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Mystique écologiste

Europe-écologie-les-verts se cherche, comme d’habitude. Leur nom à rallonge ne les incite pas à se simplifier ; leurs leaders multiples, aux ego affirmés, bataillent comme des chiffonniers sans la noblesse de ce métier qui est de récupérer pour recycler ; d’aucuns ne pensent qu’aux ministères, ne faisant rien une fois nommés, ou démissionnant avec fracas pour oser le coup médiatique. Si les Roses ont encore à dépasser leur Surmoi gauchiste, les Verts ont encore à éradiquer chez eux leurs écolos mystiques.

Car aujourd’hui, leur opinion est faite : nous allons vers la catastrophe, politique, économique, sociale, climatique, écologique.

Pourquoi pas ? Encore faut-il savoir de quoi on parle et en débattre avec des arguments. Les convictions intimes ne suffisent en rien. Surtout quand l’ignorance est reine, permettant tous les fantasmes, poussant à tous les millénarismes les avides de pouvoir exploitant la crédulité des foules. C’est le rôle premier des intellectuels – ceux qui ont acquis un bagage de méthodes et de savoirs – que de remettre en cause la doxa, cette opinion commune chaude et confortable parce que grégaire, mais le plus souvent fondée sur des on-dit et des rumeurs glanées ici ou là sur la toile ou entre complotistes plutôt que sur des faits établis, et fondée sur des instincts et sur des sentiments plutôt que sur des arguments rationnels.

Il en est ainsi de la « biodiversité ». Le constat est clair : des espèces disparaissent, d’autres migrent, certaines apparaissent. Les causes ? Les modifications du climat, les catastrophes naturelles, les autres espèces. Et en premier lieu l’homme qui, depuis 10 000 ans, a entrepris non plus d’être un prédateur nomade parmi d’autres mais de maîtriser en sédentaire la nature. De ce constat factuel (que l’on est loin d’avoir exploré complètement), nous sommes tous d’accord. Mais les écolos mystiques induisent un jugement de valeur : « c’est mal ».

Et c’est sur cela qu’il nous faut réfléchir. Nous, Occidentaux, sommes imbibés de Bible, même si certains se disent laïcs :

  • Nos instincts sont formatés selon le mythe du Paradis terrestre duquel nous aurions été chassés pour avoir (ô scandale !) voulu user de nos capacités intelligentes pour connaître par nous-mêmes. Ne plus simplement subir, ni « obéir » : l’intelligence, voilà le péché originel de l’homme ! D’où l’instinct de « bêtise » qui ne cesse de titiller tous ceux qui se sentent mal à l’aise dans cette liberté humaine. D’où le refuge en l’État, ce fromage protecteur, ou le social-grégaire de l’entre-soi en clubs, mafias, grandes écoles et ghettos urbains des quartiers chics.
  • Nos sentiments tiennent à la gentillette illusion édénique que « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Les ours sont par exemple d’aimables peluches, la mer un liquide amniotique bordé d’un terrain de jeu sablé et les plantes un suc originel qui soigne mieux que les pharmaciens et qu’il ne faut surtout pas « modifier ».
  • Et la raison, dans tout ça ? Elle prend les miettes, ce qui reste après les convictions intimes. Ou plutôt, elle tente de rationaliser des fantasmes et des préjugés, comme souvent.

Par exemple que « la nature » est en-dehors de l’homme. Puisque lui-même est « image de Dieu », on ne saurait confondre le limon vil avec la chair glorieuse… L’homme, exilé sur terre pour éprouver son obéissance (ou son amour fusionnel) avec Dieu, se verra peut-être récompensé (s’il est obéissant) par un retour au Paradis, d’où il fut chassé pour avoir voulu s’égaler au Créateur en voulant connaître (notamment le sexe, qui permet de « reproduire » l’œuvre de Dieu en faisant naître d’autres hommes – quelle horreur !). Qu’est-ce que cette religion vient faire dans un discours écologiste qui se veut appuyé sur “la science” ?

