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Terminator 2 de James Cameron

Un film culte, sorti en 1991 après la guerre du Golfe, suite d’un précédent film sorti en 1984 après l’arrivée de Ronald Reagan au pouvoir. Ce n’est pas anodin : l’Amérique s’est réveillée et craint la guerre totale universelle. Moins celle menée par les Soviétiques ou les Arabes que celle que rend possible la technologie.

Le mot est lancé : ce sont bien les machines qui menacent l’humanité. Et parmi elles, « l’intelligence » artificielle, les processus automatiques sans âme qui reproduisent la bureaucratie anonyme des bas esprits binaires chez qui tout doit être blanc ou noir. L’envoi par « le rectorat » de Versailles de la lettre aux parents de l’adolescent harcelé qui s’est suicidé dans les Yvelines en septembre 2023 montre combien « l’intelligence » artificielle n’est pas réservée aux machines. Et combien le comportement administratif des je-m’en-foutistes et je-t’emmerde-c’est-le-règlement déshumanise les relations humaines.

La fiction veut que la découverte de puces électroniques révolutionnaires ait permis l’automatisation des bombardiers (aujourd’hui les drones) grâce à un processus automatique livré à lui-même (tir à vue sur cibles). L’hubris des militaires – évidemment américains – a poussé à la machinisation poussée de tout le système de défense afin d’éviter les émotions humaines et autres retards de riposte. L’ordinateur qui contrôle les machines, Skynet (le nom est aujourd’hui repris par un site de livraisons), a déclenché la Troisième guerre mondiale en atomisant l’Union soviétique afin d’assurer en riposte la pulvérisation des humains à Washington qui voulaient l’empêcher d’agir et reprendre la main.

Le Skynet du futur avait envoyé en 1984 un Terminator, cyborg tueur T-1000 en « métal liquide », pour éliminer Sarah Connor (Linda Hamilton), mère du futur John Connor qui deviendra chef de la résistance humaine contre les machines. Raté ! Skynet envoie donc un nouveau tueur cyborg en 1995 (Robert Patrick), juste avant le début de la guerre atomique survenue en 1997, pour éliminer John adolescent (Edward Furlong, 13 ans au tournage). Le John du futur, vers ses 45 ans, envoie lui aussi un cyborg afin de le protéger du tueur, mais ce n’est qu’un modèle T-800 plus ancien (Arnold Schwarzenegger). Il est capable d’apprendre, doté d’une IA assez performante (plus que le niveau atteint aujourd’hui par les chercheurs). Le gamin prendra un malin plaisir à lui enseigner ses expressions d’ado de l’époque comme « claque m’en cinq, hasta la vista Baby ou reste cool sac à merde ». Il est aussi capable de sourire, ce que ne fait pas le T-1000. Ces moments d’humour font beaucoup pour l’empathie du spectateur envers John et envers T-800.

La mère découvre en outre que le cyborg serait « un père parfait » pour son fils, elle ayant raté tous ses amants successifs avant d’être internée en hôpital psychiatrique. En effet, la machine est toujours disponible, prête à jouer à tout, sans jamais l’engueuler ou le battre, et le protégera quoi qu’il arrive. Un bizarre féminisme de la part d’une mère devenue quasi androïde dans sa paranoïa… Mais cette relation ado-cyborg est bien le cœur du film, ce qui en fait probablement le meilleur de la série Terminator.

Terminator 2 se voit et se revoit avec plaisir tant il est empli d’action sur fond d’apocalypse, comme notre époque angoissée le chérit. L’ado est assez banal, ni très costaud ni vraiment sexy malgré sa mèche à la mode, mais débrouillard et d’un calme jamais vu à cet âge en de telles circonstances. La mère séduit moins, en névrotique musclée pas très aimante, fascinée par le cliquetis des armes. Les cyborgs sont comme ils se doit : des machines sans âme qui font leur boulot inexorablement (ainsi qu’on demande à tout militaire américain et à tout bureaucrate français). Le T-800 paraît plus sympathique parce qu’on lui a ordonné de protéger un jeune humain et que cette fonction lui donne le comportement d’une figure paternelle. Le T-1000 est implacable et rusé, tout à fait dans son rôle, le visage-masque impassible comme un soviéto-nazi de caricature.

