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Basilique de la Gran Madre à Turin

Longeant le Pô, j’avise en face la basilique célèbre de la Gran Madre de Dio et je désire la visiter. Les autres rechignent à traverser le pont et commencent à retourner pour ne pas être en retard. J’y vais donc seul.

Elle est de style néoclassique, érigée en 1831 par F. Bonsignore pour célébrer le retour des Savoie après l’invasion de Napoléon. La Vierge est une immense statue de marbre au-dessus de l’autel. Une fontaine centrale recueille les pièces des fidèles dans un bassin d’eau.

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FIN

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Pinacothèque Agnelli à Turin

Le car nous conduit vers le Lingoto, dans la ville. Il s’agit d’un ancien atelier de Fiat construit par Giovanni Agnelli en 1915. Il a été reconverti en centre d’art en 1982 sous la direction de Renzo Piano pour abriter la collection de peintures des Agnelli.

Il s’agit d’une volonté de l’ancêtre pour présenter au public les œuvres acquises durant des années. Ce sont des Canaletto, des Matisse, un Picasso, des statues de Canova.

J’aime bien la Baigneuse de Renoir, de 1882, aux formes rondes et plantureuses dans un décor impressionniste.

J’aime moins le Nu couché de Modigliani, 1917, qui était une commande alimentaire.

En revanche, les Matisse me séduisent, comme toujours : Méditation, Michaella, Intérieur au phonographe, Branche de prunier… C’est à la fois décoratif, sensuel et optimiste. Des couleurs, des formes, des femmes.

Les Lanciers italiens au galop de Gino Severini en 1915 est peut-être une œuvre qui marque une date dans la peinture italienne, mais je n’apprécie guère le thème, la guerre, ni son futurisme enflé avec ces anonymes qui s’effacent devant leur fonction de brutes.

Quant au Picasso « période bleue », Homme appuyé sur une table, je ne l’aurais jamais acheté. Les formes y sont trop éclatées en carrés.

Un jeune gardien musclé en T-shirt noir moulant se prend très au sérieux, surtout lorsque que sonnent les détecteurs qui prouvent que vous avez approché à moins de 20 cm des œuvres. Il faut dire que la signalisation n’est pas évidente, malgré les espèces de parcs en métal qui tentent de vous en dissuader.

La piste 500, qui subsiste, servait à tester les petites Fiat, dont la fameuse Fiat 500. Une matrice en bois est exposée dans le hall.

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Basilique de la Superga de Turin

Le car nous emmène vers la basilique Superga, un bâtiment du XVIIIe siècle perché à 670 m d’altitude sur les contreforts des Alpes au-dessus de Turin. Elle fut commandée par le prince Victor–Amédée II après un vœu qu’il avait fait à la Vierge, si les princes gagnaient la bataille durant le siège de Turin en 1706 par les armées de Louis XIV. Vœu qui fut réalisé. L’architecte est Filippo Juvarra une fois de plus. Il a fait du baroque : deux clochers de 60 m, rotonde à coupole de 75 m, chapelles latérales à hauts-reliefs de marbre et maître-autel central surmonté d’un haut-relief de la Vierge en marbre de Carrare par Bernardino Cametti, sculpté à Rome en 1729. Le groupe de chérubins en marbre est d’Antonio Tandardini.

Nous commençons par visiter les tombeaux des rois et reines de Savoie, situés en sous-sol et accessibles avec un billet particulier. Il est « interdit de photographier » mais personne ne contrôle. Une débauche de gamins nus en marbre s’ébattent joyeusement parmi les cercueils. Ils sont symboles de vie. À l’inverse, des crânes grimaçants, en marbre eux aussi, rappellent la mort. Quatre statues des quatre vertus cardinales humaines (prudence, tempérance, force et justice) flanquent le tombeau central. Elles rappellent les sept vertus catholiques avec ces trois autres que sont la foi, l’espérance et la charité. Des garçons de pierre d’âge scolaire et des éphèbes flanquent parfois les tombeaux en plus des bébés putti – tous fort beaux évidemment, issus de l’antique.

Nous ne sommes que quelques-uns à monter au dôme car les quelques centaines de marches de l’escalier à vis étroit rebutent nombre de troisième âge. Il nous faut acheter un billet spécial, puis faire la queue à l’extérieur en attendant de constituer un groupe d’une dizaine de personnes, enfin d’attendre que le groupe précédent soit redescendu car l’escalier est trop resserré pour que l’on puisse s’y croiser.

Nous avons depuis le haut un panorama sur toute la ville. Il fait grand soleil et faible brume, c’est magnifique. Nous distinguons le fleuve Pô et la rivière Dora, la tour rectangulaire de la banque San Paolo qui domine tout et, plus discrètement, la flèche couleur de muraille de la Môle. Des cloches se mettent à sonner dans le campanile lorsque nous sommes tout près.

Sur le parking se rassemblent de vieilles Lancia, ainsi que des cyclistes tous habillés de collant noir et jaune fluo, flanqués d’une grosse moto dont le conducteur fait l’important. Il s’agit probablement d’un rallye de dimanche.

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Chapelle des Marchands de Turin

Nous visitons ensuite, sur rendez-vous, la chapelle des Marchands au 25 de la via Garibaldi, une congrégation laïque mais pieuse de banquiers et mercanti constituée en 1663. C’est du baroque 17e avec de grands tableaux d’histoire sainte, des statues monumentales en bois peint de six pères de l’église qui ont l’air de marbre mais qui sont de bois (peint). Ainsi qu’un autel tout doré aux putti tout nu réalisé par Juvarra puis par Emanuele Buscaglione, l’architecte de cour de la Maison de Savoie. Il semble que les hommes d’église adoraient les jeunes garçons nus : il y en a partout autour d’eux. De quoi susciter toutes les tentations pour ceux qui s’étaient interdit de femmes. Des reliquaires de saints flanquent l’autel dont le crâne d’un des saints Philippe (il y en a beaucoup !). Ils sont flanqués de putti dorés, à poil comme de bien entendu.

