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Français terroristes : que faire ?

Les massacreurs du Bataclan et des cafés bobos, les terroristes qui se sont fait sauter au stade de France et à Saint-Denis (plus celui qui est encore en vie pour n’avoir pas osé) étaient Français. D’origine immigrée arabe, mais nés et élevés en France, « sous la mère » si l’on ose accoler cette mention de qualité bio.

Ils ont connu ségrégation sociale, difficultés scolaires, petite délinquance, radicalisation religieuse de quartier et dans les prisons, emprise du financement saoudien et qatari donc de la version littérale salafiste de l’islam, rigidification laïque sur le voile, le halal, la piscine, les prières dans la rue, les minarets des mosquées, la question palestinienne et les conflits en Afghanistan, en Irak, en Syrie, la chienlit des printemps arabes « démocratiques ». Cela n’excuse rien ; cela permet d’analyser leur cheminement.

Comme le dit depuis des décennies Marcel Gauchet, toute religion se fond peu à peu dans la modernité, les réactions intégristes étant justement le symptôme qu’elles se diluent. Cependant, comme le monde est désormais global, Internet livrant opinions, slogans et vidéos de tout, en temps réel, ce qui demeurait friction culturelle ou adaptation malaisée devient aujourd’hui conflit identitaire, voire choc moral des civilisations. Ce pourquoi cette troisième ou quatrième génération issue d’immigrés s’intègre moins bien que les précédentes. Tout est plus dur pour la jeunesse, mais encore plus pour la leur, car leur visage et leur patronyme sont connotés.

musulmans exclus

Mais leur violence ne peut plus être vue seulement comme conséquence des discriminations sociales ainsi que le logiciel de gauche tend à le mouliner en boucle :

  • il y a violence du monde et de ses conflits au Moyen-Orient
  • il y a la violence de l’islam des premiers temps, réavivée par la lecture littérale du Coran
  • il y a la violence mimétique de l’adolescence et des fratries qui se monte volontiers la tête et se pose par la posture virile vengeresse pour exister dans une société qui valorise plutôt le savoir et l’intelligence.

Dans la sous-culture des banlieues françaises, les désaffiliés sont parfois victimes (ce n’est pas la majorité) – mais s’enferment dans la haine. Ces « exclus » ne sont pas de nouveaux Christs rédempteurs du genre humain, pas plus que des néo « prolétaires » dont la classe serait porteuse d’avenir radieux. Ils sont plutôt solitaires, dépressifs, recherchant la gloire et la fraternité comme compensation. Le pèlerinage en Syrie a fonction de voyage initiatique, dont ils reviennent soit hantés parce qu’ils étaient partis pour apporter de l’aide et qu’ils n’ont trouvé que les horreurs de la guerre – soit décérébrés, enveloppant de « sacré » leur violence ultime, tout esprit annihilé par le suicide programmé au nom d’Allah par d’habiles manipulateurs d’ex-services secrets de Saddam Hussein.

se faire sauter en slip

Être un héros n’est pas facile, et la religion semble offrir une voie rapide :

  • Elle permet d’assimiler un savoir déjà écrit et contenu tout entier dans le Coran – plutôt que des années scolaires prolongées aux perspectives sans cesse repoussées.
  • Elle permet de se voir assigner une place, garçon ou fille, avec des rites de discipline et une communauté d’entraide.
  • Elle permet d’inverser les rôles, d’insignifiants rasant les murs à juges impérieux de cette société qui les a oubliés, méprisés ou rejetés – société qualifiée facilement « d’impie » ou d’hérétique. Faites la guerre, pas l’amour : la kalachnikov est plus facile à manier pour tisser des relations de domination avec les autres que la bite pour se faire accepter des filles ; se faire sauter une seule fois pour toutes assouvit la frustration de ne pas être autorisée à se faire sauter maintes fois – c’est parfois aussi trivial que ça.

Le rêve de toute-puissance permet de se voir comme Exécuteur de Dieu, bras armé du divin. Ce pourquoi on se met en images, contrairement aux préceptes de l’islam mais selon le narcissisme de la jeunesse moderne.

se faire sauter ados

Dans l’ordre inverse de cet engrenage individuel, social et culturel, il serait donc nécessaire de :

  1. Désendoctriner les néo-convertis, plus royalistes que le roi dans leur ignorance des textes et de l’histoire
  2. Ventiler les prisons, pour que les radicaux ne subvertissent pas les tièdes
  3. Soigner la délinquance par d’autres mesures que la prison
  4. Offrir d’autres perspectives que le trafic, le racket ou le vol à la jeunesse des banlieues
  5. Former des imams français en France et contrôler étroitement les contreparties exigées des financements étrangers
  6. Réformer l’école (éducation au statut de citoyen libre) en n’y envoyant pas les profs débutants, mal formés et laissés pour compte par la sacro-sainte Administration (dont le seul but est de s’en laver les mains)
  7. Réhabiliter l’esprit français, universaliste mais ancré dans l’histoire (finie la repentance), les grands exemples des classiques (finie la démagogie des chansons de rap en cours de littérature), l’usage du grec ancien remettant tout le monde à égalité et décentrant la culture (alphabet à réapprendre pour tous, période hors des conflits actuels, matrice de la civilisation occidentale mais surtout de la laïcité et de la démocratie universelle)
  8. Faire montre de plus de tolérance (une fois l’identité de culture réaffirmée comme ci-dessus), croire en Allah ne faisant pas de vous ipso facto un terroriste en puissance, être religieux ne voulant pas dire rejeter la république ni la vie en commun. Liberté de croire, égalité de toutes les croyances pour l’espace public, fraternité de la vie commune par la tolérance mutuelle : la notion de « blasphème » est abandonnée depuis 1789. Pas de différentialisme à la Terra Nova ou à la Wievorka, pas de laïcité soupçonneuse et interventionniste à la jacobin-socialiste aimant tout régenter – mais une laïcité libérale : celle de ne pas intervenir dans la sphère privée.

