Articles tagués : poupées

Katherine Nikitine, La princesse de Kleve, Opus 1

katherine nikitine opus 1 la princesse de kleve

Marie-Madeleine de La Fayette revisitée une fois de plus, après les propos présidentiels sur les concours de fonctionnaires : pourquoi pas ? Une jeune femme tombe amoureuse d’un violoniste virtuose de la quarantaine, mais celui-ci aime sa femme et c’est son frère qui tombe amoureux. Nous avons là une « belle histoire », écrite soigneusement avec des mots choisis, un peu « précieux » (torpide, cathartique, compère…). Nous restons dans l’univers de la cour des Valois avec l’importance donnée à l’amour, la beauté idéale des protagonistes et la composition des sentiments réels de jalousie, d’illusions, et ainsi de suite.

Mais l’imitation ne saurait suffire pour composer un roman. L’histoire se tient, mais elle tourne court et la fin, trop lapidaire, déçoit. Les personnages font poupées, trop beaux, lisses et bien faits pour attirer le lecteur du XXIe siècle (erreur courante des premiers romans). L’action se traîne avant de prendre sa course, puis de retomber, la taille inégale des chapitres déconcerte. Sans compter cette mystérieuse « maison HLM » qui est bizarre (un HLM est habituellement un immeuble collectif, pas une maison individuelle – mais on me l’a fait remarquer, il est vrai qu’il en existe). Ou encore cette curieuse expression « les jeunes gens » page 101 et suivantes, alors que deux des trois personnages décrits ont la quarantaine.

Dans l’écriture, il faut choisir son genre. L’intitulé haletant et précis des chapitres laisse croire au thriller : le lecteur attend donc de l’action, pimentée de quelques piques et d’une dose de sexe. Rien de tel ne survient. Serait-on alors dans le roman littéraire, popularisé par dame de La Fayette ? Le style ne suit pas, trop familier parfois, sans cette sécheresse que reprendra Stendhal et qui fait la qualité du texte de 1678. La psychologie est peu poussée, les combinaisons entre caractères mal approfondies. Il n’est pas aisé de faire du neuf avec du vieux.

L’intitulé ‘Opus 1’ laisse présager une suite. L’auteur ne nous dit rien de son intention, ce qui laisse sur sa faim.

Au total, un auteur prometteur, « pianiste cosmopolite », qui insiste un peu trop lourdement sur la vie jet set (Paris, Bruxelles, New York, l’Argentine, la Russie, l’Allemagne…) et les origines très mêlées – dont on ne voit pas en quoi elles servent le roman (au contraire). Madame de La Fayette resserrait l’intrigue à la cour et entre les seuls nobles autour de Henri II. Les jeux psychologiques en prenaient plus de relief, les passions ressortaient bien mieux sur le théâtre obligé d’une société toute de rivalité dans l’égalité sous le regard du roi. Noyer tout cela dans le mondialisme culturel de la consommation musicale et du melting pot migratoire est un appauvrissement.

Reste une histoire qui se lit bien, des personnages que l’on aurait envie de suivre (et de voir se complexifier un peu), quelques paragraphes acerbes sur le monde contemporain forts réjouissants, et des pages sur la musique qui valent la lecture. Nous attendons de voir la suite mûrir (on dit qu’il existe un Opus 2 tout frais chez un autre éditeur), l’auteur le mérite amplement.

Katherine Nikitine, La princesse de Kleve, Opus 1, 2013, éditions Baudelaire, 197 pages, €17.10

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Méliandre Stern, Les étoiles de Tareth 1

Méliandre est une fille de l’Essonne qui n’a pas vingt ans et publie déjà son premier roman. Une épopée échevelée d’heroic fantasy un peu bizarre, pleine d’action et d’imagination. D’une famille de « cultureux » comme on dit en province, Méliandre appartient aux grands lecteurs par hérédité. Son prénom, déjà, a l’originalité de ne pas être référencé dans les sites d’orientation des parents. On dit que l’auteur commence des études d’histoire bien qu’elle mêle allègrement prénoms grecs et langue « runique » dans un pays imaginaire aux noms slaves et au paysage mésopotamien. Métissage culturel très tendance, chaos historique dû à la déstructuration de l’Éducation nationale, nous sommes au présent, dans un temps « ancien » avec chevaux, arcs et épées mais nous ne savons rien d’autre.

L’histoire est celle de six adolescents d’un petit village, enfuis pour échapper aux sbires du Gouverneur. Mais ils seront arrêtés, emprisonnés, torturés. Ils s’évaderont, seront rattrapés, passés au fil de l’épée… mais comme ils ont neuf vies, survivront. Les personnages sont très jeunes, 12 à 19 ans semble-t-il, mais ils ne sont jamais décrits, pas même comment ils sont vêtus (sauf une pintade, fille de gouverneur). Ils pourraient être attachants si l’on en savait un peu plus sur eux, ce qu’ils sont, ce qu’ils pensent, qui ils aiment. C’est ainsi qu’un gamin de 13 ans se retrouve « un poignard dans le torse »… Étrange façon de dire : on ne parle de torse que lorsqu’il est nu, serait-ce le cas ? Sinon on dit poitrine ou dos, ce qui est plus précis. Le lecteur adulte a l’impression de suivre par écrit un jeu vidéo où les rôles sont incarnés par des personnages standards : le Voyant, le Guerrier, le Magicien…

Divers tropismes montrent que l’auteur a été très influencée par les séries américaines. Les filles ont naturellement un plus beau rôle que les garçons, féministe militant oblige. Dommage qu’elles ne soient pas plus consistantes. Comment aimer de telles poupées Barbie, même prénommées Électre ou Mira ?

