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Georges Duhamel, Les plaisirs et les jeux

Georges Duhamel a été médecin durant la « grande » guerre (la guerre la plus con). Lorsque lui naissent deux fils, en 1917 et 1919, il redécouvre le monde. L’humain avec l’épanouissement de l’enfant, l’extérieur avec l’émerveillement de l’enfance. Cet essai qui relate les années 1917 à 1922 fait le récit de la paternité à la Maison Blanche, à Valmondois en Val-d’Oise dans la vallée du Sausseron, et dans l’appartement parisien de la rue Vauquelin dans le 5ème arrondissement, proche du Val de Grâce et du jardin du Luxembourg (que les petits appellent Lustembourg). La maison des champs, emplie de fils et de cousins et cousines est « une usine à gosses » comme le dit Barnabé, nom standard donné à l’adulte sans enfant qui commente et fournit des conseils théoriques. A l’inverse, « Presque tout ce que je sais de mes petits hommes, je l’ai saisi au vol, je l’ai obtenu par surprise », avoue l’auteur.

L’aîné, Bernard dit le Cuib a 5 ans lorsque l’essai s’arrête ; il devient petit garçon et une autre période commence. Jean dit Zazou ou le Tioup, de deux ans plus jeune, reste en prime enfance mais avec l’exemple de son frère aîné qui se sent déjà responsable de lui et de ses bêtises. Tous deux découvrent le monde et c’est émouvant de constater combien ils sont curieux et avides de connaître ; il découvrent la vie et les autres, à commencer par les parents puis les cousins et c’est passionnant de constater combien ils sont sociaux dès qu’ils se sentent protégés ; ils découvrent le langage, testent les mots qu’ils ont piqués au vol d’une conversation entre adultes et les testent et c’est captivant de constater combien ils apprennent vite, seuls et bien en imitant et interagissant.

« Enfants, enfants, je vais mettre en réserve, pour vous, de menus joyaux dont vous ne voudrez peut-être pas », écrit le père enamouré de ses premiers petits (un troisième suivra, hors cet essai, le compositeur de musique de films Antoine Duhamel, né en 1925). Il les regarde en « témoin passionné » et son enthousiasme se communique au lecteur, un siècle après. Est-ce si difficile d’élever un enfant ?

Non pas ! Contrairement à Rousseau qui a formalisé en chambre, croyant l’enfant page blanche sur lequel planter à partir de rien un jardin moral et intellectuel à la française, le petit d’homme se fait tout seul. Il se construit naturellement par observation, imitation et échanges. La clé est de l’aimer et de rester soi – rien de plus. L’aimer pour lui prêter attention et sécurité, seule façon pour lui de s’ouvrir au monde et à l’aventure de vivre ; rester soi pour transmettre une éducation à la vie en société, des mœurs communes, un savoir particulier – mais surtout une attitude devant l’existence. Rousseau n’en savait rien, lui qui a mis tous ceux qu’il avait engrossé en Thérèse à l’assistance publique… « Je les regarde, je les écoute, je les aime », dit Duhamel, plus philosophe que le misanthrope de Genève. Et de citer sa mère, « l’humble sagesse de maman Ma » qui « tient en huit mots : « Avec les enfants, on fait comme on peut ».

Il y a bien sûr les « mots d’enfant », les alimaux, le tortilleur à torpilles, le tillol en tisane, les nayaux de cerise, la peur de fondre dans la rivière s’il se baigne, la musique du soir (passée sur le phono) différente de la musique du cirque (entendue à Medrano), le tapin pour le sapin (ce qui est d’un poète). Mais surtout le miracle du regard d’enfant, grave, sur le monde, le miracle des premiers pas en équilibre précaire, la voix enjôleuse pour demander à papa, la découverte du temps par l’espace, en comptant sur ses doigts (y compris les orteils), l’âge des « pourquoi » répétés à l’infini, pour rien, pour savoir, la brutalité soudaine envers le cousin ou l’animal, la générosité spontanée de donner son jouet préféré. Et le silence enfin au calme quand les enfants sont « réduits » – au lit.

« Je ne sais ce que le temps leur réserve ; je ne peux même pas prévoir ce que ces petites créatures me réservent à moi-même ; pourtant, à les contempler, je me sens jeune, de nouveau et, de nouveau, plein de confiance et d’opiniâtreté. Tout me redevient évident, possible ». Ce sera une autre guerre à leurs 20 ans, en 40, mais qui pouvait savoir ? Et à sans cesse craindre, nul ne ferait jamais rien. Un livre de parent, un livre dédié aux enfants.

