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Un jour de pluie à New York de Woody Allen

Gatsby emmène Ashleigh, sa copine à l’université chic mais peu connue du nord de l’état de New York, Yardley College, pour un week-end à la Grosse pomme. Lui a gagné 20 000 $ au poker, métier qu’il exerce plus volontiers que tous les autres. Elle doit réaliser une interview du réalisateur connu Roland Pollard (Liev Schreiber) pour la gazette de Yardley et ambitionne de devenir journaliste. Tous deux sont issus de familles riches, de la classe Trompe, lui de New York, sa ville où il est expert au poker (ce jeu de deal), elle de Tucson, Arizona, où son père possède « plusieurs » banques (de quoi diviser les risques et mieux arnaquer).

Ashleigh n’a pas le même but que Gatsby. Le garçon, mince intello un peu paumé (Timothée Chalamet, américano-franco-juif de 24 ans), imagine un week-end romantique où l’interview ne durera qu’une heure. La fille (Elle Fanning, née en Géorgie, 20 ans), blonde un peu nunuche, belle performance d’actrice en ingénue à la Marylin – sans son attrait magnétique – s‘excite en provinciale devant tout ce qui est ciné, télé, acteurs, people. Elle ne veut que « réussir » et est prête à tout pour cela, y compris livrer son corps. Deux verres de vin achèvent de la bourrer, et elle le sait ; elle manque de se faire violer, et elle y va – quitte à « accuser » ensuite « les hommes », dans la bonne tradition du Mitou. Woody Allen, en plein procès d’« agression sexuelle » de sa fille adoptive Dylan, pointe ici sans le dire, et avec humour, ce travers féminin de la génération Z – dont le pendant est Gatsby, sex-symbol en jeune homme jamais fini en pleine crise existentielle (et dans la vie un peu lâche).

Ashleigh se laisse entraîner à voir le film que le réalisateur n’aime pas, puis à boire avec le scénariste Ted Davidoff (Jude Law) qui aime le script et ne comprend pas, puis à rencontrer un acteur connu pour son physique avantageux, Francisco Vega (Diego Luna), à passer avec lui à la télé comme sa « nouvelle conquête », à picoler tant et plus, vin et bourbon, à se retrouver chez lui dans un grand appartement en duplex qui l’émerveille, à le suivre dans sa chambre, à ôter ses vêtements pour… devoir se cacher quasi nue lorsque la régulière de Francisco Vega revient à l’improviste de son voyage. Elle va piquer un imper pour se réfugier sur l’escalier de secours, en slip et soutien gorge, pieds nus, ne pouvant regagner l’intérieur puisque la porte a été refermée et verrouillée par la légitime qui a entendu du bruit et cru à un courant d’air (car la nunuche a – évidemment – fait tomber un classeur).

Gatsby, pendant que sa copine vit sa vie sans penser à lui, tue le temps en errant dans New York, où il rencontre un ancien copain qui tourne un petit film et lui demande de jouer impromptu la scène du baiser dans une voiture décapotée (autre signe d’humour subliminal Woody Allen). Sa partenaire est la petite sœur d’une ex, Chan Tyrell (Selena Gomez), qu’il n’a pas remarquée enfant. Il a du mal à l’embrasser, ses lèvres restant fermée par « respect » (incongru) envers Ashleigh (qui s’en fout bien, mais il ne le sait pas encore). Gatsby, une promenade plus tard, retrouve Chan dans le même taxi qu’ils ont hélé chacun de leur côté. Il l’accompagne dans l’appartement de ses (riches) parents, où il se met au piano et chante « Everything Happens to Me ». Ils parlent de leur amour de la Ville et trouvent que c’est le lieu le plus romantique un jour de pluie – une inversion comique à la Woody Allen de l’épreuve que traverse Ashleigh, chassée du lit de la star par la légitime. La mère de Gatsby (Cherry Jones) l’a obligé à apprendre le piano, et il aime ça, ou plutôt la seule légèreté du piano-bar, le jazz chanté. Elle l’a aussi formée autoritairement à aller aux expositions, à lire des livres, à écouter des concerts. « Il faut » aller voir ça, assénait-elle. Par conformisme ? Par snobisme ? Par culture ? Non, par avidité à accumuler pour paraître. Gatsby le saura bientôt.

Après avoir participé à une partie de poker, où il gagne 15 000 $ comme ça, il va visiter le Metropolitan Museum of Art avec Chan, qui lui avoue alors qu’elle avait le béguin pour lui jeune ado, alors qu’il ne s’était aperçu de rien, étant avec sa grande sœur. Il rencontre son oncle et sa tante par hasard et, voulant les éviter pour ne pas avoir à assister à la soirée de sa mère, qui ne sait pas qu’il est à New York, se retrouve devant eux au détour d’un mur égyptien. C’est le destin. Gatsby doit téléphoner à sa mère, doit assurer qu’il vient « avec Ashleigh », doit jurer qu’il portera une chemise et une cravate. Il était en effet vêtu habituellement en « jeune Z » d’une veste sur une chemise ouverte jusqu’au nombril avec un infâme tee-shirt bordeaux dessous, les tennis blanches de rigueur aux pieds. Mais point d’Ashleigh : que faire ? Cette interrogation à la Lénine trouve sa solution en la personne de Terry, une escort blonde (Kelly Rohrbach) qui l’entreprend et veut se donner à lui pour 500 $ ; il la paye 5000 $ pour jouer le rôle d’Ashleigh pour la soirée. Au gala chic de la Mother, il s’ennuie, il paradoxe, il fuit les mondanités, les cons bourrés de fric, le mariage – que son frère hésite à entreprendre à cause du rire bête de sa fiancée (et, de fait, il l’est – il aurait pu s’en apercevoir avant).