Les effets spéciaux font moins d’effet depuis qu’ils se sont multipliés avec l’électronique au cinéma, mais les séquences cultes ne manquent pas. A commencer par la première qui voit Schwarzenegger sortir tout nu d’une sorte d’œuf électro-magnétique dans la banlieue industrielle de Los Angeles. Sa prestation dans le bar-billard donne le ton : il en impose par sa prestance, sait ce qu’il veut, résiste aux coups et casse toute résistance des machos rockers bikers californiens fort à la mode en ce temps-là. Il obtiendra vêtements, moto et fusil à pompe sans vergogne et descendra les marches sur un riff de guitare électrique mémorable.

Une autre séquence est la poursuite du gamin en moto que menace un énorme truc américain, un camion comme dans Duel de Spielberg. Ce ne sera pas le seul camion à poursuivre les héros mais reste le symbole de la machine macho par excellence qui écrase de sa puissance tout insecte humain sur sa route.

La séquence explosions où la bande des quatre (avec Joe Morton en chercheur coupable) fait tout sauter du labo de technologie de pointe afin d’empêcher (ou de ralentir…) la recherche sur la puce du futur est aussi d’anthologie, avec tirs continus et massacre de bagnoles de flics à l’américaine.

Enfin l’ultime séquence du suicide du cyborg protecteur dans la fonderie, après une violente et douloureuse bagarre avec le cyborg agresseur dont le métal liquide se reforme au gré des formes qu’il prend, reste dans les mémoires comme un moment d’émotion. L’ado a récupéré sa mère mais perd son père de substitution : il devient adulte. Mais l’IA a compris le sens de l’émotion humaine via les larmes. Peut-être est-elle capable de s’humaniser et de quitter le binaire glacé des machines ? C’est du moins le sens que tente maladroitement de suggérer Sarah Connor en voix off.

DVD Terminator 2 – Le jugement dernier (Terminator 2: Judgment Day), James Cameron, 1991, avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton, Robert Patrick, Edward Furlong, Joe Morton, StudioCanal 2017, 2h11, édition remasterisée €9,99 Blu-ray 3D €36,61

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Sabotage de David Ayer

Un film bête, brutal et sexiste, dans le genre américain des années pré-Trump : une mentalité fasciste. « Breacher », surnom qui veut dire bagarreur, casseur (Arnold Schwarzenegger), est à la tête de la force spéciale de la DEA qui s’occupe de drogue au niveau fédéral. En engin blindé, guidés, par une infiltrée déguisée (à peine) en pute, ils prennent d’assaut le repaire d’un cartel mexicain gardé par des forces spéciales guatémaltèques corrompues. Le bâtiment est protégé de grilles, de gardes et de faux-plafonds et tout cela tire en rafales. Le commando s’avance comme à l’entraînement et zigouille un à un tous les « méchants ».

La pute les guide vers le coffre-fort, qui est une pièce blindée remplie de packs de cocaïne et de dollars. Le commando est en direct des supérieurs qui suivent l’opération à la radio. Ils ont « trois minutes » pour agir. Chacun sait ce qu’il a à faire et ce n’est pas très clair au spectateur. Les billets sont mis en sacs plastique et attachés à une corde tandis que deux gros bras descellent les chiottes pour passer le fil dans le trou. Arrivés à 10 millions de dollars, c’est trop tard, les renforts arrivent et il faut dégager. L’un des membres du commando est sérieusement blessé. Le groupe fait tout sauter de la chambre forte, la coca blanche comme les biftons verts. Lorsqu’ils vont en colonne dans les égouts chercher le fil et les billets, plus rien : quelqu’un a coupé la corde et emporté le magot.

Ce qui devait être un financement noir de la DEA (du moins le spectateur peut-il le supposer – sinon pourquoi ensuite les interroger sur les millions ?) devient un casse réalisé par l’un de ceux qui savaient. Les gros bras sont isolés, interrogés sans relâche, mis sur la touche et surveillés pendant six mois. Mais, comme rien ne se passe, on finit par les croire, bien que la confiance ne puisse plus être totale. Breacher récupère « son groupe », mais ce n’est plus une équipe, seulement « un gang ». Chacun se méfie de chacun et le tous n’existe plus. Une métaphore des Etats-Unis à la fin des mandats d’Obama où s’élève le chacun pour soi et le régressif (sexiste, raciste, antisystème).