Georges Duhamel, Les plaisirs et les jeux, 1922, Le livre moderne illustré par Paul-Jacob Hians, J. Ferenczi & Fils, Paris 1947, 125 pages, occasion €9.00

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Christian de Moliner, Les exploits de Jasmine Catou

La chatte détective poursuit ses enquêtes dans l’actualité la plus immédiate, le salon des mathématiques qui se tient chaque année en juin à Paris et le confinement Covid.

Pas sûr que le salon, cette fois-ci, soit physique – mais les mathématiciens concurrents se livrent une lutte à mort pour gagner le prix. Et celui qui l’emporte ne l’emporte pas en paradis. Quoique : Who done it ? comme disent les vieilles anglaises, expertes en intrigues mortelles : Qui l’a fait ? Malgré ses talents d’observation aiguë pour tout ce qui bouge, Jasmine la chatte n’est pas sûre – mais après tout, si c’était vrai ? Si son hypothèse audacieuse était la bonne ? Reste le problème fondamental de tout chat : comment communiquer ce qu’elle sait à un humain ?

Quiconque côtoie de près ces petits félins adaptés à l’homme depuis des millénaires sait très bien que le chat communique. Mais pas avec les instruments humains. Si son miaulement se module selon ce qu’il ressent et ce qu’il veut, c’est surtout par son attitude et sa mimique faciale qu’il s’exprime. Mais ce ne sont que des réactions simples de plaisir, de requête et d’amour – rien de sophistiqué. Dès lors, comment « dire » ce que l’on a compris d’une question qu’il faudrait poser ou d’un indice à examiner ?

C’est pourquoi l’auteur qui fait agir la chatte est ingénieux. Le lecteur est surpris à chaque fois a de constater que dire ce qu’on sait est possible, même quand on est une chatte devant des humains raisonneurs. La logique fait-elle partie de l’organisation mentale d’un chat ? En tout cas, la relation directe de cause à effet est indispensable aux prédateurs, dont les félins sont les plus affûtés.

Un seul mort dans ces trois nouvelles qui renouvellent les exploits de Jasmine la chatte. L’auteur se sert de la vie de sa maitresse, l’attachée de presse parisienne Agathe, pour mettre en scène des intrigues. Une recette de cuisine d’une autrice qui va sortir un second tome de son best-seller se retrouve malencontreusement livrée à la presse concurrente. Par qui ? l’amant d’Agathe qui a utilisé son ordinateur à son insu soi-disant pour envoyer un mél ? Par un stagiaire de la chaîne de production de l’article prévu pour dans quelques jours ?

Covid-19 relate une émission de radio qui a réellement eu lieu… avec Jasmine Catou en vedette. Mais elle est transposée aujourd’hui, sous le confinement pandémique. Un vieux professeur arrive avec son chien philosophe, Agathe avec sa chatte fourrée détective ; leur sont confronté un vétérinaire rationaliste que l’anthropomorphisme systématique appliqué aux bêtes agace. Un test : il a perdu son portable, Jasmine sera-t-elle capable de le retrouver ?

D’un ton léger, d’un style agréable, ces nouvelles policières à la manière de dame Agatha, se lisent avec bonheur. De quoi en faire tout un recueil pour éditeur policier.

Christian de Moliner, Les exploits de Jasmine Catou, 2020, Les éditions du Val, 97 pages, €6.50 e-book Kindle €3.00

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Jacques Fiorentino, Père, passe et manque

Evoquer les pères, ces grands oubliés de la littérature, pourquoi pas ? En 27 nouvelles qui sont plutôt des récits de faits divers allant des années 1940 aux années 2010, l’auteur dresse un catalogue de choses vues ou entendues comme médecin.

Son écriture clinique et la brièveté de ses notes inhibent l’empathie, le lecteur passant très vite d’une histoire à l’autre. Il en ressort une mosaïque d’attitudes paternelles, de l’autoritaire au violeur incestueux, du taiseux au transmetteur, de la fille au garçon, de la filiation à l’adoption, des situations scabreuses au couple banal.

Le titre fait référence à la roulette, ce jeu de casino où le hasard domine. Une loterie, la paternité ? Pire encore lorsqu’on sait que l’expression « paire, passe et manque » est une impossibilité du jeu. Dans le milieu juif méditerranéen dans lequel beaucoup de ces histoires se déroulent, le patriarcat traditionnel entre pour beaucoup dans le côté Jéhovah du mâle chef de famille. Mais la terreur imposée n’exclut pas toujours la tendresse cachée.