Il y a un long travail à accomplir pour changer les mentalités…

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Samuel Laurent, Al-Qaïda en France

samuel laurent al qaida en france
Malgré le bandeau accrocheur de l’éditeur, les « révélations » sont relatives dans ce livre. L’auteur décrit le foutoir libyen, le totalitarisme coranique, le mépris de la loi civile au profit de la Charia de Dieu, la passoire turque, l’inexistence de l’ASL (armée syrienne libre) les Occidentaux considérés par les musulmans comme du bétail sacrifiable ou vendable, Al-Qaïda comme la « fierté » arabe (Muslim Pride)… C’est vivant, intéressant, pas fracassant.

Samuel Laurent décrit comment il suit la trace des djihadistes français (qu’il écrit jihadistes, à l’anglo-saxonne, ce qui pointe ses sources), il passe en Syrie via la Turquie sur recommandation d’un de ses contacts libyen, puis comment il va jusqu’en Somalie rencontrer un expert français musulman des camps d’entraînement – où il « découvre » que d’ex-djihadistes partis combattre sont sélectionnés, entraînés, puis renvoyés en France dans les banlieues pour y constituer une cinquième colonne menaçante.

Le livre est bien composé, écrit sec comme du vécu, alternant action et réflexions, conduit par un auteur qui se montre en héros acharné à comprendre et enquêter. Il se lit bien mais, une fois refermé, quel en est le bilan ?

Ni journaliste, ni chercheur, ni analyste du renseignement, ni diplomate… la question qui se pose très tôt à la lecture de ce livre est : qui est Samuel Laurent ? Je constate que Luc Mathieu, journaliste à Libération, a eu la même réaction, publiée le 21 décembre 2014. Il n’est pas le Samuel Laurent journaliste au Monde.fr. En revanche, son père Éric Laurent est journaliste géopolitique à France Culture et Le Seuil l’a édité en 2012. Ceci expliquerait-il cela ? Samuel se présente aux lecteurs comme « consultant international », terme qui ne signifie rien de concret (consulté quand ? sur quoi ? pour qui ?) ; aux salafistes djihadistes comme « écrivant un livre », ce qui les amuse d’autant qu’il « parle mal l’arabe » (p.53) ; sur sa biographie à l’intention des médias comme « baroudeur » engagé « dès 16 ans » dans les maquis Karen birmans (ce qu’ils démentent catégoriquement). S’il se veut journaliste d’investigation, souvent en immersion pour ses enquêtes en profondeur dans les milieux islamistes, pourquoi publier sa photo au dos du livre, apparaître avec délectation dans autant de médias, et écrire sous son vrai nom ? Il y a une contradiction entre ses aspirations et son comportement qui montre un certain « bidonnage ».

Il dédie ce livre à sa mère « pour son indéfectible soutien », ajoutant « le plus beau reste à venir ». Voudrait-il prouver sa virilité ou son statut de bon fils qui sait réussir pour racheter une adolescence mouvementée ? N’est pas Malraux qui veut, ni même Régis Debray.

Inconnu en 2013, il est d’un coup deux ans plus tard auteur de trois livres sur le salafisme et ses dangers. Thème populaire, très vendeur, dont il tire gloire et profit, écumant les radios, télés et journaux en ligne pour y délivrer la bonne parole du « spécialiste ». Mais la lecture attentive de son dernier livre, chroniqué ici, laisse entrevoir, sous le style « vécu » très entraînant, une indigence d’informations précises sur qui, où et quand – la base même d’une description de la réalité. Il a, certes « été en Syrie », selon Luc Maheux qui a enquêté sur l’enquêteur, mais quelques jours et pas plusieurs mois ; il a, semble-t-il, été en Somalie, mais n’a pas réussi à rencontrer le Français djihadiste dont il parle. Ses descriptions de lieux et de paysages sont d’autant plus précises qu’ils se situent dans des zones interdites où personne ne peut aller vérifier…

En revanche, dès que l’on aborde le cœur du sujet, nous avons des entretiens « retravaillés »… Il livre des supputations géopolitiques intéressantes, mais que l’on peut trouver sans peine dans la presse anglo-saxonne ou auprès des chercheurs spécialisés. La dernière partie est, par exemple, une pure suite de conjectures sans fondement concret – un long délayage (où l’auteur s’obstine à écrire « martyr » avec une faute d’orthographe). Aucune « révélation », même les chiffres avancés par l’auteur sont des calculs à la louche effectués par lui-même : « si l’on compte 50 salafistes dans les 2500 lieux chauds décomptés par le ministre de l’lntérieur, il y aurait donc environ 125 000 djihadistes convaincus prêts à frapper »…

jeune de banlieue

Ce n’est pas faux, ce n’est pas vrai non plus. C’est une idée personnelle, intéressante, mais fondée sur des hypothèses. Reste à les vérifier, or les « combattants » clandestins se gardent bien de se révéler et de parler – question de bon sens. « En parlant comme ils l’ont fait, ces hommes cherchent également à influer sur la politique étrangère de la France, considérée comme fondamentalement hostile aux musulmans » se défend l’auteur dans un entretien au Figaro (quotidien prêt à entendre la menace islamiste plus que Libération…). « Un formidable pied de nez à notre appareil sécuritaire, qui leur garantit un prestige accru au sein de la communauté islamiste radicale ». Pas faux non plus, mais à côté. Surtout lorsque l’auteur – qui n’a manifestement pas fait son service militaire… – reproduit les propos attribués à « Abou Hassan », un expert clandestin formé par les services de renseignement d’un pays musulman (peut-être la Tchétchénie ?), selon lesquels « un sniper posté à plusieurs kilomètres » (p.415) pourrait tuer le président ! Il confond manifestement la portée théorique de la balle et la portée utile, celle nécessaire pour viser une cible. Plusieurs centaines de mètres serait plus réaliste : « L’erreur moyenne à 600 m est de 9,4 cm selon un axe vertical, et 8,8 cm selon un axe horizontal » dit le Wikipède à propos du Dragunov cité par l’auteur. Pire encore avec « un silencieux » – qui réduit l’émission des gaz, donc la portée… et la précision.

