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Promenade en bateau sur les canaux d’Amsterdam

Nous longeons le canal Singelgracht pour prendre un bateau de Weteringplantsoen. C’est une péniche promenade de conception plutôt ancienne dont les sièges sont trop bas pour bien voir. L’esquif va lentement faire le tour des canaux en passant par l’Amstel, la rue de Spinoza, virer dans le Nieuwe Vaart pour entrer dans le port avant de repasser sous Central station et nous ramener par Brouwersgracht vers le Pinsen gracht – le canal du prince – passer devant la maison d’Anne Frank et l’église de l’Ouest, Western Kerk. Sur Oosterdok, les docks de l’Ouest. Une fois passé la bibliothèque publique, s’ouvre le Sea Palace, le café le plus branché d’Amsterdam. Il est déjà plein aujourd’hui mais il s’orne l’été de jeunesse à demi déshabillée en train de bronzer sur le quai, à ce qu’on nous dit au micro. Nous retournons à notre point de départ en bateau au bout d’environ une heure et demie.

Ce n’était pas une expérience très intéressante car nous avons vu peu de choses, et les commentaires en anglais étaient d’une grande banalité. Nous avons appris que les Pays-Bas étaient une puissance maritime, qu’Amsterdam était un gros port, le deuxième du pays après Rotterdam, que le peuple hollandais était l’un des plus tolérants qui soit, même si la société a ses tabous. En bref, rien de passionnant. Nous aurions pu la remplacer par une visite libre du musée Van Gogh.

Le marché aux fleurs (Bloemenmarkt) est situé le long du canal Single, juste au-delà des anciens remparts de la ville ancienne. On ne le voit pas de la rue, mais les boutiques sont des bateaux arrimés au bord du canal. Ne subsistent que des graines et de petites plantes en pot, mais aussi des vendeurs de cannabis officiels qui déclinent leur production en diverses variétés et forces, et en assaisonnent des pâtisseries.

De très rares maisons de fromage de Hollande existent aussi, pour le folklore, mais plus aucun sabot, pourtant fort à la mode il y a encore trente ans. Le gouda est décliné en différentes versions, de nature à cumin, basilic, paprika, safran, et ainsi de suite. Je ne sais pas s’il y en a au cannabis mais je n’en serais pas étonné. Nous allons visiter également quelques boutiques de faïence de Delft où sont quelques belles choses, mais fragiles à rapporter.

Suit le béguinage – Begijnhof – où des dames seules et peu argentées venaient se réfugier entre elles pour y habiter dès la fin du XIVe siècle. Un endroit très calme, isolé des rues bruyantes alentour, dont la célèbre Kalverstraat. Elles pouvaient sortir et n’étaient pas religieuses, mais y étaient en sécurité car l’endroit était initialement entouré d’eau, accessible par une seule porte gardée. Une chapelle leur permettait les dévotions sans avoir à sortir du quartier. Leur église est devenue le siège de l’Église réformée anglaise d’Amsterdam.

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Musée Van Loon à Amsterdam

Dans un hôtel particulier du XVIIe siècle à la façade de grès classique, dans le canal de l’empereur – KeisersGracht – la famille Van Loon a installé un musée d’ambiance. Elle occupe toujours la maison, mais à partir du second étage, laissant le rez-de-chaussée et le premier étage aux visiteurs. Il s’agit d’un intérieur bourgeois riche ou, dès l’entrée, sur la droite, un salon tendu de tissu offre ses fauteuils Louis XV et ses bergères garnies de toile de Jouy, ainsi que des portraits d’ancêtres et des photos de famille récentes encadrées.

Sur la gauche, la salle à manger avec une grande table dressée pour le dîner aux multiples couverts et verres, les plats à salade, à légumes et à viande. La table fait face aux deux hautes fenêtres sans rideaux qui donnent sur le canal. Ni rideau, ni volet, les Hollandais n’ont rien à cacher, chacun peut regarder chez eux sans que cela les gêne. Derrière, près de la porte, un dressoir où repose la vaisselle précieuse, les services à thé, à café et à gâteaux.

Après ces deux pièces, dans le couloir d’entrée, s’ouvre l’escalier principal, monumental, dont les hautes marches permettent depuis le palier du premier étage de toiser les arrivants en imposant sa présence. Sous l’escalier, sur la droite une pièce de service et, sur la gauche, une cuisine au robinet à pompe et aux casseroles de cuivre bien astiquées.

En montant au premier étage, s’ouvrent les chambres des enfants car la famille était nombreuse, ce pourquoi les descendants actuels ont été capables de conserver le patrimoine. Dans la chambre de gauche côté jardin, ont été installés des panneaux de bois peints de décors romantiques et exotiques donnés par la reine à sa suivante Van Loon. Sur la droite, une chambre au grand lit, probablement pour des amis, ou de grands enfants.

Côté canal, une grande chambre avec lit à baldaquin à la polonaise, les rideaux étant rassemblés en une sorte de chignon au-dessus du lit. On dit que le baldaquin servait à retenir les bestioles qui pouvaient tomber des poutres rongées par les vers. Les gens auraient eu la terreur d’avaler un insecte en dormant la bouche ouverte. C’était aussi, probablement, pour garder la chaleur dans une pièce où le feu s’éteignait durant la nuit. Dans la chambre de droite, deux lits jumeaux d’enfants très mignons avec des portraits de jeunes garçons et de petites filles.

Au second étage, la chambre des parents.

En redescendant, nous accédons au jardin à la française, tout de buis taillés, après une terrasse ou prendre le soleil avec une table et des bancs à dossier, entouré de putti nus flanqué d’arbustes. Au-delà du jardin, l’orangerie. Elle servait aussi d’écurie pour les chevaux. Selon une photo en noir et blanc, les plus petits des enfants attelaient un bouc à leur carriole.

