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L’existentialisme était-il un humanisme ?

Simone de Beauvoir n’était pas Jean-Paul Sartre, elle en été contaminée et stimulée à la fois. Elle est plus raisonnable que son mentor et amant, moins portée aux délires de la raison (augmentés de whisky et d’éphédrine…). Elle a aussi mieux vieilli…

Dans La force des choses (FC) 1963, Entretiens avec Sartre (ES) 1974 et La cérémonie des adieux (CA) 1981, Simone évoque Jean-Paul et leur morale commune : celle qui m’a séduit à 13 ans, lorsque j’ai commencé à lire Jean-Paul Sartre. Pour ces existentialistes, « la morale » ne se décide pas dans l’abstrait mais dans l’action. Sartre « comprit que, vivant non dans l’absolu mais dans le transitoire, il devait renoncer à être et décider de faire » (FC p.16). Ce fut tout le dilemme des partis, lancés sur une utopie et forcés de se colleter la grise réalité concrète du gouvernement. Les « socialistes » comme les « écologistes » sont à la peine, tout comme les « gauchistes » et les « extrémistes de droite » le seraient si d’aventures ils parvenaient au pouvoir : voyez en Italie. La liberté se construit, elle n’est pas « de nature ». Il ne suffit pas d’assumer une situation mais il est nécessaire de la modifier au nom d’un avenir qui est un projet. « L’existentialisme définissait l’homme par l’action ; s’il le vouait à l’angoisse, c’est dans la mesure où il le chargeait de responsabilités » (FC 20). Et ça, « les responsabilités », les politiciens les fuient !

L’action était l’exemple du siècle des machines et de la science en marche, ce 19ème que Sartre et Beauvoir ont eu comme maitre pour former leur personnalité. L’action était aussi la morale émancipatrice des Lumières dont ils se voulaient les héritiers rebelles. Un pas de plus, et c’est « l’engagement ». Il est présence totale au monde : le monde concret, physique, du corps et des plaisirs ; mais aussi le monde des passions, amours, amitiés et mise en jeu ; enfin le monde des idées et de la morale, le contexte historique et social. Double sens au mot « engagement » : un commencement et une promesse, mais aussi un enrôlement et un assaut… Il sonne un peu comme « jihad » que le Dictionnaire du Coran (Bouquins 2007) classe sous la rubrique « guerre et paix » – le jihad est le combat contre le mal en soi-même, mais aussi la guerre sainte avec le groupe. Donc la meilleure et la pire des choses. Après-guerre, le communisme avait les apparences d’un nouvel humanisme, ayant contribué à vaincre la Bête immonde. C’était une erreur mais Sartre était moins rationnel qu’Aron et il se trompait avec passion. Pour Sartre, la vérité se mesure aux conduites, pas aux phrases. Or cette conviction aurait dû s’appliquer à lui-même, dès 1956 et l’écrasement par les chars soviétiques de la révolte hongroise… Il n’en a rien été, au contraire !

L’aveuglement a aussi son contexte historique. Beauvoir a eu plus de recul, même si elle a suivi son amant jusqu’au bout, visitant les dirigeants d’URSS, puis Castro et Mao sans rien voir d’autre que ce qu’elle était convaincue d’avance d’y trouver. « Les petits-bourgeois qui lisaient [Sartre] avaient eux aussi perdu leur foi dans la paix éternelle, dans un calme progrès, dans des essences immatérielles ; ils avaient découvert l’Histoire sous sa figure la plus affreuse (…) L’existentialisme s’efforçait de concilier histoire et morale » (FC 62). Sartre affirmait : « Je ne pouvais pas être libre seul » (FC 332). On le conçoit aisément – mais pourquoi alors s’assujettir à ces pensées totalitaires qui asservissaient les corps et les âmes jusqu’au meurtre de masse ?

L’exigence morale est un héritage culturel, celui des Lumières et de la révolution française : « Au nom des principes qu’elle m’avait inculqués, au nom de son humanisme et de ses ‘humanités’, au nom de la liberté, de l’égalité, de la fraternité, je vouais à la bourgeoisie une haine qui ne finira qu’avec moi » (FC 357) dit Simone. Elle se construit son propre épouvantail pour motiver ses actions. Sans passion, la raison n’est rien. Mais à créer son objet de haine fétiche, fait de morceaux tel Frankenstein, on risque de jeter bébé avec le bain censé le laver.