Les espions d’Al-Qaïda étaient les frères Kouachi…

operation charlie lexpress 2015

Cette « armée de l’ombre » est sans aucun doute un rêve des salafistes de Daech (qu’il appelle les « dayesh » pour faire authentique, mais ce qui est mieux que le « Dèche » de François Hollande ou le « Dash » de Bernard Kouchner). Cependant, sa réalisation exige des compétences et des âmes entraînées qui ne sont probablement pas nombreuses, surtout dans les banlieues françaises où les ados arabes sont laissé illettrés et impunis par nos institutions, ce qui ne les prédispose en rien à agir en adultes comme de vrais « résistants » responsables, courageux, méticuleux ou intelligents (voir les Kouachi, des minables quasi illettrés ou le Coulibaly, haineux jusqu’à la bêtise). Or, selon l’auteur, pas question d’enrôler des « convertis ».

Les armes de guerre dans les banlieues, déjà en 2013…

mortier de banlieue

Le lecteur ignorant du sujet aura avec ce livre une synthèse pratique, haletante comme un thriller, qui décrit bien le paysage mental et les aspirations des djihadistes, arabes ou convertis. Il tire la sonnette d’alarme sur un vrai problème, celui des jeunes des banlieues ghetto qui retrouvent une identité dans la religion et un sens à leur vie par le djihad, sans parler du romantisme de l’aventure pour frimer au retour. Mais ses chiffres alarmistes ne sont que des supputations pour faire vendre. Elles ne seront crues que par les convaincus qui voient dans l’islam un choc des civilisations et dans les Musulmans une invasion qui menace l’Europe chrétienne (même si les daechistes sont nos ennemis radicaux qu’il faut éliminer sans état d’âme avant qu’eux-même le fassent !).

Samuel Laurent n’entre pas personnellement dans ces considérations partisanes mais il les fait endosser à ses soi-disant interlocuteurs : « Les Français sont tellement englués dans leurs idées progressistes et leur complexe postcolonial – déclare, dit l’auteur, un Arabe d’Al-Qaïda clandestin en France – qu’aucun responsable politique n’osera lancer une chasse aux sorcières contre les Arabes » p.429. Il apporte en cela de l’eau au moulin de ces grandes peurs du XXIe siècle.

À lire donc avec plaisir, mais à ne croire qu’avec modération.

Samuel Laurent, Al-Qaïda en France, 2014, Points Seuil 2015, 478 pages, €8.10

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Arabie saoudite et djihad intégriste jusque dans nos villes

La vision sectaire de l’islam ne vient pas de nulle part. Elle est la rencontre historique du féodalisme bédouin et de l’argent du pétrole, encouragé longtemps par les États-Unis, pays respectueux jusqu’à l’imbécilité envers toutes les croyances religieuses. Mais la situation semble remise en cause.

  • 1744, le sabre de Mohammed ben Saoud se croise avec le goupillon de Mohammed ben Abdelwahhab : en témoigne le drapeau du royaume, un verset coranique au-dessus d’un cimeterre. Abd el-Aziz III ibn Séoud (1880-1953) prend, avec l’aide des britanniques à partir de 1915, le contrôle de la péninsule arabique en investissant La Mecque en 1924, Djeddah et Médine en 1925 ; il se fait proclamer roi en 1932 : l’Arabie saoudite est née.
  • 1945, ibn Séoud conclut avec le président américain Roosevelt sur le croiseur USS Quincy un pacte de défense, pétrole contre protection, renouvelé en 2005 pour 60 autres années par George W. Bush : le royaume wahhabite n’a qu’une vingtaine de millions d’habitants dans une région qui compte des mastodontes démographiques musulmans menaçants sa mainmise sur les lieux saints.
  • 2013, l’Arabie saoudite est vexée par l’absence d’intervention militaire américaine en Syrie, ennemie du royaume, et par le rapprochement avec l’Iran après l’élection d’Hassan Rohani à la présidence. Dans le même temps, l’exploitation qui monte en puissance du pétrole de schiste défait la dépendance des États-Unis vis-à-vis du pétrole saoudien. C’est l’une des raisons de la politique de non-intervention sur le prix du baril en 2014, la chute des cours devant forcer les producteurs américains à revenir acheter du pétrole moins cher dans le Golfe.

arabie saoudite drapeau

État théocratique qui ne subsiste que par le pétrole et la religion, que l’un ou l’autre fléchisse et s’en est fait du pays. Mais la religion a peu à peu asservi l’État. La formation idéologique permanente des mosquées et des écoles coraniques a une emprise plus forte sur les âmes faibles que le prestige militaire ou tribal de la famille régnante. Aujourd’hui, l’État a besoin de la religion et finance son expansion dans le monde entier. Djihad pacifique par les imams envoyés prêcher et enseigner mais aussi – et de plus en plus – djihad violent pour aider les mouvements islamistes sur tous les points chauds de la planète. Au risque d’un retour de flammes de la part des activistes musulmans comme des alliés occidentaux. Pour l’Arabie saoudite, nous sommes probablement à un tournant.

arabie saoudite en sursis

La concurrente directe et active des chiites iraniens depuis la révolution cléricale de Khomeiny en 1979 a incité Arabie saoudite et émirats satellites à donner toujours plus d’argent pour défendre – non la vraie foi – mais la vision étriquée wahhabite, appelée aussi salafiste, de salaf as-salih ou compagnons du Prophète aux origines. Il s’agit d’en revenir à la lettre du texte sacré, avant tout commentaire.

