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La route du pain vers Erevan

Nous avons 80 km à faire pour rejoindre la capitale. Une escale bière dans un supermarché d’une ville intermédiaire nous permet de faire comme tous les autres touristes allemands, hollandais ou italiens que nous voyons. L’attraction du supermarché est la fabrication du pain.

Le client voit tout, du pétrissage de la pâte au fond de la salle à la mise au four par de grandes perches sur le devant. Deux fours sont installés en plein milieu, demi-ballons de briques au trou central par lequel le mitron enfile habilement les miches crues pour les coller aux parois. Il retire de même celles qui sont cuites et dorées. Sur la fin, il doit pencher son buste dans le trou pour attraper celles du fond et il y disparaît jusqu’aux reins.

Le pain embaume, il suscite le désir et l’achat. Comme il fait chaud, autant acheter de la bière aussi, ou du Coca pour les enfants. Les filles font provision d’eau en bouteille, même si l’endroit ne s’appelle pas Achadeau.

Mais si les photos sont permises, aucun vigile de supermarché n’autorise qu’on les prenne eux. Peut-être sont-ils anciens du service de sécurité de l’URSS ? Au passé trouble ? Ou bien ils se la jouent façon film, imitation des mercenaires internationaux ?

Sur le chemin, nous pouvons voir le mont Aragats, le plus haut sommet de l’Arménie actuelle puisque l’Ararat a été piqué par la Turquie. L’Aragats ne dépasse pas les 5000 m malgré ses neiges éternelles : 4095 m seulement.

Nous échouons, fatigués, au même hôtel Regineh d’Erevan qu’au départ. Nous avons une heure pour nous doucher avant dîner. Notre guide arménienne nous a fait son dernier exposé au micro sur le social arménien, l’éducation, la santé, la retraite, les impôts, la délinquance. De fait, tout va bien, l’Arménie est un pays moderne et démocratique, ou plutôt tout va de mieux en mieux. Tel est le message. Il ne dépare pas les autres propos de fierté nationale sur les records et la débrouille distillés durant tout le voyage. Ce pays s’évertue à exister aux yeux du monde civilisé ; il a été trop longtemps oublié, noyé dans l’empire turc puis dans le trou noir soviétique.

Nous dînons en centre ville dans un restaurant en sous-sol spécialisé dans les tour-operators. The Club propose des repas et une boutique où acheter des souvenirs. Il est tenu par des Italiens arméniens et le fils n’hésite pas à pousser sa voix jusqu’à chanter du bel canto. Une tablée de touristes italiens derrière nous est fervente des airs de Verdi et applaudit à tout rompre. Étonnante sensibilité transalpine à la musique, même loin des cités de la botte.

La cuisine est arménienne, mais avec une teinte internationale, je n’ai pas retenu d’originalité. Quelques dés de fromage italiens nous sont présentés en entrée au lieu des fromages arméniens habituels. Nous avons pris un vin d’Areni 2010 qui était presque meilleur que le 1991 bu l’autre jour. Peut-être mieux conservé, tout simplement. Mais il est servi à température ambiante, de 12 bons degrés trop chauds car nous retrouvons les 35°C du départ. La boutique est un fouillis à la mode intello de livres, photos, disques, DVD, figurines, lainages et poupées. On en trouverait de même sorte à Milan ou New York.

A la fraîche, Erevan est très animée. 30° sont encore affichés à une pharmacie en fin de soirée, mais les familles sortent pour marcher et se montrer dans la relative fraîcheur. A 23 h, les petits restent emmenés en promenade, il est vrai qu’ils sont en vacances.

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Voyage aux Îles Gambier 1 : Tureia et Totegegie

Article repris par Medium4You.

Un mardi matin huit heures, aéroport de Tahiti Faa’a, personnel à son poste, décollage immédiat. Le vol est à destination de l’archipel des Gambier via Tureia, cinq heures de vol prévues. Pour moi, ce sera le cinquième et dernier archipel qui clôturera mon tour complet de la Polynésie française.