Ce décor de couleurs et de faste est très matériel et je songe que les Italiens semblent n’accéder au sacré que par la somptuosité de la matière. Ils sont loin de l’intellectualisme des pères de l’Eglise ou d’un Pascal, par exemple. Il leur faut de la chair, du marbre, de l’or, de quoi voir et toucher, des peintures de la vie. Au plafond, une fresque de ciel de Stefano Maria Legnani où triomphe le Paradis avec Dieu le Père en majesté, comme distribuant les choses à ses enfants. Sur les murs onze tableaux de même taille mais réalisés par des peintres différents qui mettent en scène la naissance du Bambin et l’adoration des Rois mages. La congrégation célèbre sa fête annuelle le jour de l’Epiphanie, le 6 janvier.

Le douzième tableau est conservé dans la sacristie. C’est le plus vieux tableau peint pour la congrégation par Guglielmo Caccia dit Moncalvo, une Présentation du bébé Jésus aux mages.

Il y a aussi un calendrier « perpétuel » (sur 4000 ans en fait), créé en 1832 par un Italien qui fit Polytechnique à Paris, Giovanni Amedeo Plana. Son secret réside dans des cylindres de mémoire qui tournent, cachés dans le cadre, et que l’on nous montre en le retournant.

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Palais Madame à Turin

Le palais Madame est ainsi nommé en référence aux deux Mesdames royales que furent Christine de France, descendante d’Henri IV par Gabrielle d’Estrées, et Jeanne de Savoie–Nemours. Le palais est un ancien château-fort en briques rouges du XVe reprenant deux tours polygonales du XIIIe sur les restes de la porte Documana des remparts d’Auguste, dont la façade a été ajoutée en placage par Juvarra en 1721 pour y loger un escalier d’honneur à double révolution.

Ce palais contient le musée municipal d’art ancien. Le rez-de-chaussée est gothique et renaissance, le premier étage baroque et le troisième étage donne une vue sur la ville en plein soleil avec les Alpes enneigées au fond : un décor magnifique.

La chambre de Madame Royale a son plafond décoré d’un Triomphe par Domenico Guidobono et des vertus en stuc dans les coins. Les allégories de l’Autorité, la Bienveillance, la Fidélité et la Charité ornent les panneaux des portes.

La « tour des trésors » recèle le Portrait d’homme d’Antonello da Messina et les Très belles heures de Notre Dame de Jean de Berry, entre autres.

Parmi les œuvres, une délicate branche de corail rouge sculptée d’une Crucifixion, une peinture de la Vie turinoise par Giovanni Michele Graneri de 1752 pleine de détails vivants, un Jugement de Salomon sculpté en ivoire et bois de rose de 1741.

Un Sacrifice d’Isaac, du même et dans les mêmes matériaux est superbe. Le bras du père trop obéissant au Père est retenu par un ange filant depuis le ciel dans un contrapposto osé tandis que l’adolescent destiné au sacrifice est empoigné par son abondante chevelure bouclée et livre sa jeune poitrine finement dessinée. Il y a de l’ardeur et du mouvement dans cette scène cruciale de la foi ancienne.

Un Martyre de sainte Rufina de Julio Cesare Procaccini, en 1625, montre une sainte pâmée qui va être torturée pour avoir refusé de sacrifier aux païenneries de Vénus tandis qu’un ange nu, Eros blond, lui désigne les délices du ciel.

La Généalogie de la Vierge par Gandolfino da Roreto, en 1503, montre des femmes entourées de bambins nus – sauf le bébé Jésus et deux anges qui sont habillés, les hommes autour, dans une architecture de palais.

La Crucifixion de Jean Bapteur en 1440 montre Jésus sur la croix et les deux larrons au-dessus d’une marée de soldats et de civils mêlés. Le Christ est torse nu mais on a laissé aux larrons leur chemise ; Marie se pâme entre les bras du jeune Jean tandis que des femmes du peuple juif viennent badauder avec leurs enfants.

Une scène sculptée en bois du Maître de Sainte-Marie Majeure, peut-être Domenico Merzagora, montre un Christ déposé, mort et comme en lévitation au-dessus du sol, entouré des mères pleureuses Marie, Madeleine et une autre à genoux, et de trois hommes debout, Joseph, Nicodème et Joseph d’Arimatie.

Plus émouvante dans sa simplicité est la Pietà de 1470 d’Antoine de Lonhy, la Mère tenant sur ses genoux le corps nu de son Fils adulte, les deux mains dressée en supplique et le regard perdu sur celui de Jésus, comme s’il allait renaître à la vie (ce qu’il a fini par faire).

Un sculpteur sur bois de 1500 sans nom a réalisé une Madone en trône avec Bambin fort expressive ; l’enfant nu tient un globe d’or tandis que Marie, voilée sur les cheveux, porte un manteau doré.

Parmi les modernes, un étonnant Beethoven jeune, bronze de Giuseppe Grandi, en 1874. Le musicien est encore adolescent, pris de puberté avec le col largement ouvert et les grands yeux inspirés.

Demetrio Cosola a peint en 1893 un paysage de Gressoney-la-Trinité fort réaliste, et si montagnard que l’on s’y croirait.

Cocasserie : un vieux du groupe s’est écroulé en embrassant une Madame en robe de bal parce qu’il n’avait pas vu son support et avait buté dessus. Il est vrai qu’il est peint en noir. Il s’est étalé sur le mannequin de tout son long, comme s’il voulait posséder la femme. Rien de mal mais la gardienne n’a pas pris l’initiative de bouger la robe à terre, elle a appelé une autorité. Des fois que ça morde.

La retraitée thésarde de l’éducation nationale reste benêt. Dans le coin repos du palais Madame, elle « m’offre un café »… avec mon argent. Elle a oublié son porte-monnaie dans sa veste au vestiaire. D’ailleurs sa clé ne rentre pas dans la serrure du casier… jusqu’à ce que je la prenne et que je la tourne : elle fonctionne parfaitement. Drôle de façon de draguer.

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Pinacothèque de Turin, suite

Dans les appartements royaux des rois de Sardaigne et de Savoie, commencés en 1645 et complétés jusqu’en 1733, le guide nous montre l’escalier à ciseaux de Juvarra construit pour le mariage de Charles-Emmanuel avec Anne-Christine de Sulzbach afin qu’ils puissent accéder à leur appartement nuptial. Les courtisans croyaient irréalisable de faire tenir les marches par des arcs sur les murs et l’architecte a malicieusement représenté des ciseaux sous le second palier pour couper court aux insinuations.

Le salon des Suisses était éclairé jadis de faisceaux de bougies dressées.