Sa mère le prend à part : elle a reconnu en Terry une semblable, ce qu’elle était avant de rencontrer son mari, une escort, autrement dit une pute sur rendez-vous. Elle la renvoie et dit à son fils qu’elle veut « lui parler ». Elle lui dit tout, que son acquisition forcenée de culture lui a permis de s’élever dans la société et de fonder cette société avec son mari qui les a rendus riches, ce pourquoi elle force son fils à se cultiver malgré lui. Cela le dessille. Il comprend que la vérité est finalement le seul moyen d’avancer quand on est en plein brouillard.

La nunuche Ashleigh, toujours quasi nue sous la pluie de New York, ne sait plus à quel hôtel Gatsby et lui sont descendus, elle se perd dans le métro (faut-il être bête), et parvient enfin à pieds (nus), harassée, trempée, au bon hôtel, pour aller direct se coucher. Elle expliquera demain qu’il ne s’est rien passé, même si elle n’a plus ses vêtements et que la télé a révélé publiquement sa liaison avec Vega.

Le jour d’après, le gauche Gatsby ne sait comment assumer tout ce qui s’est passé la veille. Il assure pour Ashleigh la promenade en calèche à Central Park, tourisme obligé des provinciaux à New York, puis quitte sa copine en plein voyage parce qu’elle se plaint de la pluie qui commence à tomber. Il;décide pour deux qu’elle va retourner à Yardley, vivre sa vie de journaliste couchant avec les stars, éblouie par les paillettes ; lui va rester à New York et commencer une romance avec Chan, laisser tomber l’université et Ashleigh – qui ne sait pas faire la différence entre Shakespeare et Cole Porter. La fille ne dit rien, estomaquée mais sans argument contre. A six heures tapantes à la Delacorte Clock, à l’extérieur du zoo de Central Park, il retrouve Chan et l’emporte dans un vrai baiser, cette fois.

Les spectateurs ont failli ne jamais voir le film, le woke ayant « cancelé » toute la production de Woody Allen, alors seulement « accusé » et non « prouvé » coupable ; il semble d’ailleurs que ces accusations soient des âneries, resurgies pour se faire mousser au moment de Mitou – ainsi en a décidé la justice. L’actrice Cherry Jones a défendu Woody Allen en avril 2019, déclarant (cité par Wikipédia en anglais, bien plus complet qu’en français) :  » I went back and studied every scrap of information I could get about that period. And in my heart of hearts, I do not believe he was guilty as charged […] [t]here are those who are comfortable with their certainty. I am not. I don’t know the truth, but I know that if we condemn by instinct, democracy is on a slippery slope. » En yankee dans le texte. En gros, il y a les croyants, qui jugent et condamnent sans savoir ; et il y a ceux qui doutent et demandent des faits. Si les premiers l’emportent (et ils l’ont emporté avec le démago Trompe), la démocratie a du mouron à se faire (elle en a).

DVD Un jour de pluie à New York (A Rainy Day in New York), Woody Allen, 2019, avec Timothée Chalamet, Elle Fanning, Selena Gomez, Jude Law, Liev Schreiber, Mars Films 2020, doublé anglais, français, 1h28, €10,80, Blu-ray StudioCanal 2025, €14,24

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Chow Ching Lee, Concerto du fleuve Jaune

Ce récit est la suite du Palanquin des larmes, publié en 1973 sous l’impulsion du journaliste Georges Walther, et déjà chroniqué sur ce blog. Chow Ching Lee est née dans la Chine féodale, mariée à 13 ans, mère à 14 ans, chassée de son piédestal bourgeois par la Révolution maoïste, réfugiée à Hong Kong puis exilée à Paris après avoir appris toute jeune le piano. Concerto du fleuve Jaune commence alors qu’elle a fait venir en Europe ses deux enfants, son fils Paul (Po) qui réussit bien à Cambridge, et sa fille Juliette (Lin) qui habite avec elle et son nouveau mari M. Tsing.

Mais l’ingénieur M. Tsing est jaloux, routinier et violent. La vie n’est qu’engueulades et orages. Chow Ching Lee, peu solide malgré sa volonté de s’en sortir et sa foi bouddhiste aux limites de la superstition, reste engluée dans les rets des hommes. Un certain Alain est amoureux d’elle, après son beau-frère Fong ; elle ne peut se dépêtrer ni de l’un ni de l’autre car elle ne sait pas dire non. Elle s’en rend compte avec sincérité sur la fin, lorsque sa fille est bouleversée. « C’est moi qui, à cause de ma vie sentimentale désordonnée, ai fait tout ce mal. Soudain, je me sens honteuse, indigne ». C’est un peu tard…

Pour être indépendante, Chow ouvre une boutique de vente d’articles chinois et d’antiquités dans la Quartier latin. Cela prospère, elle terminera en femme d’affaires avec sa fille à la vente et son fils à la comptabilité. Mais elle veut remercier son pays (et d’en être sortie à temps) en reprenant le piano, qu’elle a appris avec la grande Marguerite Long. Pour cela monter à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, le Concerto pour piano et orchestre dit « du fleuve Jaune », « une très intéressante rencontre de la musique chinoise avec les instruments occidentaux », dit-elle. Cela lui permettra « d’honorer sa famille » qui a souffert à cause d’elle, « la capitaliste » – bien que n’y étant pour rien, ayant été mariée forcée avec un héritier de Shanghai. Le concert a eu lieu en décembre 1973 et ce fut un succès, moins peut-être en raison du talent pianistique de Chow Ching Lee qui avait eu du mal à le travailler, que du symbole politique qu’il représentait, l’année où la Chine Pop était reconnue par les États-Unis après être entrée à l’ONU.

