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Un mineur est-il incapable ?

Les mineurs sont les citoyens qui n’ont pas atteint leurs 18 ans – sauf émancipation, possible dès 16 ans. Mais la loi donne des responsabilités selon l’âge du mineur. Être mineur n’est pas un état fixé sans nuances mais un devenir majeur au fil des années.

7 ans, selon « son degré de maturité » art. 371 du Code Civil, l’enfant peut s’exprimer dans une procédure le concernant, porter plainte ou être entendu par un juge, donner son avis sur une famille d’adoption s’il est orphelin, consentir aux actes médicaux.

10 ans, possibilité d’être mis en garde à vue dans les locaux de police 12 h maximum prolongeable une fois, condamnation à des sanctions éducatives, interdiction de paraître en certains lieux ou de rencontrer certaines personnes, obligation d’accomplir une activité d’aide ou de réparation.

12 ans, ouverture d’un Livret jeune en banque et droit d’y déposer des sommes sans intervention du représentant légal (Art. L221-24 Code monétaire et financier). Dès leur puberté, les enfants ayant entre garçons ou filles de leur âge des relations sexuelles consenties, ne sont pas condamnés par la loi ; ils ne le sont qu’en cas de viol ou de violence, devant les tribunaux pour mineurs (où ils ne pourront avoir au maximum que la moitié de la peine d’un majeur).

garcon torse nu fille aux epaules

13 ans pour choisir de vivre avec l’un de ses parents en cas de divorce, modifier sa nationalité s’il réside en France depuis l’âge de 8 ans, ouvrir un compte Facebook, subir une condamnation pénale (mais par des tribunaux spécialisés), subir un mandat d’arrêt européen, être incarcéré dans une prison pour enfant, droit de s’opposer au changement de son nom, de s’inscrire sur le fichier automatisé pour refuser qu’un prélèvement d’organes soit opéré sur son corps après la mort.

14 ans, droit de travailler pendant la moitié des vacances scolaires, d’être apprenti junior, droit de conduire un cyclomoteur après avoir passé un Brevet de sécurité routière. A 14 ans ½ possibilité de suivre la formation préalable délivrée par une fédération départementale de la chasse en vue de l’autorisation de chasser accompagné.

15 ans pour avoir légalement des relations sexuelles consenties, homo ou hétérosexuelles (sauf avec une personne ayant autorité sur lui) – mais le viol d’un mineur de 15 ans ou sa corruption ont des peines majorées. La mineure de 15 ans peut recourir aux méthodes contraceptives (pilule, avortement) même sans consentement des parents, demander la convocation du conseil de famille et assister aux séances, admissibilité aux épreuves du Brevet de base de pilotage d’avion, aux épreuves théoriques de l’examen préalable au Permis de chasse.

ados amoureux

16 ans pour travailler, ouvrir un compte en banque, disposer d’un carnet de chèque et d’une carte à retraits limités, adhérer à un syndicat professionnel, créer une association, créer et gérer une société (avec autorisation des parents) ou être associé (sans autorisation) d’une S.A.R.L. ou d’une société anonyme – mais pas d’être commerçant avant 18 ans. Il a le droit à demander une imposition séparée, disposer par testament de la moitié de ses biens. Il peut reconnaître un enfant naturel, a le droit de passer le permis de chasse et le permis de conduire A1, le droit de conduire accompagné (depuis 2014), de demander sans autorisation des parents l’acquisition ou la perte de la nationalité française ou la réintégration dans cette nationalité, demander la francisation de son nom. Âge minimal pour être émancipé par décision de justice. Il peut être jugé par une cour d’assises spéciale en cas de crime. Dans certains pays (mais pas en France), droit de voter comme citoyen, droit de conduire un véhicule automobile.

17 ans pour s’engager dans l’armée, droit de répudier la nationalité française si un seul parent étranger.

majorite en france tableau

Ce n’est qu’à 18 ans révolus que l’on est considéré en France comme « majeur », avec tous les droits (et les responsabilités) y afférent.