Après cet intermède musée, dans l’Amsterdam fortuné de la bourgeoisie commerçante, nous allons par les rues et en traversant les canaux sud jusqu’au quartier des musées. Sur Led Zeppelin, ou plutôt Leidseplein, s’ouvre toute une série de cafés et de restaurants où nous avons toute liberté de déjeuner durant une heure et demie. Nous sommes sept à nous installer au café De Waard pour déguster une salade ou un plat de pâtes, ou de sandwiches avec une petite bière Bavaria à huit euros. Le café espresso est très ristretto et coûte quatre euros. J’ai pris pour ma part une salade du chef avec beaucoup de verdure et diverses choses dedans, dont un jaune d’œuf mollet (mais pas le blanc), tout cela pour 31 €.

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Vieille ville d’Amsterdam

En ce dimanche, il fait soleil mais froid. Un vent glacé vient de la mer du Nord. C’est emmitouflé dans nos vestes et nos écharpes, certaines portant même des gants, que nous allons arpenter la vieille ville d’Amsterdam entre les trois canaux principaux de Messieurs les bourgeois (Heren), du roi (Keizer) et des princes (Prinsen). Ces canaux concentriques forment une toile d’araignée qui enserre les quartiers et irrigue toute la vieille ville des marchandises apportées par les bateaux. Le nom de la ville vient de la digue (dam) sur l’Amstel (la rivière).

Nous commençons face à la gare ferroviaire d’Amsterdam Central station. Sa construction a bouché l’entrée du vieux port qui arrivait auparavant juste devant la bourse de commerce, le long du Damrak. Les trois croix de saint André que l’on voit représentées un peu partout sur les panneaux municipaux sont les trois mots de la devise de la ville : « héroïque », « déterminée », « miséricordieuse » – ou, selon la tradition populaire, les trois menaces principales : eau, feu et peste.

Nous passons devant l’église Saint Nicolas mais nous n’y entrons pas. Toutes les églises sont payantes en Hollande. Nous empruntons une rue qui s’appelle Nieuwe Brugsteed, pour aller sur les canaux centraux du quartier rouge. Car dans le port d’Amsterdam, il y a des marins, et les marins ont besoin de dames plus que de hamsters. C’est donc dans ce quartier « chaud » que se tiennent les vitrines au rideau rouge derrière lesquels se pavanent les dames dévêtues, surtout ouverts le soir. En ce dimanche matin, nous ne voyons qu’une ou deux praticiennes en string qui exhibent au soleil derrière les vitres des formes à la Rubens. Le guide, bien que grande folle, prend un ton pincé pour évoquer avec la pruderie bourgeoise dégoûtée de rigueur ce qui se passe ici le soir. Des sex-shops côtoient des vendeurs de cannabis et la rue elle-même sent le sexe. Il y a même un musée du hash. Un père et deux jeunes ados, des Français, remontent l’endroit : curiosité ou éducation ? Comme par dérision, le quartier chic et branché est juste dans le prolongement du quartier chaud, le long du canal Oudezijds Voorburgwal. Ici les appartements sont rares et chers.

Nous traversons plusieurs canaux sur des ponts, à la vénitienne, pour aboutir au City Hall, bâtiment moderne qui contient l’opéra, construit sur l’ancien quartier juif rasé sous l’occupation. La statue de Baruch Spinoza (1632–1677), né à Amsterdam, y a été spécialement érigée. Nous traversons l’Amstel, rivière au nom de bière, pour emprunter la rue Amstel jusqu’à Rembrandtplein. C’est ici le quartier le plus chic et le plus cher de la ville. Des voitures de luxe sont garées en épi le long du canal, des Porsche, des SUV BMW, des Teslas électriques, tandis que de l’autre côté de la piste cyclable aux vélos incessants (sans passage piétons !), s’élèvent des façades étroites mais richement décorées, notamment dans le haut. Si les maisons sont resserrées, c’est parce que l’impôt foncier était calculé sur la largeur de la façade. La richesse ostentatoire consistait donc à avoir une façade très large.

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Musée Prinsenhof à Delft

Le Prinsenhof – la cour des princes – est le bâtiment où Guillaume de Nassau est venu se réfugier en 1583 avant d’y être assassiné un an plus tard par Balthazar Gérard ; il était originellement le couvent Sainte-Agathe. Nous y voyons le couloir où il a été arquebusé, deux trous de balle encore conservés dans le mur. Le prince d’Orange, dit « le Taciturne » car il parlait peu, chef de la révolte des Pays-Bas espagnols contre le roi d’Espagne Philippe II, fils de Charles Quint. Les Espagnols offriront une prime à qui l’assassinera et, après avoir échappé à plusieurs tentatives, la dernière sera la bonne. Poutine n’a rien inventé.

Le bâtiment organise une exposition consacrée au Delft de Vermeer. Elle présente le contexte culturel et historique de l’époque du peintre. J’en ai parlé antérieurement. Des tableaux de ses contemporains montrent que les sujets qu’il traitait était ce qui plaisait au public, quelques documents prouvent que non seulement il a existé mais qu’il a eu une vie et laissé des peintures en héritage.

Quelques paysages de Delft sont présentés, mais pas aussi vivants que celui de Vermeer. Il y a les mêmes filles, les mêmes intérieurs, les mêmes portraits et les mêmes scènes de genre, mais d’un talent moins affirmé.