C’est un destin de femme, née au Moyen Âge et entrée dans la modernité grâce à son obstination. Elle est féministe de fait, non de papier. Elle voit la Chine telle qu’elle est, avec ses grandeurs et ses petitesses, au-delà de la propagande et des fantasmes. Ce pourquoi il faut relire Chow Ching Lee.

Chow Ching Lee, Concerto du Fleuve jaune, 1979, Robert Laffont 2001, 278 pages, occasion €5,13, existe aussi en poche J’ai lu, non référencé occasion

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Chow Ching Lie, Le palanquin des larmes

Au début des années soixante-dix a éclot en France un intérêt tout neuf pour la Chine communiste. Il faut y voir surtout les suites de la visite en Chine du président américain Nixon en 1972, qui allait aboutir à la reconnaissance de la République populaire au détriment de Taïwan, « l’autre Chine ». Georges Pompidou, président français, l’a suivi en septembre 1973. Mais il faut y voir aussi chez les intellos les suites du mouvement de mai 68 qui avait fait succomber les étudiants aux sirènes simplistes du Petit livre rouge du président Mao. Le ministre gaulliste Alain Peyrefitte s’est même fendu d’un ouvrage devenu célèbre, Quand la Chine s’éveillera…, tandis que les journalistes de gauche du Nouvel Observateur y cherchent à la même époque une voie nouvelle pour une doctrine « socialiste » qui n’a jamais au fond existé, ne sachant pas se détacher de sa fascination névrotique pour le marxisme.

C’est alors que la pianiste d’origine chinoise Chow Ching Lie qui se fait appeler en Occident Julie, arrivée en France en 1965 pour travailler avec Marguerite Long, est invitée par la télévision en décembre 1973 dans l’émission littéraire Italiques. L’écrivain journaliste Georges Walter la décide à écrire sa biographie. Ou plutôt à la lui dicter. Le livre paraît en 1975, préfacé par Joseph Kessel qui y voit le passage en trois générations du Moyen Âge au XXe siècle. Dans ce livre, écrit-il, « il n’est pas un détail de l’existence quotidienne qui ne nous intéresse, nous charme où nous étonne ».

Née en 1936 dans la Chine féodale pillée par les seigneurs de la guerre et par les étrangers, Chow Ching Lie était de Canton par sa mère et de Shanghai par son père. Mariée à 13 ans, mère à 14 ans, veuve à 26 ans après deux enfants, elle ne doit son salut qu’à la Révolution. En effet, écrit elle, « dans la tradition chinoise, la femme était tenue à trois obéissances principales : envers son père, envers son mari, envers son fils quand celui-ci avait l’âge d’homme – et quatre morales : ne pas faire de dépenses inconsidérées, être travailleuse, ne pas chercher à séduire, être toujours prête à se sacrifier pour les autres » chapitre quatre.

C’est dire combien la condition de la femme, dans cette Chine traditionnelle, était celle d’un objet ou d’un animal domestique, analogue à celle que prône le Coran dans les pays musulmans. La fille était vendue à la famille de son mari qui, dès lors, avait tout pouvoir sur elle. Seul les garçons comptaient, parce qu’ils s’occupaient de leurs parents âgés et de leurs sépultures. Les filles, exilées dans leur belle-famille, n’avaient pas voix au chapitre et se devaient d’obéir. D’où ce « palanquin des larmes » qui emmenait la jeune fille hors de chez ses parents. « À 13 ans, écolière, je suis vendue à l’une des plus riches familles de la Chine, contrainte, à l’âge où l’on ne connaît de l’amour que son nom, d’épouser un inconnu que je n’aime pas et qui n’a rien de ce que j’aime. Je résiste. La cupidité familiale et 10 000 ans d’obéissance sont les plus forts : sur mon image du Prince charmant il ne me reste plus qu’à faire une croix. Peu à peu, les attentions persévérantes d’un homme profondément amoureux me désarment. Je l’accepte comme mari. Les deux enfants qu’il me donne deviennent la raison de ma vie. Ses souffrances me touchent » chapitre 18.

La révolution de Mao Tsé toung a prôné l’égalité entre les hommes et les femmes et interdit les pratiques féodales – malheureusement six mois trop tard pour la jeune fille. Dès lors, elle peut s’inscrire dans une école où elle apprend la musique, car elle a été subjuguée d’entendre une œuvre au piano lorsqu’elle avait 6 ans. La femme peut également travailler « pour le peuple », ce qui permet à Chow Ching Lie d’enseigner en même temps aux élèves plus jeunes, d’obtenir un poste de fonctionnaire, puis de se produire en concert dans la Chine communiste. La Révolution a décidé d’y aller doucement avec les « capitalistes » et les « bourgeois nationalistes », dans une transition, certes rapide, mais sans trop de heurts, jusqu’à ce que les caprices politiques du président Mao ne gâtent la situation.

Ce sont les Cent fleurs en 1957 qui permettent au président, en autorisant les critiques, de faire surgir toutes les oppositions puis de les réprimer sévèrement. C’est ensuite le Grand bon en avant, de 1958 à 1960, qui effondre l’économie en collectivisant l’agriculture et en coupant tous les ponts avec l’étranger pour se suffire à soi-même, engendrant une grande famine. C’est enfin la Révolution culturelle de 1966 à 1976 qui renversera tous les cadres communistes, à la façon de Staline, pour promouvoir des jeunes, inféodés au président, et qui empêchera désormais Chow Ching Lie, devenue en Occident Julie, de revenir en Chine.

Elle a eu l’autorisation de quitter Shanghai pour Hong Kong, où vivent ses beaux-parents qui se meurent, puis de quitter la colonie britannique pour la France, grâce à l’amitié d’une pianiste chinoise qui lui permet d’obtenir un visa puis d’intégrer l’école de Marguerite Long à Paris. Non sans brimades de sa belle-sœur aînée, puis des avances jusqu’au viol de son beau-frère cadet avant le départ. Elle fera venir trois ans plus tard en France ses deux enfants, Paul et Juliette.

