Articles tagués : sncf

La grève n’est pas une tyrannie, dit Alain, mais…

Aujourd’hui, les cheminots de la société nationale des chemins de fer français adorent emmerder les gens. Ils choisissent toujours les week-ends de grands départs, ou les veilles de vacances, ou encore les épreuves du bac, pour déclencher leur grève. Soi-disant parce que « l’Etat-patron » les opprime, ne les paye pas assez, les soumet à des horaires de chiourme. En 1909, du temps où le philosophe Alain écrivait ses Propos, c’était la Poste. Le courrier était vital, surtout dans les campagnes, où il reliait les gens et les familles. C’est moins vrai aujourd’hui avec le smartphone, la visioconférence, les mél – même si les drogués du « toujours plus » adorent consommer encore et toujours en commandant via le net pour se faire livrer dans la journée. Mais ce n’est que caprice qui peut être ignoré. Le voyage, en revanche, surtout si l’on a prévu et « réservé », est beaucoup moins accommodant.

Les grévistes en profitent, croyant (assez bêtement à mon avis, et au vu de l’histoire depuis cinquante ans) que l’exaspération des gens finira par peser sur la Direction de la SNCF, via « le gouvernement » (que fait le gouvernement ?). Ce n’est pas la vérité. Le citoyen paye des impôts (même ceux qui n’en payent pas « sur le revenu » faute d’en avoir un suffisant), et ces impôts renflouent sans cesse et toujours l’extravagant « déficit » de la SNCF, les travaux à faire, les infrastructures qui s’usent. Les cheminots ont beau dire que la SNCF « fait des bénéfices », ce n’est que la partie commerciale, pas le Réseau. Il a été détaché dans une entité séparée pour cause de Directive Concurrence européenne, mais sa dette reste abyssale. Le train n’est pas une activité commerciale rentable, on l’a vu au Royaume-Uni, où les dénationalisations ont accouché de compagnies privées qui ne sont pas profitables, même si elles réduisent les travaux au minimum.

Donc les syndicats ont tort, qui croient gouverner à la place des gouvernants, qui croient user de « bon sens » en réclamant une part des « bénéfices » affichés comptablement (mais pas consolidés avec le Réseau). Ils agissent non pour l’intérêt général, mais pour leur intérêt particulier corporatiste. Leur grève n’est jamais vraiment légitime, même si réclamer de meilleurs salaires peut l’être.

Mais sont-ils si « mal payés », ces conducteurs ? Selon Capital, avec un niveau minimum BEP ou BEPC (ce qui n’est pas grand-chose, et « à l’issue de la formation initiale, le conducteur junior touche un salaire au Smic (1 801,80 euros brut, soit environ 1 426 euros net) hors primes. Un conducteur de manœuvre et lignes locales gagne ensuite jusqu’à 2 000 euros bruts par mois, et un conducteur de ligne touche entre 2 500 et 4 000 euros bruts mensuels. Le conducteur de TGV est le grand gagnant, avec un salaire autour de 4 800 euros bruts, primes comprises. » Ce n’est pas le bagne, comparé aux policiers, aux profs, aux employés de banque, et ainsi de suite… Sans même évoquer « de nombreux avantages et primes qui comptent pour beaucoup dans le montant total de la rémunération : une aide au logement, une prime de fin d’année, mais surtout des voyages à des prix avantageux. »

« Nous allons vers l’esclavage universel », en conclut il y a déjà un siècle le citadin chez Alain. « Nous en viendrons à dépendre tellement les uns des autres qu’il n’y aura plus ni liberté ni amitié parmi les hommes. Chacun de nos besoins sera l’esclave d’un système distributeur ou nettoyeur, comme sont déjà les postes, la lumière et le tout-à-l’égout. Nous serons nourris par compagnie ou syndicat, comme nous sommes maintenant transportés. Une menace de grève sera une menace de mort. » Certes, Lénine voyait dans « le communisme » la poste plus l’électricité ; le système hiérarchisé, organisé, robotisé, convenait à sa façon de faire une société. Mais ni la Poste, ni la SNCF ne sont des tyrannies – même si certains « contrôleurs » prennent leur rôle de petits-chefs un peu trop à la lettre, et se croient tout-puissants, selon la revue indépendante Que Choisir.

