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Chouette chasse au trésor

Le 8 avril 1904 était signé entre la France et le Royaume-Uni le traité de l’Entente cordiale. Le roi Edouard VII et le président Emile Loubet ont trempé leur plume avant d’y apposer leur paraphe.

Quatre-vingt-dix ans plus tard, en 1994, les éditions de la Chouette d’or lancent une chasse au trésor pour commémorer l’événement – mais la fameuse chouette créée par l’artiste Michel Becker n’a jamais été trouvée et l’auteur des énigmes est mort avec les solutions.

Le 8 avril 2021, après la pandémie et le Brexit, les éditions de la Chouette d’or lancent une nouvelle chasse avec de nouvelles énigmes. Toute une aventure !

Chacun peut trouver la réponse aux énigmes dans un livre publié par les éditions de la Chouette d’or, Le trésor de l’Entente cordiale, dans lequel figure le conte de Pauline Deysson Le trésor des Edrel, traduit en anglais par Stephen Clarke. Une carte au trésor et une boite à outils vous y aident. Si vous y parvenez, vous aurez résolu la moitié du chemin. En effet, la chasse est lancée simultanément en France et au Royaume-Uni et seules les deux moitiés de clé pourront déverrouiller l’écrin de cristal contenant le Coffret d’or d’une valeur de 750 000€, exposé prochainement au musée du Château d’eau de la ville de Rochefort.

Cette nouvelle chasse est organisée avec la collaboration de Vincenzo Bianca, créateur de jeux et expert reconnu mondialement pour la conception d’énigmes.

Michel Becker, Stephen Clarke, Pauline Deysson, Vincenzo Bianca, Le Trésor de l’Entente Cordiale, éditions de la Chouette d’or, 8 avril 2021, 156 pages, €24.90

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Neverland de Marc Forster

Le film est tiré d’une pièce de théâtre sur la vie de James Barrie, auteur de Peter Pan. Nous sommes donc dans l’illusion sur l’illusion, l’imaginaire étant un pays où chacun peut être qui il veut « à condition d’y croire très fort » comme le dit l’adulte à l’enfant qui a perdu ses père et mère. Car Mr James M. Barrie (Johnny Depp), riche écrivain de Londres marié depuis quelques années mais dont le couple trop mondain bat de l’aile, ne parvient plus à écrire des pièces de théâtre ; la dernière a fait un four, bien que la bonne société s’y soit pressée, avide de divertissement en ces premières années du siècle XX.

Un jour, au parc de Kensington Gardens où il aère le gros saint-bernard Porthos et prend des notes, il rencontre un enfant sous son banc, Michael (Luke Spill). Il est « prisonnier » du vilain roi qui l’a enfermé dans la tour et ne peut en sortir. Intrigué, amusé, Mr Barrie joue le jeu ; il fait vite la connaissance des deux autres garçons impliqués dans l’aventure, George (Nick Roud) et Jack (Joe Prospero) puis de leur mère Sylvia (Kate Winslet), et enfin du dernier garçon (Freddie Highmore) qui refuse tout mensonge parce qu’il ne supporte pas qu’on lui dise que son père va bien alors qu’il va mourir. Ce sont tous des Llewelyn Davies, mais réduits à repriser les vêtements et à se contenter de peu après la disparition du père. La société du temps était impitoyable pour les veuves avec enfants.

Le pays merveilleux de l’enfance ouvre à Mr Barrie des perspectives nouvelles pour le théâtre. Il s’agit, après tout, de faire rêver. Son producteur (Dustin Hoffman) est dubitatif sur l’attrait des pirates, des indiens et les fées sur le public bourgeois mais consent au pari (ce qui est très anglais). Ses amis le mettent en garde sur les rumeurs qui courent sur sa fréquentation assidue d’une veuve qui n’est pas sa femme (ce qui est très collet-monté victorien) et de ses jeux avec quatre garçons entre 13 et 7 ans (ce qui rappelle par trop les mœurs de collège). La grand-mère maternelle des enfants (Julie Christie) veille à faire respecter la bienséance. Son épouse elle-même (Radha Mitchell) le voit de moins en moins et n’aime pas trop la tournure que prend son esprit, bien qu’elle avoue sur la fin qu’il a écrit sa meilleure pièce.

Malgré le moralement correct et les pressions sociales, James Barrie persiste. Il excite les mineurs à l’imaginaire pour pouvoir lui-même entrer dans ce pays merveilleux ; il joue aux indiens, leur fait monter une pièce de pirates, les fait s’envoler avec les accessoires du théâtre. Les enfants sont ravis et s’attachent à « oncle James » qui est le seul adulte à se préoccuper d’eux et de leur chagrin. Johnny Depp est excellent face aux enfants, la voix posée et les propos plein de bon sens n’empêchent pas de les prendre dans ses bras quand il le faut. Surtout Peter, au visage souvent chiffonné d’émotion, dont il fait Peter Pan, un fils de théâtre qui est à la fois lui-même et l’enfant. Mais aussi de reconnaître en l’aîné, George, ce moment émouvant où l’enfant devient un homme parce qu’il comprend que sa mère est condamnée elle aussi : elle a attrapé la phtisie : « et voilà, en trente secondes… ».