Suivent la salle des Cuirassiers, la salle des Pages aux tapisseries XVIIIe. Dans la salle du trône, le fauteuil royal est bien petit sous son immense dais. La guirlande de putti sculptés dans le bois de la balustrade donne un air moins solennel à l’apparat social. Il y a encore salle du Conseil, cabinet Chinois conçu par Juvarra avec ses panneaux de laque noire décorés d’or, chambre à coucher et salle à manger où la table est dressée suivant les rites.

Suivent toujours le cabinet de travail de Marie-Thérèse, le cabinet des miniatures, la salle de l’Alcôve qui était la chambre à coucher de Charles-Emmanuel II, toute en or sur boiseries et porcelaines chinoises. Enfin la grande salle de bal. J’avoue ne pas trop aimer ce faste conçu plus pour la montre sociale que pour le confort de vivre.

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Galerie Sabauda de la pinacothèque de Turin 3

Plusieurs saint Jérôme sont collectés, dont celui du maniériste Moncalvo en 1598 ; il présente un vieillard au corps bien dessiné entouré d’anges nus voletant dans ses pensées comme autant d’inspirations pour traduire les quatre Evangiles.

Un autre saint Jérôme de Valentin de Boulogne, peint vers 1620, le montre plus ascétique et plus studieux, le Christ en croix devant lui et la plume à la main. Les détails du corps et de la barbe font tout le sel de ce portrait inspiré.

Celui de Matthias Stomer vers 1635, en écrivant la Vulgate, est illuminé d’un rayon qui provient de derrière la croix du Christ. Sa chair flasque montre son âge tandis que son vêtement rouge exhibe son ardeur. Le lion couché à ses pieds s’est endormi, confiant.

L’Annonciation de Gentileschi, de 1623, est inspirée du Caravage en même temps que de la peinture florentine. L’ange Gabriel est cependant bizarrement coiffé et a le visage d’un mauvais garçon à la curieuse culotte jaune traître, tandis que Marie toujours vierge arbore une face de pudeur offensée avec un geste de refus en même temps que de salut de sa main droite. L’enflure mythique est donnée par les couleurs, le rouge du formidable rideau de lit et la robe bleu nuit de la Vierge. Ce n’est pas l’une de mes Annonciations préférées.

L’Adoration des mages de Luca Cambiaso vers 1550 est couverte de corps dans tous les sens. L’Enfant est retenu mais comme poussé par sa mère vers les lèvres des vieux Messieurs mages. L’un lui baise le peton, l’autre se pâme sous son regard, le troisième lorgne sa poitrine par-dessus ses épaules. C’est plus sensuel que mystique, et le Bambin, gras comme un petit cochon, semble prêt à être dévoré par les dévots venus de loin.

La Madone à l’Enfant avec les saints du Sodoma, a été peinte en 1513 pour Sienne et volée par les troupes espagnoles lors du siège de la ville. La Madone siège en majesté avec le Bambin nu à ses pieds, qu’elle retient par l’épaule gauche, révélée par deux putti qui titrent le rideau, tandis que se montrent devant elle, en représentation, les saints Jean et Jérôme et les saintes Catherine d’Alexandrie et Lucie.

La Vierge à l’Enfant et les saints de Mantegna est un tableau plus interactif. Tous les personnages placés sur le même plan gardent la Vierge et Jésus au centre. L’Enfant nu resplendit en majesté et captive son cousin Jean-Baptiste, un peu plus âgé et à peine vêtu de pauvres bêtes. Je l’aime bien, ce gamin enamouré.

La Sainte Famille de Van Dyck, vers 1625, montre une sainte Anne à l’initiative. C’est elle qui crée les relations de regards entre la Vierge sa fille, et le petit Jean-Baptiste, lequel est ardemment regardé par Jésus bébé qui s’élance vers lui, tandis que le père Joseph pose sur lui un œil attendri.

Matthias Stromer peint Samson le juif capturé par les Philistins (actuels Palestiniens). Tout un symbole.

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Galerie Sabauda de la pinacothèque de Turin 2

L’Adonis de Carlo Cignani peint vers 1660 est trop doux, adolescent presque fille avec sa tunique qui tombe à droite comme un soutien-gorge tandis qu’il regarde d’un air mélancolique son chien, comme pressentant confusément son destin tragique d’aimé d’Aphrodite tué par un sanglier sauvage. Ici, il ne semble pas avoir plus de 14 ans.

Francesco Albani fait embrasser le très jeune Hermaphrodite par la nymphe Salmacis tandis que des éros nus le tiennent fermement pour ne pas qu’il s’échappe, ce qui donne une scène équivoque où l’on croirait un accouplement de lesbiennes. La peinture a été probablement commandée par le cardinal Maurice de Savoie en 1633, ce qui donne une idée des goûts des prêtres.

Une seconde scène du même peintre, pour faire récit, montre le prime adolescent prêt à se baigner tandis que la naïade nue a le coup de foudre pour son corps tout frais admirablement modelé.

Van Dyck n’hésite pas non plus à peindre un « kissing contest » entre nymphes, dans une bacchanale intitulée Amarilli et Mirtillo où toutes s’entrebaisent à demi dévêtues dans un bosquet propice.

Giovanni Antonio Bazzi, plus connu sous le surnom de Sodoma pour ses penchants vers les garçons, a peint une somptueuse Lucrèce se donnant la mort au poignard en 1515. Violée par le fils du Tarquin roi de Rome, la jeune fille n’a pas voulu être le déshonneur de sa famille et, par son suicide, a déclenché la révolte des Romains contre leurs rois étrusques. Ses seins nus jaillissant de sa robe déchirée par le viol tiennent le centre du tableau tandis que le drame se noue par les diagonales, à gauche la lame fine du poignard qu’elle a empoigné, à droite l’air effaré du vieux mâle qui cherche à l’en empêcher tandis que le fils, jeune homme à l’arrière-plan, est égaré par ce qu’il a fait en toute bonne conscience.

Le Christ lié du Guercino, coiffé de sa couronne d’épines, vers 1659, offre un contraste sadique entre le jeune torse nu vulnérable de l’homme-dieu et l’armure glacée et brutale du soldat à sa droite. Tous deux ont cependant l’air fataliste de ceux qui obéissent à leur destin, plus grand qu’eux.

Le Christ flagellé de Ribera est moins expressif ; le jeune homme semble attendre les premiers coups sur son dos lumineux tandis que son regard est vide – comme si sa chair était lumière et ne pouvait souffrir.

