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La France, ce malade de l’Europe

Les élections européennes, techniques et sans enjeux concrets perçus par les citoyens, suscitent en général une abstention assez forte. Elle a été moyenne en Europe, égale à 2009 en France. Plus les pays ont connu récemment la dictature, plus ils sont poussés à exercer ce « droit » – rare sur la planète – de pouvoir aller voter. La Thaïlande comme l’Égypte sont sous coup d’État, l’Ukraine voit des milices rouge-brun empêcher les citoyens d’aller s’exprimer à l’est du pays, la Russie et la Turquie ont « élu » sous pressions et fraudes un genre de dictateur qui réprime toute forme de démocratie autre que le plébiscite campagnard.

2014 05 europennes carte participation

Voter est un luxe de nanti. C’est pourquoi les bobos français (bourgeois bohème) devraient être appelés plutôt égoédos (égoïstes hédonistes), tant ils marquent du mépris snobinard pour cette façon vulgaire d’aller « donner leur voix » comme le bas peuple : 58% des votants Hollande en 2012 ne sont pas allés voter, 52% des Parisiens ! En dehors de leurs petits intérêts de caste comme le mariage gai (et lesbien) ou le vélo à contresens dans les rues, les bobos se foutent de la gauche et de ses « idées », c’est manifeste. L’effondrement du parti socialiste est confirmé et au-delà, le seul socialisme qui subsiste aujourd’hui est national.

Car le problème aujourd’hui n’est pas européen, il est français.

Certes, le Danemark, le Royaume-Uni, l’Autriche ont donné plus de 15% des voix à des partis extrémistes anti-union – mais c’est en France que le Front national a réussi à passer largement en tête, avec un apparent 25%. La réalité est moins flamboyante car, du fait que 43.5% des votants seulement se sont exprimés et que les gens convaincus sont plus allés voter que les autres, le FN ne compte les voix que de 11% des 46 millions de citoyens français ce dimanche. C’est certes nettement mieux que les 6.3% qui ont voté PS ou le ridicule 2.8% du Front de gauche, habituel favori des bobos (calcul sur 100% des électeurs), mais ce n’est pas un raz de marée, tout au plus un « rat de Marine ». A une élection importante, présidentielle ou législative, le FN ne ferait pas ces scores là, noyé sous la participation utile. Il ne réussit que dans l’indifférence. Et c’est là où les bobos « de gauche ma chère, évidemment de gauche » ont toute leur responsabilité. Le « séisme » 2002 ne leur a rien appris et les mots graves de Manuel Valls hier vont leur passer par-dessus la tête, comme d’habitude.

Il ne leur restera plus que le ridicule d’aller « manifester contre le fascisme » comme en 2002, dans un refus trop tardif d’une démocratie qu’ils n’ont pas exercée par flemme. Au niveau européen, le vote français ne changera pas grand-chose, la coalition sortante reste majoritaire. En France, les seuls partis européens, les centristes et écologistes, se sont bien maintenus. Mais les écologistes en Europe ont fait bien mieux que les idéologues intellos de gauche de l’Hexagone : en cause le gauchisme catastrophiste mâtiné d’arrivisme du parti Duflot.

2014 05 nouveau parlement européen

La gauche française de gouvernement s’obstine à ne pas comprendre que les élites économiques éduquées (diplômés, cadres, hauts revenus, citadins, voyageurs) ne vivent pas dans le même monde que le populaire (peu diplômés, ouvriers, bas revenus ou chômeurs, suburbain ou rural qui n’ont rien vu du monde). Ce pourquoi le socialisme « internationaliste » ne passe plus, ni son tropisme multiculturel, ni ses attendrissements pour les « victimes » à aider en priorité qui sont toujours les autres (homos, étrangers, colorés, immigrés). Quoi d’étonnant à ce que le FN réalise ses meilleurs scores au sein des couches populaires : ouvriers (43%), employés (38%), chômeurs (37%), personnes à faible niveau de diplôme (37%), foyers à bas revenus (30%) et parmi les jeunes (30% des moins de 35 ans), touchés par le chômage ou la galère des stages et CDD à répétition ? (Sondage Ipsos/Steria 25 mai 2014)

