Nous naviguons jusqu’au soir, nous marcherons demain. Le bateau met le cap direct au sud. Les heures de la sieste sont propices à écrire son carnet ; j’ai pour ma part un peu dormi dans la voiture. Sur un îlot, des cabanes de pêcheurs émergent ; pas un être vivant à l’horizon, ils rentreront le soir. Les pêcheurs viennent de toute l’Égypte et exploitent en exclusivité quelques mois par an un secteur loué par le gouvernement. La contrainte est qu’un mois entier est interdit totalement à la pêche, au moment de l’alevinage. Les pêcheurs se relaient en famille de façon à garder toujours deux ou trois personnes sur place. Ils font sécher leurs poissons lorsqu’ils ne peuvent pas les livrer par camions frigorifiques.
Nous abordons une crique, à Madiq, où le bateau s’amarre tout simplement à un rocher. Il n’y a ni marées ni courants. Nous descendons à terre pour échauffer un peu la machine, par une échelle cette fois métallique car la pente est importante. Nous regardons se coucher le soleil sur l’horizon brumeux. Les pierres sont en dentelle, effet probable du vent de sable et du soleil. Des pierres rondes comme des bombes volcaniques parsèment le sol avec parfois du grès inclus en elle comme un jaune d’œuf. Cela fait de jolis coquetiers qu’une fille aimerait rapporter, mais son mari lui dit que c’est très lourd dans le sac et qu’il est interdit d’emporter tout élément naturel du pays. Des rapaces planent dans le ciel, des faucons en couple, des corbeaux. Des échassiers guettent dans la partie marécageuse au loin, entre deux îlots. La nuit tombe vite, il est tôt mais nous sommes bas vers le tropique.
Rentrés au bateau, assis à la proue, nous regardons se lever les étoiles, dont Vénus (qui n’est pas une étoile) en premier. Mo a une appli sur les astres sur l’un de ses trois téléphones et vise le ciel pour distinguer les constellations. Nous voyons passer de multiples satellites d’orientation sud-ouest–nord-est ; on dit que l’on peut apercevoir la station spatiale.
Le dîner est à 19h30, la nuit est déjà tombée depuis plus d’une heure. Le cuisinier nous rejoue le ragoût de bœuf épicé au riz que nous avons eu dans l’avion, avec ses légumes verts et ses carottes en dés. Après le dîner, des énigmes. Prof demande quel est le seul mot masculin en français qui se termine par -ette. Personne ne trouve : il s’agit de squelette. Il y a quand même l’Hymette et le Lycabette (mais ce sont des noms propres), le porte-serviette ou le fume-cigarette (mais ce sont des mots composés), le crapette (mais c’est un mot régional pour avare), le pépette (mais c’est un mot belge pour le cul). Il nous demande aussi, fort de ses études en maths, quelle question poser à un gardien de porte qui contrôle avec son collègue celle qui donne sur la liberté et celle qui donne sur la mort, sachant que l’un des gardiens ment et que l’autre dit toujours la vérité. Je crois me souvenir que la réponse est : « est-ce que la porte de ton collègue mène à la liberté ? » S’il ment, il dira oui, donc la sienne est la bonne porte ; s’il dit la vérité, il dira non pour celle de son collègue et la bonne porte reste la sienne. Sur ce, fatigués de notre nuit courte, nous allons nous coucher.












































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