Juste après « la fête » bourrée d’alcools forts, de grosse bière et de puteries salaces (« on se croirait dans un bordel » dit Schwarzy), le plus con disparaît. Trop bourré pour savoir ce qui lui arrive, il se retrouve en pleine nuit dans son camping-car arrêté en travers d’une voie de chemin de fer, portes verrouillées et clés hors du tableau de bord. Le train le transforme en pâté pour chien « avec morceaux », répandu un peu partout. C’est l’une des caractéristiques du film que le gore, après les scènes de torture du début. La femme et le fils de Breacher ont été enlevés par le cartel et torturés avant d’être tués et des morceaux de leurs corps envoyés au père et mari. Cela parce que le groupe a arrêté le chef du cartel et l’a remis aux Mexicains, ce dont a profité une fliquesse pour le buter. Le sang et les viscères vont orner les images jusqu’à la fin, ajoutant la laideur à la bêtise du film, réduisant l’humain à la bidoche. Le scénario était déjà bas de plafond, le montage découpé à la tronçonneuse avec des retours en arrière en pleine action, et les dialogues dignes d’un vestiaire après match.

Mais ce n’est que le début des disparitions. Un à un, comme les dix petits « nègres » (dont le mot n’est jamais prononcé, quoique Scharze « negger » le contienne), le commando se voit buter. Par qui ? Mystère enrobé d’une énigme. On retrouve le cadavre d’un trio de tueurs, un ex des forces spéciales guatémaltèques avec tatouage caractéristique sur l’épaule. Puis les autres en cadavres au fond d’un lac enrobés de grillage, détail délicat pour empêcher que les gaz de la putréfaction ne les fassent remonter. Du travail de pro. Un membre du commando ? Celui qui aurait piqué le fric ?

C’est l’évidence – et c’est un peu gros mais le scénario est balourd – mais je vous laisse découvrir qui. L’agente de la police du coin (Olivia Williams) qui ramasse les morceaux du premier buté rachète un peu les femmes, fort déconsidérées dans ce film macho où les gros bras jouent les grosses bites, la seule femelle du commando (Mireille Enos) étant une camée ascétique qui baise tout ce qui bouge. Bien que « mariée » à l’un des « membres », elle s’en enfile d’autres et ne décroche pas de la dope. Quant à Schwarzy, il est vieux (67 ans au tournage), lent et sans talent. Il ne sait que foncer et défourailler, visant plutôt mal pour un super entrainé dans la scène de la poursuite en voitures. Les autres sont gras en paroles et bas d’esprit, préférant obéir et se vanter plutôt que réfléchir. Il se feront avoir un à un sans jamais comprendre pourquoi ni par qui.

Un film affligeant où ne surnagent que quelques scènes d’action à grand spectacle dans un magma de scénario mal foutu où la référence aux dix nègres d’Agatha est très lointaine ! Une Amérique qui montre son ventre où fermentent les bas instincts, une honte pour le monde. Mais ça plaît aux fans, mesure du niveau moyen où sont tombés les gens un peu partout sur la planète.

DVD Sabotage, David Ayer, 2014, avec Arnold Schwarzenegger, Sam Worthington, Olivia Williams, Terrence Howard, Joe Manganiello, Metropolitan Video 2014, 1h45, €9.80 blu-ray €11.22

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Total Recall de Paul Verhoeven

La planète Mars et les voyages virtuels, cela revient nettement à la mode, trente ans après la sortie du film ! Dans cette aventure de science-fiction adaptée d’une simple nouvelle de Philip K. Dick (We Can Remember It for You Wholesale – En gros, nous pouvons nous en souvenir pour vous – publiée en 1966) un homme (Arnold Schwarzenegger) sauve la planète rouge d’un prédateur industriel volontiers fasciste, après avoir été manipulé et ses souvenirs réimplantés. Au fond, rien de nouveau sous le soleil américain : les puissants gouvernent et utilisent des esclaves pour parvenir à leurs fins. Quand ceux-ci se révoltent, ils en sont tout surpris, comme si la Providence leur faisait injure : quoi, ne sont-ils pas fait eux-mêmes en élite élue du peuple élu pour bâtir une nouvelle terre promise ?