Jacques Fiorentino, Père, passe et manque, 2019, éditions Assyelle, 209 pages, €18

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Dessins de Rodin

François-Auguste-René Rodin est un sculpteur parisien bien connu, né en 1840 et mort en 1917. Il était très myope et quitté l’école pour le dessin à 14 ans et la sculpture à 15 ans avec Barye, le romantique sculpteur officiel de Napoléon III. L’adolescent Rodin réussira les Beaux-Arts en dessin mais échouera en sculpture, étant fort loin des canons classiques en usage dans le conventionnel bourgeois du temps.

Il commence donc à travailler comme aide dans les ateliers de sculpture. Sa première grande œuvre date de sa maturité, à 37 ans. ‘L’Âge d’airain’ est un jeune homme vivant, bien que de plâtre. Auguste Rodin trouve peu à peu son style propre, très affectif. Contre le rationalisme français et l’impressionnisme en peinture, il se rattache au courant expressionniste, qui sévit notamment en Allemagne. Il s’agit de déformer la réalité pour affirmer l’émotion. Les mains et les pieds des statues de Rodin sont ainsi Héneaurme, comme aurait dit Flaubert, plus que nature ; les torses et les cuisses sont quasi ‘néandertaliens’ alors que les têtes restent en proportions sapiens sapiens.

Mais s’il est très connu par ses statues (dont celles du Totor national, aussi outré que Rodin dans son romantisme des mots), Auguste Rodin est au fond un dessinateur. Restent de lui plus de 6000 croquis et dessins finis, dont le musée Rodin à Paris recueille 4300. L’artiste aimait bien ces œuvres, il en a même exposé une sélection de quelques 300 à Berlin en 1903, puis à Paris en 1907. Ils sont « la clé de son œuvre ». C’est ainsi qu’il le déclare en 1910 au journaliste René Benjamin.

La raison ? C’est que l’œil sculptural passe par l’architecture des formes, que la main traduit en deux dimensions la structure avant de modeler la matière. L’artiste aime le modèle vif, la chair féminine et le muscle masculin, le squelette sinueux ou planté, l’attitude. Ses dessins sont des traits de l’érotisme des êtres, saisis dans ce qui fait l’essence de leur vie même. C’est dire si le cérébral a peu de place : il suffit de regarder la statue célèbre du Penseur pour observer ce qu’a de « sérieux » l’activité cérébrale dans la bourgeoisie Napoléon III – la même tronche de gravité sourcils froncés de certaines candidates de la course présidentielle aujourd’hui… Comme si, en France, penser était un effort et non une légèreté ; comme si le tropisme latino poussait naturellement à la paresse de l’affectif et des sens, bien loin de Voltaire ou de Montaigne.

L’exposition actuelle (jusqu’au 1er avril) permet au musée Rodin de passer l’hiver et la période de travaux entrepris dans l’hôtel de Biron, où les œuvres ne sont plus accessibles jusqu’au 3 avril. ‘La saisie du modèle’ présente 300 dessins de la période de la maturité 1890-1917, de l’âge de 50 ans à la mort de l’artiste. Elle se développe en 15 panneaux, sur des thèmes d’historien d’art que le grand public ne comprend pas toujours. Ainsi, quelle différence fait un néophyte entre le dessin « d’après nature », « instantané » ou « synthétique » ?… Plus clairs sont les passages du trait au lavis ou de l’aquarelle aux collages. Plus clairs aussi les ensembles sur les mythes, la figure de Psyché, les dessins érotiques (appelés avec pudibonderie bobo « les figures de l’indécence »), les portraits de personnages ou les danseuses cambodgiennes.

Ce qui intéresse Rodin est de saisir le mouvement. Le corps parle, érotique et vivant, justement vivant parce qu’érotique. Rodin aime à capter ces instants où le corps s’exprime et donne forme au désir dans des étirements, des contorsions ou des lascivités. La femme nue veut accrocher le regard, séduire par ce qu’elle est, chair matérielle qui appelle le ventre, fait battre le cœur et élève l’âme. Le dessin fixe à la fois l’instant et l’essentiel. Même si ces ébauches sont des brouillons d’artiste qu’il semble curieux de voir encadrés et cérémonieusement accrochés comme des icônes précieuses… L’un des miens, écolier d’art de vingt ans, m’a déclaré que tous les dessinateurs en faisaient des milliers, de ce genre de dessins, des crobars à la va vite pour fixer une forme, un sentiment, une idée, capter un détail à reprendre plus tard.

