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Alain Denizet, Voyage de noces en 1853

Alexandre Dumas a voyagé vers la Suisse en 1832, Victor Hugo a voyagé en province à partir de 1835, Stendhal a voyagé en France en 1838, Flaubert et son ami Maxime du Camp ont voyagé en 1847 en Bretagne et Normandie – mais c’étaient des écrivains, non des bourgeois commerçants en voyage de noce. Le voyage est alors une invention anglaise, un Grand tour qui donnera le tourisme, à la portée des classes moyennes – un basculement culturel. Historien dans la lignée d’Alain Corbin, Alain Denizet fait le récit de ce tour du sud de la France en deux mois, matérialisé par un manuscrit de 50 pages déposé aux archives d’Eure-et-Loir. L’ouvrage est préfacé par Pascal Ory, Académicien français et professeur émérite en histoire culturelle et politique à Paris 1. En deux parties, le livre donne le contexte du voyage, publie le texte avec ses fautes et ses repentirs, les dessins de Jenny, et quelques illustrations des lieux visités en leur époque.

La pratique du voyage de noce n’apparaît en France qu’en 1829 et il semble que ce petit carnet de cuir d’Henry Pelé (25 ans) et de son épouse Jenny (20 ans), née Courtois, mariés le 25 avril 1853, soit la plus ancienne archive sur le sujet du voyage personnel. Les préventions sociales (l’isolement de l’épouse) et médicales (les règles, le voyage en train propice aux fausses couches – croit-on), la morale (l’exposition aux plaisirs des villes d’eau et lieux à la mode, les soubresauts des diligences et des chevaux qui peuvent « échauffer » la femme) étaient autant d’obstacles et de préjugés – sans parler des bains de mer (tout habillé et avec une duègne. Ce voyage est une démarche du couple sans la famille, déjà individualiste. La façon de faire reste genrée selon l’époque : Henry écrit, Jenny reste au second plan, même si elle participe et elle dessine.

Henry et Jenny sont issus de familles de bourgeois commerçants, Henry parvenu grâce au commerce des vins développé intelligemment par son père, Jenny établie par la fortune immobilière en terres et fermes de sa lignée. Henry a été envoyé au lycée et fait partie des 70 000 privilégiés de cette époque. Pour le père d’Henry, c’est l’affirmation de sa réussite sociale et de sa modernité.

Le couple sillonne la France en 32 étapes, cap exclusivement vers le sud. Tout le nord, l’est et l’ouest sont ignorés. Départ en diligence de 5 tonnes depuis Chartres vers Orléans, Sully-sur-Loire, Blois (où ils admirent le château), Chambord, Amboise, Poitiers (« Cette ville est laide et mal bâtie »). Puis vers Niort, Saintes, Blaye et la citadelle de Vauban, Bordeaux. Pour Pau, l’épreuve, un « trajet en voiture de 21 heures » toujours en diligence. Vers Tarbes, « paysage magnifique dans la dernière moitié du chemin », mais « pas un monument remarquable dans cette ville ».

Ils poursuivent vers Bagnères-de-Bigorre et le mont Bédat pour le romantisme. Henry note que « le paysan ne parle pas le français ». Vers Campan, « le bruit des eaux est un ennui que j’ai éprouvé dans toute cette partie des Pyrénées. Il distrait sans cesse et empêche l’âme de se recueillir. Pour admirer il faut le silence et il ; est impossible de l’obtenir dans ces solitudes bruyantes. » Source de l’Adour, cascades, Luchon, Bagnères de Luchon, « une belle ville très bien bâtie ». Ils aiment les Pyrénées et y retourneront une fois dans leur vie. Un court voyage d’une journée à cheval vers Bossost en Espagne, sur un sentier via un col. Toute une expédition ! Avec, à Bossost, la surprise de l’étrange étranger : « nous sommes assaillis par une multitude d’enfants qui nous demandent l’aumône insolemment et avec menaces ». « Sur un seul seuil, nous comptons 10 têtes, dont 8 enfants et 2 petits cochons ». L’Espagne n’est pas la France, déjà on compare, on juge, on déprécie.