Doug Quaid, en 2048, fait un cauchemar récurrent. Cela se passe sur Mars – où il est censé n’être jamais allé – avec une belle jeune femme athlétique et brune – alors que la sienne est blonde. Ouvrier au marteau-piqueur sur un chantier terrestre, Doug est obsédé par son inconscient surgi des rêves et cède aux sirènes de la publicité omniprésente dans les métros. La société Rekall (recall = rappel) propose des voyages virtuels moins chers et plus confortables que les voyages réels. Il suffit de paramétrer la machine pour qu’elle implante dans le cerveau des souvenirs aussi réels que ceux qui ont été vécus. Big Brother n’est pas loin, mais privatisé.

L’ouvrier se laisse tenter, pour explorer cette planète rouge dont il rêve chaque nuit. Sa femme est contre mais il passe outre. Il veut savoir, même si la « vérité » ainsi créée n’est au fond qu’alternative – artificielle. Mais le conditionnement se passe mal. Il semble que l’implantation de souvenirs factices entre en conflit avec les souvenirs vécus. Doug Quaid aurait-il déjà été sur Mars ? Dans le rôle d’agent secret hétéro qu’il s’est choisi ? La société Rekall, effrayée des conséquences, ne veut plus rien savoir de lui et le drogue, le rembourse, efface ses données et le colle dans un taxi automatique qui le ramène chez lui. Quatre hommes, dont son ami de chantier Harry, l’attendent et tentent de l’enlever et il ne doit qu’à ses muscles imposants (et à son entrainement passé ?) de les zigouiller tous. Il y aura d’ailleurs au moins une centaine de morts durant le film, le début des années 1990 faisant bon marché de la vie humaine en virtuel. Après les deux guerres du Golfe, l’Afghanistan et les attentats du 11-Septembre, il en sera autrement.

Lorsqu’il raconte son aventure à sa femme, (la venimeuse Sharon Stone), celle-ci appelle « un médecin », son vrai mari crétin (Michael Ironside), puis tente de le descendre au pistolet mitrailleur avec une maladresse aussi invraisemblable que louche. En fait, elle lui avoue cyniquement qu’elle n’est pas sa femme mais chargée de le surveiller ; Doug Quaid n’est pas Doug Quaid mais un autre. Ses souvenirs ont été réimplantés après son séjour sur Mars comme agent secret du patron minier Cohaagen (Ronnie Cox) qui l’a engagé pour découvrir les rebelles sur la planète. Car la lutte des classes existe sur la planète rouge entre ceux qui possèdent les machines à produire de l’air et les autres, qui subissent le monopole.

Quaid assomme celle qu’il croyait son épouse et fuit jusqu’à un hôtel… où le téléphone vidéo ne tarde pas à sonner. Un ancien « ami » lui annonce qu’il dépose une valise que Quaid lui a confié au cas où il disparaîtrait. Comment l’a-t-il retrouvé et pourquoi maintenant ? Ce sont des questions qui n’ont pas de réponse (avant la fin). Dans cette valise, Quaid trouve de l’argent, des cartes d’identité, divers instruments et un ordinateur portable sur lequel une vidéo de Quaid explique qu’il n’est pas Quaid mais celui qui parle : Hauser (comme Gaspard ?). Il doit se rendre sur Mars.

Ce qu’il fait, passant le contrôle déguisé en vieille femme. Mais le système s’enraye, défaillance ironique de la technique en écho à la manipulation technique sur l’humain – et à la dérision sur le « héros » hollywoodien. L’Amérique se moque déjà des Rambo invincibles et des convictions ancrées (alors qu’elles peuvent être suggérées) comme du « transformisme » qui vise à augmenter les capacités humaines : si le résultat dépend d’un bug ou d’un mauvais montage, l’avenir n’est pas rose ! C’est l’occasion d’une course-poursuite avec mitraillages, cassure du dôme de protection (bien fragile pour l’an 2048…) d’où l’air s’échappe, avec des gens aspirés à l’extérieur, en bref un nombre de morts de plus en plus impressionnant.