Non, dit Alain « on ne vit pas longtemps dans la terreur et l’esclavage. On s’arrange. » Hum ! Il n’avait pas encore connu le communisme de Lénine et Staline, réactivé par Poutine… Mais il est vrai que les gens s’y adaptent, faisant profil bas, dans l’indifférence de ce qu’ils ne peuvent changer. « Les Français sont des veaux », disait de Gaulle (avant mai 68). Les Russes aussi aujourd’hui. Et les « usagers » de la SNCF aussi, même si l’image de l’entreprise se dégrade. Les sondages le montrent.

Ce que veut dire Alain, et il l’explique plus avant dans son Propos d’avril 1909, est que l’homme n’est pas un loup pour l’homme, sinon ce serait l’anarchie et l’éradication de l’espèce sur la terre. Chacun vit en paix avec son voisin, en général. « Je compte sur votre bon sens, sur leur bon sens », dit-il. Il est en cela rationnel, raisonnable, modéré, Alain. A écouter les éructations trotskistes de certains députés « insoumis » à l’Assemblée, ce n’est pas le cas de tous, aujourd’hui. Mais c’est le cas dans la société, globalement. « J’avoue que je compte sur l’Humanité. Que les hommes qui travaillent prétendent élever les salaires, et s’unir pour cela, je ne m’en effraie point, je ne m’en étonne point. C‘est la Raison qui pousse, comme poussent les seigles et les blés. » De là à supposer que la plupart des hommes vont se concerter afin de rendre la vie impossible aux autres et à eux mêmes, et être déraisonnables (sauf à l’Assemblée nationale où il s’agit d’une stratégie politicienne), c’est excessif.

Donc les grèves sont des manifestations de mauvaise humeur acceptable. En revanche, trop de grèves exprès dans les périodes cruciales pour les gens (comme les examens, les week-ends familiaux ou les vacances) sont inacceptables, c’est aller trop loin. Alain prêche la modération et la raison, le balancier qui ramène à la moyenne les exaspérations. Intellectuellement, c’est une façon de voir séduisante ; sur le terrain, c’est moins sûr.

Alain, Propos tome 1, Gallimard Pléiade 1956, 1370 pages, €70,50

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés par amazon.fr)

Alain le philosophe, déjà chroniqué sur ce blog

Catégories : Alain, Livres, Philosophie | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , ,

SNCF : une communication à la con

C’est la SNCF qui est chargé d’opérer le réseau Transilien sur la ligne C.

De sempiternels « travaux » sont encore et toujours prévus pour faire ce qui n’a pas été fait depuis trente ans. Outre un mois et demi l’été (pas cette année à cause des JO ?), des week-ends sont planifiés tous les mois depuis près d’un an pour réaliser ces travaux indispensables.

Sauf que la communication est absurde, contradictoire, imbécile.

Que pouvez-vous conclure de ces panneaux affichés dans toutes les gares de la ligne C ?

Qu’AUCUN train ne circulera les jours en rouge… mais que les trains qui viennent du bout de la ligne s’arrêteront en gare d’Austerlitz.

Alors, ça circule ou pas ? Y a des trains ou pas ?

Mais des coups de pied au cul qui se perdent, ça oui !

Les technocrates vous répondront doctement, depuis leurs bureaux parisiens, qu’il suffi de consulter « l’appli » (avec l’argot démago de rigueur). Sauf qu’ils n’ont jamais pris le RER semble-t-il puisque « l’appli » SNCF-Connect est constamment hors sujet : un train est annoncé à telle heure comme si de rien n’était jusqu’au bout… mais déclaré « supprimé » sur le quai de la gare.

Que peuvent conclure les « usagers » usés ? Que que ceux qui font la com du RER transilien sont au mieux des incompétents qui ne savent pas ce qu’ils font, au pire des j’en(ai rien à)foutre.

Catégories : Société | Étiquettes : , , , , , , , , , , ,

Départ pour le Cotentin

En ces temps où le confinement empêche quiconque de voyager pour un temps, j’éprouve l’envie de me remémorer la Normandie l’été dernier. Dans la banlieue d’Île-de-France où je suis ces temps-ci, deux petits voisins normands s’ébattaient au jardin ce dimanche, jour d’élection. Ils jardinaient. L’un de 7 ans et l’autre de 17 ; ils avaient ôté leur tee-shirt pour prendre le soleil, signe de vie qui continue, vigoureuse et saine.

