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Restaurant Au club des Siciliens

Qui veut bien déjeuner ou dîner à Paris doit éviter l’esbroufe, les restaurants pour les affaires, pour les touristes, pour les étudiants branchés. On le sait, le siècle a changé, les éditeurs ne font plus recette et le livre n’est plus vraiment un métier. Même les auteurs sont obligés à exercer une activité et à n’écrire qu’à leurs moments de loisirs.

Rue du Dragon, en plein quartier éditeur et proche de Science Po, presque au numéro où Christian de Moliner fait habiter son héroïne de La guerre de France (un bon roman d’anticipation politique), un petit restaurant italien s’ouvre sur une douzaine de places en terrasse sur le trottoir et un peu plus à l’intérieur, surtout le soir ou quand il pleut.

En ce début juillet, nous sommes plutôt en canicule. La rue n’est pas trop passante, aucun bus ni camion, quelques deux-roues au bruit de moulinette mais qui passent vite et des taxis, en général hybrides, plutôt silencieux.

La carte est sicilienne et le patron, Marco Piscitello, parle le français avec un bel accent tout en cherchant ses mots. Il est de l’authentique.

La carte présente à peu près tout ce qui peut se manger dans la tradition de l’île au sud, avec quelques originalités.

Après un verre pétillant, nous avons pris des tortellini à la truffe noire, finement et généreusement râpée sur les pâtes. C’est délicieux et sent vraiment la truffe.

Vous avez aussi dans la pasta – qui, comme chacun sait, se mange en entrée dans toute l’Italie – des spaghetti au pesto et tomates séchées, d’autres à la poutargue (œufs de poisson séchés), d’autres encore aux palourdes, paccheri siciliens aux aubergines, fromage de l’île, basilic et sauce tomate, d’autres au thon, câpres et olives. Et deux risotto « à l’or rouge » ou à l’encre de seiche.

Parmi les entrées, la bruschetta de tomate et basilic, la mozzarella à la compotée de tomates, le carpaccio de poulpe et le ceviche de thon.

Pour les viandes, de l’escalope de veau au Marsala ou du vitello tonato (veau froid au thon en purée), de l’osso bucco en hiver. Et parmi les poissons, du thon frais, du calmar, de la friture.

En dessert le fameux tiramisu (pas trop gras) ou de la panna cotta au coulis de fraises.

C’est une belle adresse !

Restaurant Au club des Siciliens, 18 rue du Dragon, Paris 6ème, 01 42 84 16 08, fermé dimanche midi.

Menus à 19 ou 24 €, carte selon les plats (ex. 25 € les tortellini à la truffe noire)

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Menu de Noël à Tahiti

Quelques recettes de Tahiti-iti pour vous permettre de fêter Noël ; recettes prévues pour 8 personnes (sauf le veau).

Saladrus : (« salade russe » en local)

Ingrédients : pommes de terre 1 kg ; carottes 1 botte ou une boite de 1/2 ; 2 betteraves rouges ou une boite de 1/2 ; maïs 1 boite ; ail ; oignon ; mayonnaise ¼ litre ; vinaigre 1 c. à soupe ; sel, poivre.

  • Cuire les pommes de terre avec la peau dans de l’eau salée environ 20 minutes. Pendant ce temps, faire la mayonnaise et la tenir au frais.
  • Égoutter les carottes, les betteraves, le maïs en boite.
  • Quand les pommes de terre sont cuites, les éplucher et les couper en dés.
  • Éplucher et hacher l’ail et oignon.

Mélanger tous les légumes. Assaisonner. Ajouter la cuillère de vinaigre, l’ail et l’oignon ; ajouter la mayonnaise.

Remarque : Le Polynésien sert ce plat tiède ou froid, souvent comme légume accompagnant le poulet rôti ou le veau à la broche – ou en entrée.

veau a la broche

Veau a la broche :

Cette recette évidemment ne sera pas pour 8 personnes. En Polynésie lorsqu’une réunion de famille ou d’amis est organisée, c’est souvent autour d’un veau à la broche et de haricots. Ingrédients pour 20 ou 25 personnes (eh oui, on est nombreux aux fêtes à Tahiti) : veau, un entier de 15 à 20 kg ; charbon de bois 4 sacs ; petit bois sec, 1 fagot pour allumer le feu.

Attacher le veau solidement sur la broche ; préparer le foyer ; mettre à cuire le veau au-dessus d’une braise régulière en arrosant avec la préparation ; saler, poivrer ; cette opération demande 3 heures à 3h30.

Sauce pour arroser le veau : éplucher 300 g d’ail et le hacher finement ; mélanger avec le ½ l de sauce soja, 50 g d’herbes et 2 litres d’huile. Avec un pinceau ou un torchon attaché au bout d’un bâton, arroser régulièrement le veau pendant la cuisson.

Ingrédients : haricots blancs 1 kg ; oignons 2 gros ; ail 1 tête ; 1 couenne de porc de 150 à 200 g ; 1 bouquet garni. Assaisonnement : sel, poivre du moulin, clous de girofle.