Ce récit est palpitant de bout en bout, raconté en phrases simples, sans omettre aucun élément de la vérité. Le relire aujourd’hui est un bonheur, alors que la Chine modernisée, devenue toute-puissante, s’oriente résolument vers le futur, en oubliant trop volontiers la boue d’où elle est péniblement sortie il y a à peine plus d’un demi-siècle.

Un film portant le même nom a été tiré de ce récit par Jacques Dorfmann et sorti en 1988.

Chow Ching Lie, Le palanquin des larmes, 1975, J’ai lu 2020, 448 pages, €8,40, e-book Kindle €9,99

DVD Le palanquin des larmes, Jacques Dorfmann, 1988, avec Yi Qing, Huai-Qing Tu, Jie Chen, Wen Jiang, Yiemang Zhou, G.C.T.H.V., 1h49, €15,00

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John-Frédéric Lippis, L’homme a la valeur de son cœur

Pianiste compositeur, chef de chorale reconnu, Lippis écrit désormais plus qu’il ne compose car son ouïe se dégrade. Un drame personnel qui l’a conduit à entendre avec le cœur, dit-il.

Ce livre est une méditation inspirée par Karol Wojtyla, ci-devant pape Jean-Paul II, à propos des souffrances et du courage, de la fraternité et de l’Amour avec un grand A (l’Hâmour persiflait Flaubert qui se méfiait des exaltations psychiques). Ce personnage hors norme a fortement impressionné le John-Frédéric adolescent et il s’est mis dans sa lumière.

Au point que le préfacier Laurent de Gaulle fait de John-Frédéric Lippis un saint chrétien, bénévole dès l’âge de 13 ans, un Modèle selon l’imitation de Jésus-Christ : « Dans sa simplicité, John-Frédéric transporte nos cœur par des variations sur le thème de l’amour. Il nous permet d’entrevoir l’invisible dans le visible de nos vies et de nos épreuves » p.13. Laurent est le petit-neveu du général, le petit-fils de son frère Jacques ; il a écrit un livre sur la foi de Charles de Gaulle.

L’auteur lui-même avoue, modeste : « Dans ma vie, il y a toujours eu une part de mystère, quelque chose de spécial. Il y a la foi. En Dieu, en la vie, en les hommes, en moi » p.20. Et l’on peut observer combien cette méditation à propos de Jipitou se réduit finalement à Jièfel. C’est amour et moi, je et Jean, papa et pape. Comme tous les croyants dans le sein de Dieu, Lippis se montre très assuré de soi. François Bayrou est de ce type. A propos du pape, l’auteur parle « d’une osmose entre lui et moi en toute humilité » p.50. Il crée un album de musique instrumentale pour retracer la personnalité de Karol ; désormais il écrit ces méditations.

Et des conseils de développement personnel à la lumière papale : « Retrouvez un rythme, un tempo, comme celui d’une musique qu’on va partager ensemble dans un moment de convivialité et d’amitié. Lâchez ces obligations qui ne vous apportent rien et que vous rendez indispensables, plus de surcharges inutiles, pensez à vous, aux autres, triez votre quotidien, ressourcez-vous pour mieux donner et partager. Cessez de penser comme tout le monde, sortez du moule, ayez le courage d’avoir vos opinions, votre humanité, restez vous-mêmes. Affirmez-vous selon vos opinions. Vous avez le droit d’exister, mais encore faut-il le décider… » – et ainsi de suite, p.60.

De grands mots, dans l’actualité de Noël, publiés à compte d’auteur.

John-Frédéric Lippis, L’homme a la valeur de son cœur, novembre 2022, Lina éditions  JF Lippis, 198 pages, €20,00 (non référencé sur Amazon ni sur la Fnac)

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Dans le chœur de Mozart déjà chroniqué sur ce blog

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Georges Duhamel, Le jardin des bêtes sauvages

Ce roman est le tome deux de La chronique des Pasquiers mais peut se lire indépendamment. Il se situe à Paris en 1895 et ne quitte pas le 5ème arrondissement, sauf aux frontières du 6ème pour y traquer la maîtresse du père, rue de Fleurus. Laurent n’a pas encore 15 ans et toute la sensibilité de l’enfance dans un corps qui mue en homme. Il découvre la vie et ses yeux se décillent sur sa famille.

Elève boursier au lycée Henri IV (les « collèges » séparant les 10-15 ans des plus grands du « lycée » ne seront créés que dans les années 1980), il arpente inlassablement la rue Clovis, la rue du Cardinal Lemoine, la rue des Boulangers, la rue Jussieu, la rue Linné, jusqu’à la rue Guy-de-la-Brosse où il habite. Tout un quartier que je connais bien pour y avoir habité. Le Paris de 1895 est plus provincial que le nôtre ; les automobiles sont quasi inconnues et seuls circulent les fiacres ou, sur les grands axes, les omnibus à impériale. Il y fait bon marcher à pied et Laurent ne s’en prive pas avec son ami Justin Weill qui, juif, a cette remarque subtile que le Messie n’est pas encore venu pour sa croyance et qu’il a donc une chance de l’être lui-même tandis que pour les chrétiens c’en est fini, Jésus est passé. Laurent y consent ; pour lui, la science est le messie qui sauvera l’humanité.