Depuis Toulouse, voyage en barque de poste sur le canal du Midi jusqu’à Carcassonne. A Béziers, ce que retient surtout Henry est « le marché aux eaux de vie » (il est fils de commerçant en vins et alcools). La ville de Cette, musée, mer. Ce ne sont à chaque fois que des notes rapides, la liste des monuments visités. Montpellier par chemin de fer, Marseille par la mer en bateau à vapeur où Jenny est indisposée par le mal de mer. Henry assiste au lever de soleil à 4 h du matin, mais « ce spectacle ne correspond pas à ce que j’attendais d’un lever de soleil sur la mer. » Illusion des livres, ils avaient enflammé son imagination et le réel le déçoit. A Marseille, déjà, « nous rencontrons à chaque pas des étrangers et principalement des hommes portant des costumes de l’Orient, des grecs et des musulmans ». A Toulon, force casernes, l’arsenal, les forçats. Arles par chemin de fer : « le musée renferme de belles antiquités et en très grande quantité ». Tarascon, foire de Beaucaire, commerce de gros. Nîmes, Avignon, « un pont en fil de fer », « le château des papes est aujourd’hui une caserne ».

Le couple prend le bateau à vapeur sur le Rhône jusqu’à Lyon. Ils visitent Châlons et prennent un autre bateau à vapeur sur la Saône. Puis Dijon par chemin de fer, et Paris de même. Départ pour Chartres dès leur arrivée à midi (sans avoir vu Paris). La ville ne les intéresse pas : sont-ils pressés de rentrer, ou craignent-ils les tentations ou les mauvaises rencontres ? Toute capitale fait toujours peur aux provinciaux ; elle leur apparaît comme une Babylone du vice et de la dépense (tel New York pour les Hillbillies trompistes).

2700 km en 52 jours, 10 jours à la nature, 40 promenades, 120 monuments cités, le Moyen Âge privilégié, c’était la mode, mais aussi l’antiquité, dont on commençait à peine à découvrir les vestiges. Peinture à Marseille, Dijon. Parfois le théâtre, à Poitiers et Bordeaux. Ils évaluent et notent les hôtels ; les mieux notés sont les mieux situés, aux centres-villes. « Les transports dévorent vingt pour cent des deux mois du voyage ».

Le coût total du périple, évalué par l’auteur, tourne autour de 1400 francs, soit deux fois le salaire annuel d’un instituteur, ce qui fait une belle somme même aujourd’hui. Tel est le prix d’un voyage initiatique pour prendre la mesure de la France, goût né du romantisme et de la toute nouvelle sensibilité au patrimoine. Ils ont recherché en montagne ou sur la mer « le sublime » romantique : orages, immensités, rochers aigus, mer à l’infini. « La pause pyrénéenne est une parenthèse enchantée à laquelle le récit consacre près du tiers des pages du petit carnet, signe d’un dépaysement conjugué à des souvenirs très forts pour le couple », analyse l’auteur.

Ce qui manque : les sentiments, la sensualité, la sexualité. Çà ne se dit pas, ça ne se fait pas, « pédagogie de l’ignorance » à la Émile de Rousseau et des collèges chrétiens. Les élites s’emploient à discipliner leurs émotions et prônent moralement le puritanisme. Aucune remarque par exemple sur les incommodité, la chaleur, la poussière, l’encombrement, les actualités locales pourtant riches durant leur séjour. Ni sur la guerre de Crimée contre les Turcs qui se prépare à Toulon. Ce récit de voyage n’est pas un journal intime, reflétant la sensibilité du voyageur devant l’étrangeté des hommes ou l’impression que font les paysages. C’est plutôt un carnet de notes pour « alimenter la besace aux souvenirs des fruits de leur dépaysement ».

Après ce voyage expérimental, le couple se stabilise. Trois enfants naissent entre 1854 et 1858, deux garçons et une fille. A 52 ans, Henry prend sa retraite en cédant son entreprise à son fils aîné. Ce qui fait rêver aujourd’hui – mais il meurt en 1906 à 78 ans, n’en ayant profité que 26 ans, et Jenny en 1909 à 76 ans. L’espérance de vie de nos jours est nettement plus longue, de plus de dix ans, ce qui justifie que l’on reste plus longtemps au travail – d’autant que les études avant de travailler sont longues elles aussi.

Agrégé d’histoire-géographie, Alain Denizet a été professeur au collège de Bû jusqu’en 2021 Il préside depuis 2015 le prix du Manuscrit de la Beauce et du Dunois. Alain Denizet a notamment publié Enquête sur un paysan sans histoire, L’affaire Brierre, (prix du Manuscrit de la Beauce et du Dunois respectivement en en 2007 et 2014), Le roman vrai du curé de Châtenay, Le Messager de la Beauce et du Perche, Un siècle de faits divers en Eure-et-Loir et Ne vous tourmentez pas de moi en collaboration.

Alain Denizet, Voyage de noces d’Henri et Jenny 31 mai-17 juillet 1853, 2024, Ella éditions, 268 pages, €20,00, e-book Kindle €9,99

(mon commentaire est libre, seuls les liens sont sponsorisés par amazon.fr)

Site de l’auteur

Éditions Ella, attaché de presse Christophe Prat

Un autre récit d’Alain Denizet :

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Anatole France, Pierre Nozière

Pour se délasser de son Histoire contemporaine emportée par l’Affaire, qu’il publie en même temps, Anatole France classe divers textes parus entre 1884 et 1887 en un recueil sous le signe d’un double de lui-même : Pierre Nozière. C’était l’usage en ce temps-là, et il n’a pas disparu. Il y conte en trois parties des scènes d’enfance, des pensées en marge de Plutarque, et des promenades en Picardie, Normandie et Bretagne. C’est agréable, excellemment écrit, avec la simplicité des « dictées » d’enfance. Anatole France a inspiré Philippe Delerm dans ses textes courts et ciblés – mais France a la fluidité en plus et le guindé en moins.

Car rien de meilleur en français que la langue d’Anatole France. La simplicité fait passer l’érudition, le rythme les élans poétiques, l’enchaînement la complexité des récits. France est moderne : direct, accessible, précis.

En sa partie enfance, l’auteur reprend des histoires déjà contées dans Le livre de mon ami, avec quelques ajouts. La nostalgie nimbe d’une ombre de poésie ces petites choses intimes ressenties par sa personnalité enfant : l’imagination, la compassion, la honte. L’âge mûr le fait s’intéresser surtout aux gens : le marchand de lunettes sur les quais de Paris, Madame Mathias sa gouvernante, l’écrivain public, les deux tailleurs (de pierre), Madame Planchonnet, et d’autres encore.

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En sa partie pensées, l’auteur a quelques mots bien sentis sur les cuistres – ceux qui sévissent encore, surtout dans l’enseignement. « Je tiens pour un malheur public qu’il y ait des grammaires françaises. Apprendre dans un livre aux écoliers leur langue natale est quelque chose de monstrueux, quand on y pense. Étudier comme une langue morte la langue vivante : quel contresens ! Notre langue, c’est notre mère et notre nourrice, il faut boire à même » p.556. Lorsque l’on constate combien – après 7 ans de langue « vivante » ! – nos bacheliers savent à peine ânonner l’anglais, on comprend pourquoi il serait plus utile de les immerger dans le bain plutôt que de leur faire apprendre par cœur des règles de grammaire livresque. Mais la pédanterie prof est sans limites, ils croient se hausser du col en pratiquant l’abstraction ; ils ne fabriquent que des crétins qui sont la risée du monde et que sanctionnent sans pitié les tests PISA.

En sa partie voyages, l’auteur explore la province, sa profondeur historique inscrite dans le paysage et dans les coutumes encore marquées des habitants (avant que la guerre de 14 puis la télé nivellent tout cela). Le christianisme encore païen le ravit ; il voit toujours les nymphes dans les sources et les faunes dans les bois, surtout lorsqu’une jeunesse conduisant ses moutons surgit au coin d’un fourré, ou une chapelle moussue d’un bosquet. C’est pittoresque, coloré, bienveillant.

L’unité du livre réside en la personnalité de l’auteur : enfant, penseur ou promeneur, il est bien lui-même à chaque instant. Curieux, sceptique, historien, il goûte de tous ses sens avant de se prendre de passions qu’il dompte et raisonne. Il aime le patrimoine, les légendes et traditions ; mais il les voit avec le recul de la science et de la république, sans superstition. Inlassablement les générations recommencent, elles renaissent toujours. Pourquoi donc le présent serait-il plus important ? C’est là le charme France – celui d’un caractère qu’on aimerait accoler au pays, le meilleur produit des Lumières.

Anatole France, Pierre Nozière, 1899, Œuvres tome 3, édition Marie-Claire Bancquart, Gallimard Pléiade 1991, 1527 pages, €61.75

Broché €7.09

Le reste du tome 3 des Œuvres en Pléiade ne mérite pas qu’on le lise aujourd’hui, aussi, je n’en parlerai pas. Sous l’invocation de Clio est une suite de contes historiques à la manière romantique, sans le souffle hélas, avec la vision faussée du temps sur les Gaulois. Crainquebille est un conte lourdement moral sur les préjugés de la justice. Histoire comique est une bluette entre cocotte, amant et spectre assez « fin de siècle ». Sur la pierre blanche, son « utopie socialiste » 1903 composée de bouts d’articles remaniés et contredits, est triste à mourir, une bavasserie d’intello (à son époque on aurait dit un dialogue entre érudits)… Rien qui vaille d’être lu encore, sauf pour les amateurs de la prose Anatole France. Car c’est toujours admirablement écrit

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Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire

Ces longs textes parfois pleurards, parfois empreints d’une mélancolique poésie, ont été écrits par Jean-Jacques les deux dernières années de sa vie, bien après les Confessions. Il habitait avec Thérèse rue Plâtrière à Paris, entre Père Lachaise et Belleville.

Aigri, paranoïaque, agité nerveux, ce vieillard de 65 ans s’apaisait en longues promenades dans les prés et les bois à la lisière de la capitale. Solitaire, agoraphobe, il se sentait bien au sein de maman la nature. Il y retrouvait son vrai moi, celui issu de lui et non du regard des autres. Il distingue ainsi soigneusement l’amour de soi de l’amour-propre, l’estime naturelle que tout être a pour lui-même et qui est son identité, du personnage social composé par la jalousie, l’envie et la malveillance inévitable de toute société. « Le résultat que je puis tirer de toutes ces réflexions est que je n’ai jamais été vraiment propre à la société civile où tout est gêne, obligation, devoir, et que mon naturel indépendant me rendit toujours incapable des assujettissements nécessaires à qui veut vivre avec les hommes » (6ème promenade, p.1059).

L’estime de soi est fragile chez les adolescents et vulnérable chez les êtres faibles, avides d’être aimés non pour ce qu’ils sont mais pour ce que la société veut bien reconnaître en eux. Les mœurs ont-elles changé ? La hiérarchie sociale oui (encore que la France soit restée une société de Cour comme sous Louis XV…) mais peu les gens. Rousseau en témoigne : « Mes contemporains (…) actifs, remuants, ambitieux, détestant la liberté dans les autres et n’en voulant point pour eux-mêmes, pourvu qu’ils fassent quelquefois leur volonté, ou plutôt qu’ils dominent celle d’autrui, ils se gênent toute leur vie à faire ce qui leur répugne et n’omettent rien de servile pour commander » (6ème promenade, p.1059). Qui a travaillé dans le privé en entreprise ou en banque, ou dans le public comme fonctionnaire (sans parler de la politique !), reconnaîtra sans peine la vérité de cette peinture.

D’où pour Rousseau la solitude, s’isoler à la campagne dans une thébaïde pré-écologique munie de tout : bois de chauffage, jardin de légumes, poulailler pour œuf et viande. C’est cela pour lui le bonheur : se retirer, être en retrait, à la retraite. « De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même, comme Dieu » (5ème promenade, p.1047). D’où le syndrome de sa Maison, de son Château fort, de son Île déserte, d’être le maître d’un univers fermé où régner sans contrainte sociale. Orgueil paranoïaque d’être « comme Dieu »…

Rousseau compose là dix longs textes qui sont des « rêveries ». Le rêve est naturel et gratuit alors que la méditation requiert une discipline et que la réflexion (exercice de penser) est laborieuse et utilitaire. Fidèle à son inattention foncière due à son caractère brouillon tout occupé de sensiblerie, Rousseau préfère rêver que penser. Toute sa vie il est resté nomade, marcheur effréné, tous ses sens ouverts aux sollicitations de la nature, frémissant de la moindre caresse du vent sur sa gorge nue, amoureux panthéiste car il ignorait le sexe. Il n’a su focaliser sa sensualité que fort tard, avancé déjà dans la vingtaine, et sur l’éducation forcée que lui fit Madame de Warens vers 22 ans, elle qui l’avait connu âgé d’un peu plus de 15 ans. Le vagabondage d’esprit des rêveries correspond à ce vagabondage du corps sans cesse agité d’aller et venir, sans but. Désordre du personnage, désordre de l’existence, désordre des idées. Penser est pour lui un pensum contre nature. Tout comme éduquer des enfants, lui qui les a mis aux objets enfants trouvés.

Il reste cependant quelques réflexions d’expérience, surgies sans y penser au fil de la plume, qu’il est intéressant de méditer. Ainsi sur la vérité : « S’il faut être juste pour autrui, il faut être vrai pour soi, c’est un hommage que l’honnête homme doit rendre à sa propre dignité » (4ème promenade, p.1038). Orner la vérité par des fables, c’est la défigurer – mais la faire mieux comprendre au détriment de la rigueur est juste : « La profession de véracité que je me suis faite a plus son fondement sur des sentiments de droiture et d’équité que sur la réalité des choses ». Illusion du Bien contenu naturellement en soi-même comme une règle platonicienne non apprise, vieille erreur de Rousseau qui perdure dans la naïveté contemporaine – alors que l’être non socialisé enfant reste une bête sauvage. L’absence de toute éducation fait le barbare. D’où le malentendu culturel et même « philosophique » de la gauche avec les banlieues.

Jean-Jacques Rousseau est trop long, trop verbeux, trop préoccupé de lui-même pour être encore lu de la génération Y. Née dans les technologies de l’information et de la communication, celle-ci va au direct, au lapidaire, à l’efficace. Les longs développements gémissant du Jean-Jacques ne sont plus lisibles, déjà qu’elle lit très peu. Son égoïsme plaintif non plus, à une époque où chacun doit se prendre en main.

  • Écrire pour revivre et jouir de soi ? Quelle prise de tête est-ce là, à l’âge des fesses-books et autres exhibitions de photos en situation scabreuse et de blagues entre potes de la même bande ?
  • Écrire ses idées pour se connaître soi, comme Montaigne ? Quel intérêt d’en faire une montagne, à l’âge du zapping et les Guignols de la soi-disant « info » ?
  • Être heureux ce n’est plus être soi mais être comme tout le monde, bien au chaud, peau contre peau dans le panier des chiots.

Lira-t-on encore Rousseau dans quelques années ? Ses pleurnicheries, son françois attardé et ses mots péquenots issus du parler régional ? Pourtant, lorsqu’il parle non plus en général mais d’une anecdote qui lui est arrivée, quel écrivain ! Les Rêveries ne sont probablement pas l’ouvrage qu’il faut lire lorsqu’on appartient à la génération Y, mais plutôt les premiers livres des Confessions. Réservé aux happy few, amateurs de belle littérature.

Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire (1778), Œuvres complètes tome 1 (comprenant Les Confessions, Rousseau juge de Jean-Jacques, les Rêveries et documents biographiques), édition Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, Gallimard Pléiade 1959, édition 2007, pp.993-1098, €55.10 

Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, Folio classique 1973, 277 pages, €3.99 

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