Il s’agit d’un ex-musée de la RSS de Lituanie jusqu’à l’indépendance en août 1991. Peu de choses avant le XXe siècle hélas – tout le reste a été détruit par la guerre, les nazis d’abord puis les russes soviétiques pour ce qui restait. Deux pièces reconstituent des salons bourgeois 19e avec des reproductions de sculptures comme la Vénus de Milo (deux fois), un buste de Voltaire, des gravures, des tableaux de paysages italiens, des portraits. Je note trois statues de bois dont un Christ langoureux du 16ème, deux tableaux romantiques exaltant la paysanne lituanienne de Kanutas Ruseckas en 1844 et 1847 – tout le reste est contemporain.
Dans le « contemporain », il s’agit de « déconstruire », même si cette mode des années 1960 apparaît plutôt ringarde aujourd’hui. Effacer le personnage du tableau pour livrer le mobilier brut, comme tiré d’un catalogue Ikéa, commencer par la couleur avant de mettre le gris, peindre les formes avant de dessiner les traits, sont des fantaisies pour explorer ce qui ne se faisait pas, mais elles trouvent vite leurs limites. C’est ainsi que la dernière salle présente plusieurs tableaux grand format d’oranges fruits alignées dans un bac, peintes en 2019 par une artiste dont je n’ai pas même fait l’effort de retenir le nom. C’est plus décoratif qu’artiste. Il s’agit, selon les explications de la guide spécialisée du musée, de « dénoncer la société de consommation » par la profusion des oranges alignées, mais en même temps de « dénoncer le totalitarisme du collectif » qui met toutes les oranges dans la même caisse alors que chacune est différente l’une de l’autre. C’est encore, suivant la guide très au fait du sujet, un rappel « des immigrés que nous voyons comme une masse anonyme alors qu’ils ont chacun une identité ». On peut ainsi multiplier les points de vue, sans que cela ajoute grand-chose à ce que nous voyons et ressentons. Je ne crois pas que la pensée abstraite puisse remplacer la sensibilité en art.
En face du musée se situe l’Institut culturel français avec une librairie et une plaque rappelant que Stendhal a vécu là, comme intendant de la Grande armée de Napoléon en décembre 1812. Sur la place juste derrière se situe l’ambassade de France. En face, le monument à Adam Mickiewicz (1798-1855), poète romantique et militant patriotique polonais.
Sur la place, l’église orthodoxe de saint Parascève. Elle aurait été bâtie, selon la légende, par Marie, l’épouse du grand-duc Algirdas, en 1345 – sur l’emplacement d’un temple païen au dieu Ragutis – dieu du levain qui fait la bière… Le tsar Pierre 1er l’aurait visitée en 1705 et y aurait fait baptiser son filleul, le nègre Hannibal, esclave affranchi qu’il maria ultérieurement à une Russe et qui sera le grand-père de l’écrivain russe Alexandre Pouchkine auteur d’Eugène Onéguine et de Boris Godounov. Le bâtiment actuel date de 1865.
Nous pouvons regarder de vieilles photos noir et blanc de la ville au début du XXe siècle, sur la place de l’ambassade de France. Les collégiens y figurent en uniforme, à l’allemande ou à la russe, portant casquette. Les gamins sont pieds nus. Il y a des fiacres, des robes longues, des chapeaux haut-de-forme – et des inondations.








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