
Tiré de faits réels, une erreur judiciaire britannique dans son combat contre le terrorisme de l’IRA, et inspiré du livre autobiographique de Gerry Conlon, publié en 1990, Proved Innocent.
Nous sommes en 1974, l’IRA, l’armée révolutionnaire irlandaise d’Irlande du nord, multiplie les attentats, dont un – fatal – dans les pubs autour de Londres. Jusqu’ici, ils prévenaient quelques minutes avant ; pas cette fois-ci. Les endroits sont fréquentés par des militaires anglais et le trop facile « nous sommes en guerre » est la justification « morale ». Tant pis pour les innocents ; dans une « guerre » nul n’est innocent.
L’immature garçon de 18 ans Gerry Conlon (Daniel Day-Lewis) est sans emploi ; la guerre de religion empêche les Britanniques qui tiennent le haut de l’économie à Belfast d’engager un catholique. Cheveux longs, col pelle à tarte largement ouvert de ces années-là, croix d’or au cou, le jeune homme est resté immature, pas « élevé ». Il subsiste de menus vols de plomb sur les toits avec ses copains, tout aussi paumés. Les soldats qui surveillent la zone croient voir un sniper dans la silhouette qui se profile à contre-jour et qui tient un tuyau comme une guitare. Nous sommes dans les années rock. C’est la poursuite, les blindés, l’émeute, les portes défoncées des maisons. Malheur pour lui, les soldats qui le poursuivent sont attirés près d’une maison où l’IRA planque des armes. On ne rigole plus : la punition est une balle dans la cuisse. Le père s’interpose (Pete Postlethwaite), on le connaît, ça va pour cette fois, mais Gery ne peut rester à Belfast. Il est envoyé à Londres, le nid de l’ennemi, où il lui sera plus facile de trouver du travail.

Mais c’est à Londres que les terroristes froids de l’IRA vont frapper. Gerry et son ami Paul (John Lynch) sont accueillis dans une communauté hippie pour « l’amour libre », à la mode en ces années-là. Des Anglais de la communauté ne veulent pas d’eux, la « religion » étant le prétexte de garder pour eux les filles. Les deux amis vont alors zoner dans les parcs, ne sachant où dormir. Ils rencontrent un clochard sur un banc, qui déclare que c’est le sien pour dormir ; ils s’éloignent, après lui avoir donné quelques pièces. Sur un trottoir, une fille à hauts talons et manteau de fourrure monte dans une belle voiture, la porte tenue par un chauffeur. Elle a laissé tomber à terre quelque chose. Gery l’interpelle, mais le chauffeur, méprisant, les repousse : « elle n’est pas de votre classe ». Bon, Gerry ramasse la chose, ce sont des clés. Il entre dans l’appartement, qui se révèle être celui d’une pute de luxe. Il n’a aucun scrupule à fouiller, trouver 700 £ et à les empocher. Cela leur permettra de dormir à l’hôtel.
Les immatures ne savent pas se poser, ils ne pensent qu’à frimer. Ils s’achètent des vêtements hippies comme dans ces années-là, manteau afghan en peau de mouton, pompes bicolores, et… retournent stupidement à Belfast pour montrer leurs billets. Las ! le soir du 5 octobre 1974, dans la banlieue londonienne de Guildford et Woolwich, deux pubs sautent, attentat revendiqué par l’IRA. Cinq morts, cinquante blessés. Fichés, les deux ados attardés se font arrêter à Belfast, où ils n’auraient jamais dû retourner. Ils ont été dénoncés par un membre de la communauté hippie, indic irlandais ou anglais revanchard.


Le peuple est exaspéré par les attentats à répétition, il veut de l’ordre et de la force – ainsi Poutine a-t-il commandité les attentats de Moscou lors de son arrivée au pouvoir, pour accuser les Tchétchènes et assurer son pouvoir. Une loi anglaise vient de porter à sept jours le délai de garde à vue en cas de terrorisme, largement le temps de cuisiner les suspects et de leur faire avouer n’importe quoi, sous la menace et la pression psychologique, comme aux beaux temps de Goebbels et Staline. Paul craque, dénonce Gery ; Gery craque, un fonctionnaire lui susurrant qu’il va tuer son père s’il n’avoue pas. La police récuse les alibis du clochard et de la pute, selon elle, « ils n’existent pas ». Le verdict tombe au procès : trente ans incompressibles pour les deux, plus deux autres de la bande des « quatre de Guilford » – et de deux à quinze ans pour « les sept de Maguire », son père et la famille de la tante de Gerry qu’il est allé voir à Londres, soupçonnée d’avoir produit la bombe, son mari et ses deux fils de 17 et 14 ans. Selon la police scientifique, des traces de nitroglycérine ont été retrouvées sur leurs mains et sur les gants de vaisselle.
Il fallait un bouc émissaire, et ces Irlandais (même pas affiliés à l’IRA) étaient tout trouvés. Des grands gamins stupides, des familles trop modestes pour qu’on leur prête attention. Père et fils sont emprisonnés dans la même cellule. Les autres ne les aiment pas, mais ce n’est pas le goulag, les cellules sont ouvertes le jour, les détenus peuvent se réunir, jouer au puzzle (trempé dans le LSD), lire et écrire des lettres, afficher ce qu’ils veulent. Gerry lie connaissance avec un rasta, opposé comme lui à « la colonisation » de l’empire britannique. Mais son père décline, une avocate se préoccupe de son sort, écoute les deux hommes. Le véritable auteur des attentats de l’IRA (Don Baker) est arrêté, emprisonné, il avoue son rôle dans l’attentat à la police, mais celle-ci ne veut pas se dédire et laisse en prison les innocents condamnés à tort. Il se fait respecter parce qu’il menace quiconque de lui faire la peau, ou de s’en prendre à sa famille à l’extérieur. Un surveillant chef en fait les frais. L’avocate Gareth Peirce (Emma Thompson), mise au courant des aveux du vrai coupable, va enquêter elle-même, jusque dans les archives de la police, obtenant une injonction du juge ; elle va dénoncer la négation des alibis, pourtant dans les procès-verbaux de la police, les hésitations de la police scientifique sur la substance qualifiée de nitroglycérine.


Mais le père va mourir en 1980, ce qui déclenche des manifestations et le procès en révision de 1989. La police est confondue et les détenus libérés par « non-lieu » – aucun policier de quelque grade que ce soit ne sera pourtant inquiété. Ni même le véritable auteur de l’attentat, condamné pour autre chose. Dans cette « affaire Dreyfus » anglaise des années 70 et 80, la raison d’État emporte tout. La justice est biaisée. Gerry Colon va mourir à 60 ans en 2014 d’un cancer du poumon : il a trop fumé, et pas que du tabac. C’est Tony Blair, alors Premier ministre, qui, en 2005, a présenté des excuses publiques pour cette erreur judiciaire. Heureusement que nous sommes en démocratie… Sous Poutine, Xi, Erdogan ou Trump, ce ne serait pas la même chose.
Un beau film de justice, avec un Daniel Day-Lewis en grande forme, en jeune imbécile porté par ses désirs et ses émotions.

Ours d’Or au Festival de Berlin 1994
Nommé sept fois aux Oscars et quatre fois au Golden Globes 1994
DVD Au nom du père (In the Name of the Father), Jim Sheridan, 1993, avec Daniel Day-Lewis, Emma Thompson, Pete Postlethwaite, Saffron Burrows, Mark Sheppard, Lancaster 2007, 2h12, anglais doubléfrançais, occasion €2,04, Blu-ray L’Atelier d’Images 2021 €17,08
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