Le faux Quaid se rend à l’hôtel Hilton dont il se souvient vaguement (le film diffuse plusieurs pubs de grandes marques actuelles en affiches lumineuses sur la place). Sa carte le fait reconnaître du réceptionniste qui lui donne la même suite et le contenu d’un coffre qu’il a retenu avant de partir. Dans ce coffre un seul papier, une affiche d’un club érotique dans Venusville, le quartier chaud de la planète, avec pour mention : « demander Melina ». Il s’y rend, dans un taxi conduit par une espèce de Jamaïcain qui se révélera menteur et mutant en plus de traître (Mel Johnson Jr) – la psychose ironique de l’Etranger pour l’Américain moyen : on ne peut jamais se fier à ces sous-êtres « anormaux » (ni blanc, ni anglo-saxon, ni protestant).

De poursuites en bagarres, Quaid rencontre la brune et athlétique Melina (Rachel Ticotin) – sur le même type qu’il avait choisi en option chez Rekall. Elle ne le croit pas quand il dit ne plus se souvenir. Peu à peu la réalité lui sera révélée : il était le sbire du puissant patron des mines qui garde son monopole de l’air produit sur Mars en protégeant un secret bien gardé : les réacteurs construits par les séléniens aptes à reconstituer une atmosphère sur Mars grâce à la calotte glacière souterraine. De fil en aiguille, et de combats en morts supplémentaires, Quaid parviendra avec l’aide de Melina et des rebelles à contrer l’industriel, à actionner le réacteur et à sauver la planète à la fois de l’asservissement et de la misère. Pas mal pour un futur gouverneur de Californie ! A moins que cela ne soit qu’un rêve… la dernière image sème le doute, exprès.

Nous sommes dans la bande dessinée façon geek, aussi absurde qu’invraisemblable mais le film ne manque pas de moments cocasses qui restent à la mémoire des années après, comme cet écran de contrôle du métro où les surveillants voient passer les squelettes – jusqu’à ce qu’une arme apparaisse en rouge -, le rat baladeur de la puce de suivi de Quaid, la pute mutante à double paire de seins, le chef des rebelles enceint d’un mutant intuitif, l’usage facétieux des hologrammes pour duper la milice bornée du dirigeant, et ainsi de suite. De l’action, de l’ironie, une fin optimiste – voilà un bon divertissement que j’ai revu avec plaisir.

DVD Total Recall, Paul Verhoeven, 1990, avec Arnold Schwarzenegger, Rachel Ticotin, Sharon Stone, Ronny Cox, Michael Ironside, StudioCanal 2003, 1h50, €6.80

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Double détente de Walter Hill

Un Schwarzy au mieux de sa forme (40 ans), c’est du lourd ! Le film commence par une grosse bagarre à poil entre mecs dans la neige, tournée en Autriche. Dès cette première scène, tout est cadré : le film est macho au possible, les filles n’étant que des comparses en général assez niaises.

Mais nous sommes en 1988 et l’URSS existe encore (…pour 3 ans). Des signes de dégel se font jour, « le capitalisme » tente de plus en plus les fonctionnarisés à vie. Le film est un duel entre systèmes, l’ordre carcan du socialisme réel et l’anarchie libertaire du système américain : en gros Schwarzenegger le taiseux efficace et Belushi le bavard bordélique. Il ne faut y voir rien de plus car tout est simple dans ce film centré sur l’action.

Le capitaine de la milice soviétique Danko (Schwarzenegger) traque les trafiquants de drogue qui voudraient importer de la cocaïne à Moscou – comme par hasard des minorités géorgiennes (aussi méprisés que les Noirs aux Etats-Unis). Le gang est dirigé par la vraiment sale gueule de Viktor (Ed O’Ross) qui passe la drogue dans la jambe de bois de son frère. Comme celui-ci résiste et fait feu lors d’une arrestation, Danko l’abat d’une balle. Viktor, en s’enfuyant, descend traitreusement le copain de Danko d’un pistolet dissimulé dans sa manche. Un partout, mais l’honneur n’est pas du côté trafiquant. La haine, la ruse, le mépris de la vie humaine sont le lot des « crapules ». C’est le cas en URSS socialiste comme aux Etats-Unis capitalistes. La police, dans les deux pays, est chargée de la même mission : contenir le crime pour assurer un semblant de justice.