Mais, une fois sur le terrain, les moudjahidines saoudiens n’ont plus de contraintes, ils peuvent enfin donner libre cours au wahhabisme pur qu’on leur a seriné depuis tout petit (14 h de cours par semaine sur 35 dans les écoles saoudiennes) mais que leur propre pays les empêche d’appliquer intégralement : prendre femme avec une pubère de 9 ans comme le Prophète, se « marier » ici ou là en prononçant juste une formule pour forniquer légalement, torturer les impies, amputer les voleurs, flageller les fornicateurs, pendre les homosexuels, crucifier et massacrer tous les non-musulmans et tous les musulmans non wahhabites, glorifier la kalachnikov et le couteau comme instruments de Dieu, commettre les pires exactions possibles – du moment que c’est au nom d’Allah.

C’est ainsi que les femmes sont considérées par nature inférieures aux hommes, manquant d’intelligence et de religion car elles abandonnent prière et jeûne durant menstrues et accouchements. Le Coran indique clairement qu’il faut le témoignage de deux femmes pour contrer celui d’un seul homme. « Chaque fois qu’un homme s’entretient avec une femme, Satan est présent », traduit aussi le Prophète – donc c’est vrai. Ce pourquoi les femmes ne sauraient enseigner aux garçons car « dès 10 ans » l’adolescence qui commence est attirée par la femme… Le troisième calife Othman (gendre de Mahomet, qui a régné de 644 à 656) fit procéder à la rédaction officielle du texte coranique, ordonnant en même temps la destruction de tous les documents fragmentaires contraires.

Le wahhabisme fait de l’islam une religion haïssant toutes les autres. Le recours à la force contre les hérétiques et les égarés est encouragé (versets 5 et surtout 29 de la sourate 9), l’esclavage permis sans limites. Il faut détruire tous les livres autres que « le Livre » (« Boko haram » – books interdits) et démolir les tombes des saints musulmans car elles créent un échelon entre Allah et ses serfs. Le Coran est la seule source de légitimité et détache de toute obéissance au pouvoir temporel. Tout y a été dit une fois pour toute, ce pourquoi la terre ne saurait être ronde et l’homme n’a jamais pu marcher sur la lune. Qu’on ne s’étonne pas des « théories du complot » qui fleurissent sur le net à ce sujet : c’est moins le sionisme ou la CIA qui sont mis en cause que l’impossibilité pour un musulman sectaire wahhabite de concevoir que tout ce qui arrive ne soit pas contenu dans le texte littéral du Coran.

2015 je suis mohamed

Ce tout-est-permis a rencontré le nihilisme des jeunes de banlieue européens du no future. Les armes fascinent parce qu’elles sont un substitut de sexe plus facile à utiliser que le vrai : pas besoin de séduire pour jouir. La mort fascine depuis les jeux violents, les conduites à risque, la drogue et la baston, les règlements de compte « barbecue » (exécution rôti dans le coffre d’une voiture, très courante à Marseille). Nos marginaux se sentent tout-puissants par la violence et se mettent en scène en vidéos narcissiques postées sur YouTube et Facebook. Ils se moquent bien du savoir : contrairement à Jésus, qui débattait à 12 ans avec les docteurs du Temple, Mahomet ne savait ni lire ni écrire et cela ne l’a pas empêché d’être pur aux yeux de Dieu. Mal appris et mal intégrés, ils sont indifférents aux valeurs de la république française mais ils n’ont pas pour ambition de bâtir l’État islamique ou de combattre pour la foi collective –  seule compte leur image virile dans le regard des autres et leur détermination personnelle aux yeux d’Allah : ils veulent être reconnus. La mort au bout, mais pas sans avoir joui comme jamais – avant les plaisirs promis au ciel (ou en enfer…). En rupture, les jeunes de troisième génération ou convertis de nos ghettos sont des suicidaires, manipulés par un acteur régional, le daechiste Baghdadi, qui ne représente que lui-même.

La présence de 30 millions de musulmans dans une Europe ouverte et tolérante pose un problème sans précédent s’ils sont gagnés par la propagande haineuse. Les intégristes nihilistes sont pour l’instant minoritaires, mais le trou noir syro-irakien crée un violent appel d’air. Une fois la barrière psychologique de tuer franchie, pas de retour en arrière : quiconque revient en Europe revient pour son djihad et pour se valoriser à ses propres yeux en massacrant sous prétexte d’Allah. La prise de conscience des intellos de gauche iréniques sur les dangers du cléricalisme armé semble avoir enfin eu lieu avec le choc Charlie.

Fanatisme saoudien

Il nous reste donc maintenant à faire plusieurs choses :

Assurer le droit français et européen, sans surenchère mais surtout sans faiblesse : les lois existent, elles doivent être appliquées sans « polémiques ». Et contrairement aux affirmations gratuites, il existe bel et bien en France des lois « contre le blasphème » : par la loi Gayssot, on ne peut tout affirmer sur la Shoah ni rire des victimes en prônant le négationnisme.

