiction mais elle y ressemble beaucoup, ce qui sert à l’image publique du service comme au recrutement par concours. Ces vingt dernières années ont vu l’essor de la cyberguerre et du renseignement en sources ouvertes sur le net, via des algorithmes. Il a fallu embaucher des matheux, des geeks et des non-militaires. Le plus souvent par des contrats à durée déterminée. Le temps des barbouzes est quasiment révolu et si le Service action subsiste, il entre parfois en concurrence avec le Commandement des opérations spéciales militaire.

Sauf que les civils de la DGSE sont plus flexibles et plus discrets que les militaires du COS et peuvent donc mieux réussir des opérations « noires ». Contrairement aux propos légers et guillerets de Hollande aux deux journalistes, les opérations « homo » (faire tuer une cible) sont rares, et sont plus des actes de guerre militaires (éliminer un dirigeant djihadiste ou terroriste) que politiques. Un président ne devrait pas dire ça, mais le naïf aux quarante gaffes l’a dit. Ce n’est pas rendre service à la France.

Trop rares dans ce livre les opérations décrites en situation, tel le sauvetage (raté) de Denis Allex en Somalie ou l’expulsion (réussie) de faux diplomates chinois en quête de recrues via LinkedIn. L’auteur s’étend sur le juridique, le « droit » de faire, qui serait contraire aux « droits de l’Homme » revendiqués par la France. C’est un faux problème, les opérations extérieures sont des opérations de guerre et justifiées comme telles. Les terroristes ne sont « jugés » que parce qu’on leur fait honneur de les traiter en égaux si on les attrape, et non pas en ennemis ; sur un champ de bataille, ils seraient purement et simplement descendus. Les présidents récents n’ont-il pas parlé « d’actes de guerre » pour les actes terroristes ?

C’est un peu l’avis de « la secte » sécuritaire, comme l’appelle Jean Guisnel, un groupe de diplomates qui, au vu du déclin de leur ministère qui coûte cher, ont investi la DGSE pour être au cœur de l’information, sinon du pouvoir. « Ce groupe s’est barricadé dans les postes essentiels. Il exerce une influence déterminante sur la politique étrangère et la pensée stratégique française », regardant le monde sous l’angle des rapports de force entre États. Le pôle régalien par excellence de la politique et de la Défense est du domaine présidentiel sous la Ve République. « Ils ne sont pourtant ni sectaires, ni conspiratifs, encore moins fermés » p.281. Comme le dit un expert, cité p.282, « ce qui les définit le mieux, outre que ce sont des diplomates, c’est leur belle mécanique intellectuelle, individuelle et collective. Ils n’ont pas de problème avec l’usage de la force armée, ou avec l’application de sanctions économiques féroces. » Ils sont en phase avec notre époque – enfin ! Finie la naïveté idéologique et la guerre en dentelle.

Les valeurs qui animent les quelques 7000 agents de la DGSE, selon une étude commandée pour l’occasion, sont le « secret », la « discrétion » et « l’engagement ». La loyauté est essentielle et l’adaptabilité un signe d’intelligence. Tiens ! Justement le mot qui qualifie les services secrets des pays anglo-saxons est intelligence, eux qui n’ont pas attendu les attentats terroristes, les espions chinois ou la guerre russe pour engager dès l’université les meilleurs élèves. Le renseignement n’est pas l’information, c’est l’intelligence de l’information pour en tirer quelque chose d’utile, notamment « entraver » (selon la formule consacrée dans les textes) les opérations ennemies contre la France.

En bref, ne recherchez pas un journalisme d’action qui relate les hauts faits des « services », mais une étude grand public sur l’organisation, les agents et l’usage d’un tel service « secret » dans la République. Les relations avec les « alliés » américains, les adversaires chinois (plus que russes), la guerre ouverte aux terroristes maghrébins et somaliens, la protection informatique, la place de la France en Afrique, tous ces thèmes sont abordés. Cette histoire n’a rien de « secrète » comme son titre pour faire vendre le laisse croire ; mais elle renseigne sur le renseignement.

Jean Guisnel, Histoire secrète de la DGSE, 2019, J’ai lu 2022, 381 pages, €8,90 e-book Kindle €10,99

DVD Le bureau des légendes saisons 1 à 5, avec Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin, Brad Leland, Mathieu Amalric, Jules Sagot, StudioCanal 2020, 43h30, €64,79

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Alexander Kent, La croix de Saint Georges

alexander kent la croix de saint georges
En 1813, Napoléon en Europe recule sur tous les fronts. La guerre se déplace vers l’Amérique, où les Yankees tiennent la dragée haute aux tuniques rouges dans le Dominion canadien. L’armée anglaise est battue sur le lac Érié et les bateaux de la Fédération attaquent les convois anglais qui relient l’Europe au continent nord-américain.