Viktor ayant fui aux Etats-Unis, où il a fait un mariage blanc pour 10 000 $ afin d’acquérir la nationalité, Danko est chargé par son colonel de le ramener. Il fait la connaissance de Ridzik (James Belushi), lieutenant de la police de Chicago chargé de l’interface. Le trafiquant a en effet été pris dans un banal contrôle de police pour conduite sans permis et l’URSS, qui tient à laver son linge sale en famille, a demandé son extradition. Comme il était marié sous un faux nom, celle-ci ne pose aucun problème juridique.

Un film d’action simpliste ne va d’ailleurs pas s’embarrasser du droit : Danko au « résident » à batte de baseball prête à s’abattre sur sa bagnole : « Tu connais Miranda ? – C’est qui cette pute ? » Paf ! un bourre-pif bien ajusté envoie valser l’imbécile menaçant. Les droits de chacun ? « En Union soviétique, seulement après deux jours crapule a droits » (roulez les R à l’autrichienne ou à la russe pour faire encore plus vrai). La drogue ? Danko : « Les Chinois ont trouvé le truc. Juste après la révolution, ils ont rassemblé tous les trafiquants de drogue, les ont collés dans un parc public et fusillés d’une balle dans la nuque. » Ridzik : « – Ah, ça ne marcherait jamais ici. Ces enculés de politiciens ne seraient pas partants ». Danko : « – Fusillez-les en premier. »

Tout devrait donc être réglé franco et le prisonnier est extrait de sa cellule, menotté à Danko, et accompagné à l’aéroport par le flic de Chicago pour le premier avion. Sauf que Viktor a entrepris une grosse transaction pour acquérir de la drogue auprès d’un gang de « révolutionnaires » noirs menés par le prophète aveugle en tôle Abdul (Brent Jennings). Il oblige tous ses affidés à se raser le crâne, d’où leur surnom de « têtes d’œuf ». Une horde de Noirs armés de pistolets automatiques joue les transporteurs de fonds (selon le simplisme du film : faibles, ils ne se déplacent qu’en horde). Ils pénètrent dans le hall de l’aéroport ouvert à tous vents à cette époque et assomment Danko, seul l’un d’eux se fait descendre par l’habile capitaine. Belushi, parti – comme d’habitude – s’acheter un truc, ne peut qu’arriver trop tard.

Ce sont donc les compères flics qui vont être chargés, à la fois par Moscou et par Chicago, de retrouver Viktor. Objectif commun de l’Est et de l’Ouest : lutter contre la drogue. D’où traque, poursuites, bagarres, fusillades, meurtres. La femme de complaisance de Viktor aide la police parce qu’elle veut se sortir de « ce merdier » mais elle finit étranglée et jetée à l’eau, son petit copain déguisé en infirmière sexy descendu de quatre balles bien groupées.

Viktor n’a aucune pitié pour quiconque ; il va même baiser ses fournisseurs noirs, par mépris pour ces racailles qui s’affichent « révolutionnaires » alors que « le seul marxiste, ici, c’est moi », affirme-t-il. Ce qui nous donne une belle scène de ruse où il désigne à la horde qui l’accompagne et le surveille la « chambre 302 » alors qu’il a bien lu sur le registre « chambre 303 » de l’hôtel où Danko est descendu. Il veut récupérer la clé de consigne qui lui donnera accès à l’argent pour acheter la cocaïne. La horde va évidemment tomber dans le panneau et foncer avec tous ses petits neurones en marche pour mitrailler la douche où « il » est censé se cacher. Sauf que « il » n’est pas Danko mais un client d’une pute noire à poil dont le spectateur peut admirer les seins nus haut perchés (aujourd’hui au cinéma, ce serait niet ! – progrès de la bêtise puritaine).