Par exemple que toute action humaine est « mauvaise » par définition, puisque rompant un « équilibre » que “la nature” avait sans lui. Comme si l’être humain était en-dehors de toute “nature”…

Par exemple qu’il faut « conserver » en l’état tout ce qui est « naturel », puisque toute disparition est un appauvrissement du donné paradisiaque originel, toute mutation un danger, toute migration une erreur, cause de conséquences en chaîne. Comme si la création des planètes et l’évolution biologique n’avait pas été une suite de “catastrophes” radicales…

Ces trois exemples de raisonnement faussé constituent bel et bien une « mystique ». Aucun argument rationnel ne parviendra jamais à la percer, car c’est le propre de toute mystique d’être inspirée par l’ailleurs et en butte au rejet du grand nombre. Se sentir initié et entre-soi est une satisfaction bien plus grande qu’avoir raison.

cuir femme nature

Or, cette opinion commune, parce qu’elle gueule plus fort que les autres et qu’elle impressionne les gogos, court les media – toujours avides de sensationnel. Elle contamine les politiques – toujours avides de se trouver « dans le vent » pour capter des voix. L’écologie est une science, respectable et fort utile pour étudier les interactions des espèces dans leur environnement (homme compris). L’écologie est aussi un savoir-vivre humaniste de l’homme dans son milieu, ce que l’historien Braudel appelle tout simplement une « civilisation ». Elle parle du monde qui est occupé par l’homme, et de la terre où l’homme concurrence les autres espèces.

En revanche, l’écologie mystique est une pathologie, un discours délirant à base de fantasmes et de peurs millénaires. C’est contre lui que nous élevons cette critique :

  • contre ceux qui font du paysan l’avatar du clerc au moyen-âge, intermédiaire obligé entre Dieu et les hommes, entre Mère Nature et ses enfants ;
  • contre ceux qui se prennent pour de nouveaux saint Georges, terrassant les dragons de la modernité au nom d’une Inquisition d’ordre religieux : pas touche au « naturel » ! Retour à l’original !

Comme si « la nature » était un donné immanent et pas un éternel changement naturel pour la terre, doublé d’une construction culturelle et historique du monde ! L’écolo illuminé a pour livre de chevet l’Apocalypse de Jean. Il n’en démord pas : l’homme est intrinsèquement « mauvais » et ne peut être « sauvé » que s’il se retire du monde. Concrètement, cela se traduit par :

  • la « résistance » à toute recherche scientifique (au nom du principe de précaution), à toute expérimentation en plein champ (au nom de la terreur de l’apprenti sorcier), à toute industrialisation d’une transformation du vivant (cet orgueil de vouloir créer comme Dieu – ou « la Nature »), et ainsi de suite. Certains vont même jusqu’à refuser les vaccinations et à ne se soigner que par les plantes. On se demande pourquoi ils n’ont pas fait comme ces Américains (toujours pragmatiques) qui (aussi délirants mais pour une autre cause) se sont retirés dans les Rocheuses dès le 15 décembre 1999, avec armes, provisions et manuels de survie, pour y attendre « l’an 2000 ». Les « terreurs » millénaristes renaissaient avec, pour vernis technologique, le Bug. Comme il ne s’est point produit, les apocalyptiques se rabattent sur les OGM (des aliens !), la fin programmée du pétrole (la punition de Sodome et Gomorrhe) et le réchauffement du climat (annonce des feux de l’Enfer).
  • la continence, vieille revendication morale chrétienne, que Malthus a appliqué à l’économie jadis. Pas assez de pétrole ! Pas assez de métaux ! Il faut économiser, se mortifier, ne plus jouir sans entraves (des gadgets, jouets, emballages, moteurs trop puissants, piles électriques, claviers d’ordinateurs, etc.), battre sa coulpe et se réfugier à la campagne (« au désert » disaient les mystiques chrétiens, jadis).
  • l’austérité morale, illustrée par les discours d’un José Bové, selon lesquels « la terre ne ment pas ». Juste ce qu’avait dit un Maréchal de triste mémoire. Avec les références identiques au « fixisme » naturel, au climat qui ne change jamais dans l’histoire de la terre, au « luxe » que serait une humanité vivant dans le confort moderne. Et une méfiance viscérale envers tout ce qui vient de “l’étranger” (mondialisation, OGM, produits bio chinois, bœuf anglais, poulet américain…)

