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A la saint Glinglin

Qui n’a pas entendu cette expression courante qui veut dire jamais ?

Mais un saint est un saint et un juriste normand, subtil comme tous les descendants de Vikings férus de droit et de procédures, a jugé que « payer à la saint Glinglin » ne voulait pas dire ne payer jamais mais… à la fête de tous les saints, puisqu’à la Toussaint – comme son nom l’indique – absolument TOUS les saints sont fêtés. Tel est pris qui croyait prendre !

Glinglin est parfois appelé Clinclin ou même Gay à Liège en Belgique, « cité ardente » comme chacun sait. J’ai eu un ex-condisciple de Science po devenu par hasard collègue en gestion de patrimoine appelé Glain, avec un a entre l et i comme un vit entre deux fesses – il est d’ailleurs mort de la peste des années 80. Nous cherchions la date du saint pour lui fêter, mais vainement. J’en sais plus désormais grâce au dictionnaire de Jacques Merceron.

L’expression serait née au XIXe siècle dans l’argot, reprise par certains romans populaires. La Première guerre mondiale va la populariser via les Poilus de retour dans leurs provinces. Raymond Queneau lui rendra l’hommage de tout un livre en 1948 : Saint Glinglin.

Cling en français et klingen en allemand veulent dire sonner et Glinglin viendrait de là : branler les cloches. Le mot « saint » accolé à Glinglin serait lui-même une déformation de cloche : sin, sing, saing, seyn – dérivé du latin signum pour signal, s’est déporté en bas-latin pour désigner la sonnerie de cloche.

Les cloches avaient le pouvoir de prédire l’avenir comme son entre ciel et terre – et rappel de l’au-delà chrétien. C’est ainsi que l’on sonne pour que l’âme des défunts monte vers le paradis, mais aussi pour signaler aux humains un danger imminent. La trompette du Jugement dernier serait devenue cloche dans le folklore médiéval, incitant à désigner Glinglin comme la fin des temps.

Vous savez tout sur le Glinglin !

Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, Seuil 2002, 1293 pages, €35,50

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Frayeurs de Lucio Fulci

Tous les ingrédients gore d’un film d’horreur sont réunis par un réalisateur italien qui situe l’intrigue dans l’Etat de New York. L’univers américain intoxiqué de Bible ressort tous ses poncifs pour rassurer le spectateur : il est bien dans une scène mythique, convenue, dans le genre à la mode, bien loin de notre univers d’Europe qui préfère la Halle aux vins à l’Halloween. Mais le découpage des séquences, les ombres crues des images, le maquillage très réussi de Franco Rufini et la musique originale et lancinante de Fabio Frizzi engagent les sens et font passer un moment captivant.

Une médium (Catriona MacColl) entre en catalepsie dans un immeuble bourgeois de New York lors d’une séance de spiritisme où elle a entrevu des faits épouvantables : un prêtre de 34 ans s’est pendu (Fabrizio Jovine), dans le cimetière de son église de la petite ville de Dunwich (référence au pape du fantastique : Lovecraft). Est gravée dans le cimetière cette maxime : « L’âme qui souhaite ardemment l’éternité échappera à la mort » : peut-être le curé voulait-il transgresser l’ordre divin par orgueil en souhaitant l’éternité ? Le père s’appelle Thomas, celui qui a besoin de toucher pour croire ; son adversaire médium s’appelle Mary, mère de Dieu si l’on peut dire ; l’enfant « innocent » (Luca Venantini) s’appelle John-John, comme le fils de Kennedy : la lutte irrémédiable entre le Bien et le Mal, base de la mentalité chrétienne (pourtant plus nuancée que ce manichéisme) est en place pour le film.

Personne ne sait ou ne veut savoir où est cette bourgade (inventée) de Dunwich. Elle est réputée maudite car bâtie sur l’ancienne Salem où des « sorcières » ont sévi, que les habitants ont brûlées. Double crime qui enracine « le Mal » sur la terre, d’autant que les habitants continuent à « pécher » : le croque-mort rafle les bijoux, le mauvais garçon viole les filles, le cafetier ne pense qu’au fric. En se supprimant contre la volonté de Dieu (ne serait-il ni omniscient ni omniprésent ?), le prêtre a « laissé ouvertes les portes de l’Enfer » – on se demande pourquoi. Les morts peuvent donc revenir – c’est là où le réalisateur veut en venir.

Et ils reviennent. S’évadant des cercueils, se déterrant tout seuls du cimetière, apparaissant aux fenêtres, hypnotisant les humains terrifiés par leur regard mort jusqu’à les faire mourir de frayeur. Le funérarium est tenu par Moriarty et fils, référence à l’ennemi implacable de Sherlock Holmes, le Mal incarné. Une jeune fille (Antonella Interlenghi) qui va rejoindre son mauvais garçon (Giovanni Lombardo Radice) dans un garage le soir est agrippée par le chignon et décervelée (giclement pâteux du meilleur effet), un couple « innocent » (l’univers des films américains adore l’innocence apparente) qui se baisait en voiture dans un lieu écarté pleure du sang, dégueule des tripes et « disparaît » en petit tas sanglant, le mauvais garçon est trépané à la chignole par le père hystérique de la jeune fille (ces deux scènes furent censurées à la sortie du film en France), un jeune gamin de 10 ans (joues rondes et cheveux dans le cou, le prototype de ces années-là) suffoque d’épouvante le soir en pyjama lorsqu’il entrevoit sa sœur morte à la fenêtre, toute rongée de vers.

Un journaliste (Christopher George), toujours ce fouille-merdes honni par Trump qui recherche « la vérité » au lieu de simplement « croire », sent le scoop derrière la mort suspecte de la médium. Il sera châtié pour cet orgueil mais son enquête le conduit d’abord au cimetière où on l’enterre, après un refus de la police de commenter ce décès hors normes qui ne fait pas bien dans ses statistiques. Par hasard et parce qu’il s’attarde alors que les fossoyeurs partent à cause de « l’horaire syndical » (nous sommes avant l’ère Reagan), il entend des coups et des cris : la morte n’est pas morte et se réveille (référence à Edgar Poe) ! Il défonce le cercueil à coups de pioche (les instruments restent abandonnés là par je-m’en-foutisme syndical post-68) et délivre la belle.

Il en apprend dès lors un peu plus. « Dans le livre d’Enoch, le Mal », etc… Il part donc trouver Dunwich avec la medium : pourquoi faire ? On ne sait guère, sinon qu’il faut « sauver le monde de l’Apocalypse du Mal » – et ce « avant minuit de la Toussaint » (Halloween Outre-Atlantique).  Comment faire une fois arrivé ? On ne sait pas.

Il s’agit simplement « d’être là » pour les besoins du scénario, de vivre l’horreur comme les autres, de retrouver les éprouvés dont « le docteur » psychiatre rationnel (Carlo de Mejo) voisin du gamin John-John, de descendre en caveau et d’arpenter la nécropole souterraine, avant de « faire quelque chose ». Cette impréparation malgré la « voyance » et les références précises « au livre d’Enoch » a quelque chose de stupide et passe mal en nos années critiques. S’apercevoir qu’il suffit de crever une seconde fois le corps du prêtre pour que tous les morts re-nés brûlent (en enfer ?) est plutôt benêt. Mais le spectateur est censé être entraîné dans les séquences d’images horribles et terrifiantes, et il l’est : apparitions fantomatiques glaçantes, visages rongés aux vers, morsures sanglantes, pluie d’asticots grouillants (comme les Oiseaux d’Hitchcock), vent lugubre, brouillard frissonnant, obscurité propice…

Jusqu’à la fin énigmatique où l’enfant John-John, échappé de l’horreur entre deux flics, court vers la medium et… mais sont-ils dans le même univers ? Un cri hurlé en ouverture, un cri hurlé en fermeture : le bal des morts-vivants peut continuer !

Grand prix du public au festival du film fantastique de Paris 1980

DVD Frayeurs (La Paura, nella citta dei morti vivanti), Lucio Fulci, 1980, avec Christopher George, Catriona MacColl, Carlo de Mejo, Antonella Interlenghi, Giovanni Lombardo Radice, Daniela Dorla, Fabrizio Jovine, Luca Venantini, 1h33, Neo Publishing 2006, standard €16.95 blu-ray €29.99

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Paris atout seins

Le temps est beau, en automne,

Paris s’ébroue, monotone.

Il y a des seins partout

Sous les chemises et les cous,

De durs seins pétrifiés

Sur ces statues oubliées,

De tendres seins juvéniles

A l’échancrure fébrile.

Paris est beau, en automne,

Le temps passe monotone.

Aux arbres les feuilles jaunissent,

Dessous les enfants grandissent,

Occupés tout à leurs jeux

Sous les regards envieux.

Et que voguent les bateaux,

Ou les feuilles sur les eaux,

Que s’élancent les ballons

Des petits bruns ou des blonds.

Adultes las, enfants sains –

Et ce sera la Toussaint.

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Des soins au cimetière à Tahiti

L’huile de tamanu est une huile appelée autrefois « huile sacrée », c’est dire ! Utilisée depuis toujours dans la médecine traditionnelle des Polynésiens et encore de nos jours les bébés polynésiens sont oints de la tête aux pieds pour empêcher les piqûres de moustiques, les rougeurs des fesses, ou tout simplement les masser. Quelle chance ont les bébés polynésiens !

Côté thérapeutique, l’huile de tamanu est utilisée pour soigner les infections de la peau, même pour les ulcères et les escarres, dans le traitement des brûlures, des plaies atones et post-opératoires. En cosmétique, elle est utilisée pour son pouvoir régénérateur sur la peau et les cellules (préparation de produits anti-âge, crèmes apaisantes et réparation des dégâts produits par le soleil).

Au marché de Papeete, vous trouverez de quoi lutter et soigner psoriasis, eczéma, rosacea, bobos dus aux staphylocoques, plaies infectées, varicelle, acné, herpès et champignons. Feuilles et écorces séchées sous forme émiettées y sont vendues. Verser dans l’eau bouillante et laisser infuser 10 minutes. Verser cette infusion dans un bain tiède et trempez votre corps entier ou seulement une partie. On peut aussi faire des applications locales. Le tamanu en tisane peut servir comme anti-inflammatoire sur les œdèmes, les douleurs articulaires, musculaires et même osseuses. On prête aussi au tamanu des activités immuno-modulatrices, anticancéreuses, anti-inflammatoires, antibactériennes et antifongiques prouvées. Le tamanu a également des propriétés anti-oxydantes très fortes. Merci Seigneur, comme disent les Tahitiens.

CIMETIERE PAPEARI TOUSSAINT 2014

Le chikungunya s’installe en Polynésie, Papeari a débuté l’épidémie. Ça fonctionne bien car il a fait des émules dans d’autres districts. On a pulvérisé à Papeari quelques quartiers, puis on l’aurait vu (le moustique) à Punaauia, à Taiarapu-Est, à Faaone, maintenant partout sur Tahiti ; il s’est même exporté aux Raromatai (Iles sous le Vent) à la faveur de la course de va ’a Hawaiki Nui. Les médecins ne chôment pas. La fièvre est élevée, les douleurs articulaires invalidantes aux poignets, genoux, hanches, avec une éruption cutanée plus ou moins forte. De 400 à 500 personnes touchées, on a dépassé (si j’en crois les nouvelles) les 3 000 à Tahiti.

LA course, la course mythique, la 23e édition, 128,5 km en trois étapes est la course de va ’a (pirogues) Hawaiki Nui. Tous les Polynésiens sont rivés qui à la télé, qui à la radio, qui à l’Internet. Cette année quelques équipes étrangères sont venues participer à cette grande épreuve. Il faut mobiliser les avions d’Air Tahiti pour conduire les équipes à Huahine, expédier les va’a par bateau où elles seront pesées avant de prendre part à la course. La 1ère étape part de Huahine pour rallier Raiatea soit 44,5 km. La seconde étape se déroule dans le lagon de Taha’a, l’île vanille, sur 26 km. Le vendredi, pour la dernière étape, partis de Patio à Taha’a il faut rallier Bora Bora soit 58,2 km à la rame sur les va’a V6. EDT Va’a A a gagné les 3 étapes, bravo. Pour vous, juste un petit conseil, commencez votre entraînement dès aujourd’hui pour avoir une toute petite chance de figurer !

PAPEARI TOUSSAINT 2014

A la Toussaint, les marchands de sable étaient à pied d’œuvre. Non, non, pas le marchand de sable de Nounours et Pimprenelle, mais du vrai sable à répandre sur les tombes, surtout blanc en provenance des îles. Un sac de 20 kilos ? 1 200 XPF S.V.P. Le sable blanc vient principalement de Taha’a ou Bora Bora (Iles sous le vent), le sable rose de Tikehau (Tuamotu). Tous ces efforts pour embellir les tombes et se faire, pour les revendeurs, un peu de moni (pépettes) ! Les fleurs déposées là aussi sont de plus en plus des fleurs artificielles. Celles-là n’attireront peut-être pas les voleurs. Sous le soleil, le cimetière est magnifique, non ?

Hiata de Tahiti

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Motu de Kauehi

Nous continuons notre promenade. Le motu principal est long. Après la pension, l’aéroport, le village, quelques rares habitations isolées, d’anciennes fermes perlières abandonnées dont les bâtiments continuent de rouiller dans le lagon, les cocoteraies qu’une association avait commencé à nettoyer et à régénérer, nous restons toujours sur la piste.

KAUEHI MARE A KOPARA DE PATAMURE

JC nous montre les lagunes, grandes mares d’eau saumâtre où les pati’i (Chanos chanos) grandissent. La mare à kopara est un univers clos où la vie semble retenir son souffle. Le poisson-lait est un animal quasiment légendaire. Lorsque les eaux de l’océan sont en furie, la mer pénètre dans les cocoteraies, inonde des atolls  se confondant avec leur lagon. Les Chanos chanos suivent les flots, abandonnent l’océan et s’aventurent « à terre » ! Persona non grata ? Non, ils ne repartent pas après les tempêtes et se laissent piéger dans les mares formées après l’inondation. Le Chanos chanos, blanc sur les flancs, gris vert sombre sur le dos, peut atteindre 1,50 m de long à l’âge adulte. Ce sont des prisonniers volontaires de ces petits lacs peu profonds, en plein soleil durant la journée et où l’oxygène devient rare. Ils pourront rester prisonniers volontaires durant deux ou trois ans avant d’entreprendre leur retour vers l’océan en profitant d’une autre tempête. Leur comportement est ahurissant. Ils se nourrissent de ce tapis de bactéries, ce kopara, une nourriture abondante mais peu variée.

KAUEHI MARAE

Le Chanos chanos (poisson-lait) est une espèce importée de Tahiti qui existe en « trois versions » :

  1. un possède une poche à kopara (le plus prisé pour sa poche qui est un mets de choix pour les Paumotu (habitants des Tuamotu) ;
  2. un autre dont l’estomac a la forme d’une boule consistante (pouru) ;
  3. et le dernier qui ne possède ni poche, ni pouru!

Le kopara est une sorte d’algue poussant dans la vase des mares, mangée par les Chanos chanos. On prélève cette algue prédigérée par le poisson. Mélangée à de l’eau de coco et consommée avec du mitihue, cela donne un mets typique – excellent… pour les habitants des atolls. Le mitihue est une sauce préparée à partir de morceaux de coco ‘omoto mis à fermenter dans  de l’eau avec du jus de chevrettes, à l’intérieur d’une calebasse. ‘Omoto est le quatrième des six stades de croissance du coco. A ce stade, l’amande du coco est consistante sans être dure. Nous n’avons pas été invitées à nous familiariser avec ce kopara !

KAUEHI MARAE DE TAGAROAFAINU

La lagune de Patamure se trouve près du puits du même nom. Ce puits donne une eau pure et délicieuse. Les habitants venaient par le lagon se ravitailler en eau douce. Maintenant il y a Vaimato et Royale (eaux de source) en bouteilles, en bonbonnes… vendues dans les magasins ou sur la goélette.

KAUEHI PUITS PATAMURE

Il existe un motu à piu’u. Les piu’u (coques) sont de tout petits coquillages blancs, jaunes ou orange que les femmes allaient ramasser pour les enfiler et en faire des colliers. Actuellement, c’est pour la Toussaint que ces coquillages sont utilisés par pelletées pour recouvrir les tombes du cimetière. A Tahiti, on fait venir du  sable blanc des Tuamotu pour recouvrir les tombes. Aux Tuamotu on utilise les piu’u.

Il y a bien un ancien site de ponte des tortues sur l’atoll, mais la chair de tortue est si prisée par les habitants, les œufs de tortues sont paraît-il excellents alors… les tortues ont déserté l’atoll, comme à Ahe.

KAUEHI POKEA (POURPIER ATURI)

Un des marae de l’atoll ne comporte plus que quelques pierres dressées et se situe dans le jardin de la pension. C’est le marae Tagaroafainu comme le nom de la terre sur laquelle la pension a été bâtie en 2008.

Voici la légende des manifestations du guerrier Tagaroafainu : Sur le motu Tagaroamatahara, on pouvait apercevoir le grand guerrier Tagaroafainu se cacher sous l’apparence d’un kaveu (crabe de cocotier) ou prendre la forme d’un paku (nuage) qui lui ressemblait. La légende dit que les anciens ont souvent vu ce crabe de cocotier qui était bien reconnaissable car totalement entouré de mousse. Mais lorsqu’on l’attrapait, il n’était pas possible de le cuisiner. Sitôt dans la marmite, il disparaissait et retournait à l’endroit où on l’avait pris. On raconte également qu’il n’aurait eu qu’une seule pince. Droitier ou gaucher, nul ne le sait mais il pinçait fort disait-on. Lorsque l’on voyait son paku, le nuage ayant sa forme, au-dessus du motu Tagaraomatahara, cela signifiait alors aux villageois qu’un bateau arrivait, ou que le temps allait être maussade. Les récits anciens racontent que lorsqu’on voyait le paku de Tagaroafainu, on pouvait également voir le nuage  au-dessus de la passe Arikitamiro à Kauehi. Si celui-ci regardait au loin, alors une tempête se préparait et si le nuage regardait au milieu de la passe, alors un bateau arrivait.

Hiata de Tahiti

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Dans la sierra équatorienne

Papallacta se blottit dans un décor grandiose de roches et cascades. Aux abords du village des sources chaudes témoignent de l’activité volcanique des lieux. On se détend dans des piscines aux eaux sulfurées et aux températures plus ou moins chaudes.

Calderon, petit village, doit sa renommée d’avoir été longtemps le site d’un artisanat original en Amérique du Sud. Le masapan, sorte de pâte à sel avec laquelle on fabriquait de petites figurines peintes dans la masse et dont on ne connaît pas bien l’origine. Ces figurines sont traditionnellement placées sur les tombes en offrande le jour de Todos los Santos (Toussaint) et le Dia de Difuntos (1er et 2 novembre).

Dans la lagune de Colta, malgré la baisse des eaux, les roseaux sont toujours exploités pour faire des radeaux, les herbes aquatiques servent de pâturages. Avec l’altitude, la lagune a des couleurs étonnantes. Les eaux sont de moins en moins abondantes. En se retirant elles ont laissé des terres fertiles dans les fonds des terrains plats. Les cultivateurs y pratiquent des cultures intensives. Un monde à part, les communautés d’altitude : une piste glissante, des  maisons de terre aux toits de paille ou de zinc dispersées sur des sommets arrondis. Ici, les hautes terres sont densément occupées même les sommets au-dessus de 3600 m. La vie est rude, il fait froid, souvent humide, cultiver est un exploit, et récolter de quoi nourrir une famille entière. Une utopie ? Et pourtant…

A la sortie de Colta, la petite église de pierre de La Balbanera est la plus ancienne du pays, elle date du 18 août 1534. Elle a réussi à conserver quelques pierres debout après le séisme de 1797.

Guamote est une bourgade de 2000 habitants au sud de la province. Le jeudi est jour de marché et une foule affairée mais silencieuse emplit la ville. A la variété des ponchos, on mesure l’attraction de la foire sur les nombreuses communautés et villages voisins. Les marchandes n’hésitent pas à installer leurs herbes sur les rails du train. Le conducteur actionnera son sifflet pour prévenir de son passage.

Ah ! oui, avez-vous déjà mangé du cuy ? Avant la Conquête, c’était la principale source de protéines dans les Andes. Ici, pas d’animal de compagnie pour les enfants, le cochon d’Inde (cuy) est élevé pour être mangé, alors bon appétit ! Avec le quinoa, ultra nourrissant, ce seront 15% de protéines complètes, 55% de glucides et 4% de lipides qui accompagneront le cuy. Le riz des Andes appartient à la famille des chénopodiacées, tout comme les épinards et les betteraves. Cela pourra être arrosé de chicha.

Depuis Riobamba, nous entreprenons l’ascension du Chimborazo (6310 m)… enfin par tout à fait. En 4×4 jusqu’au premier refuge à 5000 m. L’air se raréfie, les poumons flambent même si le volcan enneigé est magnifique. Je choisirai de redescendre par le même moyen (facile) et d’admirer les lamas et les vigognes, tandis que d’autres trouveront l’énergie d’enfourcher un vélo-tout-terrain pour rejoindre l’auberge. Bravo ! (Mais il n’y a que de la descente).

Hiata de Tahiti

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Laëtitia Reynders, Rouge poison

Si d’aventure vous passez vos vacances en Bretagne, n’allez pas vous installer à Vannes dans la librairie salon de thé Esotérica – il pourrait vous arriver une étrange histoire.

C’est ce qui s’est produit pour Leana, femme seule venue s’installer dans la région après quelques déboires sentimentaux. Fan de séries TV américaines et de BD belge, elle n’est nullement étonnée de se trouver face à face avec un meurtrier qui officie sous ses yeux. Certes, elle s’évanouit, mais elle ne ressent nulle peur, elle ne fait pas de cauchemar, elle n’est nullement traumatisée…

Serait-elle soumise à quelque mystérieuse influence ? Le lecteur mâle soupçonne la prestance du garçon, la jeunesse épanouie, la taille élancée, le corps agile et musclé, les yeux très bleus, le teint diaphane. Mais il y a autre chose.

Leana le découvrira progressivement, notamment un soir qu’elle a verrouillé son appartement, fenêtres fermées, et qu’elle se prépare une soirée télé devant un plateau. Ne voilà-t-il pas qu’elle découvre l’assassin assis tout tranquillement sur son canapé ? Pire encore : il lui déclare son amour inconditionnel et ses yeux l’attirent.

S’il a 89 ans, il en paraît 35. Pourquoi ? Parce que c’est un vampire. Quoi de plus naturel pour notre époque qui en a vu d’autres à la télé ? Très à la mode ces temps-ci, ces créatures comblent le désir de mystère comme celui de jeunesse éternelle. Dieu ennuie avec son autoritarisme infantilisant, les créatures du Diable ne sont-elles pas plus séduisantes ? Les alignements de Carnac en observatoires des astres sont moins drôles que ces réunions pseudo-druidiques pour célébrer un sabbat.

Mais pourquoi diantre l’appeler Cohen ? Et son oncle Aaron ? N’y aurait-il que les Juifs qui soient sorciers dans l’inconscient catholique ? L’auteur est née à Liège en 1978 et reste frôlée par ces toiles d’araignée poussiéreuses de la tradition cléricale. Elle confond allègrement, pour les besoins du roman, sabbat avec fête païenne, et mythologie celtique avec mythologie scandinave. Non, Samhain n’est pas un « sabbat » ! Mais la grande réunion des dieux celtiques avec les hommes qui sépare les jours clairs des jours sombres de l’année ; elle a donné notre Toussaint. Jul (écrit Yule parce que les ignares wikipedistes le font – alors que c’est pareil) n’est un « sabbat » que par mépris chrétien et ésotérisme fumeux… Elle est surtout la fête scandinave du solstice d’hiver, très importante dans les pays où la nuit dure six mois; elle a donné notre Noël. Shabbat est le septième jour, temps de repos de la semaine juive, le quatrième des dix commandements donnés par Dieu à Moïse dans le désert – pas le jour où des sorcières rôtissent le balai. Où l’on retrouve l’univers monomaniaque de l’ésotérisme, associé à tout ce qui n’est pas chrétien, en particulier le Talmud et les pratiques juives. Les Vikings historiques étaient très loin de ces élucubrations.

Si l’on considère ces approximations comme un folklore pour l’imagination, alors on peut entrer dans cet univers de sorciers et de vampires et s’en amuser. L’héroïne du roman court comme une folle dans ces divagations qui ont pour elle la force de l’évidence. La télé, Google et Wikipedia n’en parlent-ils pas comme s’il s’agissait d’un genre étudié par la science ? Le métier d’éducatrice pour enfants dans un hôpital psychiatrique a sans doute aidé l’auteur à prendre les délires pour la réalité. Pourquoi pas ?

L’intrigue est bien menée, avec ce zeste de psychologie féminine qui intéresse. Jusqu’au retournement final… qui se retourne sur lui-même, comme l’année en ses saisons. Et comme les séries TV qui préparent la saison suivante ! Ce premier roman construit avec le sens du théâtre, de lecture captivante, sera-t-il suivi d’autres ?

Si d’aventure vous passez vos vacances en Bretagne, allez donc vous installer à Vannes dans la librairie salon de thé Esotérica. Votre feuilleton peut commencer, on ne sait jamais…

Laëtitia Reynders, Rouge poison, juin 2012, éditions Baudelaire – 11 cours Vitton 69452 Lyon cedex, 301 pages, €19.47 

Le site des éditions Baudelaire www.editions-baudelaire.com

J’ai noté à titre anecdotique quelques fautes de relecture :

  • p.155 « le rituel devant l’hôtel » (autel serait mieux venu…)
  • p.161 « typesse » (quel est ce langage incongru ?)
  • p.163 « un ciseau » (à bois ? ou plutôt une paire de… ?)
  • p.172 « une petite ballade pour rejoindre » (une ballade se chante, une balade fait en revanche promener)
  • p.240 « mes pensées l’envoi » (et pourquoi pas l’accord au pluriel : l’envoient ? ce n’est pourtant pas sorcier…)
  • Également ce belgicisme : « les essuies » pour les serviettes, un peu bizarre pour un éditeur lyonnais et un roman qui se passe en Bretagne. Mais là c’est plutôt mignon. Pourquoi pas une note en bas de page ?
  • Il y en a bien pour certains mots courants comme ‘lounge’, ‘nervis’, ‘cloné’, ‘paroxysme’ ou ‘sweat’. Vous n’en portez jamais de sweat ? Il y a même Panoramix p.165, « notre druide » – personne ne connaît plus Astérix ? Ou les Schtroumpf p.174. Le roman ambitionne-t-il d’être traduit en Chinois, où cette culture d’ambiance est inconnue ?
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