Richard Bolitho, amiral, est envoyé par les Lords de l’Amirauté mettre un peu d’ordre dans cette pagaille. Sa flamme d’amiral, qui flotte en haut du grand mât, est la croix de Saint Georges sur fond blanc. Il est accompagné du contre-amiral Valentine Keen, dont Adam Bolitho, son neveu, a accepté d’être capitaine de pavillon. Adam ne s’est pas remis de la mort de Zénoria, la femme de Keen, dont il était éperdument amoureux. C’est moins le cas de Valentine Keen, qui semble se consoler avec la jeune canadienne Gilia, fille de l’armateur Saint-Clair.

Les lecteurs fidèles (et il faut l’être lorsqu’on lit Alexander Kent) retrouveront avec bonheur les personnages auxquels ils se sont attachés au fil des volumes. Les Aventures de Richard Bolitho en sont en effet, avec cet opus, au tome 23, et il y en a cinq qui suivent. Comme disent les marins, il y a de l’eau sous la quille !

C’est l’univers de la mer qui est le vrai héros du livre. Les hommes occupent le décor, mais la mer décide car elle oblige : au courage, à l’obstination, à la loyauté. On ne survit en effet pas longtemps sur un navire de bois, mené par le vent capté par les voiles appareillées dans de multiples cordages, sans les hommes qui montent, orientent et réparent la pyramide de toile ; sans le pilote qui sent les courants et connait les rochers ; sans la hiérarchie, du plus jeune mousse (vers 12 ans) aux plus vieux amiraux. La marine de guerre anglaise est une belle mécanique en ce XIXe siècle qui va voir bientôt disparaître la propulsion à voile…

La mer, la guerre, la marine : « Ici, pas de place pour le contentement de soi, même entre amis. Ils avaient besoin d’un but, d’une ligne clairement tracée, comme le fil du vieux sabre qui pendait à son côté » p.240. Car gagner, c’est prévoir. Comme en politique, l’amiral est obligé à la stratégie et à la discipline. Mais ni l’une ni l’autre ne sont possibles sans objectif définis, sans volonté d’aboutir, ni sans confiance aux hommes. La guerre est la politique poursuivie par d’autres moyens – à l’inverse, qui est fin politicien se doit d’être aussi guerrier.

Une belle leçon pour les minables qui se prennent ces temps-ci pour des politiciens, dans notre France 2016. Que veut-on pour le pays ? Avec quels moyens compatibles ? Avec quels hommes pour agir ?

Loyauté d’un côté, confiance de l’autre – et réciproquement. Ni les chefs, ni les hommes, ne sont des pions que l’on agite au gré des vents. Il faut qu’ils comprennent, qu’ils adhèrent, qu’ils aiment. Rien ne se fait sans eux, ni labourer la mer, ni vaincre au combat, ni remporter la victoire. Ni mener une politique…

Sir Richard Bolitho est obligé de quitter sa femme Catherine, qu’il aime plus que tout, pour aller guerroyer en Nouvelle-Écosse, à l’embouchure du Saint-Laurent qui commande tout le Canada anglais. Halifax est son port d’attache, baie resserrée bien protégée qui abrite trop de bâtiments. Après trente ans de conflits, tous sont fatigués, lui comme son valet Allday, et même son fringuant neveu Adam, qui a perdu l’amour de sa vie.

Mais cela ne les empêche pas de rester attentif aux hommes, jusqu’aux plus humbles, comme ce mousse de douze ans qu’Adam s’est attaché, tous deux seuls survivants d’un navire qu’il commandait et qui a sombré dans un combat naval au tome précédent. Il apprend à lire au gamin et lui offre, pour ses treize ans, un poignard tout neuf qui sanctionne son entré dans la vie adulte. À cette époque, on mûrissait vite, ce qui évitait cette période sentimentale et nihiliste de « l’adolescence », invention moderne, durant laquelle on ne sait ni qui l’on est ni où l’on va.

Vengeances, intrigues, intérêts, commerce, viennent perturber le noble agencement des valeurs de la Marine – mais chacun se débrouille comme il peut dans ces obligations, avec le pragmatisme qui caractérise le tempérament anglais.