C’est où ? C’est quoi les Gambier ? Les Îles Gambier sont à la latitude 23°7 sud et à la longitude 134°58 ouest. Les terres émergées ont une superficie de 32 km2, un pourtour récifal de 90 km et un immense lagon. La capitale des Gambier sur l’île de Mangareva se nomme Rikitea. Mangareva mesure 9 km de long sur 600 m à 3 km de large.

L’archipel est composé de 11 motu coralliens (dont Totegegie, l’aéroport), de 4 grandes îles volcaniques (Mangareva, Taravai, Akamanu, Aukena) et de 6 petites îles volcaniques : par ordre décroissant Agakauitai, Kamaka, Makaroa, Mekiro, Manui, Makapu. Le marnage maximum atteint 1m20. Les Gambier sont âgés de 6 à 7 millions d’années. Les altitudes varient de 54 m à 441 m. Le point culminant le mont Duff, haut de 441 m, se situe sur Mangareva. Les superficies des îles varient de 0,1 km2 à 15,4 km2. Le point le plus bas du lagon atteint -80 m. Il existe trois passes ouvertes sur l’océan.

Tahiti est à 1450 km, l’Australie à 6300 km et Santiago du Chili à 6050 km.

Après 3 heures de vol, escale à Tureia, archipel des Tuamotu, 100 habitants, 5 personnes descendent, 5 nouvelles têtes prendront place. A Mangareva, ils reprendront le même avion pour Tahiti. Nous ne sommes qu’à 1190 km de Tahiti, c’est un atoll sans passe, 8,4 km2 de terre émergée, un lagon de 47,2 km2, une piste pour l’ATR 72, un village, des cocotiers, une tôle au-dessus d’un banc pour attendre l’avion une fois par semaine. Le fret est déchargé, les fûts remplissent les réservoirs, ici tout est manuel !

On dirait que tout le village est venu, en 4×4, bavarder et interroger. Encore un peu de patience sous la pluie et l’on repart pour les Gambier. Quelques semaines après mon retour à Tahiti j’apprendrai que des habitants de Tureia, accompagnés de leur maire, ont pour la première fois été autorisés à se rendre à Moruroa, « l’atoll du grand secret », lors du premier déplacement du Haussaire dans leur atoll en compagnie d’une brochette de casquettes à galons dorés. [Rappel : le Haussaire est l’abréviation affectueuse-envieuse du Haut-commissaire de la République française en Polynésie – Arg.]

Au départ, l’avion n’était pas complet, nous n’occupions que 60 sièges sur un total de 72. Les places vides ont été utilisées pour le fret car bientôt aura lieu l’inauguration de la cathédrale de Rikitea après de gros travaux de restauration. Le plafond de nuages est toujours aussi bas. Quelques petites fenêtres me permettent d’apercevoir, enfin, l’archipel des Gambier. Incroyable, c’est comme sur la carte !

L’avion se pose sur le motu Totegegie. Il fait beau. Maintenant il faut prendre la navette municipale pour une demi-heure ou une heure suivant l’état de la mer. Cela pour enfin débarquer à Mangareva. Le nom qui serait la contraction de manga (montagne) et reva (fleur des Gambier, blanche aux fruits vénéneux, contenant de la cerberine, poison très violent). Les résidents des Gambier paient une redevance de 500 francs pacifique mais, pour les touristes, c’est gratuit. Aux Gambier mon amie et moi sommes plus vieilles d’une heure par rapport à Tahiti.