Barrie va accompagner la veuve jusqu’au bout de son mal, s’occuper de ses garçons, écrire sa pièce et inviter stratégiquement des orphelins pour les disséminer dans le théâtre lors de la première. Ils rient, ils s’amusent, ils détendant les adultes alentour qui ne peuvent qu’applaudir ; sans les enfants, ils auraient eu honte de retrouver leur imaginaire infantile, mais avec eux ils se déboutonnent. La pièce est un succès et Sylvia, qui n’a pas pu venir car trop affaiblie par la toux, la voit en représentation privée – une surprise in extremis. Elle accède enfin au pays de l’imaginaire dans lequel elle va entrer définitivement avec la tombe.

Peter, le dernier des garçons, ne veut pas grandir mais oncle James, qui est désigné cotuteur avec la grand-mère par testament, lui montre la voie pour devenir adulte tout en restant enfant : écrire. Laisser courir son imagination, inventer des aventures dans un pays merveilleux comme on sait le faire quand on n’a pas 12 ans. Freddie Highmore, qui joue le Peter de 7 ans, a justement 12 ans lors du tournage mais il est assez petit et enfantin pour incarner parfaitement la détresse d’un petit garçon confronté par deux fois à la mort et à l’abandon.

Cette fable du Neverland, qui fait encore rêver, a inspiré Mikael Jacskon pour nommer son ranch, même s’il a poussé un peu loin l’innocence avec de jeunes garçons au prétexte d’un imaginaire où tout serait possible. Mais James Barrie n’était pas pédophile. S’il aimait tant l’enfance, c’est par traumatisme personnel : Il a perdu à 6 ans son frère aîné David, 13 ans, dans un accident de patinage et a depuis toujours voulu être le fils modèle pour sa mère, allant jusqu’à imiter les attitudes et les façons de parler de son grand frère défunt. Le stress émotionnel l’a empêché d’atteindre une taille normale pour un adulte et inhibé son intérêt pour le sexe, d’après les biographes anglais.

Même s’il s’agit d’une fable sur la naissance d’une fable, l’époque est parfaitement reconstituée avec ses chemises-tuniques, ses cabs et ses vieilles automobiles. Ce film est beau, joué pudiquement et sur un mythe éternel.

DVD Neverland (Finding Neverland), Marc Forster, 2004, avec Johnny Depp, Kate Winslet, Julie Christie, Freddie Highmore, Dustin Hoffman, Studiocanal 2013, 1h41, standard €9.99 blu-ray €6.73

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Oulan Bator visite

Nous allons ensuite visiter sous le soleil le temple Choijin Lama, érigé par maître Ombo, un Bonnet Rouge, en 1904. Dans le temple principal sont conservées deux momies des « Chuchen lamas ». Des dépouilles animales et humaines (imitation) pendent aux murs au-dessus des fidèles. Tout cela est destiné à faire peur et à inciter les gens à réfléchir au mal. Les bols faits de crânes humains et les flûtes en tibia servent aux moines à apprivoiser la mort en réduisant les restes du corps au rang d’objets utilitaires dénués de toute charge émotionnelle. Un sanctuaire figure Bouddha entouré de ses disciples et de ses 16 élèves célèbres.

Un certain Hva san était roi d’un territoire chinois en même temps qu’élève du Maître. Il était réputé lapiner et est représenté avec huit enfants dans les bras ou grimpant sur ses épaules et ses genoux. Voilà un être compatissant pour la vie qui grouille et se développe. Qu’en a-t-il été à l’adolescence de tous ces petits ? Des rivalités, des querelles, des déchirements pour l’héritage ? « La vie » n’est pas toute de merveille et son caractère sacré ne lui ôte nullement ses travers. Seule l’éducation et la discipline permette de l’apprivoiser et d’en faire une œuvre digne de l’homme – tel est peut-être le message du Bouddhisme. Mettre au monde et élever comme des agneaux tant d’enfants ne se conçoit que si l’on en fait des hommes, c’est-à-dire que l’on ne se contente pas de les nourrir et de les caresser mais aussi de leur enseigner le comportement juste et un savoir étendu, façonnant leur caractère par l’exemple et la contrainte. L’enfant n’est ni ange ni page blanche, tout gracieux qu’il soit à l’état naturel. Le but de l’éducation est de révéler ce qu’il a de meilleur en lui, de plus digne de la conception que la société se fait de l’homme.

Le palais Bogd Khan est le palais d’hiver. Construit entre 1893 et 1903, il est défendu symboliquement par les quatre Gardiens terribles. Le plus virulent a la chair bleue « parce qu’il a bu trop de vodka » selon le commentaire passablement acide de Solongo. Mais le bleu porte bonheur dans l’univers bouddhique car il est la couleur du ciel. Les thangkas du palais sont « de style mongol ». On distingue ce style des autres par ses couleurs crues et naïves, les nomades, peu confrontés à la presse des cités, n’étant pas habitués à aimer les nuances.