Notez-vous combien tout cela est instinctivement régressif, psychologiquement rigide et mentalement réactionnaire ? Refouler, se contenir, s’arrêter : comme si l’on regrettait un quelconque Paradis avant la Chute, comme si l’on avait la nostalgie des interdits cléricaux, comme si « tout était mieux avant »…

biodiversite pas forcement menacee

Les scientifiques sont bien loin d’avoir cette mystique à la bouche, lorsqu’ils évoquent leurs sujets d’études, car :

  • tout change sans cesse : le climat, les feux de forêt, les équilibres entre espèces – « conserver » ne veut pas dire grand-chose. L’historien Leroy Ladurie a écrit toute une « Histoire du climat depuis l’an mil » qui montre combien alternent les phases de réchauffement et de refroidissement dans les cycles courts de la terre.
  • les perturbations sont utiles aux espèces, à leur diversité, à leur vigueur, par exemple les incendies aux forêts – « protéger » n’a pas cette valeur absolue qui court les médias.
  • l’homme est une espèce comme une autre, dangereuse elle aussi – et il faudrait plutôt apprendre à mieux vivre « avec » l’espace naturel plutôt que « contre », « en dehors » ou fusionné « au dedans ».

Donc, si l’on veut tenir un discours rationnel qui permette de débattre – donc de décider d’une « politique » à mettre en œuvre, il est nécessaire de considérer quatre choses :

  1. première chose, il faut savoir – et l’on sait encore très peu.
  2. deuxième chose, il faut impliquer les gens – et ce n’est pas le discours apocalyptique qui y réussira mais bien plutôt des projets concrets de recyclage, d’économie d’énergie, d’agriculture autrement, de développement durable, et l’éducation.
  3. troisième chose, l’analyse se doit d’être mondiale – et les organismes internationaux restent encore dispersés, soumis aux divers lobbies avides de financement, de bénéfices ou d’audience médiatique.
  4. quatrième chose, l’information doit être transparente ET rationnelle – ce que les médias grand public sont en général loin de livrer ! Et que les lobbies en quête de bénéfices (les industriels) ou de financement (les ONG et les organismes publics de recherche) répugnent à livrer.

Ce n’est qu’avec tout cela qu’on pourra tous débattre – en connaissance de cause. C’est cela, la démocratie…

C’est-à-dire l’exact inverse de la sommation à la Croyance et du chantage à l’Apocalypse que les illuminés utilisent, avec cet art consommé de la manipulation qui fut celui des prêtres catholiques jusqu’après la Révolution et les experts communistes avec Staline. Le chanoine de Nevers s’en désole en 1824 : « La défiance a remplacé la simplicité chrétienne ; sans être plus savants, ils sont devenus plus raisonneurs, plus présomptueux, moins confiants en leurs pasteurs, moins disposés à les croire sur parole. Il ne suffit plus de leur exposer les vérités de la foi ; il faut les leur prouver » (Georges Minois, Histoire de l’enfer, 1994 Que sais-je ? p.114). Eh oui, les Lumières étaient passées par là.

L’obscurantisme, se parût-il d’« écologie », est d’essence « réactionnaire » – au sens de l’Ancien Régime.

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Plages du Finistère nord

Le mythe voudrait que la plage soit un endroit paisible et doux, au sable chaud sous le ciel bleu, les vaguelettes croulant tout à côté.

plage le diben
Ce n’est pas le cas des plages de Bretagne nord, où les côtes sont rudes, déchiquetées de rochers, plantées d’algues, aux marées importantes.

enfants dans les algues
Mais le sable est vaste, s’il est plus blanc que jaune, les enfants y voient un terrain de jeux sans presse.

gamins plage tahiti a carantec
Le cerf-volant y est roi, en raison du vent constant.

cerf volant plage dossenOn joue au sable, à rêver de châteaux, mais non loin des parents.

famille a la plage

L’eau, si elle ne dépasse guère les 17° au plus chaud de l’été, peut être transparente.

