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Celui par qui le scandale arrive de Vicente Minnelli

Le titre français tire le film du côté biblique par cette citation de Matthieu (18.7) : « Malheur à l’homme par qui le scandale arrive ». Abandonner la voie droite pour celle du démon est certes un bon résumé de la vie du pater familias texan (Robert Mitchum), riche de 25 000 hectares et cavaleur de filles en sa jeunesse. Mais l’injonction morale rigide est nuancée par les progressives révélations sur son couple, qui le rendent moins coupable. Tiré d’un roman de William Humphrey intitulé L’Adieu du chasseur, le film y ajoute un personnage, celui du fils bâtard. Le mélodrame du mâle américain blanc des années cinquante est ici joué à la perfection. Hollywood savait s’intéresser à la psychologie avant la décadence des décennies qui suivront.

Qui va à la chasse est chassé… telle est l’acte par où commence le film ; il finira de même. Le grand mâle blanc patron Wade Hunnicutt se fait tirer dessus lors d’un tir aux canards par un bouseux dont il a lutiné la femme – apparemment consentante. Il n’avait qu’à « la tenir » comme on disait alors. La Bible reconnait que la femelle de l’homme, issu de sa côte, est douée d’insatiable désir qu’il s’agit de dompter par le mariage, le « devoir conjugal » régulier et surtout les enfants. Mais Hannah sa femme (Eleonor Parker) lui a fermé ses cuisses comme une huître depuis la naissance dix-sept ans auparavant de leur seul enfant, Theron (George Hamilton un peu âgé, 20 ans au tournage). Le spectateur ne saura pas pourquoi elle a cristallisé une telle haine envers son mari (haine de classe ? haine de réputation ? haine du sexe ? haine chrétienne ?) – mais la guerre du couple a bien lieu.

Au détriment du fils, comme de bien entendu. A 17 ans, le gamin est mince et naïf, élevé par sa mère qui l’a voulu pour elle seule, condition mise pour rester en couple et sauver les apparences. Sauf qu’à l’aube de l’âge adulte, la niaiserie n’est plus de mise. Les fermiers du patron bizutent un soir Theron en le conviant à participer à une chasse à la bécassine, la nuit dans la forêt (alors que chacun sait que les oiseaux dorment, sauf les rapaces nocturnes). Il doit se tenir avec un grand sac ouvert et siffler, tandis que les « rabatteurs » lui feront déverser le gibier tout droit. L’adolescent le croit, propre et bien mis, les boutons tous attachés, en mocassins dans les fourrés. Le père se rend alors compte qu’il doit prendre en main l’éducation de son fils pour en faire le digne héritier du domaine. Celui-ci l’exige d’ailleurs de lui, après son humiliation par les hommes : « tu es mon père, c’est à toi de m’apprendre ». La « parole » donnée à sa femme tombe d’elle-même, malgré son amertume.

Wade convie son fils Theron dans son sanctuaire, un bureau orné de trophées de chasse et de carabines, ses trois chiens soumis à ses pieds, le bourbon dans le verre, la pipe à la gueule. Il lui donne des conseils de tir et manifeste par une balle dans la chemisée, son intention de prendre en main son garçon à toute la maisonnée, un brin terrifiée. Il mandate comme « grand frère » Raphaël (George Peppard), son autre fils bâtard issu d’une précédente liaison, pour enseigner et surveiller Theron dans son initiation. Celui-ci, avide d’exister contre maman, délaisse ses « collections » de timbres, papillons et autres cailloux (loisirs bourgeois féminins) pour se vouer au tir et à la chasse (loisirs pionniers masculins). Il est habile, passionné, au point de vouloir abandonner ses études – contre son père, mais qui ne récolte que ce qu’il a semé.

