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L’écologie politique à la dérive

« Confiée à des bureaucrates de l’écologie, eux-mêmes poussés par la radicalité d’un certain nombre de collapsologues, la transition écologique crée de fréquentes tensions chez ceux qui sont directement affectés par des régimes d’autorisation, de contrôle ou de surveillance de plus en plus stricts. » Tel est le propos de l’introduction de cette étude de la Fondapol – très intéressante en ce qu’elle nous fait toucher du doigt la transposition administrative bêtasse des meilleures intentions proprement politiques. Un travers très français…

Tout commence avec l’idéologie écologiste qui est la nouvelle religion issue du marxisme gauchiste, lui-même issu du christianisme. Il s’agit toujours d’écouter la voix de Dieu, de l’Histoire ou de Gaïa, donc de dire le Vrai de la croyance. Une fois la vérité ainsi établie, il faut l’imposer. L’époque n’est plus à la contrainte dure comme du temps de l’Église ou même des dictatures du 20ème siècle. Elle serait plutôt à convaincre selon l’idéologie démocratique où tout le monde a théoriquement voix au chapitre. Mais ce n’est pas le cas car, pour imposer la loi de l’Histoire écologique, tous les moyens de propagande sont bons, des artistes aux médias, de l’école aux politiciens. L’Apocalypse et la Révolution sont remplacés par l’Urgence climatique. Ce qui nous oblige tous collectivement à aller vite sans réfléchir, à adhérer sans critique et a faire tout, tout de suite – comme dans le fantasme infantile hippie des années 60.

La question n’est pas de nier le réchauffement climatique, ni la nécessité de décarboner l’économie rapidement, ou encore de retrouver une harmonie avec la nature. La question est celle de l’adhésion des citoyens à ce projet, qui doit être rationnel et rationnellement exposé, pas simplement idéologique, avec accompagnements adéquats. On a vu avec la crise des gilets jaunes combien une mesure d’en haut, au motif idéologique et appliquée de façon bureaucratique, pouvait hérisser les citoyens jusqu’à la jacquerie. Il ne s’agit pas d’interdire les voitures à pétrole, mais de permettre à ceux qui en ont d’utiliser d’autres moyens de transport propres et peu coûteux, soit des transports collectifs abordables et sans grèves à tout bout de champ, soit des automobiles individuelles électriques ou à hydrogène à coût raisonnable. Ce qui est loin d’être le cas !

La bureaucratie est le bras armé de cette idéologie, « la nouvelle religion d’État » selon Chantal Delsol. Il s’agit, selon le rapport Fondapol, d’« un système où l’appareil est prépondérant avec pour mission d’orienter les politiques publiques environnementales vers une logique unique de préservation, de protection et de conservatisme ». Car l’organisation bureaucratique est cloisonnée, soumise à hiérarchie, au devoir d’obéissance ; elle produit des règles pour justifier ses postes, une langue de bois spécifique, une tendance naturelle à l’immobilisme par inertie et une irresponsabilité quasi totale. Le meilleur exemple a été, dans l’histoire récente, l’URSS et son système.

Cela « conduit en effet à décourager l’initiative, voire l’innovation, en rendant toutes les actions complexes, longues, onéreuses. » Plus les normes sont exigeantes, plus la facture augmente. D’autant que, malgré ses diplômes exigés et ses concours de recrutement, « l’administration peine à gérer sainement les deniers publics », « les gaspillages – pour ne pas dire la gabegie – sont principalement dus à des revirements de politiques publiques. Les exemples célèbres ne manquent pas, de Notre-Dame-des-Landes aux portiques écotaxes sur les autoroutes… »

Le pouvoir judiciaire est naturellement le bras armé de la bureaucratie avec pouvoir de contraindre et de punir – et des tribunaux « administratifs » ont même été créés pour exempter l’Administration d’être jugée par le droit commun. « La crainte suscitée par le risque d’une responsabilité pénale conduit, bis repetita, à prendre des mesures de protection excessives et fait alors entrer la prévention dans le régime de l’interdiction. » Les crimes contre la nature ont failli être traités comme des crimes sur les personnes par la qualification qu’écocide, comme on dit féminicide ou homicide ! « Le principe constitutionnel de précaution est un allié de poids pour la bureaucratie. Elle y trouve un puissant levier dogmatique pour s’opposer à chaque risque prévisible. » L’ineffable Chirac avait encore frappé : donnez-leur ce qu’ils réclament et qu’on me laisse tranquille, semblait penser le pire président de la Vème République. Les associations, subventionnées sur fonds publics, surveillent tous les projets publics d’ampleur, « bénéficient d’une qualité pour agir sur tout le territoire national et deviennent les sentinelles de la judiciarisation permanente de l’action publique. » Exemples qui ne font que commencer : « On peut constater déjà que l’extinction des enseignes lumineuses dès la fermeture des magasins. L’affaire du siècle est une opération menée par quatre associations et soutenue par des citoyens, des personnalités du milieu du spectacle, visant à attaquer l’État français en justice pour son insuffisance dans la lutte contre le réchauffement climatique. »

La suite ? Le numérique devrait aider comme en Chine au formatage des « bons » comportements écolos et sanctionner entreprises, commerçants et particuliers. La réduction de l’éclairage, une baisse de la température dans les magasins sont des scénarios envisagés. Avec le nouveau compteur Linky, il est facile en effet de savoir si un individu utilise sa climatisation, s’il a pris plusieurs douches ou s’il débranche ses appareils électroniques.

« L’incongruité est que les écologistes se proclament les meilleurs promoteurs de la démocratie participative à travers la consultation des citoyens. De grandes conférences sont mises en œuvre pour donner la parole à ces derniers. Des procédures de concertation et d’enquête publiques sont censées récolter leur avis. Des référendums sont même organisés pour connaître leur position face à de grands projets comme celui de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Or, in fine, rien n’est pris en considération. L’impression générale demeure que l’avis des citoyens n’est pas suivi. » Autrement dit, la démocratie c’est quand vous êtes d’accord avec le credo ; sinon, vous n’avez pas droit à la parole : cancel !

Ce sont des procédés qui mènent au totalitarisme : quand un groupe militant est persuadé de détenir la Vérité, il fera tout pour l’imposer. Les réfractaires ou même seulement ceux qui émettent une quelconque critique, sont assimilés à des ennemis du peuple, des espions de la grande industrie, voire à des possédés du diable. Les camps de rééducation devraient s’ouvrir dans la foulée, après tout c’est bien ce qu’ont produit les régimes d’Hitler, de Staline, de Pol Pot et de Xi.

« La solution passe par des investissements puissants et multiples, une décentralisation plus forte, la mise en œuvre du principe de subsidiarité, une réelle déconcentration et l’implication permanente des citoyens dans les décisions qui les concernent. La capacité à faire confiance à l’échelon local sera la clef de la réussite ou de l’échec de la grande transformation écologique de notre société. » Telle est la conclusion – que je partage – de cette étude Fondapol qui est bienvenue dans le débat public. Pas de « décroissance » – toujours au détriment des faibles – mais une production maîtrisée, adaptée aux changements exigés.

De la transition écologique à l’écologie administrée, une dérive politique, David Lisnard et Frédéric Masquelier, mai 2023, Fondation pour l’innovation politique, 30 pages, www.fondapol.org (disponible gratuitement en téléchargement PDF)

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Richard North Patterson romance le système judiciaire américain

Article repris par Medium4You.

L’affaire Strauss-Kahn est traitée dans les romans judiciaires américains. ‘Pour les yeux d’un enfant’ parle de viol d’une journaliste dans une chambre d’hôtel… Comment prouver que c’est vrai… ou faux ? Suspense.

Ancien avocat puis procureur de l’Ohio, fonctionnaire de liaison entre la SEC (l’autorité des marchés financiers américains) et procureur du Watergate, militant du parti Démocrate, ami de Ted Kennedy et heureux père de cinq enfants, Richard North Patterson est également l’auteur depuis 1979 de roman policiers juridiques. Outre qu’ils donnent une description précise et vivante du système judiciaire en vigueur aux États-Unis, ils ont pour particularité d’être très bien écrits et d’offrir une psychologie fouillée des personnages. Il a vendu 25 millions d’exemplaires de ses 15 romans, ce qui lui permet de vivre entre la baie de San Francisco et Martha’s Vineyard, deux lieux qu’il décrit parfois dans ses livres.

Ceux que je préfère dans le lot sont anciens, mais on les trouve encore – c’est dire ! Le temps qui vinifie donne aussi sa patine aux vraies œuvres. ‘Degré de culpabilité’ (Degree of guilt, 1993) et ‘Pour les yeux d’un enfant’ (Eyes of a child, 1994), racontent chacun un procès, mais mettent surtout en scène un père et son fils. C’est profond, émouvant et vrai. L’expérience a d’ailleurs été vécue telle, Richard North Patterson ayant obtenu la garde de son premier fils adolescent après un divorce. « Être un parent solitaire, dit-il dans une interview, a été probablement l’expérience la plus importante de ma vie d’adulte. »

Dans ‘Pour les yeux d’un enfant’, on interroge le fils de 16 ans : « Qu’est-ce qui te fait dire que Chris a été un bon père, Carlo ? – Il a toujours été très présent. Carlo parlait d’une voix un peu rauque. J’ai toujours su à quel point je comptais pour lui. Caroline sourit. – Que veux-tu dire par ‘il a toujours été très présent’ ? – Pour l’école, pour mes matches, pour me conduire là où je devais aller, et puis pour parler. » p.585 En quelques phrases, voici résumé tout un traité d’éducation et de psychologie, en plus clair et plus efficace : un gamin a besoin qu’on s’intéresse à lui, qu’on se préoccupe de qui il est et de ce qu’il fait, ni plus, ni moins.

La seconde expérience est probablement celle d’écrire, de fouiller les personnalités, d’accuser les caractères tout en conservant les nuances qui donnent la couleur de chaque individu. « Écrire, c’est réécrire », dit-il encore, « écrire est difficile et doit être maîtrisé. » Il se défend d’écrire des énigmes policières, ce qui tend à faire croire que le monde est un endroit logique où des solutions peuvent être trouvées à tout. Il préfère les romans qui prennent la loi pour prétexte car ils explorent les territoires moralement ambigus du crime, du mensonge et de leurs motifs. La clé est l’empathie : pour les victimes comme pour les bourreaux. Non pour les excuser, mais pour observer leurs ressorts et analyser les passions qui les meuvent, avec cette surdétermination de l’humain qui met de la valeur partout.

‘Nulle part au monde ‘(No safe place, 1998), paraît à Richard North Patterson le type même du livre qu’il aime à écrire, son « meilleur et le plus accompli », l’exploration la plus complexe d’un rôle d’homme. Le sénateur Kerry Kilcannon, d’origine irlandaise comme l’auteur, est candidat démocrate à la Présidentielle. Sa campagne se heurte aux minorités violentes anti-avortement et pro-armes à feu. Tout est bon pour casser sa campagne… jusqu’à la manipulation du secret professionnel et du fanatisme. L’instrument du destin sera un gamin mal grandi, que le héros se reproche de ne pas avoir accueilli le jour où il avait besoin. Du grand art dramatique !

Richard North Patterson est un auteur américain à lire. Ses qualités d’écriture captivent le lecteur et le pavé que représente chaque livre est avalé sans s’en apercevoir. Il montre aussi un autre visage des États-Unis, que nous avions oublié : celui qui se préoccupe de l’homme plus que du business, de l’épanouissement des enfants plus que de l’égoïsme des adultes. Je n’ai cité que trois livres, mais les autres sont tout aussi attachants.

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Sociologie polynésienne

Article repris par Medium4You.

Jusqu’en 1964, les 60 000 Polynésiens vivaient en autarcie. Quelques-uns voulaient goûter au « modernisme » et partaient travailler à Makatea dans les phosphates, d’autres émigraient en Nouvelle-Calédonie dans le nickel, au Vanuatu dans les plantations, un petit nombre dans les commerces de Papeete, et d’autres enfin devenaient fonctionnaires.

De 1966 à aujourd’hui, la France a déversé une manne d’argent, a introduit la télévision, a installé un système éducatif, a offert la consommation à une partie de la population. Tout ça anti-écolo, totalement déphasé avec l’environnement des Polynésiens. La manne nucléaire a stoppé l’émigration traditionnelle, stimulé les naissances par les allocations familiales, encouragé l’immigration. Actuellement, la population est de 267 000 habitants dont 180 000 sur l’île de Tahiti.

A Tahiti, les infrastructures inadaptées font que l’on a parfois l’impression de vivre dans un pays sous-développé. Depuis 2004, l’économie s’éteint. En 10 ans, le tourisme a chuté de 50%, le prix de la perle a chuté de 75% en 20 ans et de 90% en 30 ans. Heureusement, les transferts de l’Etat continuent (solidarité, aides, salaires et retraites, salaires des fonctionnaires territoriaux).

La nouvelle génération fait de longues études, des bacs +5 ou 6 à la pelle, mais ces jeunes cadres choisissent le confort douillet du secteur public. Les SEM, EPIC, même OPT ont été pillées par les dirigeants du fenua. La crise n’en finit pas, le coût social est énorme, un vrai coup ! Même le secteur privé est dépendant de la « rente française ». Savez-vous combien vous versez, vous autres les Gaulois ? 150 milliards par an ! Comme cela ne suffit pas, alors on va taparu (quémander) l’Europe. Ceux qui manifestent sont ceux qui reçoivent déjà beaucoup mais qui demandent à garder leurs multiples avantages et à en obtenir d’autres. On utilise les fonds de la DGSE (Dotation globale sociale et économique, ne confondez pas avec la DGSE de métropole !), soit 18 milliards. Cela en abandonnant l’investissement économique au profit du social, le paiement à fonds perdus de salaires et autres avantages. Cela n’a pas suffi, alors « niu niu Paris ! » : on veut encore des sous. Vite un virement de 6 milliards en juillet, puis un autre en décembre 2010. Pudiquement on dit ici que c’étaient des sommes dues ou une avance… Si vous gagniez au loto ou autre jeu, ben pensez à la Polynésie !

Surtout que la gabegie et la corruption existent. Air Tahiti Nui est toujours cher, même si vous avez cherché sur Internet le billet d’avion le moins cher possible pour vous offrir Tahiti… Si vous étiez parent proche ou éloigné d’un employé de la compagnie ATN, vous n’auriez aucun souci pour voyager avec un billet GP (« vieille pie » ou VIP en français continental). La compagnie fait voyager 500 GP par semaine soit l’équivalent de 2 avions pleins sur les 5 possédés par la compagnie ! Rappel : la population de la Polynésie française est de 267 000 personnes, bébés compris !

L’enterrement des affaires judiciaires en Polynésie pourrait être une spécificité tahitienne. Il n’en demeure pas moins que les « vices » de procédure semblent être favorisés par le climat, le soleil et le fenua. Les enquêtes et les plaintes déposées contre certains politiques n’aboutissent pas. Cela traîne en longueur  et si la traîne dépasse trois ans, le Saint Graal de la prescription intervient. Stratégie tenue de mains de maîtres par les experts de cette combine bien réglée. Et c’est merveilleux comme ça ronronne !

Alors chacun se débrouille. Un enseignant-chercheur a mené une enquête pendant 4 ans et vient de publier un livre. Il a suivi une quarantaine de ménages modestes dans le quartier urbain de Pamatai (Faa’a) et le quartier rural de Maatea (Moorea). Il constate qu’il y a des échanges très nombreux entre ces familles modestes et les districts de Tahiti et des îles. Elles reçoivent des produits pêchés, chassés, agricoles, en échange de produits qui ne peuvent être trouvés dans les îles. On constate que le fret entre Tahiti et les îles est plus important que le fret commercial. Actuellement, on a remplacé le taro et l’uru par le riz, présent dans 50% des repas. En Polynésie, bien manger c’est manger beaucoup. Pour honorer ses invités, le Polynésien présente des plats en abondance ; un ventre bien plein indique un repas abondant. Les Tahitiens font un seul gros repas par jour, les deux autres prises seront les restes de la veille et le café-pain-beurre du soir, avec beaucoup de grignotages en cours de journée. Le week-end, on mange énormément.

« Nourritures, abondance et identité : une socio-anthropologie de l’alimentation à Tahiti » est un livre  de Christophe Serra Maillol, 545 pages, éditions Au vent des îles, 2010, €36.01.

Hiata de Tahiti

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