Les haricots : la veille, mettre les haricots à tremper ; pendant que le veau cuit, mettre les haricots à cuire avec les oignons piqués de clous de girofle, 1 bouquet garni, 1 couenne de porc ; ne pas saler en début de cuisson ; cuisson environ 2 heures.

Sauce pour accompagner le veau : cuire 2 boîtes 4/4 de tomates concassées, une tête d’ail et un gros oignon émincé ; ajouter 20 cl de sauce soja et 20 cl d’eau ; laisser cuire 10 minutes ; passer au moulin à légumes.

Si vous n’avez pas assez de convives ou de jardin pour la broche… Rien n’est perdu ! Ceux qui font souvent ce plat ont des fumoirs, grande lessiveuse qui permet de griller et fumer en même temps. Bien sûr il faut au moins un jardin, je vois mal une telle installation sur un balcon ou le rebord d’une fenêtre. Mais il existe une autre solution : découper la bête avant de la mettre au four de ville. J’apprends qu’en France, à Paris surtout, il est conseillé, voire imposé de respecter l’environnement, donc pas de barbecue dans les cheminées parisiennes ! [Pire : « A partir du 1er janvier 2015, la combustion du bois sera strictement interdite à Paris (arrêté inter-préfectoral n°2013 084 0002 en date du 25 mars 2013) »]

Alors, découpez le veau, rôtissez le « baron » de veau dans le four de la gazinière, versez régulièrement la sauce sur le veau, retournez à mi-cuisson le baron et enduisez de sauce. Cela devrait être « votre veau à la broche à la tahitienne importé ».

[Ou n’achetez qu’un morceau de veau à rôtir comme la noix, la sous-noix, le quasi (ou cul de veau), le carré de côtes ou l’épaule. Conseils : pas de four trop chaud et arrosez souvent, la viande sèche vite. Le four à 180° maxi – 30 mn par livre ; si vous voulez une cuisson douce, essayez 150° et augmentez le temps de 20% / Argoul]

ASSIETTE DU PETIT DEJEUNER

Coupe de fruits frais au lait de coco :

Ingrédients : ananas 1 pièce ; bananes 6 mûres ; papaye 1 pièce ; oranges 2 pièces ; mangues mûres 2 pièces ; pastèque 1 belle tranche ; caramboles 2 pièces ; melon 1 pièce-portion ; sucre 100 g ; citrons verts 5 pièces pour le jus ; ½ litre de lait de coco.

  • Éplucher l’ananas, enlever les yeux et coupez-les en petits dés. Si c’est la saison des ananas, choisir des petits et coupez-les en deux dans le sens de la longueur en gardant les feuilles. Après les avoir évidés, ils serviront de coupe naturelle pour servir la salade de fruits.
  • Enlever la peau des bananes et coupez-les en rondelles régulières. Arrosez-les d’un jus de citron.
  • Éplucher la papaye, enlever les graines à l’intérieur et coupez-la en petits dés réguliers.
  • Bien éplucher les oranges à vif, puis séparer les quartiers sans laisser de peau blanche.
  • Éplucher les mangues, enlever le noyau central et coupez-les aussi en dés.
  • Enlever les graines noires de la pastèque et couper la tranche en dés.
  • Éplucher le melon, enlever les graines, coupez-le en dés.
  • Après avoir bien lavé les caramboles, les couper en petits dés.

Bien mélanger tous les fruits. Les saupoudrer du sucre semoule. Ajouter le jus des citrons. Laisser la salade de fruits au frais.

On peut ajouter au dernier moment le lait de coco ; mais il ne faudra pas servir glacé  afin d’éviter le givrage du lait de coco.

Pour la fête du nouvel an, d’autres recettes. Bonnes fêtes et bon appétit !

Hiata de Tahiti

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Montaigne à table

L’austère Montaigne serait-il épicurien ? Bien sûr ! L’adepte de la vie bonne aime les sens, dont celui du goût. Mais avec modération. Pas la modération des fonctionnaires du social dont la seule justification est de vous régenter la vie mais la vraie, celle du corps apaisé et repu selon sa complexion. « C’est une absolue perfection, et comme divine, de jouir loyalement de son être » dit Montaigne (Essais III, 13, 800). Le corps est le seul guide raisonnable et le sage tiendra l’équilibre entre son appétit et se rendre malade. Pas de modération par principe mais une modération par santé, chacun selon ses capacités, suivant son mouvement.

Christian Coulon, professeur émérite à Science Po Bordeaux et auteur de livres sur la cuisine gasconne, explore avec bonheur et érudition ce terrain mal défriché de Montaigne à table. Non sans humour, ni critique féroce envers les régionalistes qui croient découvrir en cette figure périgourdine l’ancêtre de la gastronomie-qui-fait-la-réputation-internationale-de-la-région. Fi ! Ni le maïs (qui sert à gaver les oies), ni la truffe (laissée aux cochons), ni l’aubergine, ni la tomate, ni le poivron (qui font les délices de la cuisine basque), ni la pomme de terre (célèbre en sarladaise), ni le haricot (qui fait le cassoulet) n’étaient encore parvenus en France ! La cuisine « éternelle » des régions a été inventée au XIXe siècle avec l’essor du tourisme bourgeois et le nationalisme d’ambiance.