Un gros sanglier ravage la contrée et les fermiers demandent au patron d’intervenir, tel un seigneur d’Ancien régime en ce Texas resté au fond peu « démocratique ». Wade mandate Theron pour ce faire : c’est son initiation. Mais il sera sous la tutelle de Rafe. La traque se prolonge le long des marais sulfureux dans lesquels il ne faut pas s’aventurer, symboles de la frontière infernale ; le sanglier semble issu de l’enfer et le vaincre une victoire contre le Mal. Les deux hommes doivent passer la nuit dehors car les chiens sont épuisés et l’un est tué. Mais Theron veut prouver à son père qu’il est digne de lui et se prouver à lui-même qu’il peut le faire et devenir un homme, un vrai. Il ne réveille pas Rafe et quitte le bivouac en léger appareil, torse nu sous sa veste ouverte. Il montre les muscles… et tire effectivement le sanglier.

La suite de l’initiation va consister à la chasse aux filles. Mais comme Theron n’est pas Wade, pas question de papillonner de l’une à l’autre comme la réputation du père, qui le précède, le voudrait. Theron ne jette son dévolu que sur une seule, Elisabeth (Luane Patten). Mais il est trop timide pour aller draguer lui-même et mandate Rafe à sa place (qu’il ne sait pas encore être son grand frère). Celui-ci, sans copine, est ébloui par la belle et trouve les mots choisis pour la convaincre. Commence alors une idylle d’adolescent entre elle et Theron, encore une fois chemise ouverte avec elle comme à la chasse. La symbolique du vêtement ne s’arrête pas là. L’adolescent, pour faire viril, imite les grands et déboutonne largement sa chemise sur son poitrail encore étroit – l’inverse des convenances enseignées par maman toujours impeccablement coiffée et en hauts talons, même sur la pelouse. Il trouve du travail comme ouvrier à l’égreneuse de coton pour s’éprouver et quitter le cocon.

C’est que les rêves des parents pour leurs enfants se heurtent à la réalité de ces mêmes enfants : ils ont leur personnalité et ne sont pas façonnés à partir de rien. Le rêve maternel se brise sur l’exigence de virilité de la société ; le rêve paternel sur le dégoût de « la vie de famille » qu’a connu le fils avec des parents séparés en guerre permanente ; le rêve d’Elisabeth sur la volonté de Theron d’éviter de reproduire le modèle familial… Les rêves sont des volontés de domination sur les autres, qui doivent y résister s’ils ont quelque consistance. Il n’y a guère que le rêve de Rafe (qui n’ose pas en avoir vraiment) qui se réalise : épouse, fils, maison. Car Theron a engrossé Elisabeth sans le savoir, dans sa naïveté, et l’enfant est réputé être celui de Wade, le dragueur impénitent. Mais Elisabeth ne dit rien à Theron car il a déclaré ne pas vouloir se marier pour ne pas reproduire l’antimodèle de ses parents, surtout lorsqu’il apprend que Rafe est son demi-frère. Alors Rafe, qui a toujours aimé Elisabeth mais s’effaçait comme d’habitude devant son frère chéri, se dévoue pour épouser l’engrossée et endosser la paternité de l’enfant. Lui sera un bon père. Surtout lorsqu’il sera reconnu – post mortem – par son véritable géniteur avec son prénom gravé sur sa pierre tombale afin que tous le voient.

Wade disparaît d’un coup de fusil réussi, après la parenthèse de l’initiation du fils par le fils. Mais il est cette fois tiré par le père d’Elisabeth parce que la rumeur l’accuse de l’avoir engrossée – alors qu’il n’y est pour rien, semble-t-il. Mais le film reste ambigu : l’enfant (qui ressemble à Wade pour autant qu’un bébé puisse réellement ressembler à un adulte) est-il son propre fils ou celui de son fils ? Je penche pour la seconde hypothèse mais la réputation sociale penche pour la première. Lorsque le père d’Elisabeth l’apprend (Everett Sloane), il entre chez Wade et le tue. Theron se lance à sa poursuite et le tue. Désormais meurtrier, inapte à la famille à cause de ses parents, il n’a comme héritage que la destruction : le goût du sang et de la chasse, l’alcool, le dégoût du couple et de la progéniture, l’absence d’instruction. Un bel exemple !… Seul Rafe est conscient de ses manques, une enfance orpheline, l’absence de reconnaissance, un savoir concret dans la nature. Il prend la vie comme elle vient, sans rêver, et la vie le récompense.