Les habitants vivent à Rikitea et à Taku sur Mangareva, quelques familles à Aukena, d’autres à Akamaru et Taravai, un original à Kamaka. Tout pousse aux Gambier, comme aux Australes. Les fruitiers comme le pamplemoussier, citronnier, oranger, litchi, arbre à pain (uru ou maiore), bananier, caféier, pêcher, du bois d’œuvre. Les fermes perlières sont très nombreuses, les greffeurs sont Chinois, les Japonais étaient trop chers ! On reconnait qu’ici, les perles sont les plus belles, les plus grosses. Une perle peut être récoltée 18 à 24 mois après le greffage. On compte 20% de perte. Au total il ne restera que 10% de belles perles.

A Rikitea, gros bourg, on dénombre la mairie, la poste, la gendarmerie et des écoles primaires avec 26 couples de jumeaux ! Il y a aussi un CETAD avec atelier de formation à la gravure sur nacre, unique en Polynésie. Mais pas de collège, les adolescents doivent émigrer à Hao ce qui pose de gros problèmes aux familles.

Le potentiel touristique est important mais le prix du billet d’avion, en raison des distances à relier, décourage un grand nombre de candidats au voyage.

Hiata de Tahiti

Si la Polynésie vous intéresse, ne ratez pas l’émission télé Archipels consacrée à Tahiti-Pacifique magazine le samedi 25 février à 20h35 sur France O, TNT canal 19.

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Cimetière de Noratous, lac Sevan et monastère

Ce matin Tigran et son frère ont amenés les fils avec le petit-déjeuner. Il y a de la brioche dorée faite maison. Les kids sont intimidés, 7 et 11 ans, curieux des étrangers. Dommage que nous ne puissions communiquer, il faudrait au moins parler russe. Nous pourrions répondre à leur avidité de connaître.

Le bus nous mène, une fois pliées les tentes, au cimetière du Noratous. C’est un immense cimetière au-dessus du village du même nom, à 1934 m d’altitude, dont les tombes datent du début du christianisme. Noratous, propriété des princes Zakarian, était le centre administratif de la province Tsemak jusqu’au 19ème siècle.

Notre guide arménienne nous apprend à distinguer les siècles en fonction du décor des khatchkars, il y en plus de 800. L’usage est issu de traditions païennes et les premiers étaient probablement en bois. Le IXe siècle voit une simple croix sur pierre brute, puis la pierre est taillée en rectangle avec un bourrelet avançant orienté vers l’ouest et la croix mieux décorée. La croix est doublée au XIe par l’arbre de vie. Le soleil au XIIIe siècle s’introduit sous la croix et sous l’arbre de vie en un cercle où s’entrelacent des lignes. Au XIVe siècle, certaines pierres sont en olivine, vaguement cristallisés et vert pâle. La couleur verte est donnée par le sulfate de magnésie et de fer. Pourquoi le bourrelet de tête de la pierre est-il orienté à l’ouest ? Parce que si le monde naît avec le soleil à l’est, le Christ sauveur, à la fin des temps, est réputé venir des ténèbres, donc de l’ouest. Le bourrelet est comme une inclinaison de la pierre vers le Sauveur, en signe de respect.

La pierre tombale Guéghama est en forme de berceau. Elle est très sculptée de croix et d’arbre de vie. Sur sa face nord un cavalier et un servant qui tient la bride du cheval, un ange survole le couple. A leur gauche sont taillés une rosette (symbole d’éternité), un pot à vin et un four circulaire à cuire le pain arménien. Un musicien assis joue d’un instrument à cordes à côté d’un cercle solaire. La pierre tombale a été érigée en l’honneur de Khatchatour qui avait approvisionné le village en eau au XVIIe siècle. Une autre pierre montre un paysan labourant avec une charrue.

Les tombes modernes, laïques ou communistes, préfèrent le portrait photo du mort gravé sur le marbre, ou encore un buste en bas-relief, à la soviétique.