Cette modernité est due au président Giscard d’Estaing, qui a abaissé l’âge de la majorité en 1974, restée figée depuis 1792 à 21 ans. Sous l’’Ancien régime, auquel certains partis de droite aimeraient revenir, la majorité n’était atteinte qu’à 25 ans – congelée depuis le droit romain ! En contrepartie (soupape sexuelle à l’ordre social ?) jusqu’en 1792 les filles pouvaient se marier dès 12 ans et les garçons dès 14 ans…

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Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire

Ces longs textes parfois pleurards, parfois empreints d’une mélancolique poésie, ont été écrits par Jean-Jacques les deux dernières années de sa vie, bien après les Confessions. Il habitait avec Thérèse rue Plâtrière à Paris, entre Père Lachaise et Belleville.

Aigri, paranoïaque, agité nerveux, ce vieillard de 65 ans s’apaisait en longues promenades dans les prés et les bois à la lisière de la capitale. Solitaire, agoraphobe, il se sentait bien au sein de maman la nature. Il y retrouvait son vrai moi, celui issu de lui et non du regard des autres. Il distingue ainsi soigneusement l’amour de soi de l’amour-propre, l’estime naturelle que tout être a pour lui-même et qui est son identité, du personnage social composé par la jalousie, l’envie et la malveillance inévitable de toute société. « Le résultat que je puis tirer de toutes ces réflexions est que je n’ai jamais été vraiment propre à la société civile où tout est gêne, obligation, devoir, et que mon naturel indépendant me rendit toujours incapable des assujettissements nécessaires à qui veut vivre avec les hommes » (6ème promenade, p.1059).

L’estime de soi est fragile chez les adolescents et vulnérable chez les êtres faibles, avides d’être aimés non pour ce qu’ils sont mais pour ce que la société veut bien reconnaître en eux. Les mœurs ont-elles changé ? La hiérarchie sociale oui (encore que la France soit restée une société de Cour comme sous Louis XV…) mais peu les gens. Rousseau en témoigne : « Mes contemporains (…) actifs, remuants, ambitieux, détestant la liberté dans les autres et n’en voulant point pour eux-mêmes, pourvu qu’ils fassent quelquefois leur volonté, ou plutôt qu’ils dominent celle d’autrui, ils se gênent toute leur vie à faire ce qui leur répugne et n’omettent rien de servile pour commander » (6ème promenade, p.1059). Qui a travaillé dans le privé en entreprise ou en banque, ou dans le public comme fonctionnaire (sans parler de la politique !), reconnaîtra sans peine la vérité de cette peinture.

D’où pour Rousseau la solitude, s’isoler à la campagne dans une thébaïde pré-écologique munie de tout : bois de chauffage, jardin de légumes, poulailler pour œuf et viande. C’est cela pour lui le bonheur : se retirer, être en retrait, à la retraite. « De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même, comme Dieu » (5ème promenade, p.1047). D’où le syndrome de sa Maison, de son Château fort, de son Île déserte, d’être le maître d’un univers fermé où régner sans contrainte sociale. Orgueil paranoïaque d’être « comme Dieu »…

Rousseau compose là dix longs textes qui sont des « rêveries ». Le rêve est naturel et gratuit alors que la méditation requiert une discipline et que la réflexion (exercice de penser) est laborieuse et utilitaire. Fidèle à son inattention foncière due à son caractère brouillon tout occupé de sensiblerie, Rousseau préfère rêver que penser. Toute sa vie il est resté nomade, marcheur effréné, tous ses sens ouverts aux sollicitations de la nature, frémissant de la moindre caresse du vent sur sa gorge nue, amoureux panthéiste car il ignorait le sexe. Il n’a su focaliser sa sensualité que fort tard, avancé déjà dans la vingtaine, et sur l’éducation forcée que lui fit Madame de Warens vers 22 ans, elle qui l’avait connu âgé d’un peu plus de 15 ans. Le vagabondage d’esprit des rêveries correspond à ce vagabondage du corps sans cesse agité d’aller et venir, sans but. Désordre du personnage, désordre de l’existence, désordre des idées. Penser est pour lui un pensum contre nature. Tout comme éduquer des enfants, lui qui les a mis aux objets enfants trouvés.

Il reste cependant quelques réflexions d’expérience, surgies sans y penser au fil de la plume, qu’il est intéressant de méditer. Ainsi sur la vérité : « S’il faut être juste pour autrui, il faut être vrai pour soi, c’est un hommage que l’honnête homme doit rendre à sa propre dignité » (4ème promenade, p.1038). Orner la vérité par des fables, c’est la défigurer – mais la faire mieux comprendre au détriment de la rigueur est juste : « La profession de véracité que je me suis faite a plus son fondement sur des sentiments de droiture et d’équité que sur la réalité des choses ». Illusion du Bien contenu naturellement en soi-même comme une règle platonicienne non apprise, vieille erreur de Rousseau qui perdure dans la naïveté contemporaine – alors que l’être non socialisé enfant reste une bête sauvage. L’absence de toute éducation fait le barbare. D’où le malentendu culturel et même « philosophique » de la gauche avec les banlieues.

Jean-Jacques Rousseau est trop long, trop verbeux, trop préoccupé de lui-même pour être encore lu de la génération Y. Née dans les technologies de l’information et de la communication, celle-ci va au direct, au lapidaire, à l’efficace. Les longs développements gémissant du Jean-Jacques ne sont plus lisibles, déjà qu’elle lit très peu. Son égoïsme plaintif non plus, à une époque où chacun doit se prendre en main.

  • Écrire pour revivre et jouir de soi ? Quelle prise de tête est-ce là, à l’âge des fesses-books et autres exhibitions de photos en situation scabreuse et de blagues entre potes de la même bande ?
  • Écrire ses idées pour se connaître soi, comme Montaigne ? Quel intérêt d’en faire une montagne, à l’âge du zapping et les Guignols de la soi-disant « info » ?
  • Être heureux ce n’est plus être soi mais être comme tout le monde, bien au chaud, peau contre peau dans le panier des chiots.

Lira-t-on encore Rousseau dans quelques années ? Ses pleurnicheries, son françois attardé et ses mots péquenots issus du parler régional ? Pourtant, lorsqu’il parle non plus en général mais d’une anecdote qui lui est arrivée, quel écrivain ! Les Rêveries ne sont probablement pas l’ouvrage qu’il faut lire lorsqu’on appartient à la génération Y, mais plutôt les premiers livres des Confessions. Réservé aux happy few, amateurs de belle littérature.

Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire (1778), Œuvres complètes tome 1 (comprenant Les Confessions, Rousseau juge de Jean-Jacques, les Rêveries et documents biographiques), édition Bernard Gagnebin et Marcel Raymond, Gallimard Pléiade 1959, édition 2007, pp.993-1098, €55.10 

Jean-Jacques Rousseau, Les rêveries du promeneur solitaire, Folio classique 1973, 277 pages, €3.99 

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2011 année terrible

Article repris par Medium4You.

L’an 2010 a vu la nette bascule d’un Occident sûr de lui-même et dominateur vers les grands pays émergents, Chine et Brésil notamment (la Russie et l’Inde restent dans l’entre-soi pour des raisons différentes). La Turquie, le Brésil, l’Iran le Venezuela s’entendent entre eux sans plus se préoccuper des Occidentaux ou du Machin (l’ONU selon de Gaulle). « La » civilisation n’existe plus comme idéal platonicien vers lequel chacun devrait tendre, mais comme processus historique d’ajustement très lent de coutumes et d’aspirations communes. Il y a « des » civilisations, tout comme « la » mondialisation est un leurre qui masque des luttes nationales : des religions, des économies et des monnaies. 2011, en ce sens, devrait être l’année terrible où la carapace rassurante n’est plus tandis que le homard nouveau est vulnérable.

A cette fragilité, deux réponses selon deux tempéraments.

  • La première est le repli sur soi et l’austérité avec surcroît d’inflation pour cause de fiscalité et de prix d’énergie et d’aliments.
  • La seconde est l’énergie et le cap sur la croissance toute, tant pis si le bulldozer écrase quelques idées reçues sur les prix et sur les dettes.

Vous l’aurez compris, l’austérité est en Europe et la défonce aux Etats-Unis. Le chômage dans les deux zones est équivalent, autour de 10% officiellement, de 17 à 20% réellement si l’on méprise tous les artifices statistiques pour dissimuler le fait de ne pas gagner un salaire minimum sur une année. Il y a en France 4 618 600 chômeurs, dont certains sont malades ou en stage ou n’ont travaillé que quelques heures par mois seulement… Sur 28 200 000 actifs, faites la règle de trois (qu’on n’apprend plus à l’école, ce qui permet d’infantiliser le citoyen) : elle donne 16,38% de chômeurs déclarés. Sans compter tous ceux qui ont renoncé à parler à Pol (Emploi) ou ceux qui pourraient travailler mais qui ne se lancent pas faute de poste (les femmes au foyer par exemple).

Que va-t-il se passer en 2011 ? Une divergence de plus en plus grande :

  • entre les pays développés qui vont stagner et les pays émergents qui vont continuer à croître,
  • entre l’Europe austère et les Etats-Unis fonceurs,
  • entre les grandes sociétés dont les profits vont augmenter grâce aux ventes dans les pays émergents et le travailleur moyen qui verra son niveau de vie stagner, voire régresser. Les salaires vont rester bas, mis en concurrence par le chômage élevé. Chômage qui va rester élevé longtemps, la longue durée tendant à devenir la norme. L’immobilier ne confortera pas le pouvoir d’achat et le système bancaire va rester fragile, ses profits assis sur la spéculation et les dettes toxiques à provisionner ou rembourser, y compris les emprunts des Etats.

En Europe, l’immobilier va mieux, surtout en France où les taux très bas incitent à investir avant que les loyers ne montent et où les riches fuient les banques qui risquent beaucoup si l’euro éclate. L’immobilier, comme l’or et la terre, fait partie de ces actifs réels qui protègent de l’inflation, des dévaluations et de la faillite du système bancaire si cela devait se produire. Il ne protège pas de la fiscalité, sauf pour les très riches qui se dissimulent derrière des sociétés ou des fondations offshore, mais c’est un moindre mal. L’immobilier en France est-il surévalué ?

  • Oui si l’on prend sa rentabilité locative,
  • Non si l’on considère que les taux ne vont pas aller plus bas et que tout placement alternatif à l’immobilier bien placé au cœur des villes ne peut qu’être plus risqué.

Le crédit risque de rester agité en 2011, tant celui des entreprises que celui des Etats. Car le chômage dur ne va pas arranger les bénéfices des sociétés qui ne vendent pas dans les pays émergents et qui auront du mal à rembourser leur dette. L’endettement des ménages américains ne va pas arranger le risque crédit immobilier et l’endettement des Etats va empêcher tout plan de relance européen (et probablement américain après échéance du deal entre Obama et les Républicains). La dette va obliger à augmenter la fiscalité et à réduire la dépense publique. Les marchés mettront la pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent enfin un terme au déséquilibre des budgets d’Etat depuis une génération. La hausse de primes des risques souverains retentit sur le secteur bancaire car les banques ont des emprunts d’Etats dans leur portefeuille.

Aux Etats-Unis, le chômage ne va pas baisser immédiatement, même si la croissance revient. Il faut 2,5% au moins pour que l’économie américaine commence à créer de l’emploi. Si elle passe au-dessus, les embauches ne croissent que peu au début, les entreprises méfiantes jouant sur les heures supplémentaires et l’intérim. Si la croissance s’installe durablement, là l’investissement reprend, puis les embauches. Mais cela prend du temps, il faut que la croissance reste durablement établie. Aux Etats-Unis, on estime qu’il faut 2% de croissance (au-dessus des 2,5% minimum) pour que le chômage régresse de 1%…

  1. Crise de l’emploi, crise de la consommation, crise de la dette – voilà pour l’économie en 2011.
  2. Fuite des obligations, fuite des actions, fuite des gestions – voilà pour l’investissement en 2011.
  3. Sans parler de la crispation identitaire, du sentiment de déclassement des citoyens et de la montée de l’extrémisme populiste. Arrive le règne du chacun pour soi avant le sauve qui peut.

C’est dire si tout cela est complexe et déstabilisant. Les financiers font semblant d’y croire ; mais ils ne voient pas qu’ils jouent dans un théâtre où la plupart des spectateurs sont partis. Les traders personnels s’en donnent à cœur joie sans les banques, les épargnants pères de famille ne jurent que par l’immobilier et (sur le tard) l’assurance vie. Ils sont vieux et n’ont plus le temps d’éponger encore une ou deux crises. Quant aux jeunes, ils cherchent toujours du boulot à 30 ans, alors l’épargne, hein !…

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