Gosses sous l'eau
Elle vivifie, ce qui, lorsqu’il fait vraiment chaud, incite à se tremper tout vêtu. Les filles en sortent plus érotiques.

fille chemise mouillée
Les ados en sont tout émoustillés.

coeur adolescent
Ils restent en slip du matin au soir, sauf quand le vent se lève en fin d’après-midi, ou la pluie.

ados torse nuAuquel cas il se rhabillent, mais très décolleté pour rester en liberté.

apres la plage

D’autres explorent les fonds rocheux en plongée.

retour de plongee
Ou font des environs de la plage un lieu sauvage pour jouer aux naufragés sur une île déserte.

A moins que, même par temps de pluie, ils mettent à l’eau une barque.

sur la greve st jean du doigt
Les « vraies » plages existent cependant, comme à Perros-Guirec, où les familles sont chez elles.

plage perros guirec
Garçons et adultes socialisent même au volley.

volley de plage

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Gauguin amoureux à Tahiti (version alpha : Tehura)

Après le désir pour l’éphèbe, maîtrisé in extremis en le voyant de face (voir note il y a deux jours), vient le désir pour la vahiné. Très jeune, comme de coutume là-bas en ces temps. Voyageant pour se changer les idées et quitter sa maîtresse trop de la ville, il rencontre au hasard une belle maorie d’une quarantaine d’années qui lui demande où il va.

« — Je vais à Itia.

— Pour quoi faire ?

Je ne sais quelle idée me passa par la tête et peut-être sans le savoir disais-je le but réel, secret pour moi-même, de mon voyage :

— Pour y chercher une femme, répondis-je.

— Itia en a beaucoup et des jolies. Tu en veux une ?

— Oui.

— Si tu veux, je vais t’en donner une. C’est ma fille.

— Est-elle jeune ?

— Oui.

— Est-elle bien portante ?

— Oui.

— C’est bien. Va me la chercher.

La femme sortit.

(…) Elle rentra, suivie d’une grande jeune fille qui tenait un petit paquet à la main. A travers la robe, en mousseline rose excessivement transparente, on voyait la peau dorée des épaules et des bras. Deux boutons pointaient dru à la poitrine; sur son visage charmant je ne reconnus pas le type que, jusqu’à ce jour, j’avais vu partout régner dans l’île et sa chevelure aussi était très exceptionnelle, poussée comme la brousse et légèrement crépue. Au soleil tout cela faisait une orgie de chromes. Je sus dans la suite qu’elle était originaire des Tongas.

Quand elle se fut assise auprès de moi, je lui fis quelques questions :

— Tu n’as pas peur de moi ?

— Aïta (non).

— Veux-tu habiter ma case, toujours ?

— Eha (oui).

— Tu n’as jamais été malade ?

— Aïta.

Ce fut tout. Le cœur me battait pendant que la jeune fille, impassible, rangeait par terre, devant moi, sur une grande feuille de bananier, les aliments qui m’étaient offerts. Je mangeai de bon appétit, mais j’étais préoccupé, intimidé. Cette jeune fille, cette enfant d’environ treize années, me charmait et m’épouvantait.

Que se passait-il dans cette âme ? Et c’était moi, moi si vieux pour elle, qui hésitais au moment de signer un contrat si hâtivement conçu et conclu. — Peut-être, pensais-je, la mère a-t-elle ordonné, exigé ; peut-être est-ce un marché qu’elles ont débattu entre elles… et pourtant je voyais bien nettement chez la grande enfant les signes d’indépendance et de fierté qui sont les caractéristiques de sa race.

Ce qui surtout me rassura, c’est qu’elle avait, à n’en pas douter, l’attitude, l’expression sereine qui accompagne, chez les êtres jeunes, une action honorable, louable. Mais le pli moqueur de sa bouche, d’ailleurs bonne et sensuelle, tendre, m’avertissait que le danger était pour moi, non pour elle… une assurance du lendemain, sur la confiance mutuelle, sur la certitude réciproque de l’amour.