Au café qui vend des souvenirs et où nous prenons une mouture « à la turque » (qu’on préfère appeler en Arménie « café oriental »), un grisonnant de Lyon nous entreprend en français. Il vit là-bas mais est né en Arménie. Ses grands-parents ont émigré en France mais ses parents sont revenus pour construire le communisme… « Les cons ! », nous dit-il, sincère. Ils ont pu heureusement revenir en France parce qu’ils étaient français.

Notre guide arménienne nous lit dans le bus quelques contes arméniens en français. Il s’agit du bon sens populaire dans les situations inédites.

Voici que nous longeons les rives du lac Sevan. C’est un gigantesque lac salé, 1400 km², presqu’une mer. Lyriques, les nationaux l’appellent « la perle d’Arménie », morceau tombé du ciel.

Nous visitons sa presqu’île aux deux églises, endroit très touristique où se massent les cars d’étrangers et les voitures des Arméniens. Il faut dire que les rives sont balnéaires, une petite côte d’Azur où l’on lézarde au soleil avant d’aller dans l’eau, puis de prendre un verre sous les parasols. Les gens y sont bronzés, se départant de la frilosité paysanne. Gamins et jeunes n’hésitent pas à se promener sans chemise, avec la hardiesse de l’habitude. L’un d’eux, douze ans, s’étire comme un chat sur la pierre chaude du parapet bordant l’église côté lac, frottant sa peau caramel sur la rugosité du basalte. Il est heureux au soleil, le corps libre, bien dans sa peau.

Le monastère Sévanavank (vank voulant dire monastère), s’élève à peut-être 200 m au-dessus du niveau du lac. Il offre une vaste perspective jusque sur l’autre rive et les montagnes au loin. Tout se fond progressivement dans un pastel qui se mêle avec le ciel.

Le lieu est un endroit inspiré, ce qui ne fait pas peu pour sa réputation. Il a été l’un des premiers sites à adopter le christianisme à la suite de la conversion du roi Tiridate le Grand. On dit que saint Grigor éleva les deux premières églises du Sévanavank. L’église des saints Apôtres (Arakélots), date du IXe siècle élevée par la princesse Mariam, fille du roi Achote I Bagratouni. La seconde église est dédiée à saint Jean-Baptiste (Karapèt). La troisième à la Sainte-Mère de Dieu (Astvatsatsine) n’existe plus.

Un groupe de handicapés est amené par ses moniteurs pour aller mettre un cierge de cire jaune dans l’église. Des jeunes, garçons et filles, se prennent en photo sur le parapet, des gamins en groupes de vacances, des familles avec grand-mère et petits enfants. La tradition est transmise ici, même si cela se fait dans une sorte de kermesse. Nous ne sommes pas chez Disney car tout est authentique et il ne s’agit pas de jouer mais de révérer. Mais nous ne sommes pas non plus à Lourdes car la révérence est plus de tradition que de croyance aveugle.

Monter les degrés jusqu’à l’esplanade du monastère, faire le tour des bâtiments, pénétrer dans l’église pour y acheter plusieurs cierges, les allumer en l’honneur de proches au loin ou malades, s’asseoir sur le muret chauffé de soleil pour contempler le lac, redescendre pour déjeuner au restaurant du parking, ou acheter un souvenir avant d’aller pique-niquer sur la plage, voilà qui est un rite social plutôt qu’un acte de foi.

Mais je préfère ce christianisme-là, intégré dans l’existence, au fanatisme des illettrés brutaux qui détruisaient tout ce qui choquait leurs croyances dans les premiers temps chrétiens. Mais oui, nous avons eu nos talibans et ils n’avaient rien à envier aux afghano-pakistanais actuels, l’étude de Ramsay McMullen, Christianisme et paganisme du IVe au VIIIe siècle nous le rappelle (1996, Tempus Perrin 2011) !

Dans l’église, un Christ orant a l’air mongol sur une stèle du XIVe siècle. Peut-être est-ce pour que les invasions mongoles ne la détruisent pas, reconnaissant sur l’image l’un des siens ? De fait, la stèle a subsisté. Beaux visages rêveurs de la jeunesse qui allume des cierges. La lumière douce et chaude allège leurs traits.