Me voici donc embarqué pour cinq jours avec la Compagnie des sentiers maritimes, agence de voyages fondée en 1993 en Bretagne, pour un périple à pieds Coutances-Grandville-Mont Saint-Michel par les grèves. Le suivi du sentier du littoral, baptisé GR 223 peut se faire tout seul, mais je préfère être en groupe. Le rendez-vous est donné en fin d’après-midi à l’hôtel Cositel de Coutances (le nom gaulois de la ville). Situé un peu à l’écart de la ville, dans un bosquet d’arbres avec un grand parking, il est calme et flanqué d’une terrasse à ciel ouvert avec bassin aux carpes. Il est en outre facile à trouver, même sans GPS, car situé juste après les stades et la piscine municipale, lieux clairement indiqués par les panneaux indicateurs.

Je choisis la voiture plutôt que le train au vu des sempiternels ennuis SNCF : prix plus élevé aller et retour que le seul carburant, changement à Caen, longueur du trajet presque équivalente à l’auto. Sans parler des retards ou des grèves pour rien, avec la trop connue liste de prétextes : trop chaud pour les caténaires, trop froid pour les rails, incendie sur la voie, arbres tombés, feu de broussailles, personnes sur les rails, problème voyageur, incident technique, retard dû au trafic… cochez la case utile. Quatre sont venus par le train depuis Paris et ont d’ailleurs subi un retard de près d’une heure en raison de « gens sur les voies ».

En voiture, j’ai eu le plaisir du paysage, les champs de blé fauchés, les prés verts et les bosquets du Perche, les vallonnements normands. Vitres fermées, climatisation légère, je glisse, avec ou sans musique, de façon feutrée aux vitesses limites. Les écolos ont fort à faire pour prouver aujourd’hui que le train, avec le monopole centralisé de la SNCF et la mainmise des syndicats, est préférable à l’automobile. Même seul. Pour aller à Coutances, je n’ai pas besoin d’autoroute : la N12, Dreux, Argentan, Flers, Vire, Villedieu-les-Poêles. Les routes permettent le 110 km/h, le 90, le 80, 70 en agglomération et 50 dans les villes, voire 30 parfois. Je découvre le ridicule des ronds-points. Toutes les petites villes en ont dans leur zone industrielle, parfois cinq ou six en enfilade tous les 500 m ! J’arrive tôt, vers 16 h, après deux pauses. Il fait beau, assez chaud, mais une courte pluie s’invite en fin d’après-midi.

A mon arrivée, une seule voiture sur le parking : l’hôtel se remplira le soir. Il semble que les voyageurs ne soient ici que de passage pour une ou deux nuits. La chambre sent le renfermé, pas utilisée depuis un moment ; elle ne comporte ni frigo, ni climatisation – il est vrai que le climat ne l’exige pas, hivers humides, étés doux. Cet hôtel me semble en sous-utilisation bien qu’à peine plus cher qu’un gîte : de 70 à 106 euros la chambre. L’hôtesse m’annonce que le rendez-vous est finalement fixé à 18h45 dans le hall. J’ai le temps de me rafraîchir et de ranger mes affaires.

Nous sommes neuf avec le guide, museau fin et jambes sèches, grand mais avec un léger bedon, arborant une tignasse bouclée poivre et sel, une barbe d’une semaine et de petites lunettes rondes qu’il masque parfois de plus larges lunettes noires. Il est diplômé accompagnateur de moyenne montagne. Pour le reste nous sommes deux garçons et six filles – plutôt mûres. La doyenne a 77 ans et a commencé à travailler à 15 ans. Elle a pris le train et est passé par Rennes et elle a dû changer de train à Grandville. Trois travaillent à l’Education nationale, une dans l’informatique et une dernière dans la formation.

Avec sa curieuse façon de présenter les choses, le guide ouvre une bouteille de cidre en « apéritif » (pour neuf), en précisant bien que c’est exceptionnel, que cela fait un trou dans le budget, et que nous devons apprécier comme il se doit cette attention inattendue. Ce ne sera que la première fois qu’il usera de cette ironie à l’envers qui prend les gens à rebours et le dessert plutôt. Le cidre bio du coin racle plutôt les intestins et fait aller rapidement aux toilettes ; il est heureux que nous n’en ayons eu qu’un demi-verre. Maniant toujours le paradoxe, il nous parle du séjour. Pour le situer, il déplie une grande carte… de l’Europe. Il présente l’essaimage viking puis explique les fortes marées par le plateau continental augmenté de la barre du Cotentin qui resserre les eaux dans la Manche. Il n’y aurait qu’un seul autre endroit dans le monde où les marées seraient aussi fortes. Notre marche se fera « selon les astres », ce qui signifie moins les étoiles que la lune et le soleil qui influent sur les marées. Le guide insiste sur la lumière changeante et toujours vive du Cotentin qui a inspiré les peintres. Il n’y a pas de peintre parmi nous, la race des amateurs se perd.

