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Nelly et Monsieur Arnaud de Claude Sautet

Le mode de vie contemporain a bouleversé les relations humaines traditionnelles : celles du couple, de la parenté, de la famille, de l’amitié, des affaires. Le film aborde tout cela.

Il commence comme un Truffaut des années 1960, montrant un jeune homme et une jeune femme au début de leur union. Mais le personnage principal, contrairement à Truffaut, est ici la femme : fraîche, ingénue, décidée. Plus de chichi bourgeois victorien, elle dit oui ou non directement, sans fioritures ni faux-semblants. Première leçon de la modernité : les relations entre les êtres sont désormais directes, immédiate ; elles veulent se fonder sur la vérité et la sincérité des désirs.

Le mari de la jeune femme est au chômage depuis un an ; il ne cherche pas de travail, il s’en fout, il survit – tant que ça dure… Sa moitié cumule les temps partiels ici ou là, dans la saisie informatique, la mise en page, la vente en boulangerie. Seconde leçon de la modernité : les relations stables sont terminées, on vit le temps du provisoire et chacun se débrouille dans des activités éclatées. Le couple, bâti pour un autre temps où l’avenir pouvait se tracer, ne résiste plus au zapping contemporain. Chacun doit changer de peau comme il change de métier, de chemise ou d’habitudes. Les relations évoluent comme l’existence. Pour les deux jeunes gens, c’est la séparation, puis le divorce.

Nelly (Emmanuelle Béart) en parle à une amie plus âgée (Claire Nadeau), dont le mari a divorcé d’un premier mariage pour l’épouser et lui donner deux enfants. Cela ne l’empêche pas de revoir son ex–femme et de jouer les étalons au point qu’elle attend un autre enfant de lui. Troisième leçon de la modernité : le zapping imposé par l’existence contemporaine est plus facile aux hommes. Il est en phase avec leur tempérament explorateur et volage. Seules les femmes doivent s’inscrire dans la durée pour cause de maternité et d’enfants à élever.

L’amie présente Nelly à Monsieur Arnaud, l’un de ses anciens amants, un vieux magistrat entré dans les affaires. Quatrième leçon de la modernité : la succession des générations à l’image de celle des saisons, c’est terminé. On s’aime désormais transversalement, sans durée, sans projet, vieux et jeunes mêlés, les ex entre eux ; rien n’empêche plus rien, les tabous sociaux traditionnels ont sauté.

Monsieur Arnaud est incarné sur la toile par Michel Serrault, très français, très chic, humaniste et ronchon. C’est un sage, toujours critique mais attentif, tout à fait dans la culture française. Il se met à préférer brusquement les êtres aux livres, après avoir fait l’inverse toute sa vie. Cela parce qu’il passe de l’autre côté du miroir et se met à écrire lui-même un livre. Il vend tout ce qu’il ne lit plus parce qu’il crée : il rédige ses mémoires. Il embauche Nelly pour lui taper son texte. Cinquième leçon de la modernité : l’aujourd’hui exige de ne vivre qu’au présent. Lorsque l’avenir n’est plus écrit nul part, nul ne lit plus les histoires du passé et n’existe plus que dans l’instant. Et l’on prend les êtres tels qu’ils viennent, ici et maintenant, voire sur le tapis, dans le tout, tout de suite caractéristique de l’époque post-68.

Plus de livres donc plus de destin mais la vie telle qu’elle se présente, au hasard. Les mémoires ne sont plus des leçons pour l’histoire mais un recueil vivant d’anecdotes, d’instants humains dont on aime à se souvenir. Il y a peut-être ici une sixième leçon de la modernité concernant la littérature.

Monsieur Arnaud sera amoureux de Nelly mais la respectera. Elle n’aura de liaison qu’avec l’éditeur du magistrat, jeune et fringant célibataire qui veut « s’établir » comme dans la tradition (Jean-Hugues Anglade). Mais elle rompt, elle « est bien comme ça » dans l’éphémère, l’adolescence prolongée qui correspond si bien à l’époque au prétexte de « liberté ». Monsieur Arnaud a été mauvais époux et mauvais père, magistrat colonialiste puis homme d’affaires impitoyable. En écrivant ses mémoires, il revient sur lui-même, se juge, assume son existence à l’aide de sa vaste culture. Il apparaît comme un phare, une référence morale dans la tempête moderniste pour une Nelly à la dérive. Septième leçon de la modernité : la culture est ce qui reste quand tout a été emporté. La culture humaniste française permet de vivre, de s’accorder au monde tel qu’il va, de trouver le bonheur même dans les bouleversements chaotiques contemporains.

Monsieur Arnaud va aider Nelly à mûrir, il reprendra sa femme après un divorce de 20 ans parce qu’elle se retrouve brutalement seule à la mort de son second mari. Il soutiendra son adversaire en affaires, ruiné par lui. Il fera un voyage pour revoir son fils, informaticien à Seattle, que tout sépare en termes de conception de la vie. Huitième leçon de la modernité : la sagesse est avant tout de se préoccuper des êtres, non des choses. Mais l’on ne devient sage qu’une fois bien avancé dans l’existence.

Avis aux jeunes couples tentés de s’éclater avant d’éclater leur union : l’égoïsme sacré est une impasse. C’est un signe d’adolescence prolongée, une crispation névrotique sur la jeunesse. Dans le couple, la paternité, l’amitié, les affaires, le chacun pour soi, tout cela apparaît comme un leurre. Sauf à avoir la force de rester solitaire, il faut accepter le compromis, l’éternel compromis avec les êtres, où chacun met du sien, pour que perdure un semblant d’ordre humain.

Mais Claude Sautet est optimiste : même prolongée, attardée, l’adolescence finit par passer, et l’on découvre les valeurs de l’âge mûr, celles que l’humanisme classique a rendu éternelles.

DVD Nelly et Monsieur Arnaud, Claude Sautet, 1995, avec Michel Serrault, Emmanuelle Béart, Jean-Hugues Anglade, Claire Nadeau, Michael Lonsdale, Françoise Brion, Michèle Laroque, Charles Berling, StudioCanal 2001, 1h42, €12.49

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Giorgio Colli, Après Nietzsche

Le livre est décousu, en aphorismes « à la Nietzsche », mais captivant parce qu’il est l’œuvre de l’éditeur critique contemporain des livres du maître, avec son complice Montinori. L’édition des œuvres intégrales de Nietzsche par Giorgio Colli and Mazzino Montinori fait référence.

Ce qui m’a particulièrement intéressé dans ce livre sont les réflexions sur les thèmes grecs de Nietzsche. Il ne connaissait la Grèce antique que par les livres – et avec les préjugés de son temps. Mais la lecture de certaines œuvres antiques lui en a donné une bonne intuition. « Nietzsche a vu que la douleur de notre existence est sans recours, que les illusions et les mensonges pour l’écarter de nous sont vains. Face à l’angoisse de cette vision, il sut rester ‘véridique’ – mais ensuite, avant de succomber égaré dans la forêt de la connaissance, il exulta dans la terreur et le désespoir pour se montrer en lutteur victorieux » p.16. Voilà une bonne approche du personnage ; il était intuitif, peu attiré par les capacités déductives supérieures, comédien du vertige et metteur en scène du pathos – ce dont il se rendra compte et reprochera à Wagner. Nietzsche était un solitaire, se voulait lucide et véridique – un libérateur malgré ses outrances d’époque et ses défauts névrotiques. Il admirait Montaigne (aux origines partiellement juives), qui avait de la hauteur, du désenchantement et de l’indulgence. Mais il ne lui ressemblait pas, il était son opposé.

Là où il a caricaturé l’esprit grec, c’est dans son opposition binaire d’Apollon et de Dionysos. Une matrice commune reliait ces deux dieux dans le culte delphique : la « mania », seule approche authentique de la divinité lorsque l’être humain anéantit son moi. C’est l’ivresse dionysiaque mais aussi l’art de la divination apollinien qui ont tous deux donné le « logos » et la dialectique, expression de l’instinct de vie pour déchiffre ce qui est caché. « L’ambiguïté d’Apollon exprime l’écart, l’incommensurabilité entre dieu et homme. L’énigme pèse sur l’humain, lui impose un risque mortel (le dard d’Apollon). Son intellect peut le sauver s’il déchiffre les paroles du dieu » p.31.

Point d’orgueil de la raison, celle-ci ne peut pas tout ; mais elle est un outil incomparable pour découvrir les choses cachées du monde. « Notre monde exprime dans le temps, avec l’incertitude du futur, par fragments inadéquats, flous, ce que les dieux sont totalement, sans devenir, dès le commencement » p.30. L’homme est imparfait et projette sa perfection dans un monde illusoire, celui des dieux. C’est mensonge mais le pousse à se perfectionner, à se surmonter.

En réalité, rien n’existe que ce monde-ci, que le présent réel (ni le passé reconstitué ni le futur imaginé), et souvent la souffrance. Mais « lorsqu’un morceau de vie soustrait à la peine contrebalance tout le reste, alors le pessimisme est vaincu. Tel est l’enseignement des Grecs. La noblesse ne signifiait pas pour eux, comme l’affirme Nietzsche, la bonne conscience qui possède et affirme la puissance, mais bien agir, penser sans finalité. Ce que nous appelons culture a cette origine, exprime l’instinct antipolitique, antiéconomique. Une création originale de ce génie du jeu est le monde des dieux de l’Olympe. La divinité est ce qui échappe au finalisme, elle signifie l’insouciance à l’égard de la nécessité » p.115. Légèreté, jeu, vie triomphante, positivité de l’énergie, débordement, générosité – c’est tout cela, l’âme grecque, dont Nietzsche a eu l’intuition. Il l’opposait à son temps et au christianisme.

« De ces prémices découle le reste, tout d’abord l’élément arbitraire, imprévisible du tempérament grec : le plaisir de la compétition, la ruse, le triomphe par les mots, le rire sans a priori, la modération dans la victoire qui épargne au vaincu le coup mortel, l’indifférence pour les résultats de ce qu’on accomplit, la prédisposition à la colère, à l’impulsion incontrôlée, la susceptibilité, le fait de tout risquer pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine, l’impatience, le goût du déguisement, le caprice d’expérimenter des modes de vie opposés » p.115.

Giorgio Colli, Après Nietzsche, 1974, Editions de l’Eclat poche 2015, 183 pages, €8.00

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Lawrence Durrell, L’esprit des lieux

Il est né le né le 27 février 1912 et l’on fêterait son centenaire s’il n’était mort il y a douze ans déjà, le 7 novembre 1990 à Sommières dans le sud de la France. Cette célébration virtuelle permet cependant d’évoquer un auteur injustement oublié car trop hédoniste dans une époque qui ne pense qu’à la thune et la frime.

Lawrence Durrell savait vivre. Anglo-irlandais né aux Indes, il n’aimait pas l’Angleterre, découverte à la prime adolescence, sa brume et son puritanisme frileux. Il a choisi d’habiter ailleurs et autrement, choisissant le métier de diplomate. Il se sentait plus proche des méditerranéens et sa terre d’élection fut successivement Corfou, Le Caire, Chypre, la Yougoslavie, l’Argentine puis le Gard. Lumière crue, lignes dures, odeur forte des plantes et fade de l’eau qui coule toujours. Pays de l’huile, du vin, des légumes et de la convivialité. Il lui fallait tout cela pour se sentir heureux de vivre.

Son roman le plus connu est ‘Le Quatuor d’Alexandrie’ mais ‘L’esprit des lieux’ est le livre qui le montre en entier, celui que je préfère encore aux romans. Recueil de lettres et d’articles qui montrent le bonheur de vivre. Lorsqu’il évoque les Grecs, il se décrit lui-même. Leurs deux qualités primordiales sont, selon lui, « curiosité infinie et sensualité ». Ce sont ces qualités qu’on retrouve dans ses livres, perdus aujourd’hui dans le matérialisme de crise. Sa prose fluide est riche d’évocation. Il décrit minutieusement sa sensation et injecte son impression dans les phrases. Rien de froidement photographique mais le regard chargé d’affect. Derrière les mots se profile une sensibilité, un auteur chaud et vivant, un être de passion. Il captive parce qu’il veut faire partager ce feu qui couve sous la cendre. Paysages et personnes, jamais les uns ne vont sans les autres : le pays est façonné de mains d’hommes avec les siècles, chargé de mythes et d’histoire. Les gens sont façonnés par le paysage dans lequel ils évoluent, au point de se demander même qui est premier de la symbiose entre une terre et un peuple.

Durrell traverse les pays comme un élément rapporté, mais jamais étranger. Il a la vertu du voyageur, ce qu’il appelle « l’identification ». Il assure qu’une dizaine de minutes, assis sur l’omphalos de Delphes, l’esprit silencieux, font plus que vingt années d’études des textes grecs antiques pour comprendre la Grèce. Contempler le paysage alentour en imposant silence au moi, pour s’en laisser pénétrer, donne une empathie avec l’âme du pays. Cette attention compréhensive, respectueuse, est ouverture à ce qui est autre, accueil de l’étrange, seule façon efficace de connaître et de comprendre. Ainsi disait Heidegger.

D’un battement de paupières, laver l’œil de toute image antérieure. Rendre son esprit vierge d’échos pour accueillir ce qui vient. Recueillement de la conscience qui fait taire ces idées surgissant toujours comme des bulles. Il ne faut rien de plus pour « être » dans un paysage, en accord avec la terre et au diapason des bêtes, des enfants, des gens. Il faut faire silence en soi pour dompter ces mots toujours prêts à surgir, impérieux, tranchants et catégoriques, des mots qui nomment et déforment sans laisser être la chose ou la personne. Ce que Durrell voit n’est jamais confirmation d’a priori. Cela ne le fait pas penser à une lecture ou à une opinion. Ce qu’il voit « est » tout simplement, tel qu’en soi-même le présent l’offre, tout nu dans sa vérité première.

Ce pourquoi la Méditerranée a inventé la vérité et la démocratie avec la lumière, ce pourquoi toute compétition s’effectuait nu, tout débat avait lieu au grand jour, devant tout le monde, sur l’agora.

Cette capacité rare de saisir l’être des choses est celle du regard. Effacer son ego pour laisser venir à soi la réalité qui s’offre. Tel est la vigilance, œil libre, vierge de toute référence, de toute habitude comme de tout jugement. Les poètes, les guerriers et les maîtres ès arts martiaux ont ce regard qui « voit ». Pour un artiste, ce sont les mots qui se trouvent difficiles à manier. Transmettre un peu de cette expérience unique est ardu tant les expressions dérivent vers le tout fait, vers le convenu, vers la connotation qui tord le sens. C’est en parlant de lui, de ce qu’il, a fait, de ce qu’il a vu, de ce qu’ils ont dit, les autres, que Lawrence Durrell réussit le mieux à donner au lecteur une part de la vérité des paysages et des gens qu’il rencontre. Cela se nomme empathie.

Sa disponibilité lui permet des rencontres uniques, celles d’initiateurs. Il voit le palais du Facteur Cheval avec le directeur d’un journal de province. Son propre plombier Recul lui fait découvrir Avignon. L’ineffable Pepe l’initie à la Provence profonde, lui qui s’est fait tatouer une carte du pays sur l’abdomen. Les vignes sont le mystère du vieux Mathieu. Grenoble, la patrie de Stendhal, ne se trouve vraie qu’avec Martine et ses copains étudiants. La Gascogne serait bien fade sans Prosper, voyageur de commerce et spécialiste des bons restaurants, amateur du vin de pays…

Réceptif, Lawrence Durrell s’enrichit de tout ce que la vie lui offre : les paysages et les gens, les expériences uniques et les amitiés sans nombre.

Voyager, connaître, c’est laisser venir à soi.

Lawrence Durrell, L’esprit des lieux, 1969, Gallimard 1976, 489 pages, €17,38 

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Presse concierge

‘Le Monde’ devient de plus en plus ‘immonde’, selon le titre décerné par les canulars des années 1980. Le numéro daté (généreusement) des dimanches 10 et lundi 11 juillet 2011 donc préparé samedi 9 (on ne se refuse rien) est un concentré de propos de concierges.

Page 3 « on ne réveille pas Sarkozy » (qu’est-ce qu’on s’en fout !) sur la façon dont il a appris l’affaire DSK. Comme si le Président était coupable d’avoir appris plus tôt que les Français les frasques sexuelles d’un ex-futur candidat ! C’est digne du caniveau internet.

Page 6 « le scandale News of the World » : quel intérêt ?  Les radios en ont parlé en long et en large depuis des jours, c’est du réchauffé. On aurait aimé plutôt que « l’investigation » des journalistes ait levé le lièvre avant que tout le monde le sache. Mais évidemment ‘le Monde‘ s’en fout avant que ça devienne mondial.

Page 8 « quand on est en guerre, on dit la vérité ». S’agit-il d’Afghanistan où « nos » otages viennent de rentrer de 3874 jours de captivité ? Vous dites ? c’est moins ? Ah bon, le monde entier croyait l’inverse à force d’en lire, mais bon… S’agit-il de Libye où « nos troupes » (à court de munitions) se demandent ce qu’elles vont bien pouvoir inventer pour que « nos militaires » puissent partir en vacances comme n’importe quel fonctionnaire ou au moins prof ? S’agit-il de Côte d’Ivoire, de Somalie, du Liban, du Kosovo et de tous ces endroits perdus de vue où nos soldats sont déployés « pour la paix » ou on ne sait quelle mission qui n’a évidemment jamais rien à voir avec la guerre ? Vous n’y êtes pas. C’est Delanoë qui parle des impôts. Sur un ton belliqueux de concierge en colère. Vraiment, quel scoop alors qu’il n’est même pas candidat aux primaires !

Page 9 « les rumeurs sur son couple » ? Bon, ne cherchez pas, c’est Martine Aubry, « obligée » de démentir ce qu’Internet dit sur son mari-copain-amis-compagnon-pacsé (?) qui « défendrait » des islamistes. Est-il avocat ou non ? Quel aventure ! (ciel mon mari !)

Page 10 : à Marseille l’attaque d’un train express régional relance le débat sur la sécurité » – ben vrai ma bonne dame ! Y a pu d’morale j’vous dis. La sécurité c’est toujours à la Une. Et alors ? Y a -t-il enquête du journal pour en savoir plus ? Surtout pas, sur la chanson de « ces jeunes, hein « ! Ça me rappelle mon arrière grand-mère (oui, arrière, ça date comme disait l’égyptien). Elle jugeait de la presse en fonction des crimes relatés : « aujourd’hui y a pa’d’crime, ça a pas d’intérêt ». Texto. Le Monde a bien régressé en quelques années. Il va de mal en pis. Où sont les vaches (qu’un rapport de la Cour des comptes pointe justement ?)

Page 14 « Moody’s sème la pagaille sur les bourses » : on dirait un titre de Libération des années 80, avec jeu de mot douteux sur « bourses ». Page 15 « Un paparazzi au musée » ou mââme Michu à l’Élysée…

« Le Monde n’est plus vraiment Le Monde », dit un lecteur cité par le médiateur, à propos de l’affaire « DSK… tastrophe » (encore un titre poubelle digne de la presse du même nom). C’est vrai, poursuivons page 24 voir « ces femmes complaisantes envers leur mari volage »…

Il y a 15 ans, je lisais Le Monde en 1h15 environ ; aujourd’hui, 10 mn me suffisent… les meilleurs jours. Ce 10 juillet, 5 m’ont suffit largement tant ce torchon me tombe des mains. Rien qui n’ait déjà été dit et ressassé avec témoignages, intellos et contradictoire sur toutes les radios ; rien qui n’ait été analysé (bien plus directement, sans fioritures contorsionnées) par Internet ; rien qui n’ait fait l’objet d’enquêtes de la presse internationale ou (même !) hebdomadaire en France.

Le Monde est tombé bien bas, c’est un lecteur durant quarante ans qui vous le dit !

Avec la télé sur câble et à la carte, Internet et les blogs, la radio podcastable à l’envi, la presse « papier » a du mouron à se faire ! Plus le temps, plus l’envie, trop cher pour ce que c’est, marre des grèves des privilégiés syndicaux du Livre payés comme des cadres de la finance avec des vacances de prof, marre du papier qui tache les doigts et des pages difficiles à tourner alors qu’il suffit de se brancher un écouteur à l’oreille, marre des pubs SNCF ou Casden pleine page à prix exorbitant alors que les « services » publics sont censés être à l’agonie faute d’argent. On se moque de qui ? Pas de moi en tout cas, j’ai résilié mon abonnement et ne suis pas prêt à revenir.

Le journaliste devient le sidérurgiste des années passées. Fini le statut d’exception, la « signature » d’intello-à-la-française. Seuls survivent les groupes qui ont les moyens de financer une équipe de salariés bien formés pour faire des reportages, être envoyés spéciaux, offrir des réflexions de qualité. La revue XXI le prouve qui vend en librairie ce que ‘France Soir’ vendait jadis sous la signature de Kessel, Malraux, Blondin et d’autres. Les faits bruts ne suffisent pas – ils sont gratuits. L’idéologie ne rassemble que des convaincus – de moins en moins. La seule valeur ajoutée est dans la sélection des informations, leur vérification par recoupement, le recul propre au savoir maîtrisé, le décryptage.

Bien loin du ton de concierge affiché depuis peu par cet Immonde ! qui se croit encore « de référence ».

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