Rêve étasunien de la jeunesse actuelle pour l’au-delà du réel, chacun est doté par hérédité de « pouvoirs » sans qu’il en soit pour rien. Pas d’initiative, pas de courage, la simple mécanique des gènes qui le « font » lire l’avenir ou être habile aux armes. L’imprégnation de la mentalité d’outre Atlantique transpire nettement dans ces déterminations : chacun n’est-il pas « de naissance » ci ou ça, gros ou mince, homo ou hétéro, pervers ou normal…? Toute la recherche psy américaine se focalise sur « le gène » qui va tout expliquer.

Autre fascination d’époque : la torture et la mort. On ne compte plus les pages où les filles ont les extrémités écrasées, les os brisés, les oreilles arrachées, après que « toute la garnison » leur soit passée dessus. Pas les garçons, ce qui est étrange, à moins qu’ils soient épargnés par l’auteur fille parce qu’ils sont trop jeunes ? Les hommes, cependant, sont volontiers dénudés, liés, tailladés, les plaies enduites de vinaigre et enfin brûlés vifs avec le bois du coin…

Défauts de la mode et du premier roman, dira-t-on, ce pourquoi nous sommes indulgents. Il reste une épopée qui se lit avec plaisir si l’on se laisse emporter par le galop de l’action, en « oubliant » l’absence de profondeur et la profusion massive de personnages qui embrouille. Peut-être les tomes suivants seront-ils plus mûrs, moins jetés comme scénarios de série télé et plus écrits, laissant moins place aux rôles standard au profit d’être humains plus véridiques ? Il ne s’agit pas d’écrire aujourd’hui comme Flaubert, mais de donner un peu de consistance aux héros, de façon à ce que le lecteur les aime.

Un bon point : l’absence totale de faute de français et d’orthographe. On ne peut pas en dire autant de tous les livres de l’éditeur et c’est à marquer.

Il demeure que l’on est touché de l’inventivité de cet univers onirique. Pour un premier roman, écrit à moins de vingt ans, c’est une réussite. Peut-être en calmant un peu les chevaux de l’imagination, en lui tenant mieux la bride par des rajouts qui éclairent (ainsi écrivait Balzac), en donnant plus de consistance aux personnages par des descriptions, des états de pensée, des anecdotes édifiantes sur leur caractère, en remplissant un peu plus le canevas de l’aventure – peut-être la suite sera-t-elle mieux réussie ? Relire le Seigneur des anneaux (le livre) serait probablement de bon conseil.

Mais n’hésitez pas à passer une heure dans le livre de Méliandre, elle mérite des encouragements.

Méliandre Stern, Les étoiles de Tareth 1 – Les monts perdus, juin 2012, éditions Baudelaire, 136 pages, €12.83

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Les Incas du Pérou

On ne connaît pas l’origine des Incas. Certains les font venir des hautes plaines de l’Amazonie, d’autres du Lac Titicaca… Les Incas ont fondé vers 1200 Cuzco, « le nombril du monde » en quechua. Le grand temple du Soleil est devenu les fondations du monastère Santo Domingo. Douze dynasties incas se seraient succédé à Cuzco. Atahualpa appartiendrait à la treizième. Le premier Inca historique est Pachaculec-Inca-Yupan (1438-1471). « Renversement de l’ordre du monde » signifierait son nom. Les Espagnols découvrirent la ville de Cuzco rebâtie par lui.

Les Incas dominaient un immense empire couvrant le Pérou, la Bolivie, l’Equateur, et une partie de la Colombie et du Chili d’aujourd’hui. Les traces de cette civilisation sont partout, chez les gènes des 10 millions d’indigènes parlant le quetchua, dans les objets des musées, dans les ruines du bâti antique. Les Incas ont beaucoup apporté à l’agriculture et à l’architecture. Comment ne pas être admiratif devant les ouvrages colossaux constitués d’impressionnantes pierres taillées et ajustées qu’on ne peut, entre deux blocs, y glisser la lame d’un couteau ?

Sur les crêtes, ils ont construit Machu Picchu, Pisac, Sacsahuaman, des cités-forteresses approvisionnées et surveillées par tout un réseau de chemins et de sentiers d’approche. Les travaux des routes commencés sous la civilisation Chimu se sont poursuivis. Ils les ont agrandis jusqu’à 11 000 km, une route suivant la côte, l’autre la cordillère.

Si la religion catholique a été adoptée par la majorité des peuples d’Amérique du Sud, l’animisme a conservé ses rites millénaires : lorsqu’on passe un col, vous verrez votre chauffeur descendre de voiture ou de car et poser un caillou blanc sur un tas déjà constitué. Le jour des morts on fait libation sur les tombes, on apporte aux défunts à manger, on trinque avec la tequila, on leur fait donner une aubade. Le lutin bossu et grassouillet (ekeko), censé apporté la richesse, est béni ainsi que tous les autres le 24 janvier à La Paz. Le demi-dieu de l’abondance est porteur de tous les désirs en représentations miniatures tels enfants, nourriture, argent, automobile Mercédès. Les poupées du Pérou en laine, coton et fibres végétales n’étaient pas des jouets mais des idoles rituelles. Les guérisseurs font toujours office de médecins.

La musique demeure l’une des plus belles qu’il m’ait été donnée d’entendre que ce soit dans les auberges, les fêtes populaires, sur une place publique.

Les tambours, (cajas et tinyas), percussions, sifflets, ocarina, flûtes de pan (antaras), flûtes droites (quenas), guitare et violon accompagnent les chanteurs et danseurs de valse créole et marinera.

Hiata de Tahiti

Catégories : Pérou-Bolivie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,