C’est exactement ce qui est arrivé à Sartre pour sa classification de « bourgeois » et qui arrive encore aux « anti » libéraux d’aujourd’hui. Ils collent l’étiquette « libéral » sur tout ce qui leur déplaît, sans saisir ni l’origine émancipatrice, ni l’histoire des libertés, ni le bain culturel dans lequel l’idéologie libérale est baignée. « Libéral » a remplacé « bourgeois » comme bouc émissaire – peut-être parce que les « anti » sont de fait bourgeois, surtout petits. Ils n’ont pas le cran d’être autrement ‘révolutionnaires’ qu’en haïssant un facile bouc émissaire qui est leur propre caricature.

Pour Sartre, le ‘bourgeoisisme’ était la primauté des intérêts privés et la morale de l’égoïsme. Pourquoi ne pas condamner ces travers directement – comme le fait le christianisme – plutôt que de les haïr incarnés en ‘classes’ ? Par marxisme ambiant d’époque, revu activiste par Lénine et imposé brutalement par l’Etat-Staline ? Mettre tous les gens dans le même sac – et pas seulement leurs conceptions ou leurs idées – c’est incarner la haine dans une catégorie humaine. Cette ‘sous-humanité’, ainsi rendue objet, peut être traitée avec mépris : entassée en mouroirs, battue, jetée aux chiens. Est-ce vraiment ce que prônait Sartre quand il affirmait que « l’existentialisme est un humanisme » ? – Non, selon Beauvoir.

Pour elle et Sartre, affirme-t-elle, une société morale veut dire « où l’homme désaliéné puisse se trouver lui-même dans ses vrais rapports avec le groupe » (CA 47). Désaliéner le bourgeois de son égoïsme a autant de valeur que désaliéner le prolétaire du travail, l’idéaliste de ses illusions ou l’adolescent aujourd’hui de la trilogie mobile-réseaux sociaux-jeux vidéo. Où Simone nous rend compte que le « marxisme » de Sartre était plus philosophique que partisan. Pas question par exemple, de juger que le parti a toujours raison ! « Ce qui dépend de nous, c’est la liberté ; donc on est libre en toute situation, en toute circonstance » (ES 497). C’est, au fond, la liberté stoïcienne, pas besoin d’en appeler à Hegel ou à Heidegger pour cela. Sartre : « La liberté et la conscience, pour moi, c’était pareil. Voir et être libre, c’était pareil. Parce que ce n’était pas donné, en le vivant, j’en créais la réalité » (id). Ou encore : « Le Bien, c’est ce qui sert la liberté humaine (…) le Mal ce qui la dessert » (ES 617). Donc le marxisme appliqué par tous les léninistes, de l’original Oulianov au dernier avatar Castro, est du côté du Mal – non pas « théorique », mais bel et bien concret. Par « exigence morale » de désaliénation pour tous, et parce que « la liberté se réalise », elle n’est pas donnée – on l’a vu. Entre les idées de Sartre et son attitude réelle subsistait donc une sacrée contradiction.

Le Mal est aussi dans le chewing-gum des yeux télévisuel, le matraquage publicitaire, le mensonge industriel, les histrions snobs, les manipulateurs de parti, les idéologues de télé et les démagogues de tribunes, les fanatiques de tout… La société libérale est moins esclavagiste que les autres, car elle offre la liberté de choisir. Au prix de l’instruction et de la culture, mais à chacun de se bouger un peu, la société lui en offre les moyens. Aucune société autoritaire n’offre ce choix, même la culture est orientée et censurée, l’instruction sélectionnée.

Mais la liberté a un prix : la responsabilité personnelle. Certes, le spectacle, la marchandise et l’égoïsme des comportements y existent – comme ailleurs (l’ambition des arrivistes du KGB ou des caporaux du castrisme n’était guère différente…). A chacun de savoir résister aux sirènes égocentrées – au nom de la morale commune. Ulysse l’a bien fait, attaché à son mât par ses compagnons ! Pourquoi faudrait-il « la contrainte » pour forcer les humains à être autrement qu’ils sont ? La société en serait-elle plus heureuse ? L’exemple malheureux de tous les systèmes autoritaires à vocation « morale » ont montré à satiété que non. Pourquoi faut-il que Sartre ait été se fourrer là-dedans ? Simone nous en montre toutes les contradictions.