Le David du même peintre présente un adolescent décidé, épaule et bras droit nus laissant voir un mamelon charnu d’énergie, le visage délicat et la dévêture sensuelle.

La dépose du Christ par Bassano est une reprise d’une œuvre de Jacopo et a vocation d’être propice à la prière privée. Le beau corps de chair est en effet sans vie, et famille et amis déplorent la perte humaine tandis qu’une torche comme un feu sacré éclaire la scène. Le Christ a la tête renversé de l’agonie.

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Galerie Sabauda de la pinacothèque de Turin 1

La pinacothèque, établie en 1832 par Carlo-Alberto pour ses collections, est très vaste et le guide court d’une salle à l’autre pour commenter « le plus important ». Ce ne sont que Van Eyck, Van Dyck, Mantegna, Véronèse, Guido Reni, Gentileschi, et des peintres flamands.

Guido Reni fait occire Abel par Caïn vers 1620 dans un paysage lugubre, la tension des corps nus avant le coup final dramatisant la scène.

La décollation du même Jean-Baptiste par Volterra montre un brutal guerrier au sourire de plaisir, nu jusqu’à la taille, qui tient encore l’épée à la main tandis qu’il saisit de l’autre par la barbe la tête du saint qui a roulé à terre. Salomé, au-delà de la fenêtre, tient prêt son plat pour présenter la tête à Hérode. Le tout est assez expressif.

Le même a commis un Saint Jean-Baptiste vers 1637, en adolescent réaliste, juvénile et vigoureux, une croix de bois en guise de bâton de berger à la main, se pâmant la main sur le torse tandis que ses yeux s’élèvent au ciel, pris d’une émotion profonde.

Tobie et les trois archanges de Filippino Lippi en 1478 montre un jeune homme de la cour, en bottes de cuir et manteau rouge, et non un fils de pauvre pêcheur, ce qu’il est dans la Bible. Les archanges Michel, Gabriel et Raphaël l’entourent, et le dernier le tient par la main. Le petit pépé du groupe, ferré en Bible, nous apprend que le jeune homme tient en laisse un poisson dont le fiel est destiné à guérir la cécité de son père. Sur le chemin, Tobie rencontrera Sarah, sa future épouse, qu’il délivrera d’un démon. Il suffit d’avoir la foi pour être sauvé, mais j’aime surtout dans ce tableau la laisse du poisson.

Bartolomeo Schedoni livre deux doubles portraits d’enfants embrassés, peints vers 1609, probablement les enfants de la famille d’Este. Les gamins et gamines ont le visage doux, et un délicat sourire de plaisir et de connivence flotte sur leurs lèvres.

Les trois enfants de Charles 1er d’Angleterre, de Van Dyck, sont tous habillés en fille bien que seule Mary en soit une – mais c’était l’usage du temps de faire porter des robes à tous pour faciliter les fonctions organiques avant la maîtrise des sphincters. Le roi a cependant réprouvé le procédé pour son fils aîné et a commandé un second tableau où il est vêtu en mâle, désormais dans la collection royale britannique. L’original est donc laissé à Turin, fort admiré par la cour pour son réalisme des visages enfantins et des vêtements.

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Chapelle du Saint-Suaire de Turin

Les Musei Reali, les musées royaux, abritent la chapelle du Saint-Suaire et la Galerie Sabauda. Les rues sont désertes et plutôt froides. Elles grouilleront de monde le soir venu, lors du rituel de la passagiata, la promenade où se montrer, destinée à socialiser, un rite immuable de fin de journée qui est au monde méditerranéen ce que le thé à cinq heures (avec canapés au concombre coupé fin) est aux Anglais. Alors nous verrons des jeunes, des vieux, des familles avec lardons ou landaus, ce qui serait incongru à Paris.

Nous commençons via la Piazzetta Reale par visiter dans les Musei Reali la chapelle du Saint-Suaire, en italien Santissima Sindone. Il s’agit d’une nouvelle pâtisserie du fameux Guarino Guarini. Elle a brûlé en 1997 mais les anges en bois doré, nus et vigoureusement musclés, sont authentiques, déposés pour restauration lors de l’incendie ; sa restitution a été achevée en 2018. C’est un immense mausolée de marbre noir et de bois d’or peint, à l’élan architectural typique du baroque. Les statues-monuments de marbre blanc ont été érigés en 1842 par Charles-Albert en souvenir de quatre de ses ancêtres.

L’architecture est symbolique avec un puits de lumière. Les fidèles sortant de l’escalier de l’église, rendu exprès obscur par le marbre noir, sont censés renaître en montant à la lumière du Sauveur lorsqu’ils entrent dans la chapelle. Des étoiles à huit branches ornent le sol.

Le Saint-Suaire de Turin semble être un faux du XIVe, selon des études multiples, mais la foi n’en croit rien. Il aurait été en contact avec le corps du Christ supplicié et cela suffit à sa « vérité », même si elle n’est pas la « réalité ». La relique aurait été prise à Jérusalem et apportée en France via Chypre avant d’entrer en 1430 dans les biens des Savoie, transplantée à Turin en 1578 par Emmanuel-Philibert et placée dans la chapelle dédiée en 1694.

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Eglise san Lorenzo à Turin

Nous quittons le Môle pour nous rendre à pied via la galerie Subalpine vers la place du Castello où réside, cachée par une façade d’appartement, le théâtre Regio (Royal) et, en face, l’église san Lorenzo, dissimulée de même par une façade d’habitation. Ce masque des apparences est destiné à respecter l’harmonie architecturale de la place, à ce qu’il semble.

Guarino Guarini fut le concepteur en 1668 de cette chapelle royale époustouflante, commencée en 1634 sur le vœu d’Emmanuel-Philibert à la bataille de Saint-Quentin en 1557. Il en a fait un chef-d’œuvre octogonal à coupole à lanterne, tout de marbres colorés et de porphyre sans aucune ligne droite, de décors en stuc doré et de statues de saints, toutes flanquées de putti musclés. Le maître-autel est survolé de petits anges-éros (des putti) par Guidobono. Six autels sont dans les absides, dont la chapelle de la Mère des douleurs avec un cadavre de Christ à ses pieds. L’Annonciation d’une chapelle est de marbre et de Carlone. La nunuche échappée de l’Education nationale s’empresse de venir me demander sotto voce, et avec des airs de conspiratrice, si les colonnes « sont en marbre ou en porphyre ». 