Dans la symbolique bouddhique, le bleu est le ciel et signifie « vérité éternelle », le rouge est « bonheur et ténacité », le jaune « vie toujours renaissante » comme le soleil, le blanc « bonté, humanité et bienfaisance » et le vert « croissance et fertilité ». Vingt-quatre femmes étaient au service du Khan pour lui broder ces thangkas au temps béni de l’ancien régime.

Aujourd’hui, fini l’artisanat. L’industrie à touristes prend son essor, alimentant les boutiques de chaque « musée » de souvenirs comme à Lourdes ou chez Mickey, réalisés à la chaîne aux Indes ou en Chine. L’argent se gagne à coup de règlements sur les visites des « monuments » (récents ou rebâtis depuis 10 ans) et surtout sur le droit de prendre des photos. Quant aux boutiques, qui devraient être l’essentiel du commerce à destination touristique, elles alignent l’artisanal et l’industriel en vrac, sans présentation ni ventes annexes.

Zanabazar reste « le » sculpteur mongol et sa Tara verte, dont une statue trône dans une salle du palais, serait, selon le guide, son idéal féminin de la « dame de quarante ans ». Ménopausée, elle n’aurait plus ce handicap de porter régulièrement des enfants et pourrait se consacrer pleinement à la sagesse épanouie, au plaisir et à l’entretien de son corps, selon les trois étages de l’humain. Ce n’est pas si mal vu et le résultat en bronze est aguichant. On reconnaît l’âge à la fleur de lotus ouverte sur son épaule ; à l’inverse, la femme de 16 ans (que pour ma part je préfère) n’est pas encore spirituellement mûre car elle ne porte qu’une fleur en bouton.

Dans le bâtiment-musée qui conserve les vieux objets d’ancien régime, le nombre de coussins sur les fauteuils marque le rang de chaque dignitaire. En général de quatre à six, la Reine, telle la princesse au petit pois d’Andersen, en supportait 24. Il ne fallait pas que son auguste cul sentît la dureté du bois du siège. De même pour son royal corps de chair : une couronne en « black fox » selon l’étiquette (renard noir) couvrait son front, et un manteau de « sable’s skin » (fourrure de zibeline) ses épaules. Une yourte royale, composée de 150 peaux de léopard est élevée au rez-de-chaussée. Elle date de 1893, cadeau au Huitième Bogden Gegen Jivzundamba.

Nous terminons les visites par le Tzaisan, la colline soviétique.

C’est un monument aux combattants, une masse de béton kitsch aux mosaïques sérieuses et populaires, glorifiant la libération du nazisme par les vaillants soldats portant les lettres CCCP sur le casque. Le nazisme, si loin de Berlin et même de la Russie ?

Une plantureuse blonde se jette dans les bras d’un vainqueur aux sourcils froncés tandis qu’un petit blond qui pleure est consolé par un Prolétaire. Cette touchante réécriture de l’histoire concerne si peu la Mongolie que le monument sert de colline de jeu aux enfants et de but d’excursion aux familles citadines.

Montent de petits garçons vifs et minces, la peau tannée par un soleil qui sait se faire ardent et le vent qui souffle assez fort en cette fin d’après-midi, se coulant depuis la montagne dans la petite vallée surchauffée.

Un gamin a ôté son tee-shirt pour grimper plus à l’aise, petit mâle vigoureux qui veut en remontrer à ses sœurs et à son tout petit frère. Beaucoup de bébés montent sur les épaules de leurs parents. Les enfants, en Mongolie, paraissent bienvenus et choyés.

Près d’un million de Mongols vivent désormais dans la capitale, sur 2,7 millions dans tout le pays. L’exode rural a été intense après la chute du communisme, mais les années de sécheresse 2000 et 2001 et le chômage ont renvoyé dans les steppes une partie des ex-éleveurs malgré les quelques 6 millions de bêtes mortes de soif durant ces années néfastes. Il reste que la sédentarisation et l’urbanisation avancent avec l’ouverture au reste du monde, ici comme ailleurs, et qu’il faut bien trouver des distractions à ceux qui vivent et travaillent en ville. Mais l’on doit constater que l’esprit critique n’est pas plus développé ici que le sens du commerce.

Le dîner a lieu dans l’autre tour de l’hôtel. Le restaurant a été nommé « Aux Enfants de l’Arbat » en référence au roman du Russe Anatoly Rybakov, publié durant la perestroïka. Nous sont servis un œuf au œufs de lump, un morceau de poisson pané aux riz et pommes de terre (mariage de la Russie éternelle avec la Chine non moins éternelle), et une coupe de glace qui ne parait pas avoir trop souffert des coupures épisodiques de courant à Oulan Bator.

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