Le socialisme à la française tout comme le pseudo-gaullisme à la Copé-Guéant-Sarkozy apparaît comme un ramassis d’impuissants qui envoient leurs déchets à Bruxelles, clament haut et fort en France l’inverse de ce qu’ils signent en sous-main au Conseil européen, agitent des yakas impossibles puisque pas prévus dans le Traité (comme le social, dont le Smic, qui est du ressort de chaque État). Quoi d’étonnant à ce qu’il y ait défiance envers ces hypocrites professionnels ? Quant à Mélenchon, il a clairement échoué : ses outrances ont fait fuir. Il était pathétique et presque sympathique lors de sa conférence de presse, mais toujours dans l’émotionnel alors que cela ne compte dans un vote qu’en plus du fond ; sans le fond, cela fait démago…

Si 62% des votants disent avoir privilégié les questions européennes sur le rejet du gouvernement, l’opacité du fonctionnement européen et la culture nécessaire du compromis empêchent les électeurs français peu éduqués de comprendre. L’Éducation nationale ne fout rien pour habituer les élèves à travailler ensemble et à échanger des idées, les médias perroquettent les mensonges des partis, les populistes trouvent un bouc émissaire commode dans « l’euro, Bruxelles, les 28, le libéralisme » et ainsi de suite.

Les Français, formatés à l’autoritarisme et au plébiscite du chef, sont à l’opposé de presque tous les autres pays européens, formés au parlementarisme et aux alliances de compromis. La France semble avoir une mentalité plus proche de la Russie de Poutine et de la Turquie d’Erdogan que de l’Allemagne de Merkel ou du Royaume-Uni de Cameron. Le marasme économique n’arrange rien, la politique stupide du gouvernement Hollande 1 (qui a insulté les patrons, insultés les investisseurs, insulté « la finance » – et taxé à tour de bras tout le monde, y compris en-dessous du Smic) a accentué la récession. Ce clown pathétique de Montebourg a plus fait à lui tout seul pour faire fuir l’investissement que les ministres de Mitterrand – et on le garde au gouvernement !

Les électeurs ne sont pas contre l’Europe, ils ne comprennent pas trop comment elle fonctionne ; ils sentent bien l’avantage de la monnaie unique, puisque 72% (sondage Ipsos ci-dessus) sont CONTRE la sortie de la France de la zone. Mais ils voudraient une Europe plus protectrice en termes économiques, moins accueillante à l’immigration sauvage, mieux unifiée socialement. Encore faut-il envoyer – comme les Anglais – des pointures politiques à Bruxelles, pas des recalés en échec de la politique nationale : des Fabius par exemple, comme hier Delors, pas des Désir. Jamais la « synthèse » molle du tempérament Hollande n’a montré aussi clairement son inaptitude à gouverner.

La France apparaît aujourd’hui comme

  • ce malade de l’Europe qui, faute de mieux, élit des politiciens minables qui promettent tout et en font le moins possible, se défaussant sur « Bruxelles » de leurs fautes ou impuissance,
  • ce malade de la boboterie, toujours en première ligne pour réclamer « des droits », mais qui reste douillettement chez elle dès qu’il s’agir d’agir,
  • ce malade des réformes sans cesse promises, sans cesse repoussées, car elles remettent en cause trop d’intérêts « acquis » sans que personne n’ose prendre le taureau par les cornes.

Puisse l’aiguillon Le Pen donner des hémorroïdes à cette caste de gauche aujourd’hui au pouvoir, à ces petits marquis inaudibles de droite qui aspirent à y revenir, pour qu’enfin – comme dans les autres pays européens – ils soignent la France :

  • inadaptée à intégrer sa jeunesse par l’éducation,
  • inadaptée à la mentalité parlementaire de l’Union,
  • inadaptée à la concurrence économique mondiale.
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Les médias font-ils une élection ?