Nous déjeunons à une longue table réservée sous les velums du parking. Un groupe d’Italiens encore plus grand que le nôtre déjeune une table plus loin. Il y a des Allemands, des Arméniens en famille, et même nos Tchèques. Nous avons revu le couple et son Stefan de 9 ans, bob blanc et la tête et tee-shirt orange sur le dos. Outre les salades de légumes cuits ou crus, les olives et le fromage, nous est servi un lavaret du lac, poisson coupé en tronçons grillés sur la braise. Le four et le barbecue semblent les façons de cuisiner majeures ici. Les frites, cuisinées pour faire international, sont trop grasses ; il ne doit pas y avoir deux bains de friture et une température trop basse.

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Évidemment les démagos ont voté la « loi sur le génocide » arménien, comme si les histrions étaient capables de juger souverainement d’un fait historique. Ils ne sont qu’à la pêche aux voix, dans la plus pure illusion. Étant pour la liberté, je ne voterai pas pour les partisans du politiquement correct – qu’ils le sachent. Un bon commentaire sur le blog de Nicolas.

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Temple de Garni en Arménie

Sur le plateau au-dessus des orgues basaltiques s’élève le temple de Garni, tout en basalte gris et aux colonnes de temple grec. En l’an 57 les Romains ont envahi l’Arménie mais Tiridate le Grand les écrase en 62 près de Kharput. Pressé par les Parthes il remet sa couronne à Néron et part pour Rome afin de signer la paix et récupérer la couronne. Ce qui fut fait. C’est Tiridate qui fit construire ce temple à Mithra vers 66, reconstruit en 72 après les attaques des barbares du nord.

Écroulé en 1679 à la suite d’un tremblement de terre, il a été reconstitué depuis 1949. Il a été consacré au dieu Mithra d’origine indo-iranienne, signifiant le soleil. Il a été transformé un temps en mosquée après la conquête arabe. On parle de style hellénistique bien qu’Alexandre ne soit pas venu jusqu’ici. S’il est aussi bien conservé, c’est qu’il est resté géographiquement loin des lieux de pouvoir, notamment lors de la christianisation au IIIème siècle. La frise montre des branches d’acanthe, des fleurs, des raisins, des grenades. Les pierres sont bien taillées, ajustée sur les façades, leur intérieur est tenu avec des joints de plomb. Les Turcs ont creusé jadis pour récupérer le précieux métal, d’où les quelques trous qui parsèment la base.

Les anciens Arméniens vivaient leur vie conformément aux lois de la nature. Pour eux, la géométrie était un lien avec le divin qui régit l’univers. Les calculs étaient magie réservée à l’élite religieuse. Pour la construction du temple, l’harmonie des formes rapprochait de la nature, donc des dieux. Un est l’univers, deux la séparation, trois la trinité indoeuropéenne avant celle du Christ, quatre les saisons de l’année, six est la perfection, sept les êtres célestes et les forces spirituelles, huit le symbole de l’infini donc une nouvelle vie et neuf le nombre le plus saint parce que 3 x 3 – trois trinités.

A Garni, un escalier de neuf marches amène au podium (le paradis). La proportion entre le diamètre des colonnes et les espaces libres entre elles est de 1 sur 3 (univers et trinité). Les 24 colonnes symbolisent les nuages et les vapeurs (2+4=6, un nombre de perfection, 24 = 8×3 ou la vie multipliée par la trinité. Le sanctuaire se compose d’un cercle parfait (un) avec 6 cercles à l’intérieur (3+3, nombre parfait). Quatre cercles intérieurs tracent l’endroit où devait être dressée la statue et le feu saint.