Après le « Charlie du souvenir » éviter de multiplier les insultes bêtes et méchantes qui mettent en danger toute une société pour amuser la galerie ; on peut rire de tout, mais pas de tout le monde, et pas de la même façon brute. Dénoncer par l’ironie le cléricalisme oui, injurier gratuitement et de façon répétée Allah, le Prophète et les croyants n’a aucune utilité durable – au contraire. Je ne dis pas « se taire », je dis « mesurer ses propos » à ce qu’on veut dire comme notre civilisation a su longtemps le faire : voir la note Quand l’Europe parlait français.

Inciter les musulmans non intégristes à assumer leur propre critique des dérives de l’islam et promouvoir mieux encore les œuvres de Mahmoud Hussein, Abdelwahab Meddeb, Hamadi Redissi et d’autres. Non seulement leur donner la parole (comme cela commence à se pratiquer ici ou là) mais aussi monter des colloques sur les différents courants de pensée historiques en islam, soutenir les musulmans non salafistes au lieu de se taire, lorsqu’ils sont attaqués par les réactionnaires d’Arabie saoudite ou d’ailleurs sur des points de conduite. Comme par exemple ces « mille coups de fouet » pour un blog ! Ou l’emprisonnement des militants anti-esclavage en Mauritanie (car La Mauritanie pratique encore l’esclavage, bien qu’officiellement illégal).

Prendre de vraies initiatives diplomatiques pour faire pression sur les États qui financent, directement ou par l’impôt islamique privé, le djihad armé et les prêches intégristes. L’Arabie saoudite et les Émirats, mais aussi le Yémen, l’Égypte, le Pakistan, l’Algérie, la Turquie doivent faire l’objet de vigilance. Les desperados convertis ne sont pas vraiment religieux, mais le prétexte religieux, le financement, les armes et les encouragements viennent de sectes financées plus ou moins en sous-main par ces États. Ce pourquoi « demander des imams en Algérie ou en Turquie » (comme je l’ai entendu d’un fonctionnaire de l’Intérieur) me paraît une idée d’enfer… pavé de bonnes intentions culcul. De même, laisser financer le club de foot Paris Saint-Germain par le Qatar ou participer aux coupes du monde dans les pays cléricaux du Golfe, est une ineptie. C’est laisser croire que l’argent peut tout acheter, y compris l’âme républicaine. Faire preuve de lâcheté, est-ce vraiment ce qu’on veut ?

Et ne plus suivre des États-Unis aussi naïfs que courte-vue dans les interventions contre tous les pays arabes. Nos intérêts ne coïncident pas avec les leurs.

Géopolitique de l’Arabie saoudite

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On attend un Comité de vigilance des intellectuels antidaechistes

Requiem pour la presse libre, en tout cas pour la douzaine de Charlie Hebdo, massacrés hier aux armes lourdes. Ah, je sais ! Pas d’amalgame, pas de stigmatisation, « attendons » que la justice fasse son travail, blabla… Mais un tel attentat est signé. Commando cagoulé, armes lourdes, punition contre les livres (Haram les booko !) et contre la liberté de se moquer : on reconnait sans peine (et sans aucun tabou) l’islamisme radical. Après Toulouse et Bruxelles, les retours de flamme du califat se poursuivent et signent.

charlie hebdo prophete

Ne serait-il pas temps d’affirmer les limites ? Car en nos sociétés européennes vivent des minorités attirées par le djihad, par une version tordue de la religion, par un intégrisme de revanche. Ne serait-il pas temps de distinguer publiquement l’islam de l’islamisme, la foi du permis de violer et d’asservir, le crime de guerre du combat identitaire ?

Notre gauche braillarde des ‘Indignés’ constitue-t-elle un Comité de vigilance des intellectuels antidaechistes, comme hier antifasciste ? Ou une Action antidaechiste Paris-Banlieue ? Il semble que non… L’indignation a ses humeurs, les valeurs attendront ; elles ne sont après tout que des cache-sexe pour faire jouir sa bonne conscience. Surtout quand les bobos intellos pètent de trouille, n’osant même pas lire Houellebecq de crainte de rencontrer le diable ! C’est votre lâcheté, bobos « de gauche » bénévolante qui trouve « pittoresques les petites mosquées », « relativisent » les prêches radicaux, trouvent « incroyablement romantiques ces jeunes qui vont en Syrie », comme avant-hier Malraux guerroyer républicain en Espagne et Régis Debray guerriller marxiste auprès de Guevara.

charlie hebdo voiler violer (2)

Aujourd’hui est Daech, donc certainement le daechisme – car l’islam radical est une foi totalitaire et impitoyable. Demain verra peut-être le fascisme, car la réaction des nations est brutale lorsqu’on touche à l’intime.

D’où vient ce daechisme brutal ? Du kyste juif dans la chair arabe depuis 1947 sans doute, mais cela ne fait qu’exacerber ce qui est plus profond : le grand vide de nation, d’État, de projet social, d’identité – de tous les pays de l’arc musulman, du Maroc au Xinjiang. Autoritarisme, népotisme, corruption, sous-développement – malgré les dons, les subventions, le pétrole. Le « printemps arabe » avait donné un certain espoir; il s’effondre dans l’archaïsme, l’ignorance et les mafias cléricales qui captent Allah à leur seul profit.