Je m’étais remis au travail et le bonheur habitait dans ma maison : il se levait avec le soleil, radieux comme lui. L’or du visage de Tehura inondait de joie et de clarté l’intérieur du logis et le paysage alentour.

Et nous étions tous les deux si parfaitement simples !

Qu’il était bon le matin, d’aller ensemble nous rafraîchir dans le ruisseau voisin, comme au paradis allaient sans doute le premier homme et la première femme.

Paradis tahitien, hâve nave fenua… Et l’Eve de ce Paradis se livre de plus en plus docile, aimante. Je suis embaumé d’elle : Noanoa! »

Paul Gaughin, Noa noa – voyage de Tahiti, 1924, chapitre VII, éditions Bartillat 2011, 135 pages, €9. 63 

Biographie de Gauguin

Peintures de Gauguin 

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François Bourgeon érotique

Lorsque François Bourgeon dessinait ‘Les passagers du vent’ en 1980, ses filles étaient érotiques. Tout le monde les désirait. Les consœurs du couvent, les copains du frère aîné, les matelots de pont, les aspirants… Et les lecteurs mâles, bien sûr ! La France était un pays jeune, en pleine explosion mature des enfants du baby-boom, heureuse d’être elle-même. Elle ne se posait ni la question de son identité, ni celle de son régime politique, elle aspirait à la modernité de toute sa chair, de tout son cœur et de toute son âme.

Mai 68 avait jeté les frocs, les slips et les soutanes aux orties. Les filles étaient nues sous les robes et la vie était belle. Les topless fleurissaient les plages tandis que les marins de vacances hissaient la voile tout nus. C’était avant même que les gilets de sauvages deviennent obligatoires, dont les boudins râpaient les seins et les sangles sciaient les épaules et les cuisses.

Avec la sécurité, il a fallu aller se rhabiller. Avec le SIDA aussi, bien que le Pape, qui ne savait pas comment ça marchait, eût préconisé de mettre la capote à l’index. Avec la crise, c’est aujourd’hui toute la France frileuse qui se met à couvert, soupçonnant tout et tout le monde.

Loin des pudeurs catholiques et bourgeoises imposées aux fanzines de jeunesse qui prohibaient le nu, les seins et surtout les filles jusqu’en 1968, la bande dessinée adulte explosait. Les talents étaient inégaux mais foisonnants. François Bourgeon, jeune alors, était l’un des grands. Il distillait l’amour libre d’une plume fluide et d’une écriture pudique. Sa mise en scène des passions était filmique : a-t-on mieux raccourci les amours de chacun dans ces trois cases où l’on voit Isa et son Hoël s’embrasser, le cuistot et sa chatte se caresser, et le matelot la Garcette bichonner le fil de son arme ? Chacun connaît les amours qu’il peut ou qu’il mérite, vénaux, partagés ou excités.

Seins libres sous les chemises transparentes, les filles ne s’offrent pas à tout le monde mais à qui leur plaît. Nul ne les prend sans qu’elles l’acceptent et la main au sein appelle le genou dans les couilles – aussi sec.

Lorsqu’il y a viol, parce que certains hommes bestiaux profitent de leur force, Bourgeon le suggère par le chat et la souris. Et Mary la violée préfère oublier, donnant une leçon de pardon et d’amour au mousse ado qui a assisté à la scène. Tel est l’amour adulte, qui ne se confond pas avec la baise.

Reste que le désir est cru et qu’il se manifeste. Cela n’est pas immoral mais naturel. Ne pas le maîtriser, ne pas solliciter l’accord du partenaire, voilà qui n’est pas acceptable. Le cœur n’a pas toujours sa place dans l’érotisme, le plaisir parfois suffit, que les vieux pécores traitent d’impudeur.

Mais la culture est là toujours, pour dire que les hommes sont au-dessus des bêtes. Et le nègre face aux chemises qui ne voilent aucune anatomie est plus digne que certains blancs imbus de leur peau et de leurs lourds atours.

François Bourgeon, Les passagers du vent, tomes 1 à 5, 1980-1984, Casterman

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