Le chemin dallé qui conduit au palais d’été a des pierres de six côtés, les sommets mêmes des orgues basaltiques que nous avons vues pendre en dessous, dans la gorge où nous avons randonné ! Ce palais d’été à deux étages de 15 m sur 40 m servait de maison de fraîcheur, à la limite de la gorge du torrent Azat qui coule cent mètres en contrebas. Le vent frais qui monte devait être bien agréable par des chaleurs telles que celle d’aujourd’hui.

Pour se rafraîchir, les humains pouvaient aussi aller aux thermes romains, construits un peu plus loin, au IIIe siècle (après). Il comprend cinq salles : vestiaire, eau froide, eau, chaude, étuve et bain tiède. Il était chauffé par hypocauste, ces pilotis de brique soutenant un plancher sous lequel on entretenait le feu. Une mosaïque sur le sol réunit jusqu’à quinze couleurs de tesselles. Le fond vert clair de la mer met en relief des dieux de l’océan avec néréides et poissons. Les inscriptions sont en grec mais les visages sont de type oriental. Le texte dit « nous n’eûmes pas un poisson mort ni de la mer ni de l’océan », une autre inscription précise « travaille, mais pas de gain ».

Des familles arméniennes en visite font le tour, leurs ados murés dans leur réserve, trop souvent montés en graine avec la tête trop grosse pour un torse encore fluet. Des gamins du coin s’ébattent tout nu derrière le site, au jaillissement d’un jet d’eau.

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L’aberration Libération sur un sondage

Libé est un journal de gôch ! Qu’on se le dise et qu’on se le répète. Peu lu, mais par des convaincus bobos tombés dans mai 68 quand ils étaient petits, il veut voir l’avenir radieux à chaque lendemain qui vient. Hier est paru le numéro spécial Tonton, exigeant « le droit d’inventer ». Inventer : l’espérance sans cesse déçue sait faire – mais pas l’inventaire. En témoigne ce sondage sidérant publié et commenté en pages 3 à 5 pour la prochaine présidentielle.

Rappelons qu’elle n’est que dans un an et que toute prévision de vote ne peut être qu’aléatoire. On ne connaît même pas l’ensemble des candidats, et surtout pas celui de gauche… Mais le militantisme n’en a que faire. Il n’y en a que pour Dominique Strauss-Kahn. Héritier de Mitterrand, « nommé ministre à 40 ans » par Dieu lui-même, DSK est « né de gauche » et ne peut évoluer autrement. Rocard en témoigne qui le dit le meilleur. Il porterait haut les couleurs sociale-démocrates que le parti socialiste aurait acceptées du bout des lèvres, trois ans auparavant. N’ayons pas peur des mots : « Il y a une opportunité historique pour que la France saisisse l’occasion et serve de cristallisateur à une économie mondiale écologiquement compatible » – dixit Michel Rocard.

Est-ce pour cette propagande à grosse ficelle (quel que soit l’intérêt du candidat DSK – s’il se déclare un jour) que le sondage effectué par la société Viavoice est aussi « léger » ? Il n’a pas été réalisé par internet (comme le fameux du Parisien sur Marine Le Pen en février) mais par téléphone. Mais le lecteur qui connaît un tant soit peu la cuisine sociologique se demande comment on peut extraire des réponses aussi nettes de données aussi réduites et de réponses aussi vagues.

Il a déjà fallu 14 jours pour réaliser les questionnaires, ce qui montre l’ampleur de la tâche. Sur un « échantillon représentatif de la population de 18 ans et plus, méthode des quotas » de 2680 personne… seulement 800 ont répondu, se déclarant formellement « de gauche ». Ils ont seuls été interrogés interminablement sur leurs « valeurs ». De quoi enfoncer nombre de portes ouvertes : fallait-il sonder autant pour ça ? Gageons d’ailleurs que le chiffre rond de » 800 est trop beau pour être vrai et qu’il doit s’agir de 782 ou de 804. Remarquons en passant que seul 29.8% de l’échantillon a répondu. Ce qui veut dire soit que les 70.2% restant se considèrent de droite ou au moins hors de « la gauche » officielle, soit qu’ils sont indifférents à la politique et ne souhaitent pas qu’on les interroge à ce sujet !