Sur ces hautes considérations, nous allons dîner. Il suffit de faire cinq mètres et de passer une porte pour nous retrouver dans le restaurant de l’hôtel. Le menu est mi-normand, mi-international, chacun peut choisir un plat parmi trois ou quatre. Je choisis la version locale : saumon fumé, cabillaud à la crème, les trois fromages de Normandie sur salade (camembert, pont l’évêque, livarot).

Catégories : Normandie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , ,

Grève de l’écologie politique

L’écologie non seulement n’est pas réservée aux autoproclamés « écologistes » mais elle en est l’antithèse. En France du moins.

L’écologie est une façon de vivre universelle, en harmonie avec la nature – elle n’est surtout pas une « politique ». Car TOUS les partis sont concernés par l’écologie, comme par l’économie ou la santé. Il ne saurait donc y avoir de « parti écologiste » sans soupçonner une arrière-pensée d’ambition, un créneau à prendre pour se pousser du col, un désir de pouvoir suspect.

Les gauchistes exclus des partis extrémistes ou rejetés par les gros bataillons des partis traditionnels ont créé « un parti » pour jouer la force d’appoint. Tout comme l’a fait le Modem. Et, comme lui, ils sont ailleurs du jeu politique traditionnel : ils réussissent donc mieux aux élections européennes. Non pas par leurs vertus, ni par leur soi-disant programme pour la cause du globe, mais parce que les électeurs votent « faute de mieux » pour un mythe, l’utopie du « retour à la nature » qu’ils ont vécu jeunes au Club Med.

Il ne faut donc jamais croire les écologistes autoproclamés des partis au sujet de la Terre – mais plutôt croire l’expertise des scientifiques sur des sujets particuliers évoqués. Brailler des slogans et battre le pavé ne fait pas avancer l’harmonie écologique, pas plus qu’un sorcier qui marmonne et gesticule ne fait tomber la pluie.

Si les anarcho-subversifs venus des « associations » et autres groupuscules militant à gauche-toute veulent faire de « la politique », ce n’est pas l’écologie abstraite qu’ils doivent défendre, mais les effets concrets des actions concrètes des acteurs de la politique.

Par exemple les grèves. Est-il socialement « juste » de bloquer les travailleurs des semaines durant au prétexte de « défendre » des privilèges hors d’âge comme le droit de partir en retraite à 52 ans ou de ponctionner les cotisations des cadres pour abonder le régime spécial de la SNCF, de la RATP et d’EDF qui sont depuis des années en déficit ? Est-il républicain de ne proposer durant une semaine entière autour du 18 décembre AUCUN RER entre Brétigny et les stations du sud de la ligne C, Etampes et Dourdan ? L’égalité du soi-disant « service » public est-elle respectée ? Peut-on encore parler de « service » – payé par nos impôts, s’il est réservé à quelques-uns ?

Faire grève est un droit constitutionnel, mais pas plus que la liberté d’aller et venir ou la liberté de travailler. Et nettement moins que « sauver la planète ». Le Conseil constitutionnel admet que la loi peut aller « jusqu’à l’interdiction du droit de grève aux agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service [public] dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Le citoyen raisonnable pourrait croire que les écologistes politiques pousseraient de hauts cris à constater les effets en CO2 des grèves répétées pour tout et n’importe quoi, des « agressions » de conducteurs qui ne verrouillent pas leur porte d’accès aux changements de postes requis par le Grand Paris ou les « atteintes » aux zacquis de la retraite. Le monde a changé, pas les syndicats bloqués qui font du blocage une arme anti… Patrons ? –  non pas mais Etat – c’est-à-dire vous et moi qui avons voté et élu un gouvernement par majorité (c’est la règle, qui vaut pour la gauche comme pour la droite – et que seuls refusent les extrémistes).