Mais, pour l’adolescent, ce qui compte est la famille, le nid où les cinq enfants se retrouvent les uns sur les autres dans la promiscuité d’un trois-pièces. Georges Duhamel a créé le mouvement « unanimiste » où il s’agit d’observer et de conter les gens dans leur milieu. Pour un garçon d’encore 14 ans, l’univers est celui des tout proches : son frère aîné Joseph, 20 ans, qui « sait tout sur tous » et compte ses sous ; Ferdinand le second, 18 ans, grand de taille mais voûté d’épaules et bigleux, heureux en administration comptable ; sa petite sœur Cécile, 12 ans, prodige au piano et exercée par un Danois musicien qui habite au-dessus ; enfin sa petite sœur Suzanne bébé de 3 ans. Il y a sa mère, Lucie, méritante et laborieuse qui cuisine et ravaude, consolant les petits. Et le père Raymond, dit Ram, fantasque et foutraque, qui entreprend à la quarantaine des études de médecine ! Il travaille à l’hôpital, on ne sait trop ce qu’il y fait. Le père de Duhamel était de cette espèce, herboriste. Mais Laurent est de trois ans plus âgé que l’auteur.

Un jour, sa mère lui demande de s’enquérir discrètement s’il existe un Raymond Pasquier au 16 rue de Fleurus car elle a trouvé une lettre à cette adresse dans la veste de son mari. Est-ce un homonyme ou a-t-il une double vie ? Laurent part la fleur au fusil et la concierge lui dit qu’il n’existe aucune personne de ce nom dans l’immeuble. Il décide alors de suivre papa comme un Indien dans Le dernier des Mohicans, fort en faveur auprès de la jeunesse de son temps. Ram prend l’omnibus, Laurent y cavale ; Ram emprunte la rue de Fleurus, Laurent le suit ; Ram pénètre au 16, Laurent fait de même. Jusqu’au troisième étage, troisième porte à gauche. Il reviendra y sonner plus tard pour y trouver une jeune femme en peignoir. Solange est la maîtresse (non rémunérée) de son père. Cela le trouble et le gêne, partagé entre la puberté « honteuse » (selon la répression bourgeoise-catholique de l’époque) et l’écroulement de son idéal paternel moral et vertueux. La fille ne profite pas de sa jeunesse en fleur, ce qui aurait été cocasse, mais pas convenable à la parution du livre. Georges Duhamel n’aurait pas été admis à l’Académie française deux ans plus tard s’il avait dérapé des normes sociales de son temps où la majorité n’était encore qu’à 21 ans.

Laurent enjoint Solange de renoncer à son père pour le bien de la famille ; elle promet, elle ment. Si elle déménage bien pour brouiller les pistes, elle ne perd pas le contact avec Ram et Laurent les voit tous deux attablés à la terrasse d’un bistrot le jour des funérailles nationales de Louis Pasteur, dont son père admire la gloire scientifique. Au fond, tout le monde ment, tout le monde s’accommode des défauts et écarts des autres. C’est ce que lui apprend son frère aîné Joseph ; c’est ce que lui révèle sa mère qui « sait » et consent ; c’est ce que lui montre sa petite sœur Cécile qui devient enfant prodige du piano. C’est surtout ce que lui apprend son père lors d’une conversation d’hommes, lorsqu’il lui dit que ses besoins sexuels ne remettent pas en cause le contrat conjugal ni l’amour qu’il porte à la mère de ses enfants.

Au fond, les humains sont des bêtes, comme celles du jardin des Plantes tout proche dans lequel l’adolescent aime à s’isoler. La « pureté » n’est qu’un concept ; l’idéal n’est pas de ce monde. Il faut vivre dans le réel et c’est cela grandir. Même Thérèse, vieille fille voisine qui veut entrer au couvent, flirte avec son père, incorrigible coureur. Et Cécile, la petite sœur confidente dont il est très proche, lui avoue être amoureuse d’un garçon plus âgé qu’elle : non pas Justin Weill qui l’admire et rougit en sa présence, mais de Valdemar Henningsen, son mentor en piano, qui a dans les 20 ans ! C’est dur de découvrir la vie à 15 ans et c’est cela qui est touchant dans ce roman d’une époque révolue. Aujourd’hui, les adolescents avec leurs smartphones et l’Internet, le Youporn et les pairs LGBTQ+, sont plus émancipés et au courant – mais toujours aussi fragiles et en quête de repères.

Georges Duhamel, Le jardin des bêtes sauvages, 1933, Livre de poche 1962, 246 pages, occasion €4.99

Georges Duhamel, Chronique des Pasquiers, Omnibus 1999, 1387 pages, €33.23

DVD Le clan Pasquier – coffret intégrale, Jean-Daniel Verhaeghe, 2009, avec Bernard Le Coq, Valérie Kaprisky, Elodie Navarre, Mathieu Simonet, Florence Pernel, €22.00

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De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard

Qui est-on au début du millénaire quand on a 28 ans ? Pas grand-chose… Le fils de son père, l’orphelin de sa mère, le troisième de la bande, l’amant de l’épouse du copain adultère, le pianiste raté, le professionnel de l’immobilier qui en a le dégout ? Tom n’existerait pas sans son incarnation cinéma Romain Duris ; avec un autre acteur, il serait un bien pâle personnage, tiraillé entre toutes ses contradictions et la complexité de l’existence aujourd’hui.

C’est bien Romain Duris qui est l’âme du héros, donc du film. Nerveux, tremblant, colérique, il est aussi baratineur et bagarreur. Il en veut, mais ne sait quoi. Se faire du fric en jouant les marchands de biens ? Se faire la femme de son collègue qui va baiser ailleurs ? Se remémorer maman en rejouant du piano arrêté dix ans avant ? Plaire à son père, la seule famille qui lui reste, malgré son égoïsme, sa rusticité et même sa bêtise ?

Il est entraîné par ses collègues de l’agence (Jonathan Zaccaï et Gilles Cohen) à lâcher des rats dans les escaliers pour faire partir les locataires d’un immeuble racheté à bas prix, ou à casser vitres et plancher d’un immeuble vétuste pour éviter les squats de Droit-au-logement. La propriété ou l’humanité ? Tom hésite. Là où il n’hésite pas, c’est lorsqu’il a affaire à un truand, soit un « couscous » qui ne veut pas payer le loyer pourtant dû, soit à un mafieux russe (Anton Yakovlev) qui se pavane dans les grands hôtels de la Côte. Pour ces cas, que son couillon de père n’a pas su résoudre et qu’il doit régler à sa place par chantage affectif, il y va et il cogne : ce qui est dû est dû. Prudent, il drague et baise dans les toilettes du grand hôtel la pute du Russe pour apprendre à quel danger il se mesure. Revenu à Paris, il enjoint son père de laisser tomber : ce mafieux est un tueur qui n’hésite pas. Le père, gros et con, fort laid (Niels Arestrup), s’en fout et il va y rester. Tant pis pour lui mais le fils devra le venger s’il le peut par on ne sait quel honneur familial.

Tom a rencontré par hasard Monsieur Fox, l’imprésario de feue sa mère qui le reconnait et lui demande s’il joue toujours du piano. Tom hésite, dit que oui de temps à autre, et l’imprésario lui demande de venir passer une audition. Changer de vie ? Retrouver sa vraie nature qui aime le son ? Choisir la part de sa mère vers l’ouverture artistique plutôt que celle de son père qui est une impasse ? Pour cela il faut se remettre au piano, métier exigeant et qui demande du temps. Ses collègues viennent à toute heure du jour et de la soirée le solliciter pour négocier une vente ou faire détaler les occupants des immeubles.

Le garçon rencontre une Chinoise récemment arrivée (Linh-Dan Pham) qui ne parle pas un mot de français mais est experte en piano. Elle consent à le préparer et lui fait répéter une toccata de Bach ainsi que d’autres morceaux. Tom est malhabile, le piano revient mais il est crispé, en témoigne son dos nu contracté que le cinéaste filme ; il a peur de ne pas réussir, il tremble d’être regardé et jugé. Il est encore adolescent peu sûr de lui qui ne joue bien que tout seul et sans cravate. Mais Miao-Lin, parce qu’elle est Chinoise et donc préoccupée avant tout de perfectionnisme, et parce qu’elle ne parle pas le français, est une bonne maitresse de piano. Elle se concentre sur l’objet, pas sur le sujet, sur la place des mains et l’aisance du mouvement, pas sur le « c’est bien ou c’est mal » (cette tare moraliste à la française).

Tom va à l’audition mais, réveillé pour aller signer un contrat inespéré la veille, il la rate, inhibé devant le grand homme de sa mère ; il devra revenir. Le père tué de deux balles dans la tête (dont on aperçoit les impacts sur le mur), Tom laisse tomber l’immobilier, ses copains bas du plafond et lourds de la queue. Il aide Miao-Lin à s’intégrer dans le milieu du piano et à parler le français ; on peut supposer qu’il en fait sa compagne, mais cela reste à l’appréciation du spectateur. Comme nous le retrouvons deux ans plus tard, à 30 ans donc, il est devenu adulte et probablement plus lui-même. Maman n’est plus et il n’a pas son talent, il l’accepte ; papa n’est plus et il n’aime pas le métier qu’il lui a inculqué, il le laisse.

Il va trouver sa voie, même s’il alterne encore entre Bach au piano et la musique électro dans son baladeur. C’est que le premier demande amour, effort et travail adulte du classique alors que la seconde est pure flemme et laisser-aller adolescent du mainstream. Comme souvent vers 20 ans (mais Tom est en retard), les jeunes hommes clignotent, côté vert mature et côté rouge immature. Tom joue du Bach chez lui chemise entièrement ouverte ou torse nu, à l’ado, ce qui est une façon de concilier les deux, d’hésiter encore à devenir adulte, puisque le piano se joue publiquement en chemise blanche, veste noire et cravate.

Ce n’est ni un polar ni un film psychologique, mais un entre-deux sympathique qui repose sur le jeu de l’acteur principal. Romain Duris. Casque de cheveux noirs et poitrine velue, stressé permanent qui fume sans arrêt, il aborde la vie difficile du millénaire, cette époque qui ne fait aucun cadeau aux jeunes ni aux autres. Les affaires sont délaissées pour l’art – mais pas sûr que les relations y soient plus humaines, même si elles sollicitent plus la sensibilité et l’intellect.

DVD De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard, 2005, avec Romain Duris, Niels Arestrup, Aure Atika, Emmanuelle Devos, Linh-Dan Pham, Jonathan Zaccaï, Gilles Cohen, Anton Yakovlev, UGC video 2012, 1h47, standard €9.99 blu-ray €11.99

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Mettez-vous au parfum

Un parfum est constitué de trois « notes » qui sont des senteurs particulières. Leur assemblage selon de savants dosages fait l’originalité d’un parfum. Le « piano » permet au nez de composer, tout comme un musicien avec ses notes.

Grasse usine Fragonard piano du nez

La plus volatile – mais aussi la première que l’on sent – est la note de tête ; composant près de 30% du parfum, elle disparaît rapidement. Légères, gaies, fraîches, on trouve des agrumes (bergamote, raison, citron ou citron vert, orange, pamplemousse), des conifères (pin, sapin, cyprès), certaines herbes aromatiques (basilic, laurier, romarin, menthe, coriandre) ou certaines fleurs (lavande, néroli – ou fleur d’oranger).

La signature d’un parfum est la note de cœur – à 50% de la dose, c’est ce qui rend le parfum boisé, fruité, ambré, floral et autres ; elle subsiste jusqu’à quatre heures de suite. Épicée (poivre noir, cardamome, cannelle, clou de girofle, muscade), boisée (sapin, genévrier, bois de rose) ou fleurie (camomille, jasmin, iris, néroli, rose, ylang-ylang, géranium), la fragrance constitue l’âme du parfum.

Le complément qui renforce et fixe la note de cœur est la note de fond pour 20% ; elle peut subsister plusieurs heures sur la peau et plusieurs mois sur un vêtement – voire plusieurs années, s’il est enfermé. Cette note est surtout boisée (cèdre, cyprès, bois de santal, pin) ; on utilise aussi des racines (iris, gingembre, vétiver), des herbes (patchouli), ou encore la vanille, le miel, l’ambre ou le musc.

Grasse usine Fragonard assembler un parfum

Ce sont les notes de fond qui commence un parfum ; le nez incorpore ensuite les notes de cœur puis les notes de tête. Le total des huiles essentielles n’entrent que pour 15 à 30% dans un litre de « parfum » (le reste est de l’alcool ou de l’huile et de l’eau distillée), de 8 à 20% pour une « eau de parfum », de 6 à 12% pour une « eau de toilette » et sous les 8% pour une « eau fraîche ». Le support du parfum peut être une huile végétale pour mieux tenir sur la peau (jojoba, amande douce, pépins de raisin), un alcool neutre pour se diffuser plus vite (vodka), ou de la cire d’abeille (ou cire de soja, ou beurre végétal) pour les baumes ou sticks.

Grasse usine Fragonard distillation

Le Comité français du parfum a classé les créations de parfums en sept familles :

  1. Hespéridés : zestes d’agrumes (orange, bergamote…), floral (chypré), épicé, boisé, aromatique.
  2. Floraux : (rose, tubéreuse…), en une seule fleur, lavande, bouquet floral, fleuri vert, aldéhydé, boisé, fruité.
  3. Fougères (rien à voir avec ces plantes), associent notes boisées et lavandées : fougère, fougère ambré doux, fleuri ambré, épicé, aromatique.
  4. Chyprés (selon le parfum « Chypre » créé par François Coty en 1917), odeurs de mousse de chêne accompagnées de notes fleuries et fruitées : chypré, chypré fleuri, fleuri aldéhydé, fruité, vert, aromatique, cuir.
  5. Boisés, plutôt destinés aux parfums homme : santal ou cèdre, patchouli, vétiver : boisé, boisé conifère hespéridé, aromatique, épicé, épicé cuir, ambré.
  6. Ambrés ou orientaux : fragrances chaudes et poudrées, parfois aux accents vanille : ambré fleuri boisé, fleuri épicé, doux, hespéridé, semi-ambré fleuri.
  7. Cuirs : davantage masculins, évoquent les odeurs de tabac, de fumée ou de peau tannée : cuir, cuir fleuri, cuir tabac.

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La visite de la boutique Fragonard à Grasse permet de voir et de humer la variété des déclinaisons cosmétiques et parfumées. Les Japonais sont ravis ; les Français en visite aussi. Un test permet de savoir quel parfum vous convient le mieux, des échantillons gratuits de les tester à la maison et de les faire goûter à d’autres, un site internet de commander en ligne. La Fleur de l’année est l’iris. De beaux cadeaux en perspective !

Catalogue et commande par Internet : www.fragonard.com (je n’ai aucune commission sur les ventes)

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  • L’usine historique : 20, bd Fragonard, 06130 Grasse, tél 04 93 36 44 65
  • Ouverte tous les jours de septembre à juin : 9h-18h00 (fermé de 12h30 à 14h de mi-novembre à mi-décembre), en juillet et août : 9h-19h00. Vente de produits à prix de fabrique.
  • Visites guidées gratuites toute l’année.
  • Groupes : contacter par téléphone du lundi au vendredi au 04 93 36 44 66, ou par courriel : tourisme@fragonard.com
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Damien Luce, La fille de Debussy

damien luce la fille de debussy

Claude Debussy, musicien français (1862-1918), « tout le monde » connait (du moins parmi les cultivés) – mais connaissez-vous Claude-Emma Debussy ? Probablement pas, tout comme moi avant d’ouvrir ce livre – qui vient tout juste de paraître. Claude-Emma est la fille du grand-homme ; comme lui, elle s’exerce au piano, s’initie à Rimbaud, et rêve de la mer – surtout avec Marius, un roux de 15 ans rencontrée en slip sur le sable, dont elle est amoureuse. Claude-Emma s’appelle Chouchou, c’est du moins son père qui le dit ; elle aurait préféré Clémentine. En 1918, à la mort de son père, elle a 12 ans et compose un journal.

C’est un roman – bien sûr le journal est inventé, naturellement « découvert » par un gamin déluré de 7 ans dans le tronc creux d’un arbre du bois de Boulogne, au lieu-dit Jardin d’Acclimatation. Procédé littéraire bien connu dont Stefan Zweig a usé et abusé. Mais l’auteur, à 36 ans, n’a pas quitté le meilleur de l’enfance : sa capacité à s’émerveiller de tout et de jouer avec les mots. Il y a de la grâce dans ce roman-journal d’une adonaissante désormais orpheline.

Elle joue et rejoue les partitions de son papa pour le faire exister un peu, le respirer par les oreilles. Tout comme elle retient son souffle après le baiser de Marius pour le garder en soi. Pour elle, les larmes qui viennent à tout propos sont « le couteau suisse de nos peines » p.22. Elle se demande sérieusement si l’on peut « démourir » p.27 et passe « le triste repas à regarder [son] bouillon dans les yeux » p.29 ; après quoi elle médite devant une bougie en attendant un signe : « je prenais mes propres soupirs pour Dieu » p.59. Et pourquoi offrir aux gens des fleurs coupées ? « En vérité, ce sont des cadavres » p.91. L’été, pour elle « a des longueurs d’opéra » p.62, mais ensuite, au lycée, « la directrice a quitté l’habit courtois qu’elle portait devant maman, pour revêtir sa peau de vache » p.79. Quant au piano… « Un clavier de piano, c’est un peu comme un garçon : plus on le connaît, moins on le regarde » p.109.

La photo de Chouchou (Gallica.fr) à gauche

claude emma debussy dite chouchou gallica.fr

C’est dire le ton primesautier, poignant et drôle, de cette très jeune fille recréée par la magie de l’auteur. Il écrit pour elle ses pensées, sa lutte perpétuelle contre l’autoritarisme de maman, son amour du lointain Marius qui lui a permis de démolir ses châteaux de sable – la meilleure preuve d’amour – son amie Gabrielle aux yeux bleu, le piano et « la vielle loutre » qui lui donne des leçons, les amis de papa, toujours un peu étranges. Elle ponctue ces passages par des histoires de Xantho, le bon chien mort, qu’elle imagine comme en film dans des scénettes absurdes, naufragé sur un radeau, aux prises avec la bouteille pour un message à la mer. Plus enfant mais pas encore femme, elle reste à cet âge incertain où le monde est ouvert mais le destin pas encore fixé. Bien que l’œil de la société contraigne : « Il me manque, le temps où je pouvais courir presque nue sur la plage, gesticuler dans tous les sens, me rouler par terre, sans craindre d’offenser les passants avec cette encombrante féminité » p.35. Contrainte du genre…

Chouchou ne connaîtra pas le reste de sa vie : elle disparaîtra elle aussi, après son chien Xantho et son père Claude, terrassée par une diphtérie le 16 juillet 1919. Juste avant les vacances promises à Saint-Jean de Luz pour retrouver Marius, son garçon rouquin et son bateau à voiles.

Outre une faute inaperçue p.16 (« se livre » pour ce livre), j’ai un regret : que le titre soit si peu euphonique, la fille de de fait bien lourd, Flaubert s’en serait étranglé dans son gueuloir. Pourquoi ne pas avoir choisi le direct « La fille Debussy », comme il est dit p. 39 et p.78 ? Mais ce n’est que vétille car voici un beau roman, touchant et poétique, qui reconstitue l’enfance comme personne. La prolongation d’un spectacle où Damien Luce se met dans la peau du père, à partir de sa correspondance et de son œuvre musicale.

Damien Luce, La fille de Debussy, mars 2014, éditions Héloïse d’Ormesson, 155 pages, €15.20

damien luce

monsieur debussy spectacle damien luce

 

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Queenstown et les croisières

Pour le petit déjeuner le groupe est scindé en deux car le restaurant du motel est trop petit. Il pleut, il pleut, il pleut ! Rendez-vous sur le quai pour prendre la « Lady of the Lake » pour nous rendre sur la rive opposée. La pluie gâche un peu notre plaisir mais l’ambiance sur le steamer est fort sympathique.

Le TSS Earnslaw est une vénérable relique du temps où les vapeurs étaient le principal moyen de circulation sur le lac. Il est propulsé par 2 moteurs de 500 chevaux qui l’équipent depuis son lancement en 1912.

Cette honorable « Dame du Lac » nous mènera à la Walter Peak High Country Farm. Là nous irons rendre visite aux lamas, aux moutons, aux cerfs et biches, aux bœufs écossais, et avec une tasse d’un English tea, déguster un ou deux scones. Delicious !

Sur le bateau, un piano quart de queue et son pianiste joue des mélodies très connues, un petit Song book est remis à ceux qui s’approchent du coin musique. Dans ce petit fascicule, vous trouverez 48 textes de chansons comme My Bonnie, John Brown’s body, Lily Marlene, It’s a long way to Tipperary, Waltzing Matilda, and so on. A l’aller comme au retour, le pianiste du bord se délectera d’accompagner les voix tahitiennes, de jouer à quatre mains avec notre accompagnatrice. Etonnant et distrayant pour les autres touristes, asiatiques pour la plupart,  qui s’empressent de mettre ces souvenirs dans leur boîte à images.

Par le téléphérique Gondola nous irons dîner au restaurant panoramique. Le dénivelé est de 450 m sur une longueur de 730 m. La vue depuis le restaurant sera perturbée par la pluie, dommage ! On aurait pu faire de la luge. Tant pis. Les buffets sont copieusement garnis, en huîtres, pétoncles, moules, crevettes et autres produits de la mer, en viandes, en légumes, en salades, en fromages. Du chaud, du froid,  des desserts, des boissons chaudes, cette fois, les Tahitiens n’auront  pas besoin de courir chercher des frites au sortir du restaurant!

La journée sera longue. La pluie sera des nôtres jusqu’à l’arrivée. Te Anau est le centre commerçant du Fiordland, région vivant de l’élevage de daims et du tourisme. La ville est sise sur la rive sud-est du lac du même nom, long de 61 km et profond de 417 m. C’est le plus grand lac de l’île du Sud.

Une visite à la grotte des vers luisants est programmée. Par bateau, on rejoint la grotte. On pénètre par petits groupes à l’intérieur. De passerelles en passerelles, au-dessus des torrents, d’une piscine naturelle, de la rivière est en crue qui gonfle la cascade,  on pénètre l’intérieur des galeries calcaires puis en barque, dans le plus grand silence, on découvre les voutes de la grotte illuminées par des milliers de vers luisants. Grâce à leur minuscule lumignon ils attirent les insectes dont ils se nourrissent. Une voute céleste brillant de milliers de feux dans un univers magique.

Sabine

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