Il y a de l’humanité et de l’aventure dans ce tome, des moments de calme et des moments de bataille, des femmes aimées et des hommes qui meurent. Mais toujours, ce qui reste, est l’attention aux autres – sans lesquels on n’est rien.

Alexander Kent, La croix de Saint Georges (Cross of St George), 2001, Phébus Libretto octobre 2015, 398 pages, €10.80
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Robert-Louis Stevenson, La flèche noire

robert louis stevenson la fleche noire
Écrit en feuilleton pour Young Folks, puis abandonné après un premier élan, repris par la suite aux Etats-Unis après exil, la rédaction dura cinq ans. C’est dire combien le fil se perd un tantinet après la fougue du début. Stevenson n’aimait pas ce roman et sa femme n’a jamais voulu le lire, comme il le déclare avec humour dans sa préface. Mais le succès auprès des lecteurs fut immédiat et le jeune comme l’adulte d’aujourd’hui comprennent vite pourquoi.

Nous sommes à la fin du moyen-âge, en Angleterre, durant la guerre des Deux roses entre York et Lancastre, vers 1465. Richard « Dick » Shelton est un jeune homme de 18 ans orphelin, sous la coupe de son tuteur sir Daniel. Il est naïf et droit, loyal à ceux qui l’ont élevé lorsque son père fut tué. Mais des hommes sont abattus systématiquement à l’aide d’une flèche noire, et sir Daniel est sur la liste. Car il est impitoyable aux faibles, change d’allégeance selon le vent et ne suit que son bon plaisir. Il sait mener les hommes mais ne sait pas où il va, sinon se conserver.

Tel Robin-des-bois, Ellis Duckworth dont la ferme a été pillée et brûlée par sir Daniel, se cache dans la forêt de Tunstall avec ses compagnons hors-la-loi, et entreprend de se venger. Il sait qui a tué le père de Richard. Mais celui-ci exige des preuves, écartelé entre ses deux loyautés, celle de sa famille à venger et celle du seigneur qui l’a élevé. D’où cette première partie enlevée et captivante, emplie d’aventures et de bagarres. Le siècle n’est pas tendre et nombre de gais compagnons périssent sous les flèches ou les coups de poignard ou d’épée. Mais la menace constante fait aimer plus encore la vie et profiter de chaque instant.

Richard se prend de pitié pour un jeune garçon « qui paraît douze ans » enlevé par un coup de main par son tuteur sir Daniel. Quand le gamin réussit à s’enfuir, Dick devient son protecteur par esprit chevaleresque. Malgré la fatigue et les intrigues, les deux fuient dans les bois. Ils se querellent et se réconcilient, la faiblesse de l’un touchant la force musclée de l’autre. Dès lors, le portrait de Richard Shelton est établi et restera stable tout au long du récit : vigoureux mais sans cervelle avec un cœur de chapon. Il est un tempérament à la croisée du Moyen-Age et de la Renaissance, force brute qui refuse d’éliminer les émotions. Ce pourquoi il choisira à la fin le bonheur conjugal plutôt que la gloire militaire…

Mais Richard n’est pas fini. Il reste un enfant niais parce qu’il fonce sans observer. Il ne voit pas que John est une fille, Joana, alors que tous les adultes autour de lui le voient. Il la traite en garçon, troublé cependant de s’y attacher. Thème d’époque, la fin 19ème, l’homoérotisme frisait l’homosexualité, les filles étant reléguées au rang inférieur avec activités dédiées. C’était différent au Moyen-Age et l’auteur sait jouer du décalage des époques pour faire de cette ambiguïté une aventure. « Et moi, dit Richard, qui me souci des femmes comme d’une guigne, je me suis pris d’amitié pour toi, pensant que tu étais un garçon, sans même me demander pourquoi j’avais pitié de toi. Quand j’ai voulu te battre avec ma ceinture, le courage m’a manqué. Et puis tu as avoué que tu es une fille, Jack, car je veux encore t’appeler Jack ! Maintenant je sais que tu m’es destinée » p.354 Pléiade. Dans ce monde idéal de l’imaginaire lointain, le garçon dont on s’est pris d’affection adolescent peut naturellement devenir son épouse une fois mûr. Ce n’est pas rien dans le succès du livre auprès des jeunes lecteurs dans ces années 1880.