N’y aurait-il donc aucun autre moyen que « la grève » pour revendiquer et protester ? Comment font donc les pays, voisins et développés qui ne connaissent que rarement la grève ? Ce serait le rôle proprement politique des proclamés « écologistes » que de se pencher sur la question afin d’éviter les 500 à 600 km de bouchons quotidiens en Île-de-France (sans parler d’ailleurs), avec les émissions de CO2 massives qui vont avec. D’autant que, dans un jugement du 24 octobre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne a estimé que la France a dépassé depuis 2010 « de manière systématique et persistante » le seuil limite de dioxyde d’azote, un gaz issu notamment des moteurs diesel.

Soupçon : les écolos n’en auraient-ils rien à foutre ? Ou, dans un vieux reste de respect religieux issu du marxisme, font-ils du « social » un tabou (et que grève crève la planète !) Peut-on « en même temps » vanter les transports collectifs et laisser une poignée de factieux bloquer la France et surtout l’Île-de-France (50% de la production intérieure) ? Réguler, limiter, poser les règles, est le rôle de l’Etat – démocratiquement dirigé via les élections. Un soi-disant « parti » devrait se préoccuper de ce sujet politique concret au lieu de disserter sur le sexe du glyphosate !

Le site de la SNCF (transilien.com) chiffre à 32 fois MOINS d’émissions de gaz à effet de serre le fait de prendre sa voiture plutôt que le train ou le RER et à 49 fois MOINS de prendre le métro plutôt que l’auto. Combien « les grèves » coûtent-elles donc au réchauffement climatique, d’autant qu’elles sont plus répétées ? Sur ce sujet – pourtant éminemment « politique » et bien concret – les soi-disant « écologistes » politiques restent muets. Ils préfèrent blablater dans les hautes sphères sur les « principes » et invoquer « l’urgence ». Mais qu’y a-t-il de plus « urgent » que d’agir ici et maintenant, politiquement, sur les acteurs de la cité ?

Ce pourquoi il nous faut bien conclure que le « parti écologiste » ne sert à rien, qu’il est une nuisance plus qu’un atout pour la transition nécessaire de notre mode vie et de production. Parmi les dirigeants des Verts, seul Daniel Cohn-Bendit avait un sens politique. Ce n’est vraiment pas le cas de ses successeurs et « successeuses » comme le dit la Royal dans un français mal appris.

Catégories : Politique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Eric Bohème, Le Monico

La surprise du jour : un joli roman présenté sous la forme d’un joli petit livre soigneusement édité.

L’auteur se met dans la peau d’Arlette, une femme dotée d’une grosse poitrine comme on en voit parfois dans les entreprises artisanales de mecs, et qui adore les trains. Je ne sais si la SNCF sponsorise des auteurs mais ce roman aurait tout à fait sa place dans un palmarès. Vierzon voisine avec Bois d’Oingt-Légny auquel succèdent Lamure-sur-Azergues, Les Echarmeaux, Albigny-Neuville, Dompierre-sur-Besbre, La Clayette-Baudemont, Dompierre-Saint-Fons, Saint-Symphorien-des-Bois, Varennes-sur-Fouzon, Chauffailles, Saincaize et même… Paris !

Le chant des noms du centre de la France apaise, au rythme des bogies sur les rails. Qui connaîtrait ces bleds perdus sans le train ? Arlette va de wagon à l’ancienne en moderne TER, se remémore les monstrueuses et éructantes locomotives à vapeur dont le nom donnait le nombre d’essieux, admire moins les contemporaines motrices électriques ou diesel. Elle se pose des questions sur les nouvelles poubelles design entre les sièges, que nombre « d’usagers » ne comprennent pas, laissant donc leurs déchets par terre – mais soigneusement rangés.

Elle descend dans les hôtels « de la gare », des Nations, du « lion d’or » (lit où on dort…), où elle regarde volontiers « la télé sur le canal 251, celui d’une chaîne chinoise » p.44. Cela lui permet de voir « les mêmes spectacles idiots qu’à la télévision française » mais les « fadaises des présentateurs » en moins. Elle fréquente les buffets – quand il en reste – et admire les graffitis des toilettes de première classe : « gros zob 06 71 XX XX XX ». Arlette appelle mais le numéro ne répond pas. Puis on la rappelle… d’Afghanistan ou ledit gros zob est militaire en opération. Comme il ne peut assurer son annonce, il délègue un copain « depuis le CM1 » – mais qui arrive flanqué d’un chiard braillard qui fait ses dents dont il a la garde alternée.