Robert Mitchum en chef de tribu est magnifique, son fils George Hamilton moins ; il fait pâle figure avec sa silhouette de gamin monté en graine contradictoire avec un sternum velu. Il expiera les « péchés » d’être riche et fils chéri en délaissant son domaine pour partir travailler au loin, et en laissant sa fiancée à son demi-frère, avec le bébé qu’il ignore couvant dedans. Le fils bâtard héritera de tout, par compensation biblique (les premiers seront les derniers). La mère, Eleonor Parker, en frigide rigide est la poupée sociale corsetée en devoirs, enfermée dans ses certitudes moralisantes et inapte à comprendre son enfant comme son mari… et les autres. Il faut la « violer » au sens métaphorique pour qu’elle se bouge : imposer la virilité au fils, imposer la réconciliation comme remède à l’asthénie du fils, imposer le voyage de noces à Naples pour à nouveau coucher ensemble, l’appâter avec le petit-fils pour qu’elle sorte de sa grande maison vide après la mort de son mari et le départ de Theron. C’est une potiche, dont la « volonté » n’est que cuirasse de refus, pas une action positive.

DVD Celui par qui le scandale arrive (Home from the Hill), Vicente Minnelli, 1959, avec Robert Mitchum, Eleanor Parker, George Hamilton, George Peppard, Warner Bros 2006, 2h24, €24.99 blu-ray €22.77

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Aurélia Gantier, Les Volponi 2 – Clichy sur scène

Après un premier tome sur Les Volponi – genèse tunisienne, la suite vient de paraître. Nous suivons la famille Volponi, des Siciliens de Sicile, Français de papier. Ils ont quitté la Tunisie pour la France à la fin du protectorat, en 1956, tandis que la famille Panzone, de laquelle vient la mère, Crocefissa, ont choisi l’Italie – puis Nice qui leur rappelle « le pays ». Voyage en bateau jusqu’à Marseille, divers trains et métros jusqu’à Rueil, puis Clichy-la-Garenne où un trois pièces loyer de 1948 va loger les deux parents et les cinq enfants dans 35 m².

C’est l’aventure de l’intégration à l’époque des Trente glorieuses puis de mai 68. Les Ritals sont d’abord méprisés, puis assimilés alors qu’arrive l’immigration portugaise puis arabe. Se faire appeler Josée plutôt que Crocefissa (Crucifixion) est judicieux, de même que se faire teindre en blonde avec les cheveux raccourcis et bouffants à la mode, ou porter des jupes au-dessus du genou et colorées, pas jusqu’à terre et seulement noires comme les gitanes. La pénurie de logement laisse place aux grands ensembles et l’école permet l’émancipation aux filles. La voiture est suivie de la télé, puis une auto plus grande, la fameuse Ariane de Simca, vaste comme une péniche américaine et à la mécanique robuste mais un peu lourde pour son moteur d’Aronde. Mais bien utile pour caser cinq gosses à l’arrière, à l’époque où les ceintures de sécurité n’existaient pas.

Pierre, le seul fils, se fait discret, son père Marcello ne l’aime pas, le traite de femelle et de pédale, et le bat régulièrement jusqu’à ses 15 ans, tout comme son propre père avant lui. Anne est blonde et aimée, elle s’épanouit. Marie-Claire et Myriam sont petites et suivent. Reste la fille aînée, Rosaria, chétive et maladive, déjà atteinte de poliomyélite elle le sera par la tuberculose avant l’asthme… Son père ne l’aime pas non plus car elle est « le ballon » qui l’a forcé au mariage, lui qui adorait courir les filles de Tunis en macho irresponsable. Il la gifle, lui cogne la tête contre l’évier, lui flanque le visage dans la sauce de son assiette. Une vraie brute à qui il manque une épouse capable de se dresser devant lui, ou un fils suffisamment fort pour le contrer. Le monde a bien changé en trois générations : la sienne revient de loin, père tout-puissant et mâle dominant usant de sa force pour courber toutes les têtes. Les hommes ne sont plus comme cela un demi-siècle plus tard, tout comme les filles ne jouent pas constamment à aguicher le mâle, mais il en reste des traces.