En déduire alors quelque chose d’utilisable est une œuvre d’art. Surtout quand le lecteur effaré découvre que sur les 800 répondants aux convictions de gauche, 4% « souhaitent la victoire à l’élection présidentielle » de Nicolas Sarkozy et 6% de Marine Le Pen ! Qui connaît la technique reconnaît aussitôt là la « cuisine » des redressements statistiques que chaque organisme de sondage concocte au doigt mouillé, pour « ajuster » les réponses du maigre échantillon de répondants à la toise de l’échantillon « représentatif ». Certes, plus l’on veut affiner, plus il faut multiplier les appels, et ça coûte cher. Libé n’a pas de sous, il fait donc des sondages au rabais. Pourquoi pas, mais une simple mise en garde sur les données s’imposerait auprès des lecteurs.

Il n’en est rien. Malgré le très faible nombre de personnes « sondées » ici au regard des quelques 17 millions qui avaient porté leur voix sur Ségolène Royal en 2007, ne voilà-t-il pas que Viavoice détermine « trois familles » de gauche en 2011 ? Il y aurait 51% pour la gauche régulatrice, libérale mais sociale-démocrate, voulant conserver un rôle de garde-fou à l’État. 29% serait la gauche défensive, effrayée par les coups de la mondialisation, de l’immigration, des délocalisations. 20% resterait à la gauche alternative, plutôt anticapitaliste et écolo. Pourquoi pas, le tableau paraît assez sympa. Mais n’est-ce pas une trop belle copie pour la technique employée ?

Rien ne sonne mieux aux oreilles de l’espérance que ce qu’elle rêve d’entendre. En 2009, le même Viavoice ne dénombrait pas moins dans la même enquête 5 familles de gauche, « d’importance à peu près égales ». Comment, en 2 ans seulement, voici la gauche recomposée et rassemblée ? En 5 ans on comprendrait (la crise est passée par là, Nicolas Sarkozy aussi) mais en 2 ans, est-ce bien raisonnable ? La classification 2009 laisse d’ailleurs rêveur : interventionniste, sociale-libérale, anticonsumériste, antilibérale et écologiste antisystème. Hop ! Voilà les trois dernières catégories fusionnées en une seule deux ans après, ce qui ne fait plus que 20% du total de gauche affirmé… De qui se moque-t-on ?

La grosse ficelle est là : il s’agit de démontrer par les chiffres, selon des extrapolations tirées par les cheveux, que la gauche est « plus homogène que jamais ». Avec DSK en opérateur de synthèse – comme Mitterrand dont on fête justement (ô hasard !) les trente ans de prise de pouvoir le même jour. Tonton dont le plus fameux mérite affirmé dans l’analyse se résume à cet oxymore : « il parlait déjà à une gauche avide de changement et de protection ». Bien vu Madame Michu ! Pourquoi Giscard a-t-il donc échoué, lui qui prônait « le changement sans le risque » ? Et pourquoi pas le prochain slogan à la Chirac : « je ferai tout pour ne rien faire » ?

Affirmer tout et son contraire sur de minces chiffres récoltés par une enquête low cost vaut-il mieux que la méthode Coué ? On se dit que si la gauche gagne 2012, Libé deviendra la Pravda du régime, comme feu Le Matin de Paris sous Tonton… Les candidats, tout comme ceux qui s’intéressent à la politique autrement qu’en dévots déjà sur les genoux, ignorerons cette propagande. Elle a tout de la copie Science Po et pas grand chose de la technique scientifique du sondage.

Libération du 10 mai 2011, pages 3 à 5, avec interview (intéressante) de Michel Rocard pages 10 et 11.

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