Michel Eyquem de Montaigne ne savait pas faire la cuisine, il le dit. Il ne connaissait rien aux plantes mangeables, ne sait pas comment lève le pain ni faire le vin et est inapte à trancher les viandes. Aucune de ces petites choses pratiques de la vie quotidienne n’intéresse son esprit. Peu habile de son corps, il se dit de nature rêveuse. Il déteste ces grands banquets politiques où la frime de cour en jette aux provinces. Mais il aime manger. Il se jette avec appétit sur « les viandes », avalant hâtivement le service à la française où les plats restent peu de temps sur la table.

Montaigne mange ce qu’il a et notamment ces mets paysans de son enfance, le pain bis, le lard et l’ail. Comme il est aristocrate, il a accès à la viande, surtout conservée au sel et garnie de sauces grasses aux épices. Contrairement à la mode, il préfère le poisson. Avec la mode, il se gave d’huîtres et de melon, tout récemment venu d’Italie, pays qui donne le ton de cour au XVIe siècle. Il apprécie aussi l’artichaut dont la reine, venue de Rome avec le légume, était folle. Il aime beaucoup le vin, mais le blanc ou le clairet qui est du vin de l’année. Il en boit 75 cl (une bouteille actuelle) à chaque repas mais le coupe d’un tiers d’eau.

Le philosophe est adaptable et curieux. Il aime aller voir ailleurs, voyageant en Allemagne et en Italie, et rien de mieux que la table pour y connaître une culture. C’est que manger n’est pas seulement se nourrir. C’est découvrir les mets de la nature, combler son corps de sensations et ouvrir son esprit à la conversation. En sage à l’antique, Montaigne n’aime rien tant que deviser autour d’un banquet. La table est lieu de sociabilité où le vin délie les langues et les mets ouvrent à l’économie. La maîtrise de l’appétit comme le goût de manger à bonne santé prouvent le gouvernement de soi. Point de « principes » diététiques, de convenance sociale ou de restriction « bio » (dirait-on aujourd’hui) : il faut goûter de tout et s’emplir à satiété, l’équilibre étant celui de soi, de son corps plus ou moins apte, de sa propre complexion. « Je me défends de la tempérance comme j’ai fait autrefois de la volupté », déclare Montaigne (Essais III, 5, 611). C’est au bon goût et à l’appétit de régler les voluptés de table, pas à la médecine qui, dès cette époque, prenait l’allure d’une morale autoritaire.

Montaigne est curieux du monde et tout est bon à son philosophique intérêt, surtout ce qui le met hors de l’habitude. Il découvre ainsi la profusion d’écrevisses en Allemagne, dont il apprécie les vins blancs non coupés. Il s’étonne de ces choux hachés salés servis chauds ou en salades (qu’on appelle désormais choucroute), et l’usage de servir la viande aux fruits (pommes, poires, airelles). Le pain aux épices (cumin, maniguette, fenouil) le ravit bien plus que le froment sans sel qu’il a coutume de manger chez lui. Mais il n’aime pas la bière.

L’Italie, tant vantée du temps comme modèle gastronomique imitée à la cour de France, le déçoit par ses vins, troubles et indigestes, mal vinifiés et qui ne se gardent pas. S’il note surtout le protocole du repas, ce théâtre de la table mise en scène avec usage de la serviette et de l’assiette, il préfère les repas des petites auberges où l’on s’intéresse à ce qu’il y a dans l’assiette. Il mange moins de viande (elle se conserve mal en raison de la chaleur) mais apprécie le veau que les Italiens cuisinent de diverses façons. Il se goinfre de poisson, bien plus abondants en Italie qu’en pays gascon. Il découvre les oranges, les citrons, les olives, les salades aux herbes, tout ce qui n’existe pas chez lui. Il mange cru l’artichaut et les fèves, ce qui ne se fait jamais en Périgord, et les truffes blanches émincées simplement à l’huile d’olive et au vinaigre. Il goûte à la moutarde de fruits sucrée, spécialité italienne, et s’empiffre de melon, de coing et de jujube.

Il aime manger, plaisir simple loin de la gastronomie du discours. Son comportement à table est une sagesse mise en pratique. Elle nous fait découvrir un Montaigne tout à soi, ouvert, sensuel, tempéré, aimant la sociabilité et l’exploration des autres coutumes. L’auteur pousse le talent jusqu’à nous proposer en fin de volume douze recettes pour Montaigne, composées par lui aujourd’hui, selon ce qu’il aime. Vous saurez ainsi élaborer une soupe de melon, une salade de fonds d’artichauts aux fèves, une pintade aux aromates, une moutarde de fruits italienne, et même ces sauterelles grillées mexicaines en honneur des cannibales !

Un ouvrage court et plaisant qui donne envie de goûter à Montaigne.

Christian Coulon, La table de Montaigne, 2009, Arléa, 187 pages, €15.20

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