La nuit tombe sur la Piazza del Castello. Nous passons devant les célèbres cafés turinois dont le Mulafsano et le Baratti & Milano, la Galeria d’Italia où Nietzsche a eu un appartement et où clignotent aujourd’hui des personnages célestes sur fond bleu nuit. Nous déambulons vers la chapelle san Eligio, le palais Carignano, l’église san Filippo Neri. Elle a été commencée en 1675 par Juvarra et terminée en 1772 ; elle est très décorée de peintures et de statues. Nous terminons par l’atrium de la famille Vermut, inventeur de l’apéritif vermouth du même nom.

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Môle Antonielliana, musée du cinéma de Turin

Il est situé dans la tour Eiffel de Turin, un édifice construit par Antonelli dès 1863. Le guide nous montre auparavant un palais nobiliaire Juvarra, bâti en 1716 avec cour d’honneur et décors curvilignes, trois portails et corniches ornées de balustrades. Des statues de « Vénus » en marbre, les couronnent, qui proviennent probablement des jardins de Venaria Reggia et ont été offertes au comte Borgaro fin XVIIIe. Nous passons aussi devant la statue de Charles-Albert, roi de Sardaigne mort en 1849, puis devant le « palais » de l’Université, dessiné par Michelangelo Garove et terminé en 1730. Il abrite aujourd’hui le rectorat.

Le Môle Antonielliana mêle tous les styles et sa flèche de métal s’élève à 167 m. L’ange doré qui la couronnait par défi a été abattu par un ouragan en 1904, puis l’étoile qui l’a remplacée abattue aussi en 1953, punition de l’orgueil démesuré de l’architecte. Il était à destination de synagogue, mais les Juifs ont revendu le bâtiment inachevé pour faire construire ailleurs, plus modeste, et la ville l’a racheté. Ne sachant qu’en faire, elle y a mis le cinéma, une accroche populaire qui doit permettre de nombreuses entrées. Malgré le froid qui descend des Alpes, un jeune enfant asexué en slip (qui tend vers le modèle fille) se morfond devant une porte fermée, les mains en coupe pour abriter une lueur. Il s’agit d’une sculpture contemporaine à ambition symbolique.

Le Môle Antonielliana a son ascenseur en panne (ce qui paraît courant en Italie) et nous ne pouvons accéder au sommet de la tour où un vaste panorama est pourtant offert. Nous avons 1h30 de visite libre et c’est trop. Une heure suffirait largement. Après quelques salles sur « l’archéologie du cinéma » avec un labo de développement ambulant, les kaléidoscopes et autres stroboscopes, sont exposés dans des alcôves des souvenirs de films et, sur les murs, des affiches.

Il s’agit de spectacle plus que de pédagogie, avec son labyrinthe de visite, ses recoins obscurs, son ascension en spirale vers les sommets récents du septième art, son hall éclairé de vert fluo qui fait kitsch, et ses quelques alcôves adonnées au « sexe ». Ce sont des salles obscures « réservées aux plus de 14 ans ». Mais montrer des nus 1900 ou des scènes « osées » des années 50 n’a rien de pornographique, ni même de choquant pour un gamin sous cet âge. N’importe quel film contemporain montre pire, si l’on considère que le sexe est une animalité qu’il faut cacher.

Dehors, le spectacle vivant de la rue est plus intéressant que le spectacle mort des vieux films. Je vois une jeune fille harmonieuse de formes, habillée chic qui porte une couronne de lauriers et de roses rouges sur la tête. Le guide me dit qu’il s’agit d’une tradition de l’université italienne pour ceux qui ont obtenu leur Master et soutenu leur mémoire. La « laurea » est symbole de réussite et de pouvoir depuis César. Notre mot « lauréat » vient d’ailleurs de là : celui qui est couvert de lauriers.

La couleur fait référence à la matière. Pour l’économie c’est le jaune, je n’ai pas retenu quelle matière pour le rouge. Une fois que le jury s’est prononcé, vos copains vous jettent des poignées de confetti, au joli mot italien de « coriandoli », et vous pouvez arborer la couronne. Dans un café, une fille porte une couronne plus mince, peut-être seulement pour un mémoire de licence – le grade en-dessous.

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Musée égyptien de Turin 3

Quelques rares fresques de tombes égyptiennes sont présentées, celles d’Iti, celle de Neferu et celle de Maia.

Le temple d’Ellesiya, construit par Thoutmôsis III et situé près du site de Qasr Ibrim en Nubie, est reconstitué dans le musée. Il a été offert par l’Égypte en 1967 pour la contribution de l’Italie au sauvetage des monuments lors de la construction du barrage d’Assouan.

Nous ne verrons pas le Canon royal de Turin qui récapitule la liste chronologique des pharaons depuis leur origine mythique. Il n’est pas accessible.

Mis les statues monumentales des pharaons sont de toute beauté.

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Nous passons trois heures au musée, il le mérite.

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Musée égyptien de Turin 2

Le tombeau de Khâ et Merit (1420-1375 avant), découvert intact par la Mission archéologique italienne en Égypte, livre sous vitrine des objets de la vie quotidienne destinés à accompagner le défunt dans l’au-delà. Il y a du mobilier, de la vaisselle, des vêtements et même une perruque en vrais cheveux. Les fouilles du village d’artisans de Deir el-Médineh fournissent du matériel, notamment la maquette d’une boulangerie qui montre les différentes phases de la fabrication du pain, ou un scribe enregistrant le grain.

La retraitée de l’Education nationale thésarde en histoire de l’art est d’une ignorance déconcertante ; j’en suis abasourdi. Elle pose des questions aberrantes sur l’Egypte, que tout le monde connaît quand même un tant soit peu. Elle n’a rien lu avant de venir, rien retenu de ses cours, ni du Louvre où elle « va souvent », ni même regardé les émissions de télévision sur Arte qui passent régulièrement des documentaires sur l’Égypte antique. De plus, elle avoue être « allée plusieurs fois » dans le pays, plus que moi semble-t-il ! Elle va voir un musée, côtoyer des œuvres, lire les étiquettes et les panneaux, discuter avec les autres… et elle ne retient rien ? Décidément, « la thèse » n’est plus ce qu’elle était.