Écœurée, Arlette rappelle son ami René-Georges, représentant-placier chez Noilly-Pratt, entreprise qu’il va quitter pour une autre où il sera chef avec une Volkswagen Passat de fonction. Mais celui qu’elle préfère, son amant de cœur, est Juju, ex-otage au Soudan durant trois ans et qui se reconstruit lentement au rythme des psy. C’est lui qu’elle rejoint au night-club Monico à Chauffailles.

Il aime décliner son érudition à propos. Comme ce phénomène « d’inférence : on juge les autres, les réactions des autres, le comportement des autres en fonction de son propre système de croyance et de convictions. Evidemment, cela n’aboutit qu’à des tensions ou à des incompréhensions, concluait Juju » p.16. Il précise un peu plus tard que « rien n’est normal ou anormal ; tout n’est que conformité ou non à une norme qui varie selon les lieux ou les époques. Juju alors souriait » p.47. Avis aux polémiqueurs qui se muent volontiers en inquisiteurs censeurs !

Il y a donc de la philosophie chez Arlette. Elle observe, elle analyse, elle déduit – mais suspends son jugement car une opinion n’est que relative à un lieu et un moment. Voilà qui est bien une sagesse, la sagesse du train qui passe.

C’est drôle, court et enlevé – un bonheur. Voici donc un bon roman d’un « écrivain français d’expression ivoirienne » comme il se présente volontiers, déjà auteur de Réalités métissées, livre chroniqué sur ce blog. Un roman qui tient en outre dans une poche « normale », c’est-à-dire plus petit que les soi-disant « livres de poche » qui n’y entrent pas souvent.

Eric Bohème, Le Monico, 2019, illustré par Aliona Ojog, éditions Antidata, 105 pages, €8.00

Les éditions aNTIDATA

Le wiki (squelettique) de rigueur

Catégories : Livres | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , ,

Vous payez 67% aux régimes spéciaux

Les infox volent en escadrille parmi les manifestants « anti » réforme. Ils veulent masquer en gueulant plus fort que les autres qu’ils restent bel et bien des « privilégiés ». Car les autres, vous, moi, tous ceux qui payent des impôts (y compris les « non-imposables » qui payent tout de même la TVA et les taxes sur les assurances), financent les régimes spéciaux.

Un rapport tout récent du Sénat permet (entre autres) de mettre un peu de raison dans ce fatras émotionnel de ceux qui ont peur pour leurs sous – au détriment des « cochons de payants » qui n’appartiennent pas à la caste des « régimes ».

Je vous livre sans commentaire les principaux tableaux, sachant que vous pouvez trouver tous les détails sur le site du Sénat français : senat.fr. Un bandeau « recherche » permet de taper n’importe quel mot-clé.

Est-il « juste » que la majorité finance 67% des pensions d’une minorité qui ne veut pas entendre parler d’égalité si cela les concerne ?

La pénibilité du travail peut parfaitement être prise en compte dans le nouveau régime à points proposé – mais elle le sera en toute transparence, ce qui semble gêner furieusement certains.

Un étalement dans le temps est socialement justifiable pour faire converger les régimes mais il paraît inévitable car plus de 6 milliards d’euros sont dépensés chaque année pour des « privilèges » qui n’ont plus lieu d’être conservés.

Rappelons aussi que tout chômage est inconnu pour les bénéficiaires des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. Les carrières hachées et précaires des marins et des chauffeurs routiers sont cependant à prendre en compte. De même que les dangers vécus par les militaires et les policiers.

Ce ne sont pas les caractéristiques particulières des métiers ayant abouti à créer des régimes spéciaux qui font problème, mais le refus obstiné d’entrer dans le régime général, comme si les ayant-droit des trains et des métros constituaient une noblesse justifiée à pressurer le manant aujourd’hui au nom de la « défense » du circulant comme hier au nom de la défense contre l’ennemi. Ancien régime (spécial), quand tu nous tiens !…

Catégories : Politique | Étiquettes : , , , , , , , ,

Orphelins de l’État

Le mal français, pour tout citoyen qui veut laisser un moment le rôle d’acteur pour celui d’observateur, est historiquement profond. Le centralisme jacobin, parisien, aime avoir les commandes bien en main. Comme les grenouilles qui voulaient élire un roi, les Français adorent l’élection présidentielle, spectacle quinquennal où renverser la table. Ils contestent le vainqueur aussitôt sa première année de règne écoulée. Car le citoyen français aime gueuler : dans la rue il braille, dans les cafés il râle, au guichet des administrations il se plaint. Mais pour lui, sans l’État, point de salut !