Avant de convoler, Richard devra faire ses preuves d’adulte. Après s’être cherché – vainement – des pères de substitution comme modèles, sir Daniel trop vil, sir Oliver le chapelain qui lui apprit les lettres trop faible, Bennet Hatch qui lui apprit les armes trop brute, Ellis Duckworth ami jadis de son père trop obnubilé par la vengeance, Lawless (qui veut dire Sans-loi) trop anarchiste et égoïste, Lord Foxham oncle de Joanna trop noble – Richard finira par se trouver tout seul. Il se fraiera un chemin de lui-même dans la jungle de la forêt, des flots, des renversements d’alliances, des loyautés et des coups de main.

Il échouera par trois fois à délivrer Joanna, reprise par sir Daniel, dans une réminiscence inconsciente des trois reniements du Christ par Pierre, ce robuste apôtre au cœur faible. Poussé par son audace irréfléchie, il bataillera aux côté d’un chevalier bossu solitaire pris à partie par sept reîtres dans la forêt, sans savoir qu’il s’agit du duc de Gloucester, futur Richard III – qui le fera chevalier après une autre bataille.

Trois quêtes se mêlent et se composent dans cette histoire : celle de la vengeance, immédiate mais trop basse ; celle de l’amour, ambigüe puisqu’il s’agit initialement d’un garçon qui se révèle une fille ; celle de soi enfin, la principale au fond, dans la lignée de l’Île au trésor, d‘Enlevé ! et de La chaussée des Merry Men. Roman d’apprentissage, la Flèche noire montre comment devenir adulte, quitter le monde guerrier qui ravit les douze ans pour explorer le monde adulte des vingt ans en passant simplement le monde amoureux des dix-huit ans.

Cela paraît élémentaire en le lisant ; pas sûr que cela soit aussi simple en le vivant… Ni à l’époque de l’histoire, ni à l’époque de la parution en feuilleton, ni encore aujourd’hui pour tous ceux qui s’efforcent à la maturité.

Car il faut opérer des choix personnels difficiles – ou alors se laisser faire par la destinée. Être un homme ? Ou un être passif qui se laisse faire ?

Robert-Louis Stevenson, La flèche noire (The Black Arrow), 1888, CreateSpace Independent Publishing Platform 2015, 218 pages, €12.12
Robert-Louis Stevenson, Œuvres II, Gallimard Pléiade 2005, 1389 pages, €59.80
Les œuvres de Robert-Louis Stevenson chroniquées sur ce blog

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Thorgal 25, Le mal bleu

Thorgal 25 1 couverture

Nous avons laissé la petite famille augmentée des deux amis des enfants sur une île paradisiaque que Thorgal vient de délivrer de la cruelle princesse araignée. Vont-ils enfin se poser, régner paisiblement, être heureux et avoir beaucoup d’enfants ? C’est mal connaître Thorgal, qui n’accepte pas d’être roi. Pourquoi ? Parce qu’être à la tête d’un peuple, c’est être esclave de ses sujets ! Il faut penser pour eux, voir loin, agir pour leur bonheur. C’est tout le programme auquel les hommes politiques devraient sacrifier… Ils en sont loin ! Première leçon de dévouement aux gamins.

jolan 12 ans amoureux

La seconde leçon est que l’amour lie à jamais et qu’il faut bien réfléchir avant de s’engager. Jolan, 12 ans, est amoureux de Lehla depuis des mois, mais celle-ci ne veut pas quitter son frère, auquel elle est attachée par des liens plus puissants. Et que le frère, Darek, est tombé amoureux d’une fille de l’île et qu’il désire rester. Orphelins tous deux, les enfants ont eu leur content d’aventures. De même que le chien Muff, qui se fait bien vieux, de l’âge de Jolan.

Pas comme Jolan et Louve, qui jouissent de leurs parents réunis en de belles scènes attendrissantes. Louve aux côtés de son père reçoit les hommages. Jolan, torse nu à son imitation, l’aide à réparer la barque pour partir. Jolan est le fils, petit mâle qui apprend la vie d’homme par l’exemple de son père. Il explore une barque abandonnée (où il se fait mordre par un rat), il prend la barre dans le danger tandis que Thorgal prépare son arc, il pousse sur une perche tandis que son père pousse sur l’autre pour faire avancer le bateau dans la mangrove.

jolan 12 ans dans le present thorgal prevoit en adulte

Mais Jolan reste un gamin, toujours dans le présent, tandis que Thorgal est un adulte : il prévoit toujours l’après. C’est la troisième leçon de pédagogie aux gamins !

