Le kookaburra est un oiseau de 45 cm de long et pesant 500 grammes, il vit en Australie où il salue le jour de son cri de coq, que les aborigènes prennent pour un rire rauque. Il est appelé martin-chasseur parce qu’il capture insectes, serpents et petits lézards. Mythique dans la culture locale, l’oiseau donne son titre au récit de voyage de l’auteur sur le cinquième continent.
Pourquoi une prof d’anglais du sud-ouest est-elle tombée amoureuse des antipodes ? C’est tout simple : sa fille a rencontré un Australien à Londres et les voilà amoureux. Tel le martin-chasseur, il va l’emmener chez lui, fidèle comme l’oiseau, et lui donner un bébé. Bien obligé d’y aller voir ! Décembre 1998 est le premier des cinq voyages relatés ici, pour faire connaissance du petit Elliott de sept mois. Il y aura trois autres bébés qui suivront, et une douzaine de voyages jusqu’à l’édition du livre en 2012, dont l’un en compagnie d’un petit-fils de l’autre enfant de la prof, resté en France, Guillaume, 9 ans. Ce n’est sans doute pas fini, mais le lecteur regrette de ne pas voir les petits-enfants grandir. Elliott doit avoir 15 ans cette année, il aurait été intéressant de décrire ce que vit un adolescent des antipodes, certainement moins étriqué que chez nous.
Ce récit très vivant montre l’étonnement devant ce monde renversé : en Australie, contrairement à la France, tout est GRAND ! Les animaux prolifèrent, les oiseaux assourdissent les matins des villes, les serpents sont parmi les plus venimeux du monde, 7 mortels sur 10 sont ici, comme 2 araignées. Michèle est pétocharde et ne s’aventure qu’en chaussures montantes dans les herbes, évite la forêt, elle craint même les ruelles chinoises de Hongkong. Une vie entière passée dans le cocon de l’Éducation nationale ne prépare en rien au moindre risque. Reste que ce journal de bord est bien écrit et donne envie d’aller en Australie bien mieux qu’un guide formel.
J’ai quand même été agacé de quelques lâchetés d’époque dans l’écriture, comme ces points d’exclamation doublés ou triplés. Un point d’exclamation est déjà un signe de ponctuation fort, pourquoi en rajouter ? Vous voyez-vous hurler une phrase entière de trois lignes ? Cet excessif devient insignifiant. La bible wikipède – que tous les paides consultent à gogo – va même jusqu’à écrire : « Un usage trop fréquent du point d’exclamation est en général considéré comme un appauvrissement du langage, en distrayant le lecteur et en affaiblissant la signification du signe. » A corriger, professeur !
De même que ce mystérieux « dollar UK » donné page 74 et une seconde fois page 75 : je ne savais pas que l’Angleterre s’était convertie au dollar, même à Hongkong, devenue entièrement chinoise depuis 1997. Ne faut-il pas « faire plus attention » dans la copie et noter « dollar HK », professeur ?
Et encore ces majuscules mises – à la façon des langues germaniques – à tout adjectif qui ressemble à un nom. Ce n’est pas l’usage en français, professeur, on se demande si vous avez bien suivi l’école. On écrit un Australien (nom propre) mais un boomerang australien (adjectif), un Aborigène (indigène) mais une lance aborigène (objet). C’est tellement Éducation nationale, ce laisser-aller « social »… Les « pauvres » jeunes élèves sortis de familles pas douées, n’est-ce pas, va-t-on les pénaliser pour un usage « bourgeois » de la langue française ? Sauf que cette paresse déteint. Et que lorsque l’on veut éditer « un livre », le sérieux est exigé. Les écrits restent, professeur.
Que ces taches (sans accent circonflexe) ne vous rebutent cependant pas. Ce récit d’Australie pour l’édification de la famille restée en France est d’une lecture captivante pour qui ne connait rien au pays kiwi. Les routes interminables, les parcs animaliers, les fermes immenses, les tempêtes mémorables, les fruits de mer plantureux, les vins gouleyants et l’abord direct et sympathique des pionniers ou surfeurs a quelque chose d’envoûtant. Avec une belle page, émouvante et humaine, sur la désorientation d’un garçon de 9 ans après deux mois d’Australie devant le temps, la distance et la mort.
Michèle Brunerie, L’appel du Kookabura, 2012, éditions Baudelaire, 167 pages, €15.20
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