Réponse : non, mais ils y contribuent.

Jeudi 5 avril en soirée avait lieu à l’amphithéâtre François Furet de l’EHESS, boulevard Raspail à Paris, un ‘Rendez-vous de crise’. Le monde médiatique est-il en connivence avec le monde politique ? Trois chercheurs ont ouvert le dialogue avec un journaliste. Brigitte Le Grignou professeur de science politique à l’université Paris Dauphine, Bernard Manin et Cyril Lemieux tous deux directeurs d’études à l’EHESS ont donné la théorie. Thomas Legrand, éditorialiste politique à France-Inter, jouait « le machiniste » (dixit), l’homme de pratique, rendant le discours concret et plus vivant. Le « débat » était modéré par Michel Abescat, journaliste à Télérama.

Débat y avait-il ? c’est un bien grand mot, si l’on utilise le vocabulaire précis de la science politique. Les gens de l’estrade se parlaient entre eux et l’assistance a été frustrée de ne pouvoir poser que trois questions, un quart d’heure en tout sur les deux heures. Nous avions, étagés dans l’amphithéâtre, un public d’intellos piliers du quartier et amateurs de SS, plus quelques étudiants en science politique et en école de journalisme. Ces derniers étaient reconnaissables à leur vêture mode, décalée, déstructurée et décolletée, qui apportait un air de printemps à ces doctes débats. Mais printemps n’est pas démocratie, la bonne parole était délivrée d’en haut, le savoir imposé à des « apprenants ». Selon une formule de Bernard Manin, la meilleure forme de contrepouvoir politique consiste pourtant dans le débat.

Les médias participent du débat démocratique, comme hier l’agora d’Athènes, mais le monde a changé, les techniques ont évolué. Bien que durant ces deux heures de colloque aucun plan clair ne soit apparu, la gentille animation des débateurs a révélé deux points importants : l’importance des communicants et la révolution numérique.

L’importance des communicants

Depuis trois décennies, nulle politique sans spécialistes de la com qui disent ce qu’il faut dire, comment le dire et à quel bon moment. Les meetings sont ainsi organisés et orchestrés selon un plan de com, allant jusqu’à produire les images du direct pour les télés. Il est vrai, remarquait Thomas Legrand, que si les centaines de caméras envoyaient toutes au même moment leur signal au même satellite, il n’est pas certain qu’il n’y aurait pas saturation… Le rôle des médias devrait alors de « réaliser » le reportage en choisissant leurs images dans le flot, en privilégiant une caméra sur une autre selon le fil du discours et en découpant les séquences eux-mêmes. Faute de temps, avides de scoop immédiat, et par facilité, les médias du direct le font de moins en moins. Rassurons-nous (?) : c’est le même professionnel vidéo qui officie pour les meetings Sarkozy ou Hollande.

Mais la communication isole le politicien des électeurs. Le filtre du spécialiste inhibe le discours et réduit le projet à un catalogue d’économiste. Il y a donc, note Bernard Manin, divorce entre les promesses et la réalité. Sauf qu’il y a malentendu : les promesses, pour un politicien, sont réalisées par des lois ; pour l’électeur, c’est le résultat qui compte. Drame de la com : pour mobiliser, il faut avoir une idée choc par semaine ; pour réaliser, il faut cependant passer par la fabrication du droit. Cela prend bien plus de temps que de le dire, passe par plusieurs filtres de débats au Conseil d’État, à l’Assemblée, au Sénat, parfois au Conseil constitutionnel. Le temps qu’une décision soit traduite en loi, il se passe des mois, parfois des années. Le communicant est-il donc compatible avec le politicien ?

Il faut probablement voir dans le chiffrage des programmes, dit Thomas Legrand, un effet de ce grand écart qui a marqué le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Lui candidat de 2007, comme Ségolène Royal, avaient su mobiliser l’électorat populaire, obtenant un niveau d’abstention au minimum depuis 1974, rappelle Cyril Lemieux. Mais on voit le résultat : promesses non tenues en termes de résultat réel, électorat populaire déçu, largement tenté par l’abstention, tout en déclarant voter extrémiste (Le Pen ou Mélenchon) dans les sondages.