Pris en chasse par des barques de nains belliqueux, ils ne sont sauvés que par le navire du prince Zarkaj, régnant sur un royaume inconnu et féérique. Mais Thorgal se méfie. Est-ce de la paranoïa ? Non, la simple expérience des hommes : « les rois sont rarement des modèles de générosité ». Le dessin le montre en posture de moine austère, sage de l’existence. Quatrième leçon : le pouvoir corrompt. Aucune promesse de prince ou de candidat ne peut jamais être crue car, une fois au pouvoir, il s’agit d’en jouir et de faire suer le burnous ou le citoyen. Chirac, expert politicard : « les promesses n’engagent que ceux qui les croient ». Dernier exemple avec Hollande…

thorgal moine contre la richesse

La belle chambre où se reposer des épreuves comme les fêtes au palais où des danseuses seins nus évoluent devant les yeux intéressés de Jolan, ne sauraient durer. Le mal est en l’homme car il n’est pas dieu.

fete seins nus au palais

En voulant forcer Aaricia à lui « appartenir », le prince découvre une tache bleue sur son bras. Jolan a la même, il l’a contaminée. Toute la famille est supposée atteinte du mal bleu, inguérissable, donc ostracisée aussitôt. Tous sont descendus dans une vallée aux parois de sable, d’où l’on ne peut sortir. La maladie évolue vite et les condamnés meurent en moins d’une semaine, la fin dans des souffrances atroces.

Thorgal va-t-il renoncer ? JAMAIS ! Un vieux de la montagne connait probablement l’antidote. C’est une légende, mais le seul espoir de sauver les gamins et l’épouse. Cinquième leçon de cet album bien mené, délivrée ici par Thorgal : « La seule folie serait de rester ici à attendre passivement la mort. Je préfère aller au-devant d’elle en tentant de la vaincre ». Le sentiment ne doit pas tenir devant la raison ; elle seule doit commander car elle est le propre de l’homme, ce qui le différencie des bêtes (comme des méchants).

thorgal ne renonce jamais

Thorgal s’enfonce donc dans les eaux noires de la rivière qui passe sous terre au bout de la vallée. Il résiste ; lorsque ses poumons sont sur le point d’exploser, il aperçoit au loin une lueur : la sortie ! Il va affronter le dragon-pieuvre, se faire récupérer par les nains jetés hors du royaume et dirigés par un normal. On se demande pourtant comment un bébé recueilli puis élevé par les nains peut « savoir » comment fabriquer des armes sans jamais avoir appris, mais c’est pour l’histoire…

thorgal nu

Évidemment, rien ne va sans mal et Thorgal, nu, doit affronter un nain qu’il a blessé en défendant sa famille. Il joue de ruse puis le sauve en affrontant le dragon-pieuvre qu’il tue. Le normal, qui s’avère Zarjkar, frère jumeau du prince Zarkaj exposé pour qu’il n’y ait pas deux rois, l’aide alors à retrouver le mage Armenos. Ils exploitent comme Icare une invention du savant pour aller plus vite.

thorgal nu combat le nain

Et c’est in extremis qu’ils parviennent à sauver la famille, puis tous les êtres condamnés par le mal bleu. Jolan, pas encore adulte, pas encore digne d’égaler son père, a été sur le point de renoncer à cause des souffrances intolérables qu’il subit. Sa mère Aaricia a été obligée de l’assommer puis de le ligoter avec des lambeaux de sa propre robe pour le sauver malgré lui.

aaricia assomme jolan

Jamais sans doute Jolan n’a été aussi content de retrouver son papa, d’autant que c’est à cause de sa légèreté de gamin de 12 ans que tous ont subi les épreuves.

jolan 12 ans va mourir

L’histoire commence en effet en voix off, comme venue de l’au-delà. Mise en scène dramatique qui captive dès les premières pages. « Je m’appelle Jolan, j’ai douze ans et je vais mourir ». Après Louve, héroïne de l’album précédent Arachnéa, c’est au tour du garçon d’être le moteur de l’aventure. Si la petite fille était tombée à l’eau, précipitant son père dans le risque, c’est cette fois le jeune garçon qui entraîne tout le monde dans le malheur. Ah, il n’est pas facile d’avoir des enfants ! Mais ce sont eux qui forcent à vivre les valeurs : courage, loyauté, endurance. C’est peut-être la sixième et ultime leçon des auteurs aux adolescents. Un message de la dernière année du XXème siècle pour l’avenir.

Rosinski & Van Hamme, Thorgal 25, Le mal bleu, 1999, éditions du Lombard, 48 pages, €11.40

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