La guerre entre Juifs et Arabes sur le territoire biblique revendiqué par les deux religions est en train de devenir une guerre de cent ans. Depuis les négociations de Camp David, chacun s’est enfermé dans la bonne conscience, se voyant comme unique victime de la barbarie de l’autre. La guerre apparaît à chaque flambée comme une impasse, la politique comme une surenchère démagogique d’intransigeance des deux côtés. L’immigration juive orthodoxe a radicalisé le national-judaïsme, la Terre idéalisée bloquant tout gouvernement par la représentation strictement proportionnelle qui empêche d’être légitime sans une large alliance de compromis. Le Hamas national-islamiste est paranoïaque pour la Palestine dans les années 40 et fondamentaliste par contamination des Frères musulmans dans les années 50. Ce mouvement est cruel par sectarisme, n’hésitant pas à exécuter – en pleine guerre contre Israël – certains de ses militants soupçonnés de faiblesse, ni à utiliser la population comme bouclier pour cacher des armes, des entrées de tunnels ou des réunions de chefs. Malgré l’ONU (impuissante), les bonnes intentions des pays occidentaux (soumis au veto du lobby juif américain) et le cynisme russo-chinois (tout chaos permet d’affaiblir les États-Unis), la situation négociée des « deux États » n’est pas prêt de voir le jour.

amants arabe et juif
Dans la région alentour, la naïveté missionnaire des États-Unis poussée par le désir de se venger des attentats terrestres (World Trade Center 1993, base militaire américaine de Dhahran en Arabie saoudite 1996, ambassades des États-Unis à Dar es Salaam en Tanzanie et à Nairobi au Kenya 1998), maritime (USS Cole 2000) et aérien (World Trade Center 2011), a créé le chaos. Les talibans sont chassés d’Afghanistan mais survivent dans les zones tribales frontalières du Pakistan, tandis que « l’État des purs » (musulman) joue double jeu, son gouvernement acceptant les subsides américains pour son armée mais ses services secrets (ISI) protégeant largement les groupes islamistes opposés à l’Inde, l’ennemi héréditaire. Jusqu’à « ignorer » la retraite paisible de Ben Laden, le tueur en série, à Abbottabad, un kilomètre et demi proche de la plus grosse académie militaire pakistanaise…

charlie hebdo mahomet et les cons

Dans ce vide créé par la guerre depuis 2001 – puis par l’abandon américain dès 2013 – prolifèrent tous les extrémismes mafieux qui revendiquent Allah pour imposer leur bon plaisir sur un territoire qu’ils appellent « califat ». Un nouvel empire de mille ans au nom de la race ? Non, de la religion – ce qui revient au même ou presque : qui n’obéit pas aux mêmes rites, même s’il est musulman, est envoyé en camp et réduit en solution finale. Ce Nationalisme et cet islamisme font un cocktail détonnant, qui a œuvré sous d’autres climats au siècle précédent pour créer le pire totalitarisme. Le marxisme laïc du parti Baas a échoué, comme le nationalisme arabe ; ne reste plus que l’archaïsme fondamental du Livre, interprété littéralement. Cette foi totalitaire attire dans le monde entier car elle rassure les mal dans leur peau qui cherchent leur virilité, offrant une revanche aux frustrations sociales et à la victimisation historique. Les Italiens de Mussolini comme les Allemands de Hitler, ont connu ces mêmes moments de ressentiment et de haine de soi, avec les conséquences que l’on sait.

ado chiite se fouette

Mais sunnites et chiites s’affrontent pour l’interprétation fondamentale du Coran. Selon Mathieu Guidère, professeur d’islamologie à l’université Toulouse 2, « pour les sunnites, le chef de la communauté musulmane doit être un homme ordinaire, élu par d’autres hommes, parmi les membres de la communauté des fidèles. Pour les chiites, la communauté musulmane ne peut être dirigée que par les descendants de la famille de Mahomet, des imams qui tirent directement leur autorité de Dieu et qui sont donc meilleurs et infaillibles » (revue Le Débat 182, novembre 2014). Reste que les deux sont d’accord par leur refus de séparer Dieu et César : l’islam est un guide de vie total, alliant politique et religion. Or le Livre dit tout et son contraire, justifiant de faire la guerre aux juifs et chrétiens mais leur permettant aussi un statut protégé ; interdisant d’asservir un musulman mais permettant des exceptions au bon vouloir des imams… et ainsi de suite.

Daesh massacre

L’effondrement ou l’illégitimité des États nés de l’occupation américaine (Afghanistan, Irak), l’opportunité ouverte en Syrie par la répression aveugle, font que « le djihad » attire dans la région tout ce que le monde compte de croyants, d’exaltés et de psychopathes. Les dirigeants américains sont restés longtemps complaisants envers l’islamisme, ils voient tous les mouvements religieux menés par une exigence spirituelle et une rigueur morale analogues à la leur, chrétienne – bien loin de « l’immoralité » qu’ils attribuent aux marxistes, baasistes ou anarchistes. Les vidéos par Internet ont diffusé dans le monde entier la violence et la licence sans limites des « croyants » brandissant Allah pour éradiquer l’infidèle, qu’il soit arabe ou blanc, sur le territoire de chasse reconquis de l’islam historique.

Mais disons-le : Daech n’est ni État, ni islamique ; il est une bande de nervis inféodés à un chef sanguinaire qui veut imposer sa terreur par le viol, le meurtre et le pillage. Les daechistes sont les fascistes d’aujourd’hui, avec la même foi en le sang et le sol, la même volonté de domination sur les « esclaves », la même hystérie guerrière pour tremper leur virilité machiste menacée par la modernité.

daesh crucifie

Sommes-nous toujours humanistes des Lumières et démocrates libéraux ?

  • Si oui, « le daechisme ne passera pas ».
  • Sinon, attendez-vous à la servitude volontaire, car les « droits de l’homme »vont être réduits aux seuls droits des mâles islamistes armés, la politique daechiste consistant à accaparer, violer et tuer, réduisant légitimement en esclavage toutes les femmes et tous les garçons non convertis, faisant des autres des soldats au service du chef. Comme cela se passe en Syrie selon les repentis de retour. En Europe, Charlie Hebdo le prouve après les juifs de Merah et le musée de Bruxelles, il s’agit de menacer, de terroriser, de faire taire tout esprit critique. Tout en cherchant à monter les Français « de souche » contre les Arabes « immigrés », afin que le chaos s’installe et que prolifèrent les mafias comme en Syrie, en Irak, en Afghanistan, au Nigeria, au Mali – sur l’exemple de la Bosnie d’hier.

Pour ces barbares, il s’agit de promouvoir « les idéaux de ‘rénovation’ nationale et de puretéécrit la doxa Wikipedia. Croire, obéir, combattre deviennent des valeurs, analyser et critiquer de l’insubordination. Il est donc nécessaire de faire naître un sentiment d’urgence, de désigner un ennemi commun cherchant à détruire le collectif et contre lequel le groupe tout entier doit se mobiliser. » L’article concerne le fascisme…

Abdallah Tintin au pays de l or noir

Pasolini l’écrivait déjà, en 1975 : « Une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui, ou du moins ce qu’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide soit prétextuel et de mauvaise foi. En effet elle combat, ou fait semblant de combattre, un phénomène mort et enterré, archéologique qui ne peut plus faire peur à personne. C’est en sorte un antifascisme de tout confort et de tout repos. » Il voyait le fascisme contemporain à combattre dans la société de consommation molle de son époque ; voyons-y de nos jours l’imprégnation de la violence et du romantisme sexuel et guerrier du ‘tout est permis’ Daech.

Alors, à quand votre vigilance contre le daechisme, intellos bobos ? A moins que Daech ne constitue la nouvelle « révolution culturelle » chère à votre vieille jeunesse, cette resucée de la « révolution nationale » des années 40 ?

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Anatole France, L’île des pingouins

Drôle de pochade que cette histoire d’un peuple – le nôtre – qui prend prétexte de pingouins pour donner des leçons à la Rabelais ou Montesquieu. Comment peut-on être pingouin ? Ou plutôt Français ? Car les humains  de France ne sont que des pingouins convertis à la foi chrétienne par un moine sénile qui n’y voyait plus clair. Emporté par le diable dans son auge de pierre, il évangélisa ce qui se trouvait devant lui. Or c’était, sur les glaces antarctiques, une colonie de pingouins manchots.

Grave débat dans le Ciel entre Dieu et les sages : cette conversion est-elle valable ? Comment ne pas dédire le pouvoir du prêche tout en préservant l’homme comme seul « fils » de Dieu ? Le Seigneur se résigne à accorder la nationalité… euh, l’humanité, à ces bêtes que sont les pingouins. Dès lors ils prennent tous les travers des hommes : ils découvrent qu’ils sont nus et ne doivent plus copuler en public (exit le bon sauvage), ils découvrent la propriété et le pouvoir de la force (bonjour la féodalité), ils découvrent la jalousie des voisins et le plaisir de la bataille (guerre de 100 ans avec les Marsouins de l’île d’à-côté), ils découvrent la peur des forces obscures (et du « dragon » qui terrorise la contrée et enlève les jeunes garçons), ils découvrent les viols et le mélange des populations (tout en inventant l’idée de nation et la passion cocardière).

pingouins

Comme toujours, France mélange des contes déjà publiés dans les journaux avec des spéculations d’actualité pour ficeler un « roman » fait de bric et de broc. Comme toujours, nous n’avons pas été convaincu cent ans après. Trois parties : le passé mythique, le contemporain de l’auteur (1880-1907), puis le futur.

  1. La légende médiévale est bien troussée, à la manière des histoires qu’on raconte aux enfants.
  2. La matière contemporaine – qui prend un tiers du livre pour seulement vingt ans sur les millénaires – est une charge lourdement positiviste et pesamment socialiste contre le parti catholique, contre l’armée, pour Dreyfus. On croirait lire un discours d’Harlem Désir, l’ironie et la belle langue en plus.
  3. Le futur, vu depuis 1908, est une pochade anarcho-socialiste comme il en paraissait alors : exacerbation des inégalités où quelques milliardaires actifs exploitent la grande majorité de prolétaires abrutis et dégénérés, jusqu’au grand bouleversement anarchiste des attentats et explosions (dues aux vapeurs de radium), permettant à deux néo bon sauvages (un homme efféminé et une maitresse femme) de reconstituer l’espèce. Autrement dit Sodome détruite par deux anges pour que Dieu impose son règne.

Le lecteur pourra aimer l’une ou l’autre des périodes, certains le futur, d’autre le passé, plus rares le contemporain 1908. L’auteur, vexé que sa Vie de Jeanne d’Arc parue au même moment soit éreintée par les critiques, s’est défoulé dans la satire des historiens et dans la morale de l’instruction publique. L’éditrice Pléiade a beau aligner des pages et des pages pour dire combien cela est beau et original, ça ne passe pas. L’absurdité du monde est moins démontrée que l’outrecuidance d’auteur qui veut prendre le lecteur pour dupe. C’était peut-être habile il y a un siècle mais l’œuvre a mal vieilli. Sauf parmi certains utopistes qui y voient une inspiration sociale, ou certains socialistes qui peuvent y retrouver le bonheur de la langue de bois.

Vous me direz : pourquoi lire ces œuvres inintéressantes, pourquoi se faire du mal ? Parce que connaître un auteur, c’est aller jusqu’au bout. L’œuvre en Pléiade est composée de 4 tomes, que je lis un à un. Rien ne m’obligera en revanche à relire ce qui ne m’a pas plu. Quant à vous, lecteur, vous en saurez un peu plus pour faire ce que vous voudrez.