Marcello continue d’ailleurs à engrosser les filles en leur faisant miroiter le mariage… jusqu’à ce qu’un Sicilien de Sicile lui courre sus avec fusil, fils et revolver ; il n’en réchappera que de justesse en rampant sous un wagon au dépôt de Catane. Mais un père pareil n’est pas un papa : c’est un tyran méditerranéen. « Rosaria découvrit à cette occasion [sa communion solennelle] les trois axiomes qui la guideraient tout au long de sa vie. Le premier était qu’elle n’avait pas de chance, le second qu’on ne pouvait jamais être un instant tranquille dans cette foutue famille, le dernier que le mensonge sauvait » p.81.

Pierre quittera le foyer à 18 ans en se mariant à une petite rousse qu’il a engrossée sans vraiment l’aimer – comme son père. Quant à Rosaria, elle prend sa valise le jour même de ses 21 ans (âge de la majorité à l’époque) pour partir. Où ? Ce sera probablement le thème du prochain tome de la saga familiale.

L’écriture apparaît mieux inspirée et plus dense que dans le précédent volume, plus proche des souvenirs réels peut-être. Certains chapitres sont captivants, d’autres assurent une transition plus ou moins réussie. Je me demande encore qui parle au chapitre XVI sur mai 68, alors qu’aucun des enfants n’est allé en Sorbonne… Il reste quelques incongruités comme « cool » qui n’est apparu dans le vocabulaire qu’après 68, « échanger » sans dire quoi qui n’est survenu comme tic de langage que dans les années 2010, et deux erreurs d’orthographe : « ballade » au lieu de balade pour dire se promener et « prendre ses clics et ses clacs » au lieu de cliques et claques.

Mais rien qui empêche de prendre un grand plaisir à lire ce livre de mémoire, les avatars romancés d’une famille immigrée de Tunisie, où elle était déjà immigrée de Sicile, avant de choisir de devenir Français.

Aurélia Gantier, Les Volponi 2 – Clichy sur scène, 2019, éditions Une heure en été, 250 pages, €17.50 (sortie le 2 mars)

Le premier tome :

Aurélia Gantier, Les Volponi – Genèse tunisienne, novembre 2018, éditions Une heure en été, 243 pages, €16.50 e-book Kindle €8.99

Chroniqué sur ce blog en novembre 2018

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Christian de Moliner, Trop loin de Campo Villa

Dans une république bananière d’Amérique du sud parlant espagnol, un étudiant de bonne famille revient au pays. Sa mère, à la tête du parti libéral, l’a suppliée de ne pas le faire mais la queue est plus forte que le sentiment et le jeune homme veut absolument revoir son grand amour, la gauchiste rouge Virginia.

Il manque de se faire tuer par les éléments « progressistes » qui occupent l’université où siège Virginia au comité central. Elle ne veut plus le revoir car il est d’une famille exploiteuse et elle dans l’autre camp. Elle use cependant de son autorité pour le faire sortir du piège dans lequel il s’est volontairement fourré.

La bêtise succède alors à la stupidité. Francesco veut absolument assister au meeting libéral que va tenir sa mère, malgré les risques insensés que tous les « modérés » prennent toujours dans un pays en proie aux affres de la guerre civile. Il faut choisir son camp et la neutralité n’est pas de mise. Evidemment maman est assassinée par un garde que l’on a menacé en prenant sa famille en otage. Francesco appelle à une manifestation de protestation où – évidemment – des provocateurs viennent tuer encore plus.

Va-t-il s’en tenir là et quitter le pays comme le bon sens le voudrait ? Hélas, non. Le pays est pris entre révolutionnaires soutenus par Cuba et nationalistes soutenus par les Etats-Unis. Où se situer ? Les circonstances réclament un choix clair – tout comme en 1940. Francesco hésite et finit par se laisser enlever par les nationalistes qui voient en lui une belle prise politique.