Il est vrai que le snobisme bourgeois prend parfois des proportions grotesques, on lui reproche par exemple de publier les ‘notes de blanchisserie’ d’un écrivain. Il est vrai aussi que le coupage de cheveux en quatre permet de justifier le métier d’historien d’art et que le cérémonial est l’essence même du conservateur de musée. Malgré tous ces penchants parasites de l’oeuvre, il reste que les dessins de Rodin méritent d’être vus, surtout par les non-spécialistes. La technique est une chose qui parle aux techniciens ; le dessin en est une autre qui est universelle. Même si sa ‘Femme nue couchée sur le ventre et dressée sur les mains’ laisse dubitatif, l’enroulement du torse sur les jambes dessine une vision : celle d’un ‘soleil rouge’ fait de chair éclatante, féminine, plantureuse. Un message qui va au-delà des simples mots mis sur les choses. Une explosion de vie dans la forme et la couleur.

Tout comme le corps féminin écartelé devient ‘pieuvre’, au sexe dévorant situé en plein milieu, les danseuses cambodgiennes attirent l’œil sur les figures expressives du corps ou l’étirement des mains. Le portrait de la secrétaire de Jules Vallès au ‘Cri du peuple’ capte la véhémence révolutionnaire de l’égérie figée dans le ressentiment.

Exposition ‘La saisie du modèle – Rodin : 300 dessins 1890-1917’, musée Rodin, 79 rue de Varenne, Paris 7ème jusqu’au 1er avril 2012

Du mardi au dimanche 10h-17h45, avec accès au jardin et aux bronzes.

Nocturnes tous les mercredis de 18h à 20h45.

Audioguide, conférences, visites thématiques collèges et lycées, formation enseignants, boutique, catalogue 39€.

Plein tarif exposition : 7€, jeunes de 18 à 25 ans et enseignants : 5€, gratuit jusqu’à 18 ans et pour les chômeurs.

Site www.musee-rodin.fr

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Politique sans DSK

Le héros socialiste, expert économique mondialiste et sauveur d’une France craintive à bout de souffle a masqué les courants souterrains de la prochaine présidentielle. Il a tant fait rêver en rose, ou se positionner en bleu, brun ou vert, que les enjeux en ont été occultés. Sa disparition subite, digne de l’acte manqué freudien, met en lumière tout ce qui demeurait caché : rejet massif de la droite de gouvernement, dédain des extrêmes, tentation du centre.

Le rejet de Nicolas Sarkozy est tel qu’il aurait fait voter Strauss-Kahn sans que l’électeur adhère vraiment à sa politique. Une enquête réalisée pour Canal+ par la méthode sérieuse du face-à-face, du 29 avril au 2 mai 2011 au domicile d’un échantillon représentatif de 1000 personnes, montre que seuls 17% des Français sur six jugent le bilan de Nicolas Sarkozy positif. Les 76% de jugements négatifs sont au-delà des précédents : 43% des Français jugeaient favorablement le bilan de Valéry Giscard d’Estaing en 1980, 56% celui de François Mitterrand en 1987 et 49% celui de Jacques Chirac en 2000. Même les électeurs Sarkozy du 1er tour 2007 sont partagés, 47% jugent le bilan positif contre 47% négatif.

En cause, la crise mais surtout une attitude. Nicolas Sarkozy n’apparaît pas légitime dans la fonction présidentielle. Même dans le domaine régalien, où il a le moins démérité, il apparaît grande gueule puis capitulard, hésitant à avancer quand les puissants froncent les sourcils. La reculade sur la régulation financière au G20, le désastre sur l’environnement à Copenhague, la négociation avec les Russes en Géorgie, l’absence de vision long terme en Libye ou en Afghanistan… Le bilan de Nicolas Sarkozy sur la place de la France dans le monde n’est estimé positif que pour 36% des sondés.

Mais le président du pouvoir d’achat cause plus qu’il n’agit : 89% des sondés jugent négative son action, 80% ne voient aucun bénéfice sur l’emploi, 76% trouvent ses réformes fiscales dans le mauvais sens. Le financement des retraites est mal jugé par 71%, la politique d’immigration mauvaise à 69%, la justice à 67%. La crise économique et financière a fait l’objet de discours musclés… qui ont accouchés de souris : 63% des sondés jugent sa gestion négative. De même la sécurité, mauvaise pour 61%, et l’environnement, mal géré pour 59%.

Sur tous ces sujets, Dominique Strauss-Kahn était crédité de pouvoir mieux faire. Lui hors jeu, pour qui voter ? Une enquête par téléphone des 20 et 21 mai 2011 pour Le Nouvel Observateur et i>Télé auprès d’un échantillon représentatif de 1013 personnes, montre que François Hollande est pour l’instant le favori. Il bénéficie du soutien des plus de 65 ans (28%) et des électeurs 2007 de François Bayrou en 2007 (29%).

La droite est dans les choux, responsable d’avoir peu fait pour contrer la crise, et pas pour le plus grand nombre. Nicolas Sarkozy obtiendrait moins de 25% des intentions de vote au premier tour. Il réalise ses meilleurs scores parmi les plus âgés (40% d’intentions de vote chez les 65 ans et plus face à Martine Aubry), les commerçants, artisans et chefs d’entreprises (33%) : toutes les catégories que guigne Marine Le Pen. On note une nette déperdition de l’électorat Sarkozy 2007 de premier tour : 38% n’ont plus l’intention de voter pour lui en 2012.

Marine Le Pen ne tire pas profit de l’affaire DSK, mais serait au second tour si Ségolène Royal, Bertrand Delanoë ou Laurent Fabius se présentaient. Elle est première chez les ouvriers (32%), les employés (25%) et les femmes au foyer (29%). Mélenchon ne décolle pas, non plus que l’extrême gauche.

Mais ce qui sort est le centre. Les Français sentent bien que la crise est profonde et touche tous les pays développés. De quoi remettre en cause le mode de vie confortable où l’énergie est peu chère, les salaires en hausse, les retraites décentes. Or l’incertitude est la norme dans l’histoire, pas la protection. Les pays émergents eux-mêmes ne sont pas à l’abri d’accidents économiques ou sociaux (l’inflation en Chine, les menées islamistes en Inde, la déstabilisation du Pakistan, les révoltes au Nigeria, le cartel de la drogue au Mexique…). Une position mesurée sur tous ces sujets, de l’union européenne à la mondialisation, de la transition nucléaire à la productivité est nécessaire. Les candidats non idéologiques, pragmatiques, à l’écoute non seulement des votants mais du monde, emportent les suffrages.

Ce pourquoi Strauss-Kahn faisait rêver, lui qui était loin du gauchisme. Ce pourquoi Martine Aubry, trop rigide et considérée à tort ou à raison comme d’esprit archaïque époque Mitterrand, est moins désirée que François Hollande, bien que femme. L’électorat Modem se reporterait à 70% sur Hollande contre 52% sur Aubry au second tour, selon le sondage. Nous ne sommes cependant qu’à un an des élections, tout peut se modifier d’ici là.

Chez les écolos, Nicolas Hulot (entre 8% et 12%) arriverait à regrouper davantage qu’Eva Joly (7%) et certainement plus que Cécile Dufflot si elle se présentait. Les centristes déclarés (François Bayrou, Jean-Louis Borloo, Dominique de Villepin) parviennent dans ce sondage autour de 15 à 20% s’ils s’additionnent. Jean-Louis Borloo est le mieux placé, entre 7 et 9.5% selon les hypothèses. Il devance à chaque fois François Bayrou, entre 5 à 8% des intentions de vote, usé par trop d’années de présence mi chèvre mi chou dans le paysage. Dominique de Villepin n’est pas désiré, à 3-4% seulement.

Rejet de la droite, désir du centre pour conduire la politique française, le parti Socialiste paraît bien placé s’il sait ouvrir le gouvernement aux centristes et aux écologistes non radicaux. Le fera-t-il ? Ce serait rejouer à gauche ce qu’a réussi Nicolas Sarkozy en 2007. Le léninisme de combat des apparatchiks, dont maints exemples sont donnés à qui sait le lire, me font penser qu’il s’agit là d’impensable. Seul DSK aurait pu, lui qui avait un pied en dehors du parti, jusqu’à chercher à se créer des inféodés dans la presse. Même Ségolène Royal n’a pas osé avec François Bayrou en 2007, ce qui est sa principale erreur politique. Je ne vois ni Martine Aubry, ni François Hollande, appeler un Jean-Louis Borloo ou un Français Bayrou dans un gouvernement de gauche… Il y a tant de « camarades méritants » à récompenser !

Le « centrisme » Hollande paraît donc bien une illusion. C’est en tout cas une tactique qu’il devrait développer pour rester dans le sens de l’opinion française.

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