Anatole France, L’île des pingouins, 1908, dans Œuvres IV, édition Marie-Claire Banquart, Gallimard Pléiade 1994, 1684 pages, €65.08

Anatole France, L’île des pingouins, 1908, éditeur CreateSpace Independent Publishing Platform (10 juillet 2013), 128 pages, €6.57, format Kindle Amazon Whispernet €0.00 (gratuit)

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Carmelo Abbate, Sexe au Vatican

Le titre est trompeur : s’il s’agit bien de sexe (rassurez-vous), il n’est pas « au Vatican » mais dans toute l’église catholique. Le sujet est en effet le célibat obligé des prêtres et les dérives qu’il engendre : immaturité, hypocrisie, fièvres sexuelles, avortements, déviances… Le Christ a prêché l’amour du prochain, pas celui de lointain : l’amour ici bas, pas au-delà. Ce sont les Pères de l’Église qui, pour assurer leur pouvoir sur les âmes, ont commandé au sexe. Tenant les fidèles par la queue, ils ont forcé l’abandon du mariage des prêtres au prétexte que les femmes étaient inférieures, impures et tentatrices. En vérité par avarice : l’Église se voulait puissance séculière et les biens ecclésiastiques ne devaient pas être distribués à tous les enfants de clercs.

D’où les « scandales » actuels : la sexualité est un instinct qu’il est difficile de réprimer, même si l’on a juré – surtout si l’on a juré à 18 ou 20 ans sans rien connaître des passions… L’enquête commence donc par une investigation chez les prêtres gays de Rome, article publié à l’été 2010 dans le magazine italien ‘Panorama’ dont l’auteur est rédacteur-en-chef de la rubrique ‘Actualités’. Le lecteur qui voudra se documenter sans se repaître du sordide sexuel ira directement page 57. Dès la Deuxième partie du livre qui compte 415 pages, le vrai sujet est abordé : comment les prêtres catholiques d’aujourd’hui vivent leur sexualité. Seule la pédophilie, déviance punie par la loi, est laissée de côté.

Selon les pays, environ 50% des prêtres entretiennent des relations sexuelles régulières. En majorité avec des femmes, mais près de 30% sont homosexuels, voire pédophiles (peut-être 5 à 6%). Les séminaires de formation sont des creusets de pratiques adolescentes que l’on croyait réservées aux internats autoritaires des siècles derniers. Mais la rupture totale avec le civil, la fermentation des âmes dans un milieu clos, la séduction des enseignants – font succomber la presque totalité des séminaristes dans l’affection très forte au moins, dans l’homosexualité hard au pire. Avec sinon l’assentiment, du moins la tolérance des autorités ecclésiastiques. Les bonnes sœurs en Afrique sont régulièrement violées par les prêtres mâles – coutume locale admise. Car l’Église se veut un monde à part, hors la loi humaine. Vous lui « appartenez » et elle fait de vous ce qu’elle veut. « La ligne adoptée est la suivante : fermer un œil, ou les deux yeux, tant que la double vie des prêtres n’est pas devenue affaire publique. Tout est fait pour éviter le scandale » p.133. Le cœur du problème n’est en effet pas le péché… mais l’esclandre. L’Église catholique méprise les hommes qui la servent ; elle leur préfère sa réputation et ses biens : son pouvoir. Les séniles qui la gouvernent rappellent l’URSS de Brejnev, crispés sur le Dogme et les petits arrangements entre amis.

Federica témoigne : « Je connais et j’ai connu énormément de prêtres. Ils partent avec de grands idéaux, un grand esprit, mais tôt ou tard ils se heurtent à la réalité de la nature, et voient comment Dieu nous a fait. Castrer un homme et le forcer à la chasteté est contre nature » p.126. On peut se vouloir moine et renoncer au monde, donc à toute sexualité. Mais être prêtre implique la relation humaine, et la plus forte est dans l’amour sexuel. Soutien mutuel, amitié, plaisir est l’une des traditions qui explique pourquoi Dieu a créé mâle et femelle. L’amour est cette énergie qui ne peut naître que des contraires – car ils s’attirent.

D’où les passages à l’acte, les crises de foi, l’effondrement des vocations. « En France, 10 000 prêtres auraient renoncé à leur fonction depuis 1965 et le concile Vatican II » p.133. Car « les vraies victimes en sont les femmes, et les enfants plus encore, qui souvent n’apprennent la vérité qu’à l’âge adulte » p.140. Pourtant, avoir une compagne et être père ne donneraient-ils pas une meilleure expérience humaine aux chargés d’âmes ? « Qu’est-ce qui peut pousser une femme à tomber amoureuse d’un prêtre ? (…) – Peut-être leur sensibilité, leur sens de l’écoute, leur douceur » p.118. Ne serait-ce pas le rôle de l’Église dans un monde de brutes ?

Les protestants convertis au catholicisme ou les prêtres anglicans qui ont rallié Rome, ont « le droit » d’officier tout en restant mariés. Où est donc la justification du Dogme ? « Le célibat (…) n’est devenu un engagement qu’avec le concile de Trente, convoqué par le pape Paul III en 1545 » p.188. Durant mille cinq cent ans, les prêtres ont vécu autrement : sont-ils désormais damnés parce qu’un prince de Rome l’a simplement décidé ? D’où la multiplication des églises dissidentes, en Amérique latine comme en Afrique, qui font diminuer le nombre de Catholiques plus vite que l’athéisme.

Sur ce grave problème Carmelo Abbate, lui-même catholique pratiquant, marié et père de famille, livre une enquête vivante et documentée. De multiples témoignages sur le vif et l’analyse des penseurs connus tels que l’abbé Pierre, Pat Buckley, Drewermann, König, Sipe, Stuart…

Carmelo Abbate, Sexe au Vatican – enquête sur la face cachée de l’Église, 2011, J’ai Lu avril 2012, 415 pages, €7.22 

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