Il râle, vocifère, refuse de collaborer, mais il n’a désormais plus le choix. Ou il choisit le refus et c’est la mort, ou il collabore même du bout des lèvres et il reste un espoir. Pour lui et pour son pays. Comme l’heure est grave, il est envoyé avec le grade de capitaine au fort de Campo Villa, qu’il doit défendre à la tête de sa compagnie. Il n’a aucune formation militaire mais l’instinct de survie et son intelligence font qu’il s’adapte au combat très vite et réussit à tenir. Au fond, ses scrupules de conscience se sont évanouis dès qu’il a vu que le Mal lui tirait dessus tandis que le Bien le défendait. Peu importe qui représente le bien et le mal, il s’agit d’abord de survie, « tel un fauve acculé » p.61.

L’instinct dicte aussi le sexe et il a une aventure d’un coup avec Héléna, docteur qui soigne les blessés et dont c’est « la première fois ». Ce sera le coup de trop, engendrant sa cascade de conséquences que je vous laisse découvrir. Rien de « romantique » mais le pur et simple chantage à l’engrossement, dont il est très difficile de croire que cela puisse s’affirmer au bout de seulement une semaine. Mais il fallait cette rapidité pour faire avancer l’histoire.

Car le roman est écrit comme un thriller, d’un style direct aux phrases rapides qui se lit avec avidité. Reconnaissons-le, même si la psychologie des personnages et les dialogues parfois un peu lourds ne restent pas dans les mémoires, la lecture tient en haleine car Christian de Moliner a un style. Il excelle dans le récit haletant.

Quant au cas de conscience posé par la guerre civile, il est clair : la révolution ou la réaction, tout modéré s’exilera. Embringué par sa bêtise, le jeune homme se retrouvera dans le camp des possédants qui veulent garder leur pouvoir et les richesses. Il ne choisit pas, les circonstances l’y conduisent. Bien que… « Il ressentait la barbare attirance du fascisme, de cette communion sauvage dans laquelle ses camarades de combat se fondaient. Son esprit savait combien cette idéologie était morbide et nihiliste mais il n’arrivait pas à réprimer l’attraction qu’elle exerçait sur lui » p.81. C’est assez finement analysé : en cas de crise, la peur exige l’unité de son camp, le fusionnel de la communauté. Le « fascisme » peut être aussi bien rouge que brun, ce qui compte est la foi qui amalgame le groupe. L’idéologie n’est qu’un prétexte à cette union animale en horde, dans laquelle on se sent au chaud, programmé par des millénaires de survie.

L’auteur cite le cri de ralliement des franquistes espagnols, mais bizarrement : Viva la muerte ! est transformé en viva EL muerte comme s’il s’agissait d’un personnage. Or Arrabal en a fait un film, sorti en 1971. Rien que ce souvenir suffirait à qui connait mal l’espagnol.

Christian de Moliner, Trop loin de Campo Villa, Les éditions du Val 2018, 157 pages, €9.00

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 balustradecommunication@yahoo.com

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Yasushi Inoué, Le château de Yodo

yasushi inoue le chateau de yodo
Maître du roman historique japonais, l’auteur nous transporte en 1573, période charnière où le morcellement féodal est unifié militairement en quelques années par le Taikô Hideyoshi, puis par le shogun Tokugawa en 1603. Ces nœuds de vassalité compliqués, dans une culture de l’honneur jusqu’à la mort, ont failli tuer le Japon qui n’a connu son essor que sous la dictature d’un général premier ministre ayant la confiance de l’empereur.

Pour conter cette histoire shakespearienne, pleine de bruit et de fureur, Inoué prend les yeux d’une femme, Tchatcha, héritière de la grande famille infortunée des Nobunaga. Fillette, elle fuit le château incendié de son père, tandis que celui-ci se fait seppuku (le hara-kiri des mauvaises traductions 19ème) et que le père de son père est tué. Son frère aîné, 10 ans, sera retrouvé dans un village et décapité par le vainqueur. On ne laisse aucun survivant mâle qui puisse venger la famille, dans ces querelles de préséance où seul le droit du plus fort s’impose. En revanche, les femmes et les filles sont du butin bon à prendre pour engrosser, afin de diluer le sang du vaincu dans celui du vainqueur ou, au moins, celui d’un vassal.