Les tableaux d’autres peintres présentent des scènes de bordel avec les mêmes codes esthétiques : les perles, le petit sourire, la chaufferette pour se faire des sensations sous les jupes, les lèvres pulpeuses, le regard direct, la lettre. Pour moi, la Jeune fille à la perle est peut-être prête à s’offrir, mais elle a à peine 13 ans et reste virginale. Comme le guide dérape parfois dans des envolées émotionnelles d’inverti lyrique, laissons-lui son avis. En tout cas, nous en saurons plus sur Vermeer en revenant parce que nous y aurons réfléchi.

Une salle est consacrée à la fabrication de la faïence, parfois affinée pour ressembler à la porcelaine avec plusieurs cuissons successives.

Le musée ferme à 17h30. À la sortie, un joli petit garçon–fille de 4 ans, ou peut-être fille–garçon. « Iel » a les cheveux longs, blonds, un pantalon de jean mais une chemise fleurie à col rond sous le pull. « IIe » a une attitude décidée de garçon mais les jeunes parents sont peut-être branchés, adeptes du sans–genre.

Il y a de la circulation sur l’autoroute pour rentrer à Amsterdam en ce samedi soir. De très nombreuses voitures sont de couleur noire, peut-être un reste du vieux fond austère calviniste. Les champs sont séparés par les canaux de drainage et d’irrigation. On cultive surtout des fleurs. Nous revenons à l’hôtel vers 18h30, fatigués d’en avoir trop vu d’un seul coup. J’ai besoin de décanter. À l’arrêt du bus, au retour, toute une bande de Chinois attend le car. Ils sont venus peut-être pour l’exposition du siècle. La plupart portent encore des masques, le tourisme reprend.

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Delft

Delft la ville n’est pas très loin de là. Sur la place, des boutiques de faïence et de fromage.

Un ado blond pâle aux joues rouge fait claquer son skate en essayant de le retourner au pied, sans succès. Il est perdu dans sa musique entre les oreilles, le nez au vent, le corps en fête, à peine vêtu d’un sweat noir à capuche.

Nous visitons la nouvelle église, Niew Kirk, autrement dit protestante, avec la chaire au centre et son abat-voix, aime à répéter le rabat-joie de guide. Cette église gothique est devenue une sorte de panthéon de la maison d’Orange.

Dans le chœur s’élève le mausolée de Guillaume de Nassau, père de la patrie. Il a pris la tête du soulèvement des Provinces Unies contre Philippe II d’Espagne. Il est présenté en gisant de marbre blanc, son chien fidèle à ses pieds, une fille en bronze soufflant dans la trompette de sa renommée, entouré de colonnes ou s’adossent les quatre vertus théologales, tandis que des Putti nus en bronze surmontent le tout. Sur le pourtour est dessiné un chemin de rois, des plus anciens jusqu’aux plus récents.

Après le déjeuner au De Waag, nous visitons les canaux de Delft, petite ville à taille humaine avec des portes au ras de l’eau pour décharger les marchandises comme à Venise.

Les vieilles façades ont des toits à redans. Une plaque indique sur un coin de la place l’endroit où le père de Vermeer avait sa boutique.

La Vieille église du XIIIe siècle contient les restes de Vermeer sous une dalle, du moins le croit-on, ainsi que les restes de sa femme, de sa belle-mère et de trois de ses onze enfants sous la même dalle familiale. Personne ne sait si la dépouille du peintre est encore dessous.

Le registre funéraire de la Oude Kerk (vieille église de Delft) atteste où l’artiste repose. Mais un document exposé au Prinsenhof indique qu’il a été enterré avec les honneurs, son cercueil porté par 14 personnes avec sonnerie de la cloche de l’église. La chaire est ornée des quatre évangélistes avec leurs animaux symbole, le tétramorphe.

Un vitrail de 1960 raconte toute l’histoire des Pays-Bas.

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Musée Mauritshuis à La Haye 1

Nous visitons le musée de peintures de la Mauritshuis, ancienne résidence du comte. C’est ici qu’est présentée habituellement La Jeune fille à la perle de Vermeer, prêtée pour l’exposition à Amsterdam. J’en ai parlé antérieurement. Le Siècle d’or hollandais présente sa peinture, de Rembrandt le géant aux petits maîtres peu connus. Une horde de petits enfants écoute une conférencière accordée à leur âge, assis par terre ou blottis entre les bras d’une maman. Les Hollandais semblent aimer les enfants.

Le Portrait d’une femme d’Allemagne du sud, vers 1520, d’Hans Holbein II est strict mais coloré. La femme, en coiffe de nonne jaune, arbore une paire de seins moulés au-dessus de son corset serré que laisse voir amplement le manteau sombre ouvert. Elle est chez elle, elle se montre. Les mains croisées, elle est sage, compassée.

Le Portrait d’un homme à barbe rousse de Lucas Cranach II, en 1548, est plus sévère, le manteau noir prenant presque toute la place, comme pour éteindre la chevelure et la longue barbe qui flamboient. Les sourcils sont un peu froncés, dans un effort de faire sérieux, tandis que le regard erre au loin, vers les hauteurs, et que la bouche se serre. Pas question d’être assimilé à Judas, l’apôtre traître.

Anthony van Dyck peint en 1627 le portrait de Peeter Stevens, calvitie naissante, moustache et bouc, la main gauche fortement gantée, habit noir et fraise blanche. Tout le conventionnel du temps.

Hans Holbein II peint encore vers 1540 Jeanne Seymour, troisième épouse d’Henri VIII d’Angleterre. La femme était laide mais il l’embellit, jusqu’à tromperie sur la marchandise. Elle donne naissance au futur Edouard VI, ce qui suffisait à Henri VIII, dit Barbe bleue, avant de mourir de fièvre puerpérale.