La révolution numérique

Les sondages, justement. La technologie avec le mobile, l’iPhone et l’Internet a permis de les multiplier en baissant leur coût. Bernard Manin s’étonne de les voir aussi importants en France, ce qui n’est absolument pas le cas dans les autres pays. Sont-ils instantanés d’opinion ou prophéties ? La montée de Mélenchon participe probablement plus du second aspect que du premier selon Cyril Lemieux. Ladite « opinion » en effet se résume à un millier de personnes seulement, à qui l’on pose des questions pas toujours neutres, et pour lesquelles certains « ne savent pas ». Les médias mettent en scène trop souvent des informations qui n’en sont pas, du style « les Français déclarent… » alors qu’une lecture fine du sondage montre que seulement 52% des gens interrogés qui se sont exprimés, soit quelques centaines de personnes, « penchent plutôt vers… »

Second effet de la révolution numérique : les archives. Il y a 15 ans, dit Thomas Legrand, lorsqu’un homme politique faisait une déclaration choc, il fallait que le journaliste décide de garder le ‘bobino’ de l’enregistrement. C’étaient ses archives personnelles dans des armoires, l’index dans sa tête. S’il changeait de rubrique, cette mémoire était perdue, ou bien l’archiviste mettait des heures à retrouver le son. Terminé aujourd’hui. Mémoire et indexation sont facilités par le numérique, d’où le surgissement des comparaisons. Le politicien se trouve confronté à ce qu’il a déclaré auparavant, souvent en contradiction. Même le net s’y met, c’est le grand jeu du YouTube relayé sur Facebook. Ce qui décrédibilise le discours politique et fait des médias, parce c’est facile et fait scoop, de purs critiques qui ne cherchent pas à approfondir. Les grands enjeux du pays ne sont donc pas débattus entre candidats ; ils préfèrent leur débat interne, ou la césure droite ou gauche est moins pertinente aujourd’hui que la césure souverainisme ou ouverture.

Y a-t-il donc révolution dans l’approche des médias par le public ? Pas vraiment, note Brigitte Le Grignou. Seule la télévision reste un média de masse, qui touche les campagnes et surtout les catégories populaires, grosses consommatrices (40 mn de plus par jour que les CSP+). La presse quotidienne continue de n’être lue que par les surinformés (seulement 4% des électeurs) ; elle reste « élitiste » – même ‘Le Parisien’, déclare Cyril Lemieux, en nuançant. Quant à Internet, il reste marginal en France. Il a une influence réelle, mais limitée au cercle restreint du réseau (Twitter, Facebook, blogs). La radio n’a guère été évoquée.

Alors, quelle influence des médias ?

A la marge. La plupart des gens sont déjà ‘convaincus’ du fait de leur appartenance aux groupes primaires : famille, clan, cercle d’amis, réseaux du net (pour les jeunes). C’est donc « la conversation » qui est le lieu privilégié de la cristallisation de l’opinion, comme le dit Cyril Lemieux en citant Gabriel Tarde. Conversation qui peut se prolonger sur Internet dans les commentaires, chats et échanges fessebookiens. Les gens votent comme leur groupe, sauf aux moments d’émotion où un événement ou un personnage les emporte au-delà de leur sensibilité de base. Ce fut le cas en 2002 avec le thème de l’insécurité et le passage en boucle par les télévisions du vieux monsieur agressé. Mais cette influence émotionnelle est très courte, quelques jours à quelques semaines. Cela ne change pas l’opinion de fond.

Le rôle ultime des médias, outre d’informer et de faire se confronter les opinions divergentes, reste donc surtout de mobiliser. Faire venir l’électeur aux urnes par dramatisation des enjeux est probablement l’influence la plus forte qu’ils ont. Rien de plus, mais ce n’est déjà pas mal.

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