En ces années où l’on devient samouraï à 14 ans, pas de pitié pour les erreurs ; chacun assume son destin, préférant périr dans les flammes du château assiégé ou le sabre à la main dans un combat perdu d’avance. Les plus lâches se rachètent en s’ouvrant le ventre, achevés par un ami proche pour s’éviter de trop longues souffrances. C’est ce qui arrive à la fin au fils de la fillette mariée contre son gré à l’assassin de sa famille et devenue dame Yodo. Il a eu le tort de se révolter, par orgueil de fils du Taikô, alors qu’il n’avait aucune chance de succéder à son père – ni l’âge requis, ni les soutiens. Car l’individualisme apparent du guerrier samouraï (chacun suit seul sa voie du guerrier) s’efface devant le collectif du clan. C’est tout un réseau qui règne ou qui fait allégeance, pas un seigneur en particulier : qui voudrait le croire serait condamné. Hideyori, fils de Hideyoshi, n’est pas un guerrier achevé lorsqu’à 26 ans il croit pouvoir prendre le pouvoir ; il n’aura aucun soutien, même des daimyos les plus proches de son clan, car il ne ferait pas un chef suprême efficace. Ne s’étant jamais battu, il sera forcé de s’éventrer, avec sa mère, dans les ruines fumantes de son château d’Osaka incendié…

Mais cette époque virile, qui cultive la guerre pour tremper les caractères, est d’une vitalité peu commune : elle voit se développer l’art du thé, le théâtre nô, la philosophie zen, la poésie des fleurs de cerisier au printemps et de la lune en automne. Le samouraï est à la fois guerrier et esthète, austère et hédoniste, brutal et délicat ; il ne craint pas la mort mais est capable d’amours platoniques. Bien que ventres à porter les héritiers et supports de l’amour troubadour des poètes combattants, les femmes jouaient par mariage un rôle politique ; elles pouvaient influencer leur puissance de mari, favoriser leur cousin ou leur neveu, nouer les intrigues pour allier les vassaux prometteurs à leur clan familial.

Entre deux incendies, à 7 ans et à 37 ans, Tchatcha va connaître deux amours puis deux maternités et voir la mort de ses deux fils, le premier à 4 ans, le second à 26 ans. Takatsugu, l’aîné de ses cousins, est son premier amour de 7 ans – jamais déclaré : « C’était un garçon mince au joli visage, à la peau très pâle. Avec sa haute taille et son maintien d’adulte, on lui aurait donné bien davantage que ses douze ans » p.24 ; elle le reverra à intervalles réguliers, à 16 ans beau comme une fleur, à 19 ans juste avant une évasion, lui mariera l’une de ses sœurs, à 46 ans serein et osé. Takatsugu, chrétien, n’adopte pas le culte de la mort des samouraïs japonais ; tout ce qui compte pour lui est de survivre dans ces luttes croisées entre clans. Il fuira les châteaux envahis, fera allégeance successivement à tous les puissants – et se retrouvera riche et considéré vers l’âge de 50 ans, principal soutien du shogun resté vainqueur.

ephebe samourai nikko festival photo argoul

Ujisato avait 23 ans lorsque Tchatcha l’a rencontré ; elle en tombera amoureuse mais sans jamais céder à ses avances, retenue par le sentiment de sa condition qui lui fit renoncer au bonheur pour conserver l’honneur. Ujisato, devenu général par fidélité à son clan, mourra au combat. Tchatcha deviendra la troisième concubine de Hydeyoshi, le vieux guerrier qui unifia le Japon. Mais le dernier enfant de ce Taikô trop vieux ne pourra pas prendre sa succession, malgré les serments de fidélité réitérés des uns et des autres : l’honneur, c’est bien ; les intérêts, c’est mieux. C’est pour être restée rigide que Tchatcha subira avec son fils son destin.

Telle est peut-être la leçon de l’auteur aux Japonais, ses contemