Pays baltes

33 Dernière vue de Tallin

Nous montons en bus sur la colline au-dessus de la mer ou a lieu tous les trois ans un festival de chant national depuis 1869, date du réveil. À la fin de l’Union soviétique, la chorale était un moment de résistance et le festival un lieu propice à célébrer la nation contre l’anonymat communiste et l’empire moscovite.

L’ambassade de Chine est en bas de la colline. Le drapeau chinois comprend cinq étoiles sur fond rouge. Les étoiles sont les provinces ethniques de Chine : les Han, les Mandchous, les Mongols, les Hui et les Tibétains. Cette interprétation est parallèle avec l’officielle qui fait que les cinq étoiles et leur relation représentent l’unité du peuple sous la direction du Parti communiste. L’étoile la plus grosse est celle du parti, les quatre autres celles des classes sociales associées par Mao : les prolétaires, les paysans, les petits bourgeois, les capitalistes patriotes. 

Le couvent de Sainte Brigitte a été incendié par Ivan le terrible il ne subsiste que le pignon. Le couvent des Brigittines depuis l’indépendance est actif.

Arrêt au port avant l’aéroport. Le petit port de plaisance est gelé en hiver, avis aux navigateurs. Vue sur Tallinn-grad au loin avec la sculpture en hommage au parachutiste en ballon à la fin du XIXe siècle qui s’est noyé car tombé trop loin de la côte. Il avait réussi le saut mais mal prévu l’arrivée. La statue de la roussalka, traditionnellement une fée ou une ondine, est ici un ange féminin (si l’on peut dire) qui porte une croix orthodoxe. C’est un hommage à la frégate naufragée qui portait le nom de Roussalka. Le tsar est venu se recueillir devant.

Nous allons marcher au marché. C’est un grand bâtiment près de la gare. Nous trouvons évidemment des étals de poissons fumés, de sprats et de harengs, mais aussi du saumon et du caviar de 13 € à 1350 € les 500 g, en fonction de la qualité. Il existe aussi un pavillon des antiquités, dont la plupart sont d’époque soviétique. Des albums de rock des années 60 et 70 sont les restes des actes de résistance de l’époque.

Les remparts comprennent 24 tours sur les 46 d’origine. Nous longeons les trois maisons dites les Trois sœurs. Une porte sculptée. Le siège du KGB est un bâtiment jaune. La Grosse Margaret est la tour principale derrière laquelle s’ouvre un bunker enterré. Saint Olaf est église luthérienne, dépouillée de tout sauf du Christ au chœur. Le plancher est peint et brillant. Les lustres-chandeliers ont un aigle à deux têtes, tsariste. Il s’y joue de l’orgue.

Nous prenons l’avion à 15h55 directement pour Paris, qui n’est pas si loin. L’Europe est un continent de petite taille.

F I N

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27 Histoire mouvementée des pays baltes

Une petite conférence du prof dans le bus, puisque nous avons des heures de voyage. Tartu a été fondée en 1030 et prise par les croisés au XIIIe siècle. Tallinn veut dire ville danoise, créée en 1343. Les Estoniens se révoltent contre les Danois, contre les Teutoniques, contre les Suédois qui ont pris Riga en 1621, contre la Russie en 1710 et en 1917. Ils proclament leur indépendance le 24 février 1918. Mais, en 1940, Staline exige des bases puis les Allemands l’envahissent en 1941 jusqu’en 1944. Après la bataille de Narva contre les derniers nazis, la domination soviétique s’étend jusqu’en 1991. Les derniers partisans ont été éradiqués en 1978.

Les chorales ont été le ciment de la résistance avant les manifestations à prétexte écologique des années 1980. Les Estoniens sont réputés taciturnes et distants, car ils vivent dispersés et dans un climat difficile. Ils sourient peu par tradition, mais plus encore par habitude soviétique de faire toujours la gueule (regardez nos socialistes !). Construire l’avenir radieux n’est pas une joie et sourire aurait signifié se moquer du monde, à la manière des bourgeois oisifs. Luther puis Staline, ce n’est pas drôle – Poutine non plus. Il faut cependant ne jamais s’énerver car les Estoniens se bloquent. Les Lituaniens, selon Pierre, sont plus chaleureux. Les Russes, en revanche, sont plus expressifs et baroques, dominateurs. Ils n’hésitent pas à dire leurs quatre vérités et à gueuler si nécessaire.

Barclay de Tolly était un général écossais au service du tsar, vainqueur de Napoléon avant Koutouzov, qui n’a fait que reprendre sa politique efficace de la terre brûlée. C’est ce dernier qui a récolté la gloire de la stratégie élaborée par le premier.

L’orientalisme russe se confond avec les conquêtes militaires depuis Ivan IV le Terrible. L’expansion se fait vers l’Asie centrale et la Sibérie. La colonisation vise aux échanges commerciaux et à la stratégie. Les garnisons appuient l’évangélisation partielle, mais une autonomie religieuse est laissée aux peuples pour les associer à l’empire russe. Le coton d’Asie centrale et le pétrole de Bakou sont vitaux. Ils ont permis à l’industrie textile de Saint-Pétersbourg de prendre son essor, grâce à la colonisation de l’Ouzbékistan. La Chine a cependant accordé une plus grande autonomie à ses provinces que la Russie soviétique.

Sous Staline, des déplacements autoritaires de population ont été effectués pour promouvoir la nouvelle citoyenneté non ethnique de l’homo soviéticus. Le communisme était à la fois une utopie « scientifique », si l’on peut dire, et un sentiment religieux. Il s’agissait de passer du Moyen Âge à la technologie du XXe siècle – du moujik au spoutnik comme disait Georges Marchais : 1957 le premier satellite artificiel, 1961 Gagarine le premier homme dans l’espace, 1965 la première sortie humaine dans l’espace, tout cela soviétique. Ce projet enthousiasmant a permis à la société d’adhérer à l’idéologie bien qu’elle ne crut pas au collectivisme communiste. C’était tellement différent du monde figé des Romanov. La chute de l’URSS a été due à la guerre des étoiles de Reagan qui a essoufflé l’économie soviétique, à l’échec technique de Tchernobyl, et à l’invasion de l’Afghanistan qui a détruit le moral de l’armée rouge. Ce fut leur Vietnam avec des musulmans soviétiques qui combattaient des musulmans afghans.

Le pouvoir doit être légitimé par le savoir, d’où la création de chaires d’études orientales en Russie, tout comme ont été créées des chaires d’études de civilisation arabe en France. Il s’agit de dominer l’autre par la connaissance de sa langue et de sa culture. Le mythe était aussi de trouver des origines communes indo-européennes pour justifier l’empire. En 1818 s’ouvre le premier musée d’art asiatique à Saint-Pétersbourg. Ce voyage aux Pays baltes devait d’ailleurs avoir lieu à Saint-Pétersbourg mais la guerre l’a empêché.

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32 Vie de Tallin

Après une théorie de petits gilets jaunes, la Maison de l’évêque. Une souffleuse de verre officie dans sa boutique. Porte de Virou ou de la terre. Des kids de collège sortent, plus ou moins vêtus. Certains sont engoncés dans plusieurs épaisseurs alors que d’autres ne sont qu’en tee-shirt. Cela fait quand même plaisir de voir des blonds et des bruns, tous blancs. Une dame passe en costume traditionnel, elle va probablement à un événement.

Au restaurant Trofé (« estonian and nordic food »), nous avons du gaspacho à la tomate (fort peu nordique), une tranche de porc aux pommes de terre et chou confit (très estonienne), et des crêpes. Un peu lourd pour l’après-midi, surtout pour ceux qui ont pris une bière.

La porte de Viru a été mentionnée pour la première fois en 1362. Elle fermait les rues commerçantes de Tallin. Seules deux tours subsistent, avec une barbacane. L’hôtel Viru, construit en 1968 à l’ère soviétique, a brûlé et a été reconstruit en 1972. Les trois premiers étages ont été sonorisés par le KGB pour écouter les délégations ou les jeunes équipes de sports. Le Kompromat consistait à enregistrer qui disait quoi et qui baisait avec qui, dès quel âge. Un ado blond me sourit alors que je prends sa photo au milieu de ses copains. J’ai pris peu avant une belle jeune fille au nombril à l’air et haut moulant sans rien dessous, malgré la température assez fraîche. Mais elle est en chaleur, pianotant avec fébrilité sur son gadget téléphonique, probablement à son petit copain qui a hâte lui aussi de se rapprocher d’elle.

Nous passons devant la plus vieille maison en bois de Tallinn ; elle est peinte en gris et présente des décorations autour des fenêtres et une frise sous l’avant-toit. Dans la rue parallèle se tient la maison de Barbie, tout en rose. Celle de Ken est en vert et à côté. Pourquoi Ken et Barbie n’ont-ils pas d’enfant ? – Parce que Ken est vendu en boîte séparée, répond Pierre.

Une statue de Kreutzwald (Valcroix si l’on traduit en français) qui a écrit l’épopée nationale à la fin du XIXe siècle sur le fils de Kale.

Palais Kadriorg puis palais présidentiel à l’emblème des trois lions, parallèle à celui du Danemark, souvenir du christianisme. Le premier pays à avoir reconnu l’indépendance de l’Estonie est l’Islande. Dans le parc, l’isba en bois de Pierre le Grand a été conservée. Dans le parc, un petit écureuil la queue en panache court de-ci delà, vif et joyeux comme un jeune kid.

Musée Mikkel. Il a été établi dans les anciennes cuisines du palais. Il n’a guère d’intérêt, collectionnant les copies. En rez-de-chaussée, une exposition de peinture soviétique est plus intéressante pour son style typique. À l’étage, les fameuses céramiques asiatiques qui intéressent le prof sont très pauvres.

Dans le parc près duquel est garé le bus, a lieu une course d’orientation, et des jeunes des deux sexes et de tous âges courent une carte à la main ou sillonnent les allées en VTT. Ils sont tous vêtus de couleurs vives, à l’américaine. Il fait chaud au soleil mais frais à l’ombre. Nous voyons aussi beaucoup de landaus. Je ne sais s’il y a une renaissance des naissances à Tallinn, au vu du plein emploi, ou s’il y a tout simplement un dispensaire dans le quartier.

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31 Églises de Tallin

Nous allons voir sur la colline. La tour date du 14e, le grand Hermann – le gardien en allemand – qui est une tour. La forteresse danoise, le château Toompea, est le siège du Parlement estonien, 101 députés qui élisent le président et le Premier ministre. Le parc Lindamagi a été lieu de résistance antisoviétique dans les années avant l’indépendance.

L’église orthodoxe Alexandre Nevski a cinq bulbes, le central représente le Christ et les quatre autres les évangélistes. Le bulbe s’appelle kokochnik en russe. Sous l’église Saint Nicolas, des moines fantômes se représentaient en bronze, sans visage.

Doma, la cathédrale Sainte-Marie, coûte 2€ l’entrée. Elle est protestante. Juste après, un kiosque animé par une femme mûre vend des amandes parfumées à la cannelle, à l’orange, à la cerise, au cassis, ce qui fait le délice de ces dames qui s’empressent d’en acheter des sachets à 5€ chaque pour offrir en cadeau à leur femme de ménage, leur jardinier ou leur chauffeur. Je n’ai aucun de ces personnels de maison et je me contente du fumet. Le kiosque est à l’enseigne du moine gourmet et se trouve littéralement dévalisé : la femme a dû faire sa recette d’une semaine. Un peu plus loin, nous admirons un point de vue sur la vieille ville et le port

Nous allons au café Maiasmokk, le plus vieux et le plus célèbre de Tallinn. Établi en 1864, il se situe au 16 Pikk street, en face de l’ambassade russe devant laquelle guettent, moteur allumé et phares en veille, deux voitures de police. Une cinquantaine de panneaux couverts d’affiches anti-Poutine sont disposés devant la façade. Le tyran mafieux du Kremlin est qualifié de tous les noms : terroriste, kidnappeur, abuseur d’enfants, tueur, et ainsi de suite. C’est réjouissant. Le café est à 2,50€ et d’ambiance viennoise. Des pâtisseries faites maison et des massepains peints à la main font la réputation du Maiasmokk. La petite fille en massepain est célèbre, présent d’un jeune homme à sa promise en 1936. Il est dit que la ville de Tallin (qui s’appelait Reval dans la Hanse), fait concurrence à Lübeck pour avoir inventé la pâte d’amande sucrée. Le massepain était d’abord utilisé comme médicament – on ne sait contre quoi – peut-être la faim ?

Le Vieux Thomas sert de girouette à l’hôtel de ville qui date de 1432. Une vieille pharmacie vend encore des herbes et de potions de grand-mère – mais l’entrée est payante, 2€. Les maisons marchandes médiévales se situaient en face des remparts, dans une ruelle qui les longe.

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30 Tallin en Estonie

Arrivée dans la capitale de l’Estonie. Notre hôtel est le Tallink Express Hotel, près du port des ferries. Il faut remplir une fiche de police comme au temps de l’URSS : la Russie est tout près… Il jouxte un hôtel avec spa et nous dînerons dans une cage au-dessus de la piscine ou s’ébattent de jeunes couples et des gamins qui jouent avec leur papa. Nous dînons dans la partie spa de l’hôtel d’une salade au fromage, de magret de canard cuit à la vapeur très tendre, sauce au thym citron, avec risotto noir et chou-fleur al dente, enfin d’un moelleux au chocolat coulis de fruits rouges. Une adote caresse un ado au bord de la piscine, un petit garçon se jette dans les bras de son père car il ne sait pas encore nager et se flanquer dans l’eau tout en étant protégé est une frayeur plaisante.

Pas très loin de l’hôtel se trouve une grande esplanade soviétique construite pour les Jeux olympiques de 1984 et une salle où a été tourné le film thriller de science-fiction Tenet, réalisé par Christopher Nolan en 2020, que je n’ai jamais vu.

La flèche de Saint Olaf fait 167 m de haut. Nous visitons les remparts, la forteresse, le quartier de Kalamaya devenu très populaire car près de la mer, la prison Paterai soviétique établie dans la base militaire tsariste. Des hangars d’hydravion 1910 subsistent. Avant la première guerre mondiale, la Russie avait la plus grosse flotte d’avions au monde. Sur le port, un musée des bateaux avec un brise-glace du 19ème siècle de 75 m de long, construit à Stettin en 1914, un garde-côte de 1943 construit aux États-Unis et donné à l’Estonie en 1997, ainsi qu’un mini sous-marin en bois de 5 m de long construit par l’ingénieur Ottomar Gern en 1854 et conduit par quatre personnes pas claustrophobes. Pas d’odeur iodée, la Baltique reçoit beaucoup d’eau douce qui ne favorise pas les algues.

Un parc a été établi sur l’emplacement d’un ancien cimetière. Les usines soviétiques sont réhabilitées en bureaux et appartements. Des entrepôts de logistique, du tourisme, des échanges avec Helsinki, favorisent le plein emploi à Tallinn. Il y a aussi, plus récemment, le design et l’informatique, la ville voulant devenir une smart city. Subsistent des maisons en bois entretenues, mais aussi des bâtiments gris staliniens. Nous croisons dans la rue un robot de livraison. Ce sont deux Estoniens qui ont inventé Skype. Les trains-citernes de pétrole, venus de Russie, sont désormais stoppés. Nous les voyons en rang sur les voies, comme des chapelets de boudins blancs ; ils sont du même gris pisseux. Les transports en commun sont gratuits à Tallinn pour les habitants, mais pas pour les autres.

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29 Manoir de Sagadi et village d’Altja

Nous arrivons au manoir art nouveau de Sagadi. Là est un restaurant, le Sagadi Forest Centre qui nous attire en premier, vu l’heure. Nous avons une salade, du poisson aux petits pois frais et de la purée, des fruits rouges en coulis. C’est plutôt chic et bon.

Nous visitons ensuite le manoir qui, il faut le reconnaître, n’a guère d’intérêt à l’intérieur. C’est une suite de pièces reconstituées avec quelques tableaux d’intérêt secondaire et une salle de chasse aux massacres impressionnants. Il y a cependant une armure entière de samouraï dans une vitrine. Son parc est agréable avec un petit lac paisible où se reposer au soleil sur un banc – qui est fait d’une souche de chêne creusée.

Nous passons au village de pêcheurs d’Altja qui a cinq siècles d’existence, zone interdite car militaire sous l’URSS. Aujourd’hui, c’est un parc national, le Lahemaa, et le paysage est préservé. La côte sert aux pêcheurs et aux navigateurs de plaisance. De nombreuses maisons de bois sont reconstituées ou rénovées. Elles sont peintes, en général de couleurs vives, vert, rouge, jaune, bleu… Le gris du climat exige la couleur.

À Vosu, kool est le nom de l’école, créée en 1898. Elle a été financée par des dons de mécènes, notamment des gens venus en villégiature depuis Saint-Pétersbourg. Une association a collecté les dons et a peu à peu agrandi le nombre de classes et de niveaux.

À Kasmu, village estonien-finnois-suédois, un sauna est construit sur le port de plaisance, près des catways. C’est « le village du capitaine » car ici a été érigé une sorte de phare à la pointe. Le premier bateau a été construit en 1697 par le baron de Palmse. La construction navale de petits et grands bateaux dure depuis deux siècles. Une école maritime a été fondée qui a duré jusqu’en 1931, diplômant 94 capitaines et formant 1664 mousses. Le lieu est devenu connu grâce à ses marins, dont l’amiral Johannes Pika, formé au village, et aux divers intellectuels qui sont venus s’y reposer au bord de la mer.

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28 Tartu

A Tartu, une maison penchée est due à l’affaissement du terrain. Nous entrons à l’université pour visiter la salle de remise des diplômes ; elle est claire et sans ornement. Cette université a été fondée par le roi suédois Gustave Adolphe en 1632, dont la statue à moustache et chapeau de mousquetaire trône sur la place. Mais le bâtiment principal est l’œuvre de l’architecte W. Krauss en 1803, terminé en 1809.

L’église Saint-Jean-Baptiste est ornée sur sa façade de briques de personnages en terre cuite : plus de mille ! Nous n’entrons pas. L’église a été souvent détruite, la dernière fois par les bombardements de 1944 ; elle a été entièrement restaurée en 2004.

Une statue d’un poète de 18 ans, Christian Jacques Peterson qui a chanté la paysannerie et langue estonienne, est érigée dans le parc, face à la cathédrale Sainte-Marie en briques et en ruines. Il est mort de la tuberculose à 21 ans. De la cathédrale de briques ne subsistent que les arcades à ciel ouvert. Le pont date de 1813, pour les 200 ans d’anniversaire des Romanov.

En 1905, la défaite russe à Port Arthur contre les Japonais est un choc géopolitique mondial. Le tsarisme à la Romanov est discrédité et la première révolution intérieure russe a lieu. D’où la revanche de Joukov contre les Japonais dans les années 30, puis l’invasion de Sakhaline et des Kouriles en 1945. Le film de Kurosawa intitulé Derzou Ouzala montre la rivalité Russo-japonaise dès la fin du 19e.

Le Grand jeu à mis au jour la tectonique des plaques des empires de Russie, de Grande-Bretagne et de Chine. Peter Hopkirk a écrit plusieurs livres sur le sujet, très intéressants à lire et relire.

Le lac Pepsi est le quatrième plus grand lac d’Europe, le premier étant le lac Ladoga – mais il n’est ni brun, ni effervescent comme son homologue en bouteille. Nous croisons beaucoup de grosses voitures mais aussi une Lada, il en reste. Histoire de Pierre : tous les conducteurs de Lada se connaissent : ils se retrouvent tous les lundis matin au garage. Pour trouver des pièces détachées, il suffit de suivre une Lada. Pour doubler le prix d’une Lada, il faut seulement faire le plein.

Curieux nom de ville sur un panneau : Ankhula. Les lacs sont gelés, la neige subsiste dans les sous-bois. Peut-être le nom du village donne-t-il une recette ancestrale pour se réchauffer ?

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26 Vers Tartu

Départ à sept heures en ce lundi matin sans petit-déjeuner ; nous avons juste le temps de prendre un café au distributeur installé sur le comptoir. Il coûte généralement un euro, mais il est gratuit pour nous ce matin, avec le sac que nous emportons qui comprend un sandwich, une pomme et un chausson aux pommes.

Nous avons des Arabes, ils ont des arbres, trois milliards en Estonie. Les pins rouges ont des troncs droits qui étaient très utiles aux mâts des navires à voile. Aujourd’hui, ils servent à la construction et à l’ameublement. La forêt est de part et d’autre de la route du Nord.

Selon le guide, les Estoniens sont réputés pour leur lenteur. Deux amis marchent depuis un moment, quand soudain l’un d’eux se retourne et écrase un escargot. – Mais pourquoi tu as écrasé cet escargot ? – Je n’aime pas ça, cela fait trois heures qui nous suit !

De Riga à Tartu, nous avons 250 km en bus à parcourir. Les forêts du parc national sont peuplées de lynx, d’élans, de loups, d’ours bruns, de castors, de tétras, de cigognes, de grues. Les rivières ont servi aux vikings à pénétrer à l’intérieur du pays tout comme aux croisés teutoniques à envahir la contrée. Forêts, marécages, lacs, blocs de grès, tel est le paysage sous un ciel bas.

Nous passons devant la réserve de gaz centralisée du pays dont la concession a été confiée… à Gazprom, le maître russe ! Le premier ministre était corrompu. Le pays est donc sous dépendance ; c’est en train de changer, lentement.

La femme de Pierre le Grand est née ici. C’était une paysanne de Livonie, la province suédoise qui regroupait Lettonie et Lituanie. Orpheline, elle a été recueillie par un pasteur puis enlevée très jeune par le général Menchikov qui l’a emmenée à Moscou. Il l’a prise comme amante puis Pierre le Grand la vue et la prise à son tour avant qu’il la trouve assez forte pour devenir sa femme. D’esclave, elle est devenue tsarine et a régné deux ans sous le nom de Catherine Ire. Elle vivait à la dure, couchait par terre, montait à cheval, buvait beaucoup, tout comme son mari à la guerre. C’est pourquoi il l’aimait bien. Intelligente, elle avait du bon sens et complétait son esprit. Elle était plutôt occidentaliste et moderne, au contraire du fils de Pierre le Grand qui était slavophile et plutôt traditionaliste conservateur.

Nous traversons le village de Ragana. Il y avait auparavant une auberge où servait une très belle femme qui ne voulait pas se marier. Tous les jeunes gens du pays la courtisaient mais elle refusait toujours. Un jour, on l’a vue accompagnée d’un homme à barbiche, portant un haut de forme. Un coup de vent a fait s’envoler le chapeau et on aurait aperçu, dit-on, les deux cornes du diable.

Pause-café à la ville forteresse de Valka, 1,3 millions d’habitants dont 0,8 sont partis en Finlande. La politique d’ouverture du finlandais Kekkonen, du temps de l’Union soviétique, a permis beaucoup de contacts entre l’Estonie et la Finlande. La nouvelle génération de 1991 a été formée en Finlande et le pays a adopté l’euro dès 2011. 25 % de la population estonienne est russophone, ce qui ne veut pas dire pro-Poutine. Les salaires sont plus élevés en Finlande d’où l’émigration. L’alcoolisme règne à la campagne.

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25 Jurmala en Lettonie

Le bus nous mène à Jurmala, la station balnéaire la plus huppée de Lettonie. De nombreux Russes y ont encore une résidence secondaire parmi les pins rouges, tout au bord de la Baltique. L’endroit me fait penser à certaines villégiatures Napoléon III de la côte basque ou aux résidences secondaires sous les pins en Vendée. Le chemin de fer dès 1869 a permis aux riches Pétersbourgeois de venir s’y reposer. L’endroit a servi de sanatorium durant la période soviétique et Brejnev y a même séjourné.

Nous longeons des villas chic, d’anciennes en bois restaurée ou parfois remplacées par des maisons d’architecte genre cube en verre et béton.

La plage est remplie de monde, mais personne dans l’eau. Pas un kid en slip. Pourtant, la mer n’est qu’à 4°. Les chars ne sont pas autorisés – à voile évidemment. L’eau est brune et est semble-t-il moins salée que l’Atlantique. C’est que beaucoup de fleuves et de rivières se déversent dans la Baltique ce qui fait que l’eau y est plus douce et plus chargée en matières organiques.

Selon Pierre, les Estoniens sont poussés à se convertir au business par les Finlandais, les Lituaniens par les Polonais et par leur diaspora importante. Seuls les Lettons sont à la traîne, ayant conservé des habitudes soviétiques, doublées de corruption.

Nous prenons un chocolat chaud, qui se dit ici kakao, dans un café sur l’avenue piétonne qui traverse la bourgade, depuis la plage jusqu’au parking où nous attend le bus. Des familles déambulent pour la parade, de jeunes couples riches et russes, certains avec enfants. Tous sont chaudement vêtus en ce dimanche sous le petit vent frisquet.

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24 Églises de Riga

L’église Saint-Jacques, où est venu le pape, est en restauration. Une messe se termine à l’intérieur en ce dimanche, et deux écrans permettent de suivre le prêtre donnant la communion dans le chœur. Nous entrons et ressortons avec discrétion.

Dans une rue, les maisons des Trois frères, appelées ainsi car elles sont côte à côte et de même style.

Nous déjeunons au restaurant Milnzis Kiploks – « à l’ail noir » – qui est très bon. Nous avons une soupe au chou-fleur et bouillon de poulet à la crème, du filet de poisson vapeur avec une purée verte de pommes de terre courgettes et salade, une meringue italienne sur un roulé de génoise.

La Doma est la cathédrale de Riga. Elle est luthérienne. La chaire est faible, les pierres tombaltes, mais il nous faut faire retour vers l’autel pour le concert d’orgue de 1880 par l’organiste Aigars Reinis qui interprète le prélude en mi mineur BWV 548 de Bach, puis le prélude chorale BWV 639, l’idylle du monastère d’Alfred Kalnins (que j’ai beaucoup aimé), enfin de Charles–Marie Widor, compositeur pour orgue français du début du XXe siècle, le final de sa sixième symphonie pour orgue. Reinis est le directeur de la musique de la cathédrale de Riga. Il a été pendant des années choriste et soliste avec le chœur de la radio lettone et membre de la Scola Cantorum de Riga. Il a reçu en 2019 le Grand prix de musique lettone pour l’ensemble de son œuvre. Nous avons beaucoup apprécié cet intermède musical qui nous changeait des musées et des vieilles pierres. Un jeune homme blond aux traits nordiques accusés, mais beau, assistait tout seul sur un banc au concert. Parmi les touristes, à part nous, seulement quelques Asiatiques.

Sur les vitraux subsistants de la cathédrale, l’homme en noir est le roi de Suède. Il possédait une armée faible en nombre mais puissante. On n’y voit la croix de fer allemande créée en 1813 pour récompenser les soldats contre Napoléon. Son origine est la croix des Teutoniques.

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23 Vieux Riga suite

Une balançoire en bois fait s’envoyer en l’air les très jeunes filles ; elle permet de faire voler leurs jupes et d’engouffrer de l’air qui titille leurs sens.

Une pierre appelée « tête de Liiv » trône, massive et virile, sur la pelouse à côté. L’original est au musée de l’histoire de Riga et de la navigation.

Riga est « la ville des chats noirs ». La maison art nouveau a des chats noirs sur ses tours d’angle. Le propriétaire, le riche marchand Strauman, s’était vu refuser au vote l’appartenance à la Guilde. En bâtissant sa demeure, il a tourné exprès les culs des chats vers le bâtiment de la Guilde. Cela a fait scandale et, cinq ans après, il a été élu – il a fait retourner les chats. Il s’agissait de la petite Guilde des marchands allemands de 1860.

Il existe une rue Richard Wagner. Le musicien a composé à Riga. Sa fille appelait Hitler « Wolfie », ce qui l’agaçait prodigieusement ; il a pris ses distances et j’aurais fait de même.

Devant le Parlement (une seule chambre, 115 députés), une pyramide en béton est gravée des noms des résistants tués lors des émeutes pour l’indépendance à l’été 1991. Gorbatchev n’a pas voulu signer l’ordre d’engagement de l’armée pour éviter trop de morts et seule la police politique soviétique est intervenue.

Trois maisons accolées sont appelées « les trois frères ». Elles se ressemblent.

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22 Vieux Riga

Sous les arcades d’un bâtiment qui borde la place du Conseil sont exposées des photos sur le Holodomor ukrainien. Staline, qui a organisé la Grande famine qui a fait entre 4 et 8 millions de morts, en prend pour son grade.

Riga revendique avoir érigé le premier sapin de Noël public, tout comme elle aurait créé la première fabrique de vélos de l’empire russe à la fin du XIXe siècle, ou encore d’avoir été juste après Paris a projeter les premiers films des frères Lumière.

Le point zéro de la ville est figuré par l’épée de la statue de Roland au centre de la place. Une clé de la ville a été forgée après 1991 par 52 000 clés offertes par les habitants, les clés de ville précédente ayant été détruites par le pouvoir soviétique ou le pouvoir nazi.

La maison des Têtes noires est construite de briques et de statues. Sous le patronage de Saint-Maurice, la confrérie des Têtes noires a été fondée pour discipliner les adolescents de 15 à 18 ans des marchands de la Hanse. Ils effectuaient des tâches de surveillance, de pompiers, de secouristes, etc.

Nous goûtons la liqueur Balzam noire au goût pharmaceutique. Dans sa composition entrent 25 plantes dont le dosage et le nom sont tenus secrets. C’est une sorte de Fernet Branca ou de Génépi. La liqueur fait des larmes sur le verre, elle est épaisse, au goût de réglisse. Il en existe une variété au cassis qui est plus buvable. Ce breuvage a été mis au point au XVIIIe siècle par Abraham Kunze, apothicaire.

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21 Marché de Riga

C’est dimanche, il fait plus froid, 4° ce matin. Les jeunes apprennent ce matin qu’ils ont perdu leur match de basket hier et qu’ils ne jouent pas aujourd’hui. Ils sont patauds, certains plus mûrs que d’autres montés en graine, émouvants. Encore endormis, ils étirent leur corps comme des félins. Mais il se transforme en vautour pour le petit-déjeuner, se ruent sur le buffet, dans le style collectif pousse-toi de là que je prenne. Leur prénom est imprimé au dos de leur survêtement rouge, lorsqu’ils le portent. Sinon, leur T-shirt bleu ciel est sans inscription.

De l’hôtel, sort une fille au pantalon de cuir moulant beige. Une mode typiquement post–soviétique, à l’extrême pointe de la tendance.

Nous prenons un bus pour la ville. Nous faisons un arrêt devant l’Académie des sciences, missile du savoir soviétique offert par Staline et terminé en 1954.

Dans le marché central, des bidons de sève de bouleau qui est parait-il bonne pour la santé depuis le Moyen-Âge, contre les calculs rénaux notamment. Elle est riche en minéraux, oligo-éléments et en vitamines, notamment les B. Le marché est établi dans les bâtiments des anciens zeppelins.

Il y a le pavillon des viandes, celui des légumes, épices et confiseries, celui de poisson avec le frais, le fumé et les conserves, celui des vêtements et des cuirs. Des boutiques de miel et de cire présentent des angelots à faire fondre : la tête, le torse, le ventre… terminez par les petons. C’est pédocriminel. Les fraises sont tchernobylesques, énormes ; elles n’ont guère de parfum.

Au-delà du pont appelé « la guitare de Vos », chef du parti communiste, en raison des câbles qui le tendent, se situe le bâtiment moderne de la Bibliothèque nationale.

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20 Musée privé Zuzeum

Nous avons obtenu une visite du musée privé Zuzeum. Le mécène est propriétaire de casinos et adore acheter aux enchères des collections en rapport avec le pays. Est présentée en ce moment une exposition de céramiques de Kouznetzov qui avait de nombreuses usines en Russie tsariste. La dernière fabrique à Riga a fermé en 1995 en raison du marasme économique et du goût qui a passé.

On trouve des décors petit-bourgeois pré-soviétiques dont une tasse dorée superbe, des portraits révolutionnaires militants comme Lénine, Staline et un jeune pionnier au foulard rouge.

Il y avait quelques objets d’art asiatique mais beaucoup d’acquisitions récentes en peinture.

Au dîner à l’hôtel, nous avons une salade grecque, une viande au goût de foie mais qui n’en est pas, avec des pommes de terre grillée de la salade de betteraves rouges, un biscuit au chocolat et à la crème.

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19 Centre Art nouveau de Riga

Le romantisme national est du 19e, l’art nouveau va en gros de 1880 à 1905, l’art décoratif est celui des années 20. Telles sont les bornes de notre périple artistique.

Nous arrivons au musée sur l’art nouveau dans une rue perpendiculaire à la rue Alberta, rue Strëlnieku. Un bâtiment construit par l’architecte Konstantins Peksens, à la façade aux bas-reliefs de plantes et d’animaux. Outre un escalier en colimaçon remarquable, il présente des intérieurs reconstitués avec des meubles, des vases, de la vaisselle, des horloges, des vitraux art nouveaux. La caissière a un chapeau fleuri Jugenstil. Tout est mouvement, courses, végétales, mythologie païenne. Autrement dit la vie.

À 9h30, il n’y avait personne dans les rues ; à 12h30, les rues sont pleines, des jeunes, des familles, des enfants. En ce samedi, il fait soleil est assez doux. C’est une autre ville.

Près de l’ambassade de Russie est tendue une grande photo de Poutine au sourire tête de mort.

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18 Riga centre-ville

Dans la rue est érigé un monument en bronze des Quatre musiciens de Brême. Il a été offert à la Lettonie par la Finlande. Il figure le conte de Grimm où le chien monte sur l’âne, le chat sur le chien et le coq sur le chat, tous bramant à l’unisson pour faire peur à l’ennemi. Sauf qu’ici, ils traversent une porte de fer. C’est un monument en hommage à l’indépendance de la Lettonie en 1991.

Une église en briques du XIIIe siècle des chevaliers Porte-glaive. Deux moines se sont faits enterrer vivants dans le mur lors de la restauration au XVe siècle. On leur passait de la nourriture par une fenêtre mais ils ne sortaient jamais, jusqu’à leur mort dédiée en sacrifice.

Au restaurant Province, une soupe de pommes de terre vermicelles et bouillon de viande, de la viande bouillie Stroganoff à la purée – plat national- puis un pain d’épice au coulis de fruits rouges en dessert. Pierre nous apprend que le plat le plus populaire ici, qui tient à l’estomac pour la journée, est la pomme de terre fourrée à la viande. Elle est appelée « zeppelin » en raison de sa rondeur et de son ampleur, outre qu’elle est arrosée de crème ! Prise seule, cette patate fourrée coûte 15€.

L’église de saint Pierre, protestante, est payante avec des « vitraux soviétiques » – autrement dit du simple verre blanc.

L’ambassade d’Italie est toute peinte de jaune. Une maison art nouveau a été achetée et restaurée par un Français. La rue Alberta présente des façades art nouveau de l’architecte Mikhail Eisenstein, le frère du cinéaste.

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17 Musée d’art de Riga

Histoire de Pierre : un humoriste russe expose que pour être ministre en Russie, il faut être con. Comment cela ? – C’est simple, quand j’ai téléphoné au Kremlin pour demander à devenir ministre il m’a été répondu : « t’es con ou quoi ? » Je n’avais manifestement pas le profil.

Nous prenons devant l’ambassade de France. Le monument à la liberté est surmonté d’une statue de la déesse Milda brandissant trois étoiles pour les trois provinces initiales de la république de 1918. Elles sont aujourd’hui quatre.

Nous passons la rivière qui servait de douves à la butte sur laquelle sont bâties les casernes suédoises. Le pignon supporte les blasons des districts. La tour poudrière date de 1312 avec des boulets de canon encore enfoncés dans ses murs.

Il y a une collection d’art asiatique dans ce musée, « India the land of tradition ». Après Garuda, une statue de Bouddha thaï. De la porcelaine Sacuma japonaise du début du XXe siècle, des porcelaines de Meissen. Et même une momie égyptienne et deux statues grecques, en plus d’une pièce d’argent érotique où deux guerriers thraces s’enfilent avec enthousiasme, corps nu mais casque sur la tête. Le barbu est actif, l’imberbe subit.

Le peintre Nicholas Roerich, mort en 1947, expose ses peintures sur le Tibet ; elles sont de toute beauté. Il a parfaitement rendu le côté aérien, lumineux, du ciel des hautes altitudes dont je me souviens, les sommets aiguisés des montagnes coupant le paysage comme des diamants bruts.

Il faisait partie du courant anthroposophe visant à relier Orient et Occident. Le peintre Nicholas Roerich était fils de tibétologue. Il a été à l’initiative du pacte Roerich en 1935, la Pax Cultura, sorte de Croix-Rouge de l’art et de la culture qui visait à protéger le patrimoine en cas de guerre. Il n’a jamais été respecté mais à induit une réflexion pour les objets d’art, destinée à sanctuariser le patrimoine menacé.

Des peintures de l’âge romantique nordique sont recueillies dans deux salles. Je note un paysage de rivière d’Upes Ainava de 1642.

Un autre paysage d’hiver de Ziemas Ainava sans date.

Une « révélation » sous forme d’Idole, autrement dit une belle femme nue d’Elks Atklasme de 1932.

Une petite maison au bord de la mer de Majina Pie Juras en 1964, entre autres.

Il y a même une copie en bronze du Baiser de Rodin, mais placé en contre-jour et fort mal éclairée. La muséologie ne semble pas le fort du musée, il y a des reflets sur tous les tableaux !

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16 Jelcava

Un coup de bus pour Jelcava où Louis XVIII a séjourné dans le château de son exil jusqu’en 1804. C’est aujourd’hui une université, il ne se visite pas. Sa façade est peinte en rouge framboise encadrée de blanc. C’est toujours Rastrelli qui l’a érigé. Un gamin pêcheur hante les roseaux de la rivière qui coule paresseusement ses eaux glauques ; je ne sais pas ce qu’il arrive à prendre.

Nous passons la frontière de Lettonie, peu marquée avec aucun contrôle. Nous rallions Riga et l’hôtel VEF, face à un bâtiment industriel soviétique désaffecté. L’hôtel est moderne, construit pour les JO de 1984. Il abrite souvent des équipes de jeunes venus disputer des matchs. Une bande de 14 ans en survêtement rouge surgit joyeusement, ils ont pris leur pique-nique sur la pelouse. Il s’agit d’une équipe de basket qui va disputer un match pour la coupe d’Europe le week-end.

Le petit-déjeuner est à huit heures. Deux adolescents polonais au teint de farine jouent au basket – sport national comme le foot en France. Ils affrontent Riga après-demain dimanche, si leur équipe passe la sélection. Celui à qui je pose la question me sourit, il parle un peu anglais. Il a 14 ans et ce réflexe enfantin de passer ses bras sous son T-shirt pour caresser son torse et se réchauffer la main. Il faut dire qu’il est en tee-shirt et est dans ses savates de réveil.

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15 Rundale

Le bus nous mène au château baroque de Rundale, résidence d’été du duc de Courlande Ernst Johann Biron. Il est du 18e de style italien, érigé par l’architecte Francesco Rastrelli de 1736 à 1740 et restauré en 2014. Sa façade est peinte en jaune crème et l’intérieur est immense. Des putti en stuc sont collés au plafond par le sculpteur Johann Michael Graff et les murs sont peints par Francesco Martini et Carlo Zucchi. Au mur, des fleurs, des paysages, des portraits de Catherine II, de Paul son fils, de Pierre le Grand. Plus loin, un jeune David torse nu tenant la tête de Goliath sanguinolente. La chambre de la duchesse est chauffée par deux grands poêles en faïence engoncés dans le mur et alimentés par l’arrière. Mais c’est la salle de bal ou de réception qui est impressionnante, tout en parquet à chevron, plafond peint de scènes allégoriques, encadrements de fenêtre et bordures de plafond à l’or fin. Sur un pilier de marbre près de la fenêtre donnant sur le jardin, un soldat de Napoléon a laissé un graffiti. Dans la salle de jeu, un jeu de l’oie est en français.

L’aile ouest expose de l’art décoratif letton et européen « du style gothique à l’art nouveau ». Des meubles gothiques, empire ou art nouveau, de la porcelaine de Berlin de 1790

Un jardin baroque à la française et sa roseraie d’un hectare s’ouvrent derrière le château, mais nous n’aurons pas le temps de l’arpenter car le château ferme à 17 heures.

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14 Colline des croix

Le froid s’éloigne, le soleil monte, nous passons de deux à 9°. Les Baltes considèrent qu’ils font partie de la terre. Leur âme y retourne à leur mort. Homme–humus, il y aurait une même racine en latin selon Pierre. Les gens sont proches de la nature.

Nous nous arrêtons à la colline des croix, lieu de mémoire devenu lieu de culte, inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco. C’est une chapelle en plein air sur une petite colline. Jean-Paul II est venu y célébrer une messe et désormais une chapelle y est érigée. Le lieu est planté de plusieurs milliers de croix, de la plus petite de la taille d’un doigt à la plus grande de la taille d’un géant. Il y en a de tous les styles, en bois, en fer, en plastique, en élément de vélo, plus de 200 000, dit-on. Elles sont érigées comme des cheveux plantés sur une tête, une éminence qui était un lieu sacré païen. Les croix ont d’abord été mises pour protester contre la répression tsariste, puis en révolte contre Staline. Il s’agit d’un mouvement populaire spontané mal vu du clergé, puis récupéré par lui, comme d’habitude.

Ce fut un lieu de résistance avant d’être un lieu d’indépendance en 1991. Les croix ont été plantées en premier par les assignés à résidence de retour de Sibérie après la mort de Staline. Le pouvoir soviétique les a brûlés quatre fois, à chaque fois elles ont été replantées. Des croix ont surgi avec des slogans, du style « Dieu est au-dessus de tout », « la foi sauve », en résistance à l’idéologie communiste. Aujourd’hui elles sont avec un avion pour figurer l’idéologie des soldats de l’Otan contre l’impérialisme autocrate russe. Le pape Jean-Paul II est venu y célébrer une messe le 7 septembre 1993 devant 100 000 fidèles. Benoît XVI a envoyé une croix en 2006.

La colline et ses allées hérissées de croix de part et d’autre sont un terrain de jeu admirable pour les gamins qui courent ici ou là. Ils sont la vie parmi ces symboles de mort. Je ne peux que penser à ces jeunesses hitlériennes athlétiques, fraîches et joyeuses, décrites en Prusse orientale par Michel Tournier. Malgré la guerre aux portes de l’Europe, en Ukraine, les petits Baltes blonds courent plein d’énergie comme s’ils s’entraînaient à un grand jeu.

Il y a eu beaucoup d’émigration depuis l’indépendance car les industries de pièces détachées de l’empire soviétique se sont effondrées, chaque pays produisant une partie qui était assemblée ailleurs. Les salaires sont aujourd’hui trop bas pour l’attrait des rémunérations en Finlande ou en Pologne, encore mieux en Allemagne. Le pays a perdu un tiers de ses habitants depuis l’indépendance, surtout des jeunes. Ils sont partis en Irlande, en Allemagne, en Pologne. Les deux tiers d’entre eux ne reviendront pas.

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13 Retour vers Riga

Au sortir de la ville, nous traversons le quartier où a été tournée la série Tchernobyl, un ensemble d’immeubles soviétiques laids et gris.

Le grand-duché de Lituanie a servi d’État tampon entre le monde turco-mongol et le monde chrétien. Il demeure aujourd’hui encore la limite entre la Russie et l’Europe, ce qui montre que le rapprochement de Poutine avec Xi n’est qu’un retour des grandes tendances historiques : la Russie ne se veut pas européenne mais entre-deux. Sauf qu’avec 145 millions d’habitants pour 1,45 milliard de Chinois, la balance est déséquilibrée dans l’alliance.

Le bus empreinte la via Baltica qui relie les trois capitales des pays baltes. Deux millions d’habitants forment le 23 août 1989 une chaîne humaine de 563 km de long, de Tallin à Vilnius, pour manifester pacifiquement contre l’anniversaire du pacte Hitler–Staline de 1939. Selon notre prof, l’écho a eu lieu la même année avec les manifestations chinoises de la place Tiananmen.

Des partisans antisoviétiques ont fait la guerre à l’URSS en Lituanie jusqu’en 1954. Ils espéraient de l’aide ou une arrivée des Américains. Aidés par les paysans, comme des poissons dans l’eau dans leur pays, ils ont été peu à peu infiltrés, décimés, tués ou emprisonnés. Le kolkhoze avait été inventé avec de bonnes intentions, selon Emmanuel. Il s’agissait de promouvoir l’égalité des conditions, d’offrir du travail à tous, et d’augmenter la productivité par la mise en commun du matériel et des engrais. Mais il a servi à contrôler la population et a suscité des jalousies envers ceux qui en faisaient le moins possible. C’était un système qui n’était pas efficace. Après la chute de l’Union soviétique, les terres ont été partagées également, mais tous ne voulaient pas rester paysans et beaucoup ont vendu, ce qui a permis l’extension des domaines et enfin une étendue suffisante pour produire.

Pierre nous apprend que le salaire moyen ici est de 500 à 1500 € par mois, que 30 % sont directement prélevés pour les retraites et la sécurité sociale, qu’un professeur d’université avec 10 ans de carrière gagne environ 2000 € et que la retraite moyenne est de 300 €. Le loyer à Vilnius pour un trois-pièces est d’environ 700 à 2000 € selon le quartier et la modernité, et que le prix au mètre carré va de 1500 à 2000 €. Les maisons en bois, traditionnelles, subsistent encore malgré les efforts soviétiques pour éradiquer ces vestiges bourgeois du passé, mais elles sont aujourd’hui chères à rénover. Les immeubles staliniens tristes sont en style réaliste socialiste, avec une volonté d’éviter le chichi inutile et la morgue bourgeoise, pour égaliser les conditions. Mais la vie collective, avec cuisine commune, chiottes et salle de bain communes, ne permettait pas un épanouissement des gens. Éradiquer l’individualisme est une chose, encourager la promiscuité tout en surveillant ou interdisant dans le même temps les relations personnelles en est une autre.

Nous passons dans un paysage de fermes isolées entourées d’un rideau d’arbres, ou de hameaux regroupés. Parfois, un monticule de pierres est entassé dans les champs, avec quelques arbres qui y poussent : ce sont les restes des grès de la moraine glacière que les paysans ont, durant des décennies, regroupés pour mieux cultiver la terre. Beaucoup de travail et beaucoup de bouleau, les arbres les plus courants. Des cigognes blanches nichent sur des poteaux, près des fermes. Elles suivent les tracteurs en labour pour manger les vers dans les sillons. Mais l’animal le plus dangereux, nous dit Pierre, est l’élan. Il est gros et s’arrête sur les routes en voyant une voiture, ne comprenant pas cet animal qui n’a pas d’yeux comme les autres. Beaucoup de folklore païen subsiste, revivifié après le communisme. Il a toujours servi d’esprit de résistance à l’uniformisation. Le svastika est symbole du soleil sur les ceintures ; il figure encore sur les costumes traditionnels mais n’a pas le sens que lui ont donné les nazis. Il s’étalait même sur les avions de chasse finlandais, avant que l’Otan n’ait réclamé leur effacement. Le chant choral traditionnel et familial reste beaucoup pratiqué, une façon d’être ensemble sans être en collectif (dainis).

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12 Kaunas

Arrêt à Kaunas le plus important port fluvial des pays baltes, sur le Niémen. Pierre notre guide nous supplie de dire Ka-ô-nas et non pas connasse comme la plupart des Français. Une œuvre contemporaine présente néanmoins une dent de connasse dans une vitrine, comme une molaire de géante. Une pierre brute massive représente, dans le parc Perkunas, le dieu païen du tonnerre ; il est également un protecteur de la moralité qui persécute les injustices. Les koukas sont des nains bienveillants de la campagne lituanienne.

La cathédrale contemporaine est très haute et très blanche, épurée comme un Le Corbusier. On se croirait au Havre. L’intérieur est si dépouillé que seule la lumière des grandes baies vitrées semble vivre. Une seule croix au fond, des bancs de bois, la foi nue.

Nous passons devant le château, très long, très large, très coloré. Il a résisté aux Teutoniques en 1361. Avant d’être détruit après un long siège. Il a été reconstruit début 15ème par le grand-duc Vytautas avec quatre tours. Il se situe au bord de la rivière Neris qui a souvent débordé, détruisant une aile. Il a accueilli le futur Louis XVIII pour quelques semaines entre autres lieux d’exil à partir de 1791.

Nous allons voir ensuite successivement l’église Saint Georges, l’église des Bernardins, l’église Saint Xavier où se tient une messe et qui date de 1666, l’église Saint Pierre et Paul. Le palais présidentiel des années 20 et 30 montre que Kaunas était l’ancienne capitale du pays.

Nous prenons rituellement « un café » au Mtevanis qui est plutôt un salon de thé, avec ses moelleux au chocolat. Nous revenons vers le bus qui nous prend avenue de la liberté, une longue avenue pavée avec contre-allées. Un jeune garçon blond de 10 ou 11 ans nous regarde avec curiosité, notamment devant le monument à Vytautas le grand, roi élu de Lituanie en 1429 après avoir été grand-duc depuis 1392. Érige en 1932, détruit par les Soviétiques en 1952, il a été reconstruit en 1990 par les citoyens victimes, en commémoration du 580ème anniversaire de la bataille de Zalgiris en 1410. Les pelouses sont ravagées de monticules de terre remuée ; Pierre nous dit que ce sont des taupes modèles.

Le groupe de chasse « Normandie-Niémen », des Forces françaises libres, créé en 1942 a été engagé en Union soviétique sur le front de l’Est et a séjourné à Kaunas.

Nous passons le pont « le plus long du monde » sur le Niémen, appelé ainsi car il fait passer de la Prusse au monde russe – avec les 13 jours de retard dû au calendrier julien, conservé par les orthodoxes.

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11 Chevaliers teutoniques

L’Ordre de Sainte-Marie des Allemands, appelé des chevaliers teutoniques, est né des croisades. Un moment rattaché à l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean, il est devenu un ordre papal à part entière en 1191. Il avait pour mission la protection des chrétiens en Terre Sainte et le soin aux blessés des guerres incessantes contre les musulmans. Les chevaliers sont à la fois militaires et moines, ce qui allie la guerre à la spiritualité, tout comme le kibboutz, le communisme ou le scoutisme. Il ne faut pas négliger cette aspiration totale qui anime les humains à servir dans une communauté. Comme moines, les chevaliers et les frères soignent les blessés tout en accomplissant les rites chrétiens comme des prêtres ; comme guerriers, ils luttent contre les païens et les infidèles.

Mais la poussée de l’islam était trop forte et toute présence occidentale a été éradiquée de Terre Sainte. Les chevaliers Teutoniques se sont alors repliés sur l’Europe, où il possédait des commanderies dans divers pays. C’est la Pologne qui leur a demandé d’aller évangéliser les confins de la mer Baltique et d’y établir des forteresses pour protéger les chrétiens. Ce sera dès lors une lutte constante entre les Vieux-Prussiens et les Lituaniens, tous deux païens, les Russes et les Polonais, tous deux chrétiens, aidés parfois par les Allemands. Les Grands-Maîtres teutoniques s’y useront et nombre de chevaliers de l’Ordre périront dans des guerres meurtrières. C’est cependant l’Ordre teutonique qui fondera l’État prussien et bâtira les villes de Königsberg (devenue Kaliningrad), Dantzig et Marienburg.

« Le système hiérarchique de l’ordre reposait sur l’existence d’une élite, les frères–chevaliers, encadrant militairement les hommes levés dans les campagnes, renforcés par des croisés appelés à l’occasion. Ce système a bien fonctionné jusqu’à la fin du XIVe siècle », écrit Henry Bogdan dans Les chevaliers teutoniques. Ensuite, ce fut le déclin. Le recrutement des frères-chevaliers s’est fait plus rare car l’esprit de croisade avait disparu parce que les populations étaient désormais chrétiennes. L’activité consistait plus qu’à administrer les provinces et à faire de la politique avec les féodaux alentour qu’à évangéliser. Le recours à des mercenaires payés s’est fait plus nombreux, engendrant des tensions avec les chevaliers, jusqu’à leur humiliation dans la forteresse de Marienburg. Le recours à l’impôt pour lever ces mercenaires a suscité une opposition grandissante des sujets de l’Ordre tandis que les intérêts commerciaux des Polonais a entraîné de constantes querelles sur l’accès à la mer Baltique depuis l’intérieur du continent et a poussé aux guerres.

Le schisme protestant a affaibli le pape tandis que la guerre de Trente ans a affaibli l’empereur germanique au profit des nations qui commençaient à émerger dans les pays allemands. L’ordre s’est sécularisé en Prusse orientale devant l’annexion par la Pologne de la Prusse occidentale et le Grand-Maître s’est rallié à la réforme protestante. Au XVIIIe siècle tous les Grands-Maîtres appartiendront à la maison d’Autriche et l’empereur Napoléon Ier a dissout l’ordre en 1808. Il est né à nouveau en 1834 comme institution religieuse et militaire dans les États autrichiens, avant d’être une fois de plus dissous par les nazis en 1938. Il a été autorisé par les puissances occidentales d’occupation après 1945 comme organisation caritative. Aujourd’hui, l’Ordre effectue des actions sanitaires et hospitalières, et assiste les personnes âgées et handicapées.

L’Ordre des chevaliers teutoniques n’a pas été une institution ésotérique, même si certains Grands-Maîtres frayèrent avec la Franc-maçonnerie à l’époque des lumières. Il n’a pas été non plus la pointe avancée du nationalisme germanique comme certains nazis l’ont pensé pour servir leur idéologie, mais a été appelé par les Polonais contre les païens qui les menaçaient au bord de la Baltique.

Au total, l’Ordre teutonique a été original parmi les ordres nés des croisades siècle, bien que moins important que les Templiers et les Hospitaliers. Quiconque effectue un voyage dans les pays baltes se doit de connaître cette histoire qui a fondé l’État prussien contre la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie.

Le restaurant du midi nous sert un pirojki de riz épinard avec son bouillon d’aneth, trois morceaux de porc en brochette avec son riz et sa salade de chou, et un biscuit au chocolat. Je prends une bière Vilkmergé – ma dernière bière du séjour.

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10 Trakai en Lituanie

Le paysage défile, vu du bus. Ce ne sont que forêts de bouleaux et de pins rouges, des marais à tourbe. Quelques HLM à la campagne rappellent l’époque des kolkhozes. Il s’agissait, pour les travailleurs agricoles, d’avoir un logement décent bien que simple, plutôt que d’habiter sous la paille et sur la terre battue dans la boue de la campagne. Le bus est de marque turque Temsa, sous licence Mitsubishi Motors ; la marque, en faillite, vient de se rapprocher de Skoda. Un chêne est conservé entre les deux voies de l’autoroute, car on ne coupe pas les chênes, sauf s’ils sont malades ou présentent un danger. Le culte à la nature fait partie de la culture traditionnelle du pays.

A Trakai, toujours en Lituanie, un lac tranquille, de la brume, des canards et des poules d’eau. L’été, les enfants se baignent. Aujourd’hui quelques collégiens défilent, mais habillés jusqu’au cou avec en plus un bonnet. Il ne fait guère que 2°.

Le grand château a été détruit par les Teutoniques, que Pierre préfère appeler Porte-Glaive, mais le petit château insulaire, construit en briques rouges, peut se visiter. Il a été la demeure du grand-duc de Lituanie. Ce dernier n’est jamais devenu roi car il est mort avant, vers 80 ans, d’une chute de cheval. Il devait en effet être couronné par le pape et cela n’a jamais pu avoir lieu pour diverses raisons politiques. Nous visitons la salle du trône aux arcades de briques impressionnantes de légèreté, et quelques salles consacrées aux armes et aux portraits, dont un intérieur tartare. Le drapeau national, le Vytis, est expliqué et décliné en gravure, vitrail, peinture sur bouclier, et même sur la pièce d’un euro de Lituanie.

Tout en bas, dans la cour, une ouverture permet de voir le système de chauffage à la romaine : du feu de bois allumé sous les briques et des conduits menant la chaleur aux étages.

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9 Quartier d’Uzupis à Vilnius

Nous terminons notre visite de Vilnius en passant au 18 de la rue Basanaviciaus, devant la statue du petit Romain Gary (Roman Kacew – qui veut dire boucher en yiddish). C’est un enfant de bronze de 10 ans boulottant une chaussure parce qu’il avait faim, ainsi qu’il le dit dans ses mémoires, La promesse de l’aube, publié en 1960. Le monument, érigé en 2007 a été réalisé par l’artiste lituanien Romas Kvintas et se situe au coin de la rue où il a vécu enfant. Romain Gary était juif russe naturalisé français (il arrive à Nice à 14 ans), résistant Compagnon de la Libération, diplomate et romancier ayant obtenu (performance !) deux fois le prix Goncourt (Les racines du ciel, puis sous le pseudo d’Emile Ajar, La vie devant soi).

Nous voyons l’église Sainte-Anne, mais seulement l’extérieur en briques rouges car elle est fermée. Tout à côté, l’église des Bernardins est ouverte et nous pouvons en visiter l’intérieur qui comprend beaucoup de sculptures en bois de style baroque. Le monastère date de 1495.

Derrière, nous traversons la rivière Vilnia, qui a donné son nom à la ville, pour visiter le quartier d’Uzupis ou a été fondée une commune d’artistes libres qui fête son indépendance chaque 1er avril, jour où la bière coule à flot. Le 1er avril 1998, les résidents du quartier déclarent la création de la République d’Uzupis, avec ses citoyens, ses lois, sa Constitution, et ses dirigeants. Il y a environ mille artistes sur les sept mille habitants du quartier ; ils squattent les immeubles abandonnés. Leur constitution est exposée sur un mur en 50 langues. Elle comporte 41 points :

  1. L’Homme a le droit de vivre près de la petite rivière Vilnia et la Vilnia a le droit de couler près de l’Homme
  2. L’Homme a le droit à l’eau chaude, au chauffage durant les mois d’hiver et à un toit de tuile
  3. L’Homme a le droit de mourir, mais ce n’est pas un devoir
  4. L’Homme a le droit de faire des erreurs
  5. L’Homme a le droit d’être unique
  6. L’Homme a le droit d’aimer
  7. L’Homme a le droit de ne pas être aimé, mais pas nécessairement
  8. L’Homme a le droit d’être ni remarquable ni célèbre
  9. L’Homme a le droit de paresser ou de ne rien faire du tout
  10. L’Homme a le droit d’aimer le chat et de le protéger
  11. L’Homme a le droit de prendre soin du chien jusqu’à ce que la mort les sépare
  12. Le chien a le droit d’être chien
  13. Le chat a le droit de ne pas aimer son maitre mais doit le soutenir dans les moments difficiles
  14. L’Homme a le droit, parfois de ne pas savoir qu’il a des devoirs
  15. L’Homme a le droit de douter, mais ce n’est pas obligé
  16. L’Homme a le droit d’être heureux
  17. L’Homme a le droit d’être malheureux
  18. L’Homme a le droit de se taire
  19. L’Homme a le droit de croire
  20. L’Homme n’a pas le droit d’être violent
  21. L’Homme a le droit d’apprécier sa propre petitesse et sa grandeur
  22. L’Homme n’a pas le droit d’avoir des vues sur l’éternité
  23. L’Homme a le droit de comprendre
  24. L’Homme a le droit de ne rien comprendre du tout
  25. L’Homme a le droit d’être d’une nationalité différente
  26. L’Homme a le droit de fêter ou de ne pas fêter son anniversaire
  27. L’Homme devrait se souvenir de son nom
  28. L’Homme peut partager ce qu’il possède
  29. L’Homme ne peut pas partager ce qu’il ne possède pas
  30. L’Homme a le droit d’avoir des frères, des sœurs et des parents
  31. L’Homme peut être indépendant
  32. L’Homme est responsable de sa Liberté
  33. L’Homme a le droit de pleurer
  34. L’Homme a le droit d’être incompris
  35. L’Homme n’a pas le droit d’en rendre un autre coupable
  36. L’Homme a le droit d’être un individu
  37. L’Homme a le droit de n’avoir aucun droit
  38. L’Homme a le droit de ne pas avoir peur
  39. Ne conquiers pas
  40. Ne te protège pas
  41. N’abandonne jamais

Évidemment, « l’Homme » signifie l’humain quel que soit son sexe (il en est d’innombrables, dit-on), et pas seulement le mâle blanc de plus de 50 ans – dominateur, patriarcal, capitaliste, conservateur, bourgeois, etc…

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8 Musée d’art lituanien de Vilnius

Il s’agit d’un ex-musée de la RSS de Lituanie jusqu’à l’indépendance en août 1991. Peu de choses avant le XXe siècle hélas – tout le reste a été détruit par la guerre, les nazis d’abord puis les russes soviétiques pour ce qui restait. Deux pièces reconstituent des salons bourgeois 19e avec des reproductions de sculptures comme la Vénus de Milo (deux fois), un buste de Voltaire, des gravures, des tableaux de paysages italiens, des portraits. Je note trois statues de bois dont un Christ langoureux du 16ème, deux tableaux romantiques exaltant la paysanne lituanienne de Kanutas Ruseckas en 1844 et 1847 – tout le reste est contemporain.

Dans le « contemporain », il s’agit de « déconstruire », même si cette mode des années 1960 apparaît plutôt ringarde aujourd’hui. Effacer le personnage du tableau pour livrer le mobilier brut, comme tiré d’un catalogue Ikéa, commencer par la couleur avant de mettre le gris, peindre les formes avant de dessiner les traits, sont des fantaisies pour explorer ce qui ne se faisait pas, mais elles trouvent vite leurs limites. C’est ainsi que la dernière salle présente plusieurs tableaux grand format d’oranges fruits alignées dans un bac, peintes en 2019 par une artiste dont je n’ai pas même fait l’effort de retenir le nom. C’est plus décoratif qu’artiste. Il s’agit, selon les explications de la guide spécialisée du musée, de « dénoncer la société de consommation » par la profusion des oranges alignées, mais en même temps de « dénoncer le totalitarisme du collectif » qui met toutes les oranges dans la même caisse alors que chacune est différente l’une de l’autre. C’est encore, suivant la guide très au fait du sujet, un rappel « des immigrés que nous voyons comme une masse anonyme alors qu’ils ont chacun une identité ». On peut ainsi multiplier les points de vue, sans que cela ajoute grand-chose à ce que nous voyons et ressentons. Je ne crois pas que la pensée abstraite puisse remplacer la sensibilité en art.

En face du musée se situe l’Institut culturel français avec une librairie et une plaque rappelant que Stendhal a vécu là, comme intendant de la Grande armée de Napoléon en décembre 1812. Sur la place juste derrière se situe l’ambassade de France. En face, le monument à Adam Mickiewicz (1798-1855), poète romantique et militant patriotique polonais.

Sur la place, l’église orthodoxe de saint Parascève. Elle aurait été bâtie, selon la légende, par Marie, l’épouse du grand-duc Algirdas, en 1345 – sur l’emplacement d’un temple païen au dieu Ragutis – dieu du levain qui fait la bière… Le tsar Pierre 1er l’aurait visitée en 1705 et y aurait fait baptiser son filleul, le nègre Hannibal, esclave affranchi qu’il maria ultérieurement à une Russe et qui sera le grand-père de l’écrivain russe Alexandre Pouchkine auteur d’Eugène Onéguine et de Boris Godounov. Le bâtiment actuel date de 1865.

Nous pouvons regarder de vieilles photos noir et blanc de la ville au début du XXe siècle, sur la place de l’ambassade de France. Les collégiens y figurent en uniforme, à l’allemande ou à la russe, portant casquette. Les gamins sont pieds nus. Il y a des fiacres, des robes longues, des chapeaux haut-de-forme – et des inondations.

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7 Université de Vilnius

Nous montons vers le palais présidentiel lorsqu’une puissante BMW de la police, à petits coups de sirène et feux clignotants comme un arbre de Noël, ouvre la route à deux Mercedes noires d’officiels. Nous verrons que l’extérieur du palais, d’ailleurs très classique dans le style XIXe siècle.

Nous entrons en revanche dans l’université de Vilnius. À l’intérieur, l’église Saint-Jean à façade baroque ondulée comme un rideau de scène. Dans le chœur, le Christ est crucifié sur l’arbre de Jessé qui donne sa généalogie dorée sur fond bleu ciel. Une nuée de bambins nus volettent au-dessus du dais. La chapelle Sainte-Anne a été bâtie au tournant du 17ème siècle par l’architecte Glaubitz et le sculpteur Hedel. Le portail rococo symbolise l’immaculée conception de Marie. L’autel en bois sculpté provient de Saint-Victor à Marseille ; il a été acheté par les Franciscains de Vilnius en 1864.

Dans le bâtiment de la faculté littéraire, une salle est décorée de fresques originales de Petras Repsys en 1976. Il s’agit de fantasmagories pour l’anniversaire de la Lituanie. L’artiste présente les Lituaniens originels nus, ce qui a choqué le pouvoir prude du soviétisme (très petit) bourgeois. Ils accomplissent les tâches de saison sans aucun vêtement. Ils travaillent, jouent, luttent, se marient. Le tout est vivant et joyeux, sans cesse en mouvement. L’artiste n’a pas été envoyé en camp de redressement, malgré les bureaucrates du Parti pour la culture. Un fronton présente celui qui ne voit rien, ne sent rien, ne pense pas… un hommage aux fonctionnaires exemplaires.

La cour des élèves (Alumnatas) orne une école théologique fondée par le pape en 1582 sous le patronage des Jésuites afin d’évangéliser l’est. Les cours à arcades sont une antichambre aujourd’hui à l’arrière du palais présidentiel.

Vilnius avait son quartier juif, qui a été fort abîmé par les nazis, et ses habitants massacrés. Des plans du petit ghetto, placé par la ville contemporaine, voisinent avec un graffiti antisémite de ce nouveau conservatisme nationaliste qui saisit peu à peu tous les pays du monde depuis une vingtaine d’années. Un Ben Laden au pochoir est aussi imprimé sur un mur, ce qui n’est pas anodin dans ce quartier précisément : les Juifs ne sont pas bienvenus. Les ennemis de mes ennemis étant de facto mes « amis », les gens résonnent comme des cloches et comme le manipulateur Mélenchon : yabon Musulmans, donc les Juifs sont des fachos-machos-colonisateurs-impérialistes. Sommaire, mais efficace pour les bas du front qui se contentent de résonner au lieu de raisonner – on ne leur a pas appris. Ne reste de la synagogue que la façade. L’université enseigne encore le yiddish, ce qui est rare en Europe.

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6 Basilique archicathédrale Saint-Stanislas et Saint-Ladislas de Vilnius 

La cathédrale dite « Basilique archicathédrale Saint-Stanislas et Saint-Ladislas de Vilnius » est refaite à neuf, anonyme, sauf la chapelle de Saint Casimir, patron du pays comme de la Pologne. Casimir était prince de Pologne et grand-duc de Lituanie, né en 1458. Dans la cathédrale construite par Jagellon dès 1387 étaient sacrés les grands ducs de Lituanie. Il est dit que le dieu du tonnerre païen Perkunas était adoré précédemment à cet endroit. Le bâtiment actuel est une reconstruction 18ème de l’architecte Laurynas Gucevicius. Les prêtres et les évêques sont enterrés dans la crypte.

Une fresque de sainte Ursule montre une petite fille re-née. Elle était morte dans la chair et est ressuscitée dans le Christ. Mariée de force à 8 ans, cette princesse de Cornouailles aurait accompli un pèlerinage pour fuir son prétendant, avant d’être capturée par les Huns ; sans doute violée à plusieurs reprises, elle aurait refusé d’épouser et d’abjurer sa foi. Elle aurait donc été tuée comme l’une des « onze mille vierges ». Elle est la sainte protectrice de l’ordre des Ursulines qui inspira la polonaise sainte Ursule Ledochowska, canonisée le 18 mai 2003.

Le portail néoclassique à colonnes est flanqué de statues de Moïse, Abraham, et des quatre évangélistes. Moïse a deux cornes, résultat d’une fausse traduction de la Bible. Saint Jérôme aurait été induit en erreur par le mot keren, cornu, très proche de karan, rayonnant, car il n’y a pas de voyelle dans l’écriture hébraïque ancienne. Thomas Römer, professeur de Bible hébraïque à la Faculté de théologie et des sciences des religions de l’Université de Lausanne, y voit une autre explication : la traduction est la bonne car la corne marquait la force d’un dieu dans les anciennes cultures de Mésopotamie ; elle n’évoquait pas le diable médiéval. Notons que les cornes de Moïse sont particulièrement accentuées à Vilnius.

La tour de la cloche, sur la place fait 57 m de haut et a été bâtie en 1522 comme tour défensive du château du 14ème.

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5 Vieux Vilnius

Nous poursuivons jusqu’à l’église orthodoxe de l’Esprit-saint, en retrait de la rue, à la façade rose pâle, flanquée de son monastère. L’église baroque date de 1638 et a brûlé plusieurs fois. Au 18ème, l’architecte Johann Christoph Glaubitz a décoré son intérieur en stuc du dernier baroque. Le jubé est peint d’un vert criard assez étonnant.

L’hôtel Astoria, de la chaîne très chic et chère Radisson, rappelle le souvenir douloureux des violences conjugales : c’est dans une chambre de cet hôtel que Bertrand Cantat, bourré et camé, a démoli à coups de poing le 27 juillet 2003 sa compagne Marie Trintignant, camée et bourrée. Le chanteur du groupe Noir désir, avait des désirs noirs (et un père para). Condamné à 8 ans de prison, transféré à Toulouse, il est libéré pour bonne conduite à la moitié de sa peine. Sa femme Krisztina Rády se « suicidera » deux ans après, victime elle aussi de ses violences conjugales… Le groupe Noir Désir se dissout peu après.

Au restaurant nous est servi un menu imposé : une salade russe, une escalope de porc panée avec des pommes de terre vapeur et de la salade, en dessert une génoise marbrée de crème. Le café est compris mais la bière à notre charge. Elle est très bonne, 3€ les 33 cl. Elle sera plus chère partout ailleurs, autour de 5€. Comme elle me fait dormir l’après-midi et me fatigue, je n’en prendrai que deux fois durant tout le séjour.

La cuisine lituanienne est composée surtout de pommes de terre (pour les farcir de tout en cepelinai ou en râpé plokštainis), de betteraves (pour faire la soupe rose), de hareng de la Baltique (cru ou salé), de chou (à fermenter), de concombre, d’aneth (le persil du nord), d’oseille (pour la soupe), de champignons des forêts nombreuses, de crème aigre (pour les crêpes varskeciai), de pain noir au seigle à l’odeur de miel – et aux flatulences inévitables -, de miel (pour le gâteau arrosé skruzdėlyna ou termitière). En boisson le kvas, boisson à base de pain fermenté, la bière, et les « vins » de coings ou de pissenlit.

Nous voyons la tour de Gédymine, un reste du château en briques construit fin XIIIe siècle sur sa butte par le grand-duc Vytautas lorsque Vilnius est devenue la capitale de la Lituanie. La place de la cathédrale comprend une statue du grand-duc de Lituanie avec son « loup de fer » dont parle la légende. « Alors que le grand-duc Gediminas était parti à la chasse dans les forêts de la vallée de Šventaragis vers l’embouchure de la rivière Vilnia, et que la nuit tombait, le groupe de chasseurs fatigués après une longue et fructueuse chasse, décida d’installer leur campement et d’y passer la nuit. Pendant son sommeil, Gediminas fit un rêve inhabituel dans lequel il vit un loup de fer au sommet de la montagne où il avait tué un bison d’Europe ce jour-là. Le loup de fer se tenait la tête levée fièrement vers la lune, hurlant aussi fort que cent loups. Réveillé par les rayons du soleil levant, le duc se souvint de son rêve étrange et consulta le prêtre païen Lizdeika pour l’analyser. Ce dernier dit au duc que son rêve lui indiquait de fonder une ville parmi ces collines. D’après le prêtre, le hurlement du loup représentait la renommée de la ville future : cette ville serait la capitale des terres lituaniennes, et sa réputation s’étendrait aussi loin que les hurlements du mystérieux loup… »

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4 Promenade dans Vilnius

Paysage blanc de neige ce matin, vu de ma fenêtre. Les flocons font un lourd manteau sur les voitures. Les arbres tout chargés de neige ont les branches soulignées par cet immaculé. La lumière est dure et les aplats immaculés soulignent les formes au trait. Il y a longtemps que nous n’avions vu le véritable hiver en blanc. Le petit-déjeuner est banal. Au buffet, de l’œuf en flanc, quelques charcuteries et fromages en tranche, des pains divers dont ce fameux noir de seigle qui a une odeur de pain d’épices. Je prends quelques pommes de terre chaudes et des carottes râpées froides en plus d’un peu de salade. J’aime manger salé le matin.

Notre guide local est alsaco-belge de Francorchant et se prénomme Pierre. Il vit à Riga et guide des voyages dans les pays baltes et en Islande. Il nous dit que les pays baltes sont une destination en baisse en raison des menaces de guerre de Poutine.

Vilnius, fondée en 1323, fête en 2023 ses 700 ans. Nous longeons la rivière Neris, et apercevons le quartier moderne de l’Europe sur l’autre rive. La ville se construit beaucoup. Le ministère de l’énergie arbore une éolienne et des panneaux solaires en plus de la statue traditionnelle.

L’église Saint-Pierre et Saint-Paul a été fondée par le grand hetman Mykolas Kazimerias Pacas. C’est un bâtiment du baroque lituanien bâti entre 1668 et 1676 et orné d’anges en stuc rococo des Italiens Giovanni Pietro Perti et Giovanni Maria Galli. Les saints Pierre et Paul sont représentés en peinture par Pranciskus Smuglevicius. Ça dégouline de nudités enfantines aux cheveux bouclés. Un ange éphèbe tend ses ailes au-dessus des fidèles comme pour s’élancer d’une architrave tandis qu’une diablesse sirène tord son corps serpentiforme sous un socle. Bien au-dessus, deux putti n’hésitent pas à se baiser à pleine bouche – ce qui est plus russe qu’italien ; d’autres s’enlacent avec sensualité – ce qui est plus italien que russe… A la sortie, la mort rôde, squelette tenant une faux près de la porte – ce qui est plus luthérien. Des croix de bois sculptées de motifs païens comme rayons de soleil et feuilles de chêne sont disposées autour de l’église.

Nous montons en bus au point de vue au-dessus de la ville qui nous permet de voir les vieux quartiers, les ruelles à arcades qui permettaient au XIXe siècle de fermer un bloc entier pour mieux le défendre. Il fait froid, la neige fond mais le soleil n’apparaît pas, même s’il n’y a heureusement que peu de vent. Nous sommes vite glacés à piétiner en écoutant les informations du guide aux écouteurs. Nous n’en retenons qu’un dixième, d’autant qu’il parle souvent à côté de son micro.

Le bus fait un grand tour pour nous mener à la porte de l’Aurore dont les remparts protégeaient la vieille ville. Napoléon Ier y est passé avec sa Grande armée. Dans le chemin de ronde subsistant de l’ancien rempart est construite une chapelle à la Vierge adorée, d’ailleurs toute dorée. Il est interdit de photographier, de nombreux pèlerins sont en prière devant la Vierge de miséricorde. Ils sont à la fois catholiques et orthodoxes car la peinture de cette Vierge de miséricorde a accompli des miracles, croit-on, depuis le 17ème siècle où elle fut peinte. La foi orthodoxe est plus fervente que la catholique et que la luthérienne dans ces pays. La religion a en effet été un socle de résistance, une façon d’affirmer sa culture traditionnelle face à la déshumanisation athée de l’homme nouveau voulu par le pouvoir soviétique.

Dans une cour, une boutique d’artisanat en bois traditionnel. Un endroit étonnant, bourré de croix, de chouettes et d’autres animaux à l’extérieur, d’ustensiles et d’objets de foi à l’intérieur.

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