Tout se termine par un duel de western entre deux autocars conduits l’un par Viktor, l’autre par Danko. Ils se font face et foncent droit l’un sur l’autre, le premier qui cane a perdu. Très macho et très ado, comme les voitures dans La fureur de vivre ou le tank et l’hélicoptère dans Rambo 3

N’attendez rien d’autre de ce film que de l’action (bien menée), des remarques (à l’emporte-pièce) et des cascades (spectaculaires). Le meilleur du genre années cool yankees 1980. Et l’on passe une bonne soirée – au second degré.

DVD Double détente (Red Heat) de Walter Hill, 1988, avec Arnold Schwarzenegger, James Belushi, Peter Boyle, Ed O’Ross, StudioCanal 2004, 1h39, blu-ray €9.99, standard €6.99

Quadruple DVD Schwarzenegger : Le contrat + Double détente + Total Recall + Terminator 2, StudioCanal 2014, €14.99

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David Le Breton, Anthropologie du corps et de la modernité

david le breton atnthropologie du corps et de la modernite
David Le Breton nous offre, dans cette étude de 1990, une étude de l’homme via son corps. Ce fil conducteur est un miroir de la société car toute existence est corporelle. Le corps est une construction symbolique bien avant d’être une réalité en soi.

Avant l’ère moderne, le corps n’était qu’une part du grand tout ; dans les sociétés traditionnelles, le corps ne se distingue pas de la personne. Chez les Canaques, le corps humain est une excroissance du végétal dont il est frère. Dans nos campagnes, les « sorts » ou les pratiques des « guérisseurs » sont du même ordre : le corps n’est qu’une partie d’une communauté humaine. Cette dernière agit sur lui et lui-même est influencé par les forces impersonnelles du cosmos.

Durant le Carnaval, les corps se mêlent en un tout sans tabou, portant la communauté charnelle à l’incandescence ; « tout est permis », impossible de se tenir à l’écart de la ferveur populaire dont on est. La mêlée confuse se moque de tout, des usages, des préceptes et de la religion. Le corps rabelaisien est de ce type « populaire », prémoderne : grotesque, débordant de vitalité, toujours prêt à se mêler à la foule, buvant, bouffant, rotant, pétant, riant (« le rire est le propre de l’homme »). Ce corps-là est indiscernable de ses semblables, ouvert, en contact avec la terre et avec les étoiles, transgressant toutes limites. Ce corps populaire vante tout ce qui ouvre vers l’univers, les orifices où il pénètre, les protubérances qui le frottent : bouche bée, vit raide, seins dressés, gros ventre, nez allumé… Le corps déborde, vit dans la plénitude accouplement, grossesse, bien-manger, besoins naturels. Tout cet inverse qui fait « honte » à la société bourgeoise dont la discipline est le maître-mot.

bacchus rabelaisien

Pour les Chrétiens, l’âme s’en détachait déjà, mais le corps devait renaître intact au Jugement Dernier. D’où le long tabou qui a jeté l’anathème sur toute dissection. L’ère moderne a commencé avec l’anatomie et l’historien du moyen-âge Jacques Le Goff souligne combien les professions « de sang », barbiers, bouchers, bourreaux, sont méprisés. La dissection transgressait le tabou religieux mais faisait avancer la médecine comme le savoir. Le médecin se gardait bien d’ailleurs de toucher au sang, laissant cette impure besogne au barbier. Il gardait la plus grande distance possible entre le corps malade et le savoir médecin (voir Molière).

jambes des filles

La philosophie individualiste, retrouvée des Grecs à la Renaissance et poussée par les marchands qui voyageaient hors des étroites communautés, a « inventé » le visage, miroir de l’âme, signature individuelle, délaissant la bouche, organe avide du contact avec les autres par la parole, le manger, le baiser. Les yeux (re)deviennent les organes du savoir, du détachement, de la distance. Dès le 15ème siècle le portrait, détaché de toute référence religieuse, prend son essor dans la peinture. Le visage est la partie du corps la plus individuelle, la signature de la personne, qui reste d’ailleurs sur notre moderne carte d’identité.

Le corps-curiosité est devenu peu à peu corps-machine, mis en pièce par la dissection de Vésale, mécanique selon Descartes, « animal-machine » que l’âme (distincte) investit pour un temps. Le corps sur le modèle mécanique est désiré par l’industrie naissante comme par les dictatures « démocratiques » qui ont renversé les rois. Usines, écoles, casernes, hôpitaux, prisons, analysés par Michel Foucault, jalonnent l’emprise d’État sur les corps – particulièrement forte en France – « terre de commandement » – et qui demeure dans les esprits (yaka obliger, yaka taxer, yaka sévir). Une anatomie politique est née, d’où nous sommes issus, la structure individualiste fait du corps un ‘sujet’, objet privilégié d’un façonnement et d’une volonté de maîtrise. Le corps moderne implique la coupure avec les autres, avec le cosmos et avec soi-même : on « a » un corps plus qu’on « est » son corps.

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La médecine aujourd’hui tend à considérer le corps comme une tuyauterie susceptible de dysfonctionnements ; le médecin d’hôpital agit comme un garagiste, diagnostiquant la panne et réparant seulement l’organe endommagé. Il vise à soigner la maladie, pas le malade. L’absence d’humain dans cette conception des choses fait que nombre de « patients » se veulent considérés en leur tout et ont recours, pour ce faire, aux « médecines » parallèles, fort peu scientifiques mais nettement plus efficaces en termes psychologiques. C’est pourquoi peuvent cohabiter encore la science la plus avancée et les pratiques chamaniques les plus archaïques.

bonne soeur et seins nus

Le corps réenvahit la vie quotidienne dans les médias, les cours de récréation, les sports extrêmes, les bruits et les odeurs. Le bien-être, le bien-paraître, la passion de l’effort et du risque – mais aussi le narcissisme, le culte de la performance, l’obsession du paraître – sont des soucis modernes. Ce corps imaginé devient un faire-valoir. Il nous faut être en forme, bodybuildé et mangeant bio, soucieux de diététique, nourri aux soins cosmétiques et pratiquant la course ou la glisse, l’escalade ou l’aventure. Plus que jamais, l’individu « paraît » son corps (d’autant plus qu’il « est » moins à l’intérieur).

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Et pourtant, l’effacement ritualisé subsiste. Je l’ai noté souvent sur les continents étrangers, la répugnance occidentale au « contact » physique est particulière, extrême sur toute la planète. Le handicap physique est angoissant, donc repoussé du regard, ignoré. Exposé plus qu’avant aux regards, le corps « libéré » est aussi escamoté, car seul le corps idéal est offert en pâture ; le corps réel demeure caché, vêtu, honteux. Notamment le corps qui vieillit, qui ne répond plus parfaitement aux nouveaux canons de la mode « jeune » véhiculée par la publicité.

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Il n’y aura véritable « libération » des corps que lorsque le fantasme du corps jeune, beau, lisse, puissant et physiquement sans défauts aura disparu. Nous ne sommes pas tous des Léonardo di Caprio mignons avec la sexualité de Rocco Siffredi, les muscles du gouverneur Schwarzenegger, l’intelligence subtile d’Hannibal Lecter et le cœur humaniste de Philippe Noiret… Mes lectrices remplaceront les noms selon leurs fantasmes ; il paraît d’ailleurs que Brad Pitt remporte la palme, peut-être parce qu’il a des muscles de camionneur et un sourire de gamin.

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Ce pourquoi une vague aspiration pousse la médecine à pallier le réel. Avortement thérapeutique, procréation assistée, clonage, choix des gènes – sont des manipulations du corps qui hantent les fantasmes de perfection et de reproduction narcissique de soi. La peur de la mort encourage les prothèses, les greffes, fait rêver de bionique. Le corps reste présent même en pièces détachées, lorsqu’il doit être « réparé » par des greffes ou mis au monde sans femme.

Écrit aisément, lisible sans être aucunement spécialiste, cultivé et au fait des questions contemporaines sur la médecine, l’hôpital, l’imagerie médicale et l’acharnement thérapeutique, la psychanalyse et les « alternatifs », voici un ouvrage court qui fait penser. Où l’on voit que ce livre d’étude de l’homme, loin d’être réservé aux spécialistes ou cantonné à son univers folklorique, parle de ce qui est le plus actuel : nous-mêmes.

David Le Breton, Anthropologie du corps et de la modernité, 1990, PUF Quadrige 2013, 335 pages, €15.00

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