Encore un Saint Jérôme de Paul Bril, en 1592. Le saint est tout petit sur un coin et tourne le dos à la nature grandiose ; il lui préfère ses fantasmes, qu’il rêve nu, tourné vers l’obscurité d’une grotte. Il symbolise tout le renoncement au monde en même temps que les affres de l’imagination. A l’inverse, que la nature est belle, avec son couple normal, assis en pleine lumière contre un rocher !

Rubens fait des effets de lumière avec la Vieille femme au garçon avec des chandelles, de 1617. Il est inspiré du Caravage mais en moins tourmenté et plus vivant. C’est une scène paisible qui est là, une vieille qui songe à sa jeunesse tandis que le gamin lui sourit.

David Teniers II, en 1644, peint l’Intérieur d’une cuisine dans laquelle officient Anna Brueghel sa femme et David son jeune fils. La tourte au cygne et le cygne farcis, mis en évidence, sont symboles d’amour, sinon de sexe. Le gibier, le jambon, les poissons, les pommes, sont autant de fruits qui rappellent le paradis, mais il est ici terrestre : bien manger et bien baiser avant tout. La femme comme l’enfant n’ont d’yeux que pour le cygne en majesté sur la table.

Il peint aussi l’Alchimiste, qui montre une autre sorte de cuisine, distillant la matière pour découvrir la pierre philosophale.

L’Adoration des bergers de Jacob Jordaens, 1617, vous fait entrer dans le tableau comme si vous étiez l’un des bergers, ainsi que Caravage le faisait. Le visage de la Mère, heureuse, et celui de l’Enfant, repus, sont un trésor pour les bergers alentours, du plus jeune qui se tord les mains d’émotion au plus âgé empli de componction. Le vieillard au-dessus est probablement Joseph.

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La Haye

Nous prenons le car pour Den Haag (la haie du comte, qui servait de remparts symboliques), ville administrative et capitale d’environ 550 000 habitants. Il y a peu de circulation en ce samedi matin.

Nous Français appelons ce pays Hollande et cela date de Napoléon. Il avait en effet désigné le département sous ce nom, alors que ce ne sont les noms que de deux provinces des douze qui composent les Pays-Bas, la Hollandia méridionale et la Hollandia septentrionale. Les gens du cru appellent leur pays Netherlands. Le nom officiel en français est Pays-Bas.

La Hague est le siège du Parlement, de la Cour suprême et du Conseil d’État, la résidence du roi et du Premier ministre, ainsi que de certaines institutions internationales, dont la Cour internationale de justice, la Cour pénale internationale, la Cour permanente d’arbitrage, Europol, Eurojust, la Commission internationale pour les personnes disparues, l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Elle est désertée en grande partie le week-end car les fonctionnaires n’y habitent pas. Les grands immeubles modernes abritent les institutions.

Contrairement à ce que nous affirme ce Belge de Bernard, c’est bien Amsterdam qui est la capitale des Pays-Bas, La Haye n’est que le siège du gouvernement. La ville est le siège social de multinationales néerlandaises telles que Royal Dutch Shell, KPN l’opérateur télécom et les assurances Aegon et Nationale Nederlanden.

Il y a du soleil mais un vent froid et, même si nous croisions beaucoup d’ados en T-shirt et des gamins en bermuda ou culottes courtes, nous gardons frileusement veste et écharpe en plus de nos polos.

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Rikjsmuseum d’Amsterdam 1

Nous prenons le tram avec un forfait pour trois jours, ce qui nous permettra de l’emprunter pour revenir à l’hôtel. Il y a foule à l’entrée du musée. Nous ne faisons heureusement pas la queue, grâce aux billets de groupe déjà pris. Des scolaires en primaire et en collège arpentent les salles mais aussi des familles en ce vendredi. Nous allons d’abord visiter le musée dont la rénovation s’est terminée en 2013. Je ne peux rendre compte de tout, le musée est trop riche. Je ne vous donne qu’une sélection de ce qui m’a marqué.

Le Louvre des Pays-Bas est un musée qui se visite en une journée, heureusement. Il retrace l’histoire de l’art hollandais, ce qui permet de resituer Vermeer dans la lignée et l’époque. Ce sont les primitifs flamands qui ont maîtrisé la peinture à huile et ont fait tellement attention aux détails. Le réalisme de Frans Hals vient d’eux, tout comme la minutie de Vermeer.

Des scènes bibliques, comme il se doit, jalonnent le 16ème siècle. Une tablette mémoriale vers 1500 montre combien la vie est brève et que le destin est le tombeau.

Jan Cornelisz Vermeyen, Sainte famille v.1528, expose un Bambin musclé nu en sa nature humaine, déjà adulte dans son regard, prêt pour sa Mission de sauvetage du genre homo.

Jan Mostaert, Adoration des mages XVe

Les peintres de genre sont Jan Steen et De Hoogh, tandis que Ruysdael ou Van Goyen ont rendu l’atmosphère particulière des canaux, des plaines humides et des ciels tourmentés.

Dans la partie d’art ancien, j’apprécie grandement les petits bijoux que sont les noix sculptées en buis de scènes bibliques ou d’église, comme les anges musiciens. Elles viennent de l’atelier d’Adam Theodrici et ont été réalisées entre 1500 et 1530.

De facture un peu plus ancienne, fin XVe siècle, le bon et le mauvais larron dansent sur leurs croix dans le même bois de buis.

Vers 1400, c’est un Christ au corps très étiré, en bois, qui vient de Bunde, un village près de Maastricht.

Le Dernier souper, vers 1520, provient d’Ulm et sculpte le Christ et ses apôtres lors de la Cène. Le très jeune Jean se penche pour baiser la main de Jésus, juste au-dessus du sexe, comme avide de dévorer déjà la chair du Christ qui est dans le plat devant lui, tandis que celui-ci donne à manger à Judas qui va le trahir. Les dix autres apôtres, tous barbus et à la chevelure ondulée, regardent ailleurs.

Étrange histoire que celle de saint Vitus, sculpté en bois vers 1500. C’était un gamin sicilien de 12 ans qui avait la foi chrétienne et n’a pas voulu abjurer malgré sa torture, flanqué nu dans un chaudron d’huile et de résine bouillantes. Il a survécu aux épreuves, soutenu par sa foi.

Autre étrangeté cet Episode de la conquête des Amériques par Jan Jansz Mostaert, peint en 1535. Dans un décor aride aux falaises sculptées par la mer, une horde d’indigènes tout nus qui surgissent de partout combattent une section d’Espagnols casqués, armés et vêtus de fer, fraîchement débarqués. C’est un choc des civilisations quasi extraterrestre.

La Vénus couchée de Lambert Gustris, vers 1540, est une belle femme nue voluptueusement allongée sur son matelas avec la main sur son sexe, tandis que d’autres femmes vaquent, habillées, à leur musique ou aux soins du linge, au fond de la pièce. Ce contraste érotique rend le spectateur voyeur d’une intimité qui, pourtant, devrait être morale, puisque les humains, dans les Provinces unies, « n’ont rien à cacher ». Les gamins s’amusent devant ; cela les émoustille.

Vers 1560, Pieter Pietersz offre à voir un Homme et une femme au fuseau qui est à la fois un portrait et une morale : l’homme sans conteste désire la femme, son regard exclusivement tournée vers elle et tenant un vase à la main, tandis qu’elle est tournée vers le spectateur, comme pour l’interroger sur ce qu’elle doit faire : choisir la vertu ou le vice. Mais elle a déjà choisi : son fuseau, clairement phallique et piquant au bout, s’est tourné vers son vagin.

C’est carrément un bordel que figure Pieter Aertsen en 1552, sous le titre gai de Danse de l’œuf. Il faut tout en dansant, retourner une écuelle en bois sur l’œuf qui roule, sans le casser. Tout le tableau désincite les mineurs à la débauche. Un jeune garçon se tient en effet sur le seuil et regarde.

Joachim Beucklaer, en 1566, présente une Cuisine bien garnie. Mais c’est la visite du Christ à Marie et Marthe, en tout petit et en gris, en fond de tableau, qui est le sujet principal. Le contraste entre la profusion de nourritures terrestres colorées et la voie spirituelle chrétienne austère en noir et blanc est mise en évidence pour édifier le spectateur.

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Musée Frans Hals de Haarlem

Il est situé dans un hospice de 1608 aux salles dallées de marbre lisse, racheté en 1908 par la municipalité pour y loger les collections d’art néerlandais des XVIe et XVIIe siècles, dont les biens des couvents, congrégations ou institutions religieuses catholiques de la ville, confisqués après 1578.

Frans Hals a fait le portrait des administrateurs, ou régents, un homme pour les vieux et une femme pour les vieilles. Le peintre s’était spécialisé dans ce que voulait sa clientèle : du portrait, le plus souvent collectif.

Les officiers des arquebusiers sont attablés pour leur banquet annuel et le peintre les a rendus vivant grâce aux couleurs de leurs habits, à la diversité de leurs expressions et aux bonnes choses à manger sur la nappe.

Les régents et régentes de l’hospice de vieillards sont au contraire en vêtements noirs et ont l’air austère. Un gamin à la bonne bouille ronde s’esclaffe dans un recoin.

Le guide nous donne quelques clés de lecture des tableaux. Les personnages qui regardent le spectateur sont les notables. Les gens les plus importants sont ceux qui sont assis. La diagonale guide le regard et la perspective est donnée par la table ou par la position des pieds de ceux qui sont représentés. Les mains sont assurées sur les accoudoirs et en bord de table, ou bien accueillantes et ouvertes, dirigées vers le spectateur pour l’inviter à participer, ou encore affectives, placées sur le cœur pour témoigner de sa bonne foi.

Les Douze membres de la Fraternité des pèlerins de Jérusalem, peints par Jan Van Scorel en 1528, alignent leurs têtes. Celles-ci étaient peintes et disposées au dernier moment selon la hiérarchie des Importants : ceux qui vous regardent le sont plus que ceux qui ne vous regardent pas. Chacun est surmonté de son blason pour bien les reconnaître.

Frans Hals, en peignant en 1541 les Régents de l’hôpital St Elisabeth, a fait qu’aucun des personnages ne regarde le spectateur, ni ne se préoccupe du dernier arrivé ; tout se concentre sur le Régent assis en bout de table, toutes les mains vont vers lui et les siennes ont un mouvement d’enfermement sur sa personne. C’est un instant suspendu, comme surpris, un instantané. Le tableau est beaucoup plus vivant que l’alignement de têtes pur et simple.

Ces tableaux étaient exposés soit à l’entrée des hospices pour inspirer confiance, soit à l’entrée des guildes de commerçants pour donner une idée de l’importance et de la prospérité de ceux avec qui l’on venait signer des contrats commerciaux. Chacun connaissait les codes et pouvait ainsi savoir à qui il avait à faire avant même de le rencontrer.

Frans Hals n’a par exemple pas été tendre avec les vieilles régentes de sa fin de vie lorsqu’il a peint, à plus de 80 ans, les Régentes de l’hospice des vieillards en 1664. Il a dû se retirer à l’hospice lorsqu’il fut tombé dans la misère et a peint un tableau commandé par les régentes. Il ne les aime pas et les peint de façon très réaliste, sinon lucide : elles sont plutôt un repoussoir.

Outre les Frans Hals, on y voit aussi le Triptyque de la Naissance, de la Flagellation, de la Crucifixion et de la Résurrection du Christ d’un suiveur d’Hans Memling.

Une Madone au Bambin blond.

Le Mariage de Thétis et Pélée avec profusion de personnages à poil de Cornelis Cornelisz van Haarlem

Le Moine et la Béguine où un moine pince le sein d’une nonne devant le raisin et le vin (tous deux de 1591).

Un Massacre des Innocents montre de jeunes enfants torturés et égorgés, hurlant, tandis que les corps musculeux nus des mâles qui les massacrent arborent des fesses et des torses en pleine euphorie sexuelle. Le contraste est un raffinement de sadisme, mêlant la cruauté au plaisir dans un paganisme tourmenté.

Une Tentation de saint Antoine de Jan Mandijn (1555) est, à la Jérôme Bosch, un grouillement de bestioles infernales issues de l’imagination enfiévrée de l’ermite continent qui peine à se concentrer sur sa Bible.

Jan de Braij peint en 1663 Peter de Braem et sa famille, accueillis par le Christ qui déclarait : « laissez venir à moi les petits enfants. » Il y a en effet profusion de petites filles blondes, outre deux garçons adultes.

La mère et l’enfant de Peter de Grebber (1622) reprend les codes de la Vierge à l’Enfant, mais version protestante, terre-à-terre : il s’agit d’une véritable mère qui donne le sein à son bébé déjà grand, tout en lisant un livre. Le démarquage du catholicisme se fait avec le livre – petit pour une Bible – et la coiffe de la femme – qui évoque l’auréole de Marie.

J’aime bien l’Accueil des enfants à l’hospice de charité pour les orphelins de Jan de Braij en 1663. Il figure trois des sept vertus de charité : nourrir les affamés, abreuver ceux qui ont soif, vêtir ceux qui sont nus. Un robuste gamin de 12 ans, en premier plan sur la droite, a déjà ôté toutes ses guenilles pour commencer à enfiler une culotte ; son copain vis-à-vis, déjà vêtu, s’enfile avidement de la nourriture dans la bouche.

La Partie à l’intérieur de Dirk Hals en 1628 met en garde le spectateur contre le libertinage, la gaieté et la fièvre du jeu en présentant des personnages rigolards, paillards et soiffards qui braillent, éclusent et se bâfrent dans un tintamarre de plats heurtés et de viole. Pendant ce temps, un couple de petit garçon et petite fille, tous deux vêtus comme les adultes, se prennent la main au-dessus d’un gros chien placide aux yeux fatalistes. C’est truculent et plein de vie.

Pieter Brueghel II, en 1625, peint ses fameux Proverbes hollandais dans un village imaginaire : humains et animaux font ce qu’il ne faut pas faire et mettent le monde sens dessus-dessous. Près de 90 proverbes moralisateurs sont ainsi illustrés et l’on passe plusieurs minutes à les chercher et les deviner. Il y a : jeter l’argent par les fenêtre, tenter de faire de l’ombre au soleil, qui trop embrasse mal étreint, tondre la laine sur le dos, et ainsi de suite.

En face, la Maison de poupée de Sara Rothé van Amstel, du XVIIIe siècle, donne une idée des Intérieurs de maison dans la bourgeoise marchande prospère. Au rez-de-chaussée la cuisine d’un côté de l’entrée, la salle à manger de l’autre, au premier étage le salon et la bibliothèque, au second étage les chambres, au dernier étage les cellules des bonnes et nurses.

Les natures mortes me ravissent par leur minutie et par le traitement de la lumière. Elles ont un sens moralisateur, montrant la brièveté de la vie qu’il faut saisir à pleines dents, l’huître encore vivante offerte à la mort sans coquille, un citron à demi-épluché doux en apparence mais astringent aux gencives, comme la vie. Les fleurs vives se fanent, la nourriture se gâte, la belle argenterie se ternit. La tarte aux mûres de la nature morte peinte par Willem Claeszoon Heda (1660) est crevée et dégouline de fruits cuits parfaitement morts. Les harengs sont fumés et le gibier faisande. Parfois est ajouté un crâne pour insister sur le symbole.

La nature morte aux fruits, noix et fromages de Floris van Dijck, peinte en 1613, offre du dessus un empilement de fromages flanqués de fruits et de pain, une épluchure pendante au premier plan. Le tout soigneusement coloré, de façon à sentir la texture de chaque bonne chose. Le guide nous fait remarquer que souvent les plats sont en déséquilibre, on dirait qu’ils vont tomber. C’est une façon de happer le spectateur qui a le réflexe immédiat de tendre la main pour le rattraper.

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Eglise Saint-Bavon de Haarlem

Sur la grand-place, d’autres collégiens (etc.) reprennent leur vélo et retournent dans leur classe en bande organisée devant l’église protestante que nous allons visiter – après avoir dûment acquitté un droit d’entrée : car les églises sont payantes en Hollande.

L’entrée fait office de sortie et de boutique, le sens du commerce demeure. Certains Hollandais disent que leurs compatriotes ont un tiroir-caisse à la place du cerveau. La boutique vend des gadgets ornés de reproduction de l’art flamand et des carreaux de faïence de Delft aux dessins bleus sur fond blanc.

L’église Saint-Bavon (Grote of Sint-Bavokerk) est imposante et il a fallu deux siècles pour la construire en gothique à la fin du Moyen Âge. Elle a été confisquée aux catholiques en 1578 après le siège de la ville.

Les calvinistes ont dépouillé l’intérieur, ôtant toute l’iconographie et les vitraux pour ne conserver qu’une croix nue car on ne montre pas de Christ en cadavre dans les églises calvinistes.

De grandes orgues réputés ont des tuyaux parfois jusqu’à 10 m de haut et Mozart aurait joué de l’instrument étant enfant. L’appareil est orné d’anges femelles aux seins et pieds nus et de putti entièrement nus balayés par un linge flottant de façon aérienne.

La nef est d’une belle marqueterie de bois exotique. Des ex-voto de navires à voile pendent entre les colonnes.

La chaire est au centre, surmontée d’un abat-voix pour que le prêche soit entendu de tout le monde. Les fidèles ne sont pas en rang tourné vers l’autel orienté vers le sud est, comme dans les églises catholiques, mais en arc de cercle autour du pasteur. Il y lit les Écritures du haut de sa chaire. La cérémonie est suivie d’un pique-nique où chacun apporte ce qu’il veut et partage. Tout cela se passe dans l’église. Sous le chœur, le peintre de la ville, Frans Hals, repose. Il est décédé à Haarlem à 84 ans.

Tous les clochers d’église sont surmontés de la couronne du Saint-Empire romain germanique car l’empereur Maximilien Ier d’Autriche l’a imposé aux provinces qui s’étaient élevées contre lui au XVIe siècle.

Les maisons sont de briques rouges comme dans le nord de la France. Il y avait peu de carrières de pierres aux Pays-Bas mais c’était surtout parce que les briques sont plus légères et pèsent moins sur le sous-sol gorgé d’eau que l’on a construit en briques, nous dit le guide – tout comme à Venise. Une résidence enclose de murs forme une sorte de béguinage où les veuves de marins et les femmes seules pouvaient venir habiter à loyers modérés. L’endroit est calme et bien vert.

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Haarlem

Les 3h15 de train de Paris à Amsterdam sont tranquilles et, au sortir de la gare, nous entassons nos bagages dans le bus pour aller directement à Haarlem, à une vingtaine de kilomètres, une petite ville qui a donné son nom au quartier de New York. Il a été fondé en 1658 par le hollandais Pieter Stuyvesant (Nieuw Haarlem) sur l’île de Manhattan.

Il fait froid, le vent souffle, le vieux centre se presse frileusement autour de l’église Saint-Bavon (la Grote Kerk), dégageant une place propice au marché (le Grote Markt) qui vendait de tout et servait aux joutes des comtes de Hollande. Avant que le bus se gare, un pont tournant en action : une grosse péniche, basse sur l’eau, veut passer dans le canal. Elle s’étire comme une limace en faisant attendre la foule des vélos et les voitures qui veulent traverser. Mais tout le monde trouve cela normal ici. L’hôtel de ville date du Moyen Âge et la halle aux viandes (le Vleeshal) s’y distingue encore. Le pourtour est occupé par des cafés, des restaurants et des boutiques de souvenirs.

La ville a pris son essor au XVIIe siècle avec le développement de l’industrie textile et la spéculation sur les bulbes de tulipes. La bourgeoisie commerçante devient riche et passe de nombreuses commandes aux peintres de la cité dont Frans Hals, né en 1581 qui reste à Haarlem durant toute sa carrière, comme Vermeer le fera dans sa bonne ville de Delft. Elle compte aujourd’hui dans les 150 000 habitants. La population est mêlée, 20% proviennent d’en-dehors de l’Europe, de Turquie, d’Indonésie et du Maroc principalement. Son nom viendrait du terme monticule, terre asséchée par le soleil, car une grande partie de la province de Hollande est aujourd’hui à quelques mètres sous la mer. Seules les digues et les pompes des polders permettent de construire, de cultiver et de vivre. Haarlem n’est qu’à 6 km de la mer actuellement.

Nous commençons par déjeuner au restaurant Dané, Riviervischmarkt 17-19 (www.restaurantdane.nl). Deux petits chiens trônent sur le canapé vert pistache de l’entrée, sur des coussins de fourrure synthétique. Nous y dégustons une entrée de saumon cru sauce soja avec une quenelle de pois verts en purée et divers condiments, suivi d’un pavé de cabillaud cuit à la vapeur sauce lentille acidulée, puis une écuelle de blanc-manger rose accompagné de mignardises peu appétissantes. Il faut compter sept euros pour un verre de vin et deux euros pour un verre d’eau.

À l’extérieur s’ébat toute une bande de « collégiennes et collégiens » (comme on doit dire maintenant) en goguette, le cou frais malgré le vent. Le temps est gris et humide, frisquet. Cela n’empêche pas certains adolescents des divers sexes (comme on doit dire maintenant) d’avoir le col qui baye sous leur sweat-shirt d’une taille trop grande. Je note que les gamins ne sont pas habillés majoritairement en noir, comme chez nous – à l’inverse, la couleur domine.

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Il y a deux siècles, 1813

Nos grands-parents connaissaient des gens qui avaient vécu la période ; ce n’est donc pas si loin. Ce qui frappe les Français est la Roche tarpéienne de Napoléon, si proche de son Capitole. 1813 voit le recul des armées françaises un peu partout en Europe, chassées par des populations qui en ont assez de l’activisme révolutionnaire et du messianisme botté. Elles se font aider par des coalitions conservatrices.