Un papyrus est désigné comme « érotique ». Trouvé à Deir el-Médineh, il date de la période ramesside, environ 1150 avant. Bien qu’illisible car trop sombre, détaillé schématiquement sur des panneaux de métal, il est soigneusement évité par les classes et les familles. Son emplacement sur un côté d’une galerie très fréquentée est comme un grand vide de pudibonderie mal placée. Après tout, c’est la nature, et expliquer le contexte empêcherait d’être « choqué » par les scènes de sexe – que les ados ont vu en pire sur Youporn depuis l’âge de 10 ou 11 ans, d’ailleurs.

Mais cet écart nous laisse à l’aise pour détailler le document. Il est ironique, présente des animaux vêtus qui agissent comme des humains, sauf que les rôles traditionnels sont inversés : ce sont les souris qui battent les chats et les gazelles qui emprisonnent les lions dans leurs rets. Sur la gauche, de jeunes femmes essaient diverses positions de coït tandis que leurs mâles exhibent d’invraisemblables phallus d’une grosseur qui les fait émerger de leurs vêture. Il s’agit moins de « pornographie » – où c’est l’œil qui est sale – que de caricature – où il s’agit de rire de l’outrance des actes qui restent naturels.

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Musée égyptien de Turin 1

Après l’Égypte, je désirais voir le premier musée européen d’égyptologie qui se trouve à Turin.

Le musée Egizio a été constitué en 1824 dans le Collège des nobles construit en 1679 par Michelangelo Garove par le roi Charles-Félix de Sardaigne. Il a acquis les collections de Bernardino Drovetti, consul général de France en Egypte de 1803 à 1839, que le Louvre a refusé d’acheter, les trouvant trop chères et sans intérêt. Le fond a été enrichi par Schiaparelli au début du XXe siècle et par Farina dans les années trente. Il ne comprend que des collections égyptiennes sur trois étages, plus le rez-de-chaussée. Il a été rénové entièrement en 2015 et présente une surface double d’auparavant. Il n’ouvre qu’à neuf heures et nous entrons les premiers. Nous y sommes avant les ragazzi des classes accompagnées, des 9 à 15 ans qui jacassent.

Le dernier étage destiné aux expositions temporaires étant fermé, nous commençons par le second, suivant la chronologie du haut en bas avec le prédynastique vers -3900 jusqu’à l’époque romaine dans notre ère. Il y a des milliers d’objets, près de 30 000 dit-on.

Les momies sont présentées dans les premiers stades, recroquevillées et desséchées au désert, avant d’être enfermées de bandelettes, amulettes, et jusqu’à trois sarcophages en poupées russes. C’est le cas évidemment des pharaons. Celui de Ramsès II est noir couleur de mort ; il contient un autre cercueil noir et doré décoré, symbolisant la transition entre la vie et la mort ; lequel contient enfin un dernier sarcophage tout d’or revêtu, symbole de renaissance à la lumière de Râ. Sa favorite, la reine Néfertari, n’a droit qu’à deux sarcophages emboîtés. Diverses momies de chats, mais aussi d’autres animaux comme des canards ou des crocodiles, sont présentées aussi.

Ramsès II apparaît en statue de pierre imposante, vêtu d’une tunique de lin plissé ou torse nu. La statuaire est particulièrement importante au musée de Turin. On y trouve des pharaons tels que Thoutmôsis III, Amenhotep II, Horemheb avec Amon, Thoutmôsis 1er, Ramsès II et Séthi II. La déesse lionne Sekhmet, fille de Râ et forme dangereuse du soleil, se reproduit en de multiples représentations, emplissant toute une galerie où les ados se prennent en selfie par trois, avec l’ami de cœur et la copine de sexe (ou l’inverse), pendant que leur prof pérore.

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Turin, Palais royal de Venaria Reggia intérieur

Le grand hall est à la gloire de la chasse avec un ciel allégorique, diverses statues en stuc sur les murs représentant des déesses drapées ou des putti nus à l’exception d’un voile pudique sur leur zizi de crevette – vraiment, pas de quoi faire se pâmer une prude. Divers tableaux ont été rassemblés dans les pièces à dormir ou de toilette ainsi qu’une statue en buste du roi, torse nu en Apollon ou en Adam, bien idéalisée avec son abondante chevelure bouclée, un visage aux traits droits et des pectoraux galbés.

Parmi les peintures et sculptures, Guido Reni écorche Marsyas en peignant Apollon à l’huile sur toile et le satyre hurle de douleur tandis que le dieu reste froid.

Une plantureuse matrone habillée de Véronèse, le sein droit découvert, se touche le sexe en regardant un gamin à poil qui tient contre sa peau un torse mâle sculpté ; c’est une Allégorie de la sculpture autour de 1553 censée figurer l’émoi physique qui tient l’artiste au moment d’œuvrer.

La Madonna col Bambino de Van Dyck montre une belle femme qui offre son sein à téter à un enfançon mollasson aux cheveux longs.

Un Eros nu couché sur ses ailes déployées offre aux visiteurs son ventre direct et son sexe étalé, tandis qu’il est tout endormi.

Une étonnante plaque de bois par Pietro Clemente montre sur plusieurs registres, pour donner l’illusion du relief, la bataille de Guastalla où s’est illustré Charles-Emmanuel III.

La galerie de Diane est très lumineuse et technique ; la lumière est canalisée par les diverses ouvertures, orientées comme il se doit pour axer le soleil.

La chapelle octogonale dédiée à Saint-Hubert, bâtie entre 1716 et 1729, comprend les statues des pères de l’église, Ambroise, Augustin, et un autel baroque qui s’envole dans les chantournements.

Dans l’écurie sont installés une série de carrosses tirés par des chevaux en carton-pâte chamarrés, tandis que l’orangerie abrite une réplique grandeur nature du Bucentaure, la galère de Venise, avec sa figure de proue en jeune homme, flamboyant de jeunesse nue. Il a été commandé par Victor-Emmanuel II en 1729 sur un squelette de bateau authentiquement vénitien. Il a fait office de palais flottant pour la famille de Savoie lors des diverses célébrations. Donné en 1869 par Victor-Emmanuel II à la ville de Turin, il a été affecté en 2002 à la Reggia di Venaria qui a entrepris sa restauration et l’a exposé (enfin) en 2012.

J’ai discuté au déjeuner, puis dans le jardin du palais, avec une ex-conseillère d’éducation, en retraite à 55 ans, qui a alors repris des études d’histoire de l’art jusqu’à la thèse. Elle « adore » l’art contemporain, même si elle le trouve « difficile à comprendre ». La connaissant un peu mieux quelques jours plus tard, je trouve en elle l’évident snobisme de qui n’y comprend rien mais cherche à savoir, s’obstinant à « aimer » parce que cela pose intellectuellement. Plus c’est hermétique, plus c’est intéressant.

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Turin, Palais royal de Venaria Reggia extérieur

Turin a été fondée par les Celtes sur un carrefour routier et fluvial. Habité par les Taurini, tribu ligure qui contrôlait les cols du Mont-Cenis et du Mont-Genèvre et a refusé le passage à Hannibal, qui l’a assiégée. Le christianisme s’y est établi assez tard. Devenu duché lombard, puis prise par les Francs, occupée par les Carolingiens, la ville devient comté. Turin a fait l’objet de querelles entre empereurs, évêques et comtes de Savoie., et ce sont les Savoie qui l’ont emporté. C’est Louis de Savoie qui fonde en 1404 la première université de la ville. Turin est devenue en 1861 la première capitale du royaume d’Italie enfin unifié après le Risorgimiento. Elle est devenue centre industriel et surtout automobile avec Fiat dès 1899. Gramsci a résisté contre le fascisme mussolinien durant la Seconde guerre.

Nous visitons le palais royal – Regia veut dire royal – résidence de chasse des ducs de Savoie devenus rois, commencé en 1562 quand la capitale du duché a été transférée de Chambéry à Turin. Il a fallu deux siècles de construction, ce qui se voit dans les bâtiments de bric et de broc : une partie enduite, blanche, maniériste de l’architecte Amedeo di Castellamonte ; une autre en briques rouges d’un architecte sicilien, Michelangelo Garove. Il a été conçu et commencé en 1675 à la demande du duc Charles-Emmanuel II. Presque finis en 1675, les travaux se sont poursuivis au siècle suivant en raison de l’invasion française de 1693. Filippo Juvarra terminera l’œuvre. Cette résidence royale parmi les plus vastes au monde avec Versailles, nous dit le guide, est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1997. Le palais a été ouvert au public en 2007.

La cour d’honneur est bleutée et froide. Une sculpture de Tony Cragg bourgeonne en bleu vert sur un coin ; elle date de 2015 et est censée représenter un « runner », vous savez, ce genre de boy qui court sans jamais rattraper ce après quoi il court, comme un chien après sa queue.

Les jardins sont à la française, sans guère d’intérêt sauf pour se montrer, mais les intérieurs ont été entièrement remeublés. Nous n’avons pas le temps de voir à l’extérieur la Fontaine d’Hercule, le Temple de Diane, le Grand parterre, ni le plan d’eau appelé la Peschiera Grande. Deux tours couvertes de tuiles multicolores en céramique sont reliées par la Galerie de Diane, construite par Juvarra.

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Rüdiger Safranski, Nietzsche – biographie d’une pensée

rudiger safranski nietzsche biographie d une pensee
L’auteur de cette biographie contemporaine d’un auteur sulfureux du siècle 19 est docteur en lettres et philosophie en Allemagne, il a déjà consacré des biographies à Schopenhauer et Heidegger.

Mais le « philosophe au marteau » (ainsi se décrivait Nietzsche) est moins un théoricien de système total, comme Kant ou Hegel qu’un explorateur. Pour lui, la vérité est une illusion, certes parfois utile, mais qu’il ne faut jamais prendre au sérieux. « Nietzsche était un laboratoire de pensée et il n’a pas cessé de s’interpréter lui-même », dit Safranski dans sa conclusion. « C’était une source continuelle d’énergie qui produisait des interprétations. (…) Celui qui considère la pensée comme une composante de la vie ne pourra jamais en finir avec Nietzsche » p.322. Ce pourquoi ce philosophe est bien plus vivant aujourd’hui qu’un Hegel ou qu’un Kant.

Et en effet, nul n’en a jamais fini : Thomas Mann, les dadaïstes, Stefan George, Bergson (« c’est par Bergson que la France fut rendue réceptive à Nietzsche » p.302), Ernst Jünger, Oswald Spengler, Hermann Hesse, les psychanalystes, Ernst Bertram, Bauemler (qui tire Nietzsche vers le nazisme en n’en prenant qu’une part), Karl Jaspers, Martin Heidegger, Theodor Adorno, Max Horkheimer, Georges Bataille, Michel Foucault. À cette liste citée par le biographe, j’ajoute Jacques Derrida et Michel Onfray ; tant d’autres encore lui doivent beaucoup, « même les adorateurs du soleil et les nudistes » dit l’auteur p.297. Non pas pour l’imiter ou le suivre – mais pour penser d’après lui.

Nietzsche lui-même conseillait de le lire ainsi, que le biographe met en exergue de son livre : « Il n’est nullement nécessaire, pas même souhaitable, de prendre parti pour moi : au contraire, une dose de curiosité, comme devant une plante étrange, avec une résistance ironique, me semblerait une manière incommensurablement plus intelligente de m’aborder » (à Carl Fuchs, 29 juillet 1888).

Qui était Friedrich Nietzsche ? Un homme du XIXe siècle avant tout, entre élan romantique et scientisme darwinien. Né le 15 octobre 1844 d’un pasteur villageois près de Lützen en Saxe-Anhalt, il s’effondre nerveusement en janvier 1889 à 44 ans lorsqu’il voit un cheval de fiacre battu par son cocher à Turin. Il mourra le 25 août 1900 sans avoir recouvré la raison. Son père était mort de même lorsque Friedrich avait 5 ans, puis son petit frère de 2 ans un an plus tard. Le jeune Nietzsche a été élevé par cinq femmes, sa mère et sa grand-mère, ses deux tantes célibataires et sa sœur… Bon élève, passionné mais discipliné, ses copains l’appellent à 12 ans « le petit pasteur ». En internat d’élite à Pforta dès 14 ans, il aime la poésie et se noie dans la musique, il écrit des vers dont certains dédiés au poète vagabond dionysiaque Ortlepp (avec lequel certains soupçonnent qu’il ait eu une « liaison »). Mais « la sexualité passe pour la vérité de l’individu », dit le biographe, « c’est la forme fictive dominante donnée à la vérité par le XXe siècle… » p.231. Autrement dit, l’explication n’explique rien, une multitude de causes, dont cette rencontre (et cette hypothétique liaison) ont construit la pensée nietzschéenne – en tout cas la cause unique ne suffit pas.

Après l’adolescence, Nietzsche étudie la théologie et la philologie à Bonn, effectue son service militaire à 23 ans dans l’artillerie à cheval, avant d’être honoré docteur sans présenter de thèse et nommé professeur à l’université de Bâle. Ses auteurs favoris sont Jean-Paul et Hölderlin adolescent, puis Schopenhauer et Wagner jeune adulte. Il se détachera de tous pour suivre sa propre voie, mais ces imprégnations ne le quitteront jamais.

Sils-Maria Engadine

Car il est hypersensible et cyclothymique, passant de périodes d’euphories à de noires dépressions, sujets aux douleurs nerveuses, à des troubles de la vue, à des migraines, des vertiges, des vomissements. Il aime la marche (qui l’aide à rythmer sa pensée) et les orages (qui l’emportent vers le sublime), mais aussi le soleil (qui l’apaise et éclaircit ses idées). Ses lieux de prédilection seront Sils-Maria dans les hauteurs suisses, Nice et Turin au bord de la dolente Méditerranée. Volontiers rigoureux et austère, il s’abime parfois dans la musique et se laisse emporter par la danse, comme en témoigne sa logeuse en 1888, qui le voit « danser nu » dans sa chambre par le trou de la serrure (p.217).

Prude envers les femmes (Lou Andrea Salope sera son tourment et son échec, moins féminine que vraie garce), il est sensible aux jugements des hommes, empli de compassion pour les malheureux et pour les bêtes (p.153), il souffre de la critique humiliante de ses amis. Il se sent un génie appelé à prophétiser un renversement de toutes les valeurs de son époque : démocrates et chrétiennes mais aussi nationalistes et antisémites. Il a du mal à écrire « à la Socrate », de façon magistrale, préférant juxtaposer les aphorismes comme une mosaïque appelée à faire sens.

nietzsche page manuscrite

Ses principaux concepts sont :

Le couple Apollon et Dionysos : la pensée rationnelle organisatrice et claire, tranchant dans le vif, disciplinant le bouillonnement vital des monstrueux instincts dionysiaques Il y a pour Nietzsche « parenté intérieure entre onde, musique et le grand jeu universel de ‘meurs et devient’, croître et passer, régir et être terrassé. La musique conduit au cœur du monde » p.15. Il en fera plus tard l’écart entre Kultur et Civilisation opposant l’Allemagne et la France, la première plus enchantée – au risque de dériver dans le Mythe national (« la culture vit de l’esprit tragique et dionysiaque de la musique » selon Bertram, p.307), la seconde trop rationnelle – au risque de se dessécher dans la technocratie et la machine sociale (« la civilisation si nécessaire soit-elle, demeure liée au clair et optimiste domaine de ce qui est vivable », idem). L’équilibre est rompu depuis les Grecs : « Socrate est le commencement d’un savoir sans sagesse » p.55. Or il s’agit de tenir la balance entre la tête et le ventre via la volonté pour se construire soi-même, « la production d’une ‘seconde nature’ » p.47. On appelle cela l’éducation pour un être et la civilité pour un peuple.

La volonté de puissance : instinct de vie aveugle et impérieux, il commande toutes les autres volontés : d’aimer, de connaître, de créer. Il y a « des » volontés de puissance (p.269), une pluralité de désirs, « un combat d’énergies » p.278. Mais cette puissance doit être maîtrisée en soi : « on doit devenir le metteur en scène de ses impulsions vitales, on doit pouvoir rester en équilibre au-dessus de ses failles et devenir un chef de chœur dans la mêlée de ses voix » explique le biographe p.171. Faire de soi « une personne toute entière » est la tâche de chaque individu dans sa vie, une « seconde nature » (que les psys appelleront plus tard le Surmoi). Après sa mort, la sœur de Nietzsche et son ami Peter Gast éditeront un livre intitulé La volonté de puissance composé des notes du philosophe et d’un plan tracé auparavant, mais ce n’est pas un livre de Nietzsche. Lui avait dit tout ce qu’il voulait sur le sujet de 1885 à 1888 dans ses diverses œuvres, du Gai savoir à l’Antéchrist.

Le concept de surhomme : avant tout la formation de soi et l’intensification de soi-même, mais aussi l’évolution de l’espèce dans la lignée de Darwin – plus une utopie d’humanité augmentée qu’une sélection naturelle d’éleveur. « Nietzsche admire en Byron cette mise en scène de la vie et la métamorphose de celle-ci en œuvre d’art » p.27. Aristocrate plus que démocrate, Nietzsche considère qu’« un État est légitimé quand ‘les exemplaires supérieurs peuvent vivre et exister en son sein’ » ; « ils n’améliorent pas l’humanité, mais ils incarnent ses meilleures possibilités et les offrent à la contemplation » p.64. Contre la « décadence » de son siècle qui transforme toute joie en velléité de joie, tout art en imitation de l’art, la pensée qui ne fait plus un avec ce que l’on pense (p.288). L’ère contemporaine pourrait rajouter la (fausse) « culture » comme seul divertissement et les œuvres « d’art » comme seul investissement. La situation, depuis l’époque de Nietzsche, n’a fait que développer son mouvement.

L’éternel retour : « une incitation à vivre chaque instant de la vie de telle manière qu’il pût vous revenir sans terreur » p.166, un éternel recommencement comme le jeu d’enfant d’Héraclite. En tout cas la preuve d’aucun au-delà consolateur : il s’agit de vivre ici et maintenant en adulte, sans la protection d’un quelconque Être suprême devant lequel on resterait enfant éperdu de refuge.

Son biographe le suit pas à pas dans l’épanouissement et la floraison de sa pensée, dans ses déviations et ses retours, dans ses fulgurances et ses impasses. « Entre Nietzsche et ses pensées se joue une histoire d’amour passionnée, avec toutes les complications habituelles aux histoires d’amour » p.168. Safranski raconte moins la vie du philosophe (renvoyée en chronologie de fin de volume) que le cheminement incarné de ses idées, jamais achevées, jamais en repos, montrant « comment les pensées jaillissent de la vie, se répercutent sur la vie et la changent » p.47.

Rüdiger Safranski, Nietzsche – biographie d’une pensée, 2000, Solin/Actes sud, 381 pages, €19.84
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