Incite-t-on à payer ou à envoyer des papiers en ligne ? Ce ne sont que récriminations amères. « On paye trop d’impôts ! – mais on veut toujours plus de services publics. Il y a trop de règlements et de paperasses – mais, pour n’importe quel problème, que fait le gouvernement ? Les flics sont des fachos violents valets des patrons – mais on n’est jamais protégé. Trop d’accidents et de morts sur les routes ? – mais c’est un scandale de limiter la vitesse à 80 km/h et de prôner le zéro alcool au volant. » Et ainsi de suite…

L’État n’a pourtant pas vocation à intervenir partout et en tout. L’exemple soviétique a montré que c’était non seulement inefficace mais corrupteur, secrétant par système une caste de privilégiés. Le français aime l’égalité mais n’aime pas voir autour de lui de plus égaux que les autres. Les Allemands ou les Suisses, qui ont moins d’État central et plus d’autonomie civile, sont bien plus heureux. Ils payent aussi moins d’impôts et ne sont pas socialement plus mal traités. Ils ont au contraire pris l’habitude des initiatives (par exemple pour proposer des référendums concrets en Suisse) et savent se prendre en main un peu plus (comme la cogestion syndicats-patronat en Allemagne). Quand on voit les contraintes du plan antiterroriste pour les écoles – et comment elles sont très peu et mal appliquées quelques mois plus tard – on se dit que « L’État peut tout » est un danger pour l’esprit : il vaudrait bien mieux que chacun des citoyens ose se prendre en mains !

C’est la même chose pour les monopoles : le privé s’en occupe mieux que l’État, puisque les « fonctionnaires » (comme le mot l’indique) sont des gens souvent très compétents mais qui « fonctionnent », c’est-à-dire qui attendent les ordres. Ces ordres doivent venir des décideurs qui, eux, sont les politiciens élus pour cela. Mais leur lâcheté clientéliste font qu’ils ont peur de décider et qu’ils préfèrent suivre l’opinion commune – ou plutôt médiatique (ce qui signifie, dans un pays aussi centralisé et parisien que la France, l’opinion des éditorialistes les plus en vue de la presse et de la télévision).

EDF et SNCF restent peut-être les deux monopoles d’État dont le Français est fier, montés avant la modernité sur le modèle napoléonien de l’armée. Il y avait la Poste, France Télécom, Air France, Charbonnages de France, voire Renault – tous monstres « sacrés » – mais qui se sont dilués dans la concurrence européenne et l’informatisation des organisations. Or produire de l’énergie ou faire rouler les trains n’est pas par nature une fonction d’État. Rien à voir avec l’armée ou la justice par exemple, ou même comme ces entreprises d’intérêt stratégique que sont les chantiers navals, l’aviation de chasse ou les logiciels cryptés.

En revanche, que l’on garde le capital et les infrastructures entre des mains nationales et que l’on établisse un cahier des charges contraignant (comme pour les autoroutes) est parfaitement légitime de la part de l’État. À condition que des contrôles soient effectués et effectivement suivis d’effet – encore une décision politique : donc aux mains des décideurs élus qui doivent assumer leurs responsabilités. Ce n’est pas vraiment le cas, à en croire les rapports successifs de la Cour des Comptes.

EDF comme SNCF sont devenus des monstres, fort endettés, trop hiérarchiques, gaspilleurs d’argent public pour de « grands » projets inefficaces (comme le réacteur EPR) ou peu adaptés aux réalités du terrain (le TGV qui s’arrête dans toutes les capitales régionales du trajet au lieu de foncer à sa vitesse de croisière).

La France est un pays d’ingénieurs et de militaires, où l’école Polytechnique (fondée par Napoléon 1er) est la véritable école de l’élite, bien plus que l’ENA. C’est là où le bât blesse : la diversité des approches est trop peu présente dans les grands corps de l’État et ce n’est pas se contentant de « supprimer » l’École nationale d’administration que cela changera.

Catégories : Politique | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Première exposition La Vie du Rail

Les éditions de La Vie du Rail organisent la première fête du livre et de la photographie ferroviaires

le vendredi 8 novembre de 13h30 à 18h30

au 11 rue de Milan à Paris

vie du rail expo 2013

Elle est destinée aux lecteurs ferroviphiles, à tous les curieux, les amateurs de circuits, les connaisseurs, les amoureux de beaux livres et de photographie. La Vie du Rail est une revue interne de la SNCF, fondée en 1938 et qui a pris le nom de Vie du Rail le 7 janvier 1952. Devenue éditeur spécialisé dans le ferroviaire depuis quarante ans, elle fonctionne avec les capitaux de la SNCF (10% du capital), la société du personnel de La Vie du Rail (5 %), La Vie-Le Monde (5 %), Ouest-France (5 %) et la MAAF (4 %). Vincent Lalu et Associés détiennent 71 %. L’édition magazine vise un public plus large de lecteurs intéressés par le chemin de fer en plus d’éditions régionales qui s’adressent aux salariés de la SNCF.

Comme toute la presse, La Vie du Rail perd des lecteurs à très grande vitesse, passant de 137 506 en 2002 à 59 275 en 2011. D’où peut-être cette idée d’exposition pour faire connaître la vénérable revue et raviver l’émotion du train. Qui n’a jamais pris le train, moyen de transport incomparable lorsque le personnel n’est pas en grève et que le climat se maintient entre -1 et + 30° ? Qui n’a pas, enfant, dessiné des circuits compliqués en rêvant de maquettes entre lesquelles faire circuler le train électrique familial ? Qui n’a pas été impressionné par les grosses machines à vapeur, la Bête humaine de Zola ou par l’élégant et effilé TGV au museau de requin ?

trains france 1944 1974 2004

Les ouvrages présentés dans l’exposition :

Rail Pass est une formule d’abonnement qui permet la consultation illimitée des numéros en cours de publication, et des archives de plus de 2 ans pour 10€ par mois soit 120€ par an pour tous les magazines ou 5€ par mois ou 60€ par an pour un seul.

Catégories : Economie, Voyages | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Hiata en vacances

Abandonnant sa famille, ses fleurs, son jardin suspendu, ses chats, son coq, ses poules, Hiata s’est envolée pour Paris. Partie le jeudi à minuit moins deux, elle arriva après une escale américaine à Los Angeles, le samedi matin à Paris Charles de Gaulle. Partie en tenue printanière avec 34°C, elle trouva des congères (enfin pas tout à fait) de froid, une bise glaciale et un thermomètre affichant 8° tous petits degrés centigrades. Brrh ! Les vacances commençaient bien !

tour eiffel paris

Une bonne âme était venue me chercher avec ma petite valise. Merci à elle. Il faut vite se réhabituer au trafic automobile, aux incivilités, aux jeunes Roms qui se précipitent sur le pare-brise pour tenter de le laver et le coup de pied dans la portière quand leur espoir est déçu ! Ici aussi il y a des incivilités mais les Popa’a auraient tendance à penser, « bah ! ce ne sont que des « Indigènes »…

Les Parisiens semblaient tristes et blasés, les mendiants plus nombreux, les prix au marché et dans les magasins très élevés, les commerçants peu avenants, les cyclistes et certaines motos sur les trottoirs : mais que se passe-t-il dans ce beau pays ? Moroses, privés d’emploi et donc de revenus, n’apercevant plus la ligne d’horizon, les Français verraient-ils tout en noir ?

Loin des bleus du lagon, la morosité me gagne, froid et pluie aggravent cette situation. Que suis-je venue faire dans cette galère ? J’avais rêvé de cerises gourmandes et juteuses, il y en a peu ; les fraises espagnoles vantent les pesticides ; les maatjes (petits harengs crus) ont fait leur apparition sur le marché, et cela me renvoie aux Pays-Bas plusieurs années en arrière… Je retrouve mes amis de toujours, les Thaïlandais qui eux aussi ont atteint l’âge de la retraite et qui vont retrouver leur Bangkok natal après plus de trente années passées sous le ciel de Paris. La SNCF me piège évidemment avec une grève inopinée.

Retourne au fenua, Hiata, tu y seras mieux et certainement moins râleuse qu’ici !

torse nu ado

Ce qui fut dit fut fait. J’ai retrouvé ma basse-cour, les bleus du lagon, mes amis et mes habitudes. J’ai beaucoup de faits à raconter car durant mon absence, même si celle-ci fut courte, il s’est passé pas mal d’évènements. A bientôt donc.

Hiata de Tahiti

Catégories : Polynésie | Étiquettes : , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,