Frédéric-Guillaume III de Prusse signe à Kalisz le traité d’alliance avec les Russes et organise une levée en masse dans les territoires libérés des troupes françaises avant de déclarer la guerre à la France. Les victoires françaises de Lützen puis de Bautzen sur les troupes russo-prussiennes commandées par le maréchal Wittgenstein entraînent une sixième coalition : Royaume-Uni, Autriche, Prusse, Russie, Suède. A la bataille de Leipzig en octobre, 180 000 hommes de Napoléon sont battus par 320 000 coalisés. Le roi de Saxe a changé de camp, les rois de Bavière et de Wurtemberg quittent l’alliance française. En Westphalie, des soulèvements populaires forcent Jérôme Bonaparte à fuir. L’Allemagne est abandonnée par les Français. Même chose aux Pays-Bas, à Leyde, Amsterdam et La Haye où des émeutes éclatent contre l’occupation française. Le 17 novembre la garnison française quitte les Pays-Bas. Même chose en Espagne où le 2 juillet l’armée française évacue le pays. La défaite des troupes françaises du maréchal Soult le 10 novembre à la bataille de la Nivelle permet aux Hispano-britanniques d’entrer en France et d’assiéger Bayonne. Par le traité de Valençay, Napoléon Bonaparte rend le trône d’Espagne à Ferdinand VII et 12 000 familles espagnoles collaboratrices partent en exil en France. En janvier, les Cortes libérales avaient confirmé l’abolition de l’Inquisition…

Europe francaise 1813

Ailleurs dans le monde, ce qu’on retient est la faiblesse des États-Unis, tout nouvellement créés. Les Américains sont défaits contre les Britanniques le 22 janvier à la bataille de Frenchtown le long de la rivière Raisin. En mai, le chef Shawnee Tecumseh vainc l’armée Américaine à la bataille de la Maumee River. En août, les Creeks Bâtons-Rouges massacrent 250 personnes à Bataille de Fort Mims. En représailles, les troupes d’Andrew Jackson incendient un village creek, tuant hommes, femmes et enfants. Jackson promet alors aux Creeks et aux Cherokee amis les terres et le butin qu’ils pourraient prendre aux Bâtons-Rouges. En octobre, les Britanniques sont vainqueurs à la Bataille de Châteauguay au Québec. En décembre, c’est la déroute de l’armée américaine à Buffalo qui lui ferme la route du Canada alors que 60 % de la population est composée d’immigrants non loyalistes venus des États-Unis.

L’Amérique latine secoue le joug espagnol, très affaibli dès avant Napoléon. Simon Bolivar se rend maître du Venezuela après sa victoire contre les loyalistes à Taguanes et devient Libertador, le 6 août à Caracas, après avoir déclaré la « guerre à mort » au régime colonial espagnol.

Le grand vainqueur de la période est l’Angleterre, qui triomphe peu à peu de l’impérialisme révolutionnaire napoléonien en assurant des libertés et la modernité. Si 14 luddistes briseurs de machines sont pendus à York en janvier, le monopole de la Compagnie anglaise des Indes orientales sur le commerce est aboli. Elle a construit un véritable État, machine fiscale inspirée du système moghol mais qui est devenue bureaucratie composée de hauts fonctionnaires britanniques. Mais la Company respecte une stricte neutralité religieuse, ce qui n’est le cas ni des États indiens, ni du Royaume-Uni, et qui expliquera le loyalisme de certains chefs religieux pendant la révolte des Cipayes.

Bautzen 1813 Bellange

La colonisation continue, pour motifs missionnaires et économiques ; l’exportation des principes des Lumières et la revanche après les défaites en Europe ne viendront qu’en fin de siècle, en France notamment. 25 000 colons Hollandais s’installent dans la région du Cap pour faire de l’élevage et de l’agriculture, en soumettant les 20 000 Hottentots qui y vivent.

La Turquie tente d’émerger en agitant la religion ; elle sera vaincue un siècle plus tard pour les mêmes raisons que la France de Napoléon agitant la révolution : révolte des populations et coalition des grandes puissances. Mais en cette année 1813, les forces armées de Méhémet Ali entreprennent la reconquête des villes saintes de l’Islam, La Mecque et Médine sur les wahhabites au nom du sultan ottoman (1813-1818).

Le monde 1813 aspire à secouer les jougs, sauf l’Afrique, endormie dans ses incessantes guerres tribales. Mais les réactionnaires se réveillent, lassés de la mobilisation permanente du messianisme laïc français : Russes tsaristes archaïques, émigrés près de Louis XVIII bientôt de retour, Anglais victoriens, Turcs islamistes. L’empereur chinois a failli être renversé par une secte secrète, mais triomphe. Tous les acteurs sont là pour le siècle à venir ; ils sont toujours là pour notre XXIème siècle, avec les mêmes idées : impérialisme religieux ou laïc d’un côté, résistance des intérêts de l’autre. Les « interventions » missionnaires ou humanitaires (mais toujours idéologiques) des puissances occidentales, en particulier de la France, sont accueillies avec bienveillance et même joie au début, lorsqu’il s’agit de « libérer », mais deviennent vite un joug culturel et armé insupportable aux populations qui se sentent capables de prendre leur destin en mains toutes seules. Avis au présent : Mali, Côte d’Ivoire, Afghanistan, et ainsi de suite…

Il y a deux siècles naissaient Søren Kierkegaard, philosophe danois auteur du pessimiste Concept d’angoisse, Richard Wagner, musicien allemand chantre du nationalisme des origines allemand et Giuseppe Verdi, compositeur qui dramatise la culture italienne pour préparer son unité, ainsi que Claude Bernard, physiologiste français qui démontrera le rôle du pancréas et du foie. Mais l’année est bien résumée par la romancière britannique Jane Austen, elle publie Orgueil et préjugés… Tout le résumé du siècle : messianisme et réaction.

Merci aux Wikipède qui ont listé les événements de 1813 !

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