Sartre critique par exemple l’Autorité validée par l’Important, ce type d’homme qui sait mieux que vous ce qui est bon pour vous. « L’important ou bien feint de mépriser les gens ou prétend à leur vénération : c’est qu’il n’ose pas les aborder sur un pied d’égalité » (FC 168). Beauvoir montre que, dans sa quête, Sartre pouvait tâtonner, mais qu’il ne se fermait jamais. « Tout au long de son existence, Sartre n’a jamais cessé de se remettre en question ; sans méconnaître ce qu’il appelait ses ‘intérêts idéologiques’, il ne voulait pas y être aliéné, c’est pourquoi il a souvent choisi de ‘penser contre soi’, faisant un difficile effort pour briser des os dans sa tête » (CA 13). Cette capacité de remise en cause et de renouvellement me donne au fond une certaine sympathie pour Sartre, malgré ses erreurs tonitruantes, ses engouements absurdes et ses grands écarts.

Je rejoins Simone pour voir en lui le modèle du philosophe moderne, à la conscience libre, au doute raisonnable. Sartre : « J’aime vraiment, réellement, un homme qui me paraît avoir l’ensemble des qualités d’homme : la conscience, la faculté de juger par soi-même, la faculté de dire oui ou non, la volonté, tout ça je l’apprécie dans un homme ; et ça va vers la liberté… » (ES 352). Donc pas vers le caporal-socialisme, ni vers le mysticisme écolo, ni vers la pensée unique du tribun de masse.

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Esclavage dans le monde arabe 7ème 20ème siècle, Murray Gordon

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L’esclavage n’a pas concerné que la traite atlantique ; le territoire africain et les marchands arabes ont également trafiqué des êtres humains, bien avant et durant bien plus longtemps – jusqu’à la mi-XXe siècle. Les études sur le sujet sont plus rares et font moins parler d’elles. Murray Gordon, qui a enseigné les sciences politiques à la City University de New York et travaillé aux Nations Unies, y voit quatre explications :

  1. la mauvaise conscience occidentale au passé colonial enrichi dans le commerce triangulaire,
  2. le manque de documents historiques de première main,
  3. l’écart de définition de l’esclave entre Occident et Islam (objet sans âme pour les premiers, personne vendable pour les seconds),
  4. enfin l’absence de diaspora noire comme aux États-Unis et en France qui ne pousse pas à l’étude du sujet.

Son livre, qui se lit facilement et donne de copieuses notes et bibliographies, complète ceux de Jacques Heers, Les négriers en terre d’islam – la première traite des Noirs VIIe-XVIe siècle et de Robert Davis, Esclaves chrétiens maîtres musulmans – l’esclavage blanc en Méditerranée (1500-1800).

Des historiens se sont quand même penchés sur ce sujet délaissé, surtout depuis le mouvement abolitionniste né au XIXe siècle en Angleterre pour raisons religieuses ; Murray Gordon en fait la recension. Si les chiffres sont à prendre avec les précautions scientifiques d’usage, les témoignages et les écrits historiques sont indéniables. Il y aurait eu traite vers les pays arabes pour environ 7 millions d’esclaves du VIIe siècle au XVIe siècle (p.149), pour environ 10 millions de 1600 à 1800 (p.150), et pour environ 2 millions de 1800 à 1950 (p.172, p.188). Il y aurait eu encore de 500 000 à 700 000 esclaves en Arabie Saoudite dans les années 1950… Ce sont principalement des « nègres », réputés physiquement forts pour être soldats mercenaires, gardes du corps ou compagnons de jeux, agriculteurs, eunuques de harem castrés entre 8 et 12 ans, intendants, artisans spécialisés ou nourrices, concubines ou mignons – voire « chèques de voyage » pour payer les frais durant le pèlerinage à La Mecque. Mais ce sont aussi des « Slaves » des Balkans, de Grèce ou des bords de la mer Noire, les chrétiens pris en Méditerranée, et des « Blancs d’Asie » capturés en Inde ou ailleurs.

La carte des traites draine principalement l’Afrique du nord et du centre, le XIXe siècle voyant l’apogée des routes ouvertes : « A l’ouest, s’étendait la route du Maroc à Tombouctou en passant par Taoudeni, avec son important embranchement sur Mabruk et Touat. Au centre, passait la route Ghadamès-Aïr-Kano qui menait au pays des Haoussas. Plus à l’est, on trouvait la route Tripoli-Fezzan-Kawar qui se terminait au Bornou. Enfin, la dernière reliait la Cyrénaïque au Ouaddaï par Kufra » p.155.

esclavage arabe routes du commerce

Pourquoi l’esclavage en pays arabe ? Parce qu’il est plus ancien que l’islam, la pratique courante d’une société machiste de bédouins prédateurs qui considèrent déshonorant tout travail autre que la guerre. Parce que l’islam – mais plus encore la charia, cette interprétation juridique de la religion – a légitimé l’esclavage des non-croyants, avec une exception théorique pour les croyants du Livre non-musulmans : juifs et chrétiens. Mais la pratique a toujours su jouer habilement des textes pour justifier la capture, la captivité et la mise au travail de croyants, y compris musulmans, lorsque cela arrangeait les affaires. Le mythe de Cham, présent dans la Bible et repris par le Coran, rend les « nègres » inférieurs, plus loin de Dieu et plus « enfants ». « Tant que l’esclavage reposa sur un système multiracial, les propriétaires turcs et arabes d’esclaves favorisèrent leurs esclaves blancs par rapport à leurs esclaves noirs, dans l’attribution du travail et dans ce que l’on pourrait appeler les perspectives de carrière. Les concubines blanches étaient préférées aux noires… » p.102. Le Prophète veut cependant corriger les abus pratiques de la société de son temps (p.25) et la religion musulmane qu’il instaure fait des esclaves des êtres humains à traiter correctement. On peut d’ailleurs « expier ses péchés » en affranchissant ses esclaves. Mais « il n’y a rien dans les prescriptions du Prophète qui permette de conclure qu’il aurait en aucune façon favorisé l’abolition même graduelle de l’esclavage. Une approche aussi radicale lui aurait aliéné les gens mêmes qu’il voulait gagner à son enseignement » p.25.

D’ailleurs, la conversion à l’islam après la capture ne rendait aucunement libre : le juriste musulman marocain Ahmad al-Wansharisi, au XVe siècle « déclara qu’elle n’invalidait pas la propriété ou la vente de l’esclave » p.39. L’esclavage en islam « fait partie de l’ordre naturel des choses », justifié au nom de la religion par le sentiment d’être élu d’Allah, habilité à convertir la terre entière. « L’abus de la notion de jihad se manifesta particulièrement dans les déprédations des pirates barbare[sques] à l’encontre des navires chrétiens sur les côtes d’Afrique du nord (…) qui se poursuivirent jusqu’au début du XIXe siècle » p.33.

L’Arabie Saoudite, les Touaregs, les sultans turcs, les riches égyptiens, Oman, Zanzibar, furent les plus gros consommateurs d’esclaves. « Au milieu du XVIIIe siècle, le harem et le voile, symboles du statut des peuples soumis chez les Byzantins et les Perses, furent adoptés par les Arabes » p.64. Les habitudes d’avoir des domestiques, de garder ses femmes et concubines à l’abri de tous regards, et la caution de la religion – firent que l’esclavage a duré en Arabie Saoudite jusqu’en 1962 et en Mauritanie jusqu’en 1981 ! « Partout où l’islam s’implanta, le harem entra dans les mœurs » p.94. Même l’Afghanistan, pourtant réputé plus arriéré, a aboli l’esclavage en 1923, l’Irak en 1924, la Transjordanie et l’Iran en 1929. « En Égypte, dans les années 1870, les beys et les pachas les plus riches achetaient encore des garçons blancs pour servir de compagnons de jeu à leurs fils » p.61. « Un marché aux esclaves fonctionnait encore à La Mecque en 1941 » p.227. « Des chargements de jeunes garçons avaient été débarqués à Oman en 1947, venant de la côte du Makran, au Baloutchistan. (…) on faisait venir des jeunes filles d’Alep en Syrie pour les vendre comme esclaves en Arabie » p.227.

esclave torse nu ligote 14 ans

Ce sont les pressions diplomatiques, commerciales et militaires des pays occidentaux – avec arrière-pensées coloniales – qui ont forcé à abandonner le système social confortable de l’esclavage et les profits fructueux de la traite (de 300 à 500 % de bénéfices pour les marchands p.161, malgré les nombreux morts dus au transport – traverser le Sahara à pied… – et aux mauvais traitements). Les pays devenus colonies ont abandonné de force la traite et l’esclavage : Tunisie et Algérie en 1846, Tripoli en 1853. Certes, les conférences internationales de 1885 et 1890, la SDN en 1926, l’ONU en 1956, se sont saisis du problème. Mais, « en réalité, le facteur déterminant dans cette affaire ne fut pas le respect des textes interdisant l’esclavage, respect intermittent dans le meilleur des cas, mais plutôt l’apparition de nouveaux moyens de transport plus pratiques et de nouvelles opportunités commerciales » p.170. Le développement des échanges et l’industrialisation ont rendu l’esclavage sans intérêt pratique.

Quoique… les salariés mercenaires importés du Népal ou d’Indonésie en Arabie Saoudite ou dans les Émirats aujourd’hui, parqués sans passeport dans des clapiers construits à la hâte, et exploités 12 heures par jour pour bâtir des buildings, ne sont-ils pas la forme moderne de l’esclave en islam ? Et la secte islamiste Boko Haram (ce qui veut dire “l’éducation occidentale est un péché”) qui a annoncé que les adolescentes nigérianes enlevées seraient traitées comme des esclaves, mariées de force aux militants du groupe islamistes ou vendues pour 12 $ sur les marchés – ne reprend-t-elle pas la tradition des origines de l’islam ? Retour aux sources et anticolonialisme font aussi partie d’aujourd’hui. Connaître l’histoire permet de comprendre ce qui se passe ici et maintenant.

Quant à « commémorer » l’abolition de l’esclavage, autant n’oublier aucune des formes qu’il a pris et qu’il prend encore. Car trop souvent, pour les politicards avides de faire mousser leur politiquement correct, la « mémoire » est sélective – selon leur idéologie du moment. Or l’histoire est une science en mouvement, pas une réserve d’indignations morales gratuites.

Murray Gordon, L’esclavage dans le monde arabe – VIIe-XXe siècle, 1987, collection Texto Tallandier 2009, 271 pages, €7.60

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Anders Behring Breivic le monstre de Norvège

Un attentat à la bombe contre le gouvernement social-démocrate et des  jeunes travaillistes de 14 à 30 ans tués par balles en quelques heures. Breivic a frappé fort pour qu’on le considère. Rançon de notre société du spectacle où les idées sont inaudibles si elles ne hurlent pas devant les caméras.

Qui est donc Anders Behring Breivic ?

Anders n’est pas fou, seulement paranoïaque. Sa logique glacée vient du sentiment d’être cerné, personnellement sans amour, socialement noyé, culturellement métissé. C’est un activiste du choc des civilisations à la Huntington, proche en pensée de la droite israélienne et des Nachis de Poutine.

Behring n’est pas fasciste, il ne croit pas aux mouvements de masse ni aux partis autoritaires bottés sous le charme d’un gourou charismatique. Il est hyperindividualiste, ne croyant qu’en lui-même et aux actes personnels, proche en cela des ultraconservateurs américains, libertariens adeptes des milices armées civiles. Ce pourquoi les bobos intellos du Nouveau Snob se trompent, trop bardés de tabous politiquement corrects pour comprendre la différence entre extrême droite et anarchisme.

Breivic n’est pas raciste, non seulement il le dit mais la meilleure preuve est qu’il a massacré les siens, des ados blonds aux yeux bleus, et pas les basanés immigrés du coin. Il est proche en cela de l’Unabomber américain, un solitaire psychotique qui tuait parmi les siens tous ceux qui représentaient le gouvernement. Ce qui limite probablement son message.

Pourquoi parler de ses idées ?

Jamais je n’accomplirai un acte aussi barbare que de tuer au pistolet-mitrailleur des gosses en slip au bord d’un lac, qui n’ont que leurs mains pour se défendre. Jamais je ne justifierai un tel ‘happening’ au nom de je ne sais quelle révolution ou avenir radieux. Jamais je n’obéirai à la logique glacée des partisans persuadés d’avoir tout seul raison, de Savonarole à Torquemada, de Lénine à Pol Pot.

Mais je crois à la lucidité. Nul ne peut combattre la mort qui marche sans comprendre les ressorts qui la font s’avancer. Comprendre n’est jamais pardonner, cela est d’un autre ordre. Il n’y a aucune morale à analyser pour tenter de savoir ; juger, en revanche, est le lot de la société.

Quelles sont les idées du tueur ?

Elles ne sont pas aberrantes, loin s’en faut. Elles sont seulement poussées à leur logique folle, tout comme les Évangiles avec l’Inquisition et le Capital de Marx avec les camps staliniens. Ses idées sont contenues dans un opuscule de 1518 pages en anglais, qu’il diffuse gratuitement sous le titre de ‘2083 A European Declaration of Independence’.

Anders Behring Breivic accuse l’Occident d’avoir laissé depuis 1945 l’égalitarisme marxiste envahir la culture pour saper les fondements même de la civilisation européenne. Il se dit « chrétien » mais version taliban : fasciné par le Jihad musulman, il se veut un croisé, retournant le jihad contre ses promoteurs. Ce pourquoi il revivifie le mythe du Templier, ordre militaire contre les infidèles. Il a trop joué à World of Warcraft, ado marqué par son époque, où le spectacle en ligne pousse à échapper à la réalité.

Il n’a rien d’un partisan d’extrême-droite (il a quitté le Parti du Progrès qui ne lui apportait rien) mais plus d’un anarchiste nihiliste. Un populiste braqué contre les élites vénales et lâches. Le marxisme, hérésie laïque du christianisme, prône l’égalité absolue des conditions, toute différence étant condamnable en soi. Philosophie de l’histoire tirée de l’observation socio-économique, Gramsci, Lukacs, Marcuse, Adorno et l’école de Francfort l’ont rendu « culturel », générant la « pensée 68 » et gangrenant les campus universitaires au nom de la révolution et de l’anti-répression des désirs. De déconstruction en contestation de toute légitimité, de féminisme en châtrage des valeurs mâles, jusqu’à l’anti-négationnisme où la loi interdit même de discuter des thèses d’histoire politiquement incorrectes. Il en fait un chapitre (p.343), « Le nom du diable est : marxisme culturel, multiculturalisme, mondialisation, féminisme, culte de l’émotion, humanisme suicidaire, égalitarisme »… Dans ce nivellement global « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».

Sauf que les Musulmans ne sont pas gentils, ils sont croyants et intégristes, domptant les femmes à pondre des enfants. Qui ne prononce pas allégeance à Allah et ne se fait pas circoncire est à abattre comme un chien. L’immigration en Europe atteint l’étiage des 10%, avec une natalité plus forte. Dans une génération ou deux à ce rythme, l’Europe ne sera plus européenne mais la banlieue de l’islam. Avec la bonne volonté de ses dirigeants, qui appellent à une Eurabie en affirmant que l’islam est une part de l’Europe (comme la Turquie), encourageant immigration familiale et mœurs islamiques (voile, harem, épargne charia compatible, commerce halal, cantines spéciales, piscines séparées, enseignement de l’histoire expurgé, apprentissage de l’arabe à l’école, financement des mosquées…). Les musulmans pourraient représenter 50% de la population française en 2050 ! Je ne sais pas d’où viennent ces sources (Wikipedia ?) mais cela explique la « résistance » de l’auteur, « vrai » chrétien, traditionaliste souverainiste, tenant de la civilisation européenne historique.

Breivic fait appel aux sources Internet et à des textes glanés ici ou là dans l’Encyclopaedia Britannica et dans les journaux en ligne pour rassembler ses idées en 1518 pages. Son plan est en 5 parties : 1/ la montée du marxisme culturel et du multiculturalisme en Europe, 2/ pourquoi la colonisation islamique commence en Europe, 3/ l’état des mouvements de résistance européens antimarxistes et anti-jihad, 4/ les solutions pour l’Europe occidentale, et 5/les thèmes de discussion d’application utile à la stratégie politique. Pourquoi 2083 ? Parce qu’à ce moment, croit l’auteur, entre un tiers et la moitié de la population européenne sera musulmane, induisant un violent mouvement de réaction des autochtones avec coups d’état, déportation, interdiction de toute référence multiculturelle et imposition d’une idéologie nationale conservatrice (p.803).

Page 837 vient la formule appliquée littéralement par Breivic vendredi : « la meilleure méthode est d’attaquer de façon violente et par tromperie (attaque choc) avec des forces limitées (1 ou 2 individus). » Le terrorisme conservateur est aussi haïssable que celui d’extrême gauche durant les années de plomb des Brigades rouges, de la bande à Baader et d’Action directe. En cela, les partis de la droite extrême ne sont pas plus coupables de leurs idées que les partis d’extrême gauche. Le terrorisme est mimétique, partant des mêmes causes (un parti mou sans action concrète), avec les mêmes effets (des actes individuels de commando qui sèment la mort sans rien changer à la société).

Comment le contrer ?

En étant clair sur les objectifs de l’Union européenne, ferme sur la culture à transmettre et sur les valeurs qui composent notre vivre-ensemble, opposé à la lâcheté médiatique du métissage où tout vaut tout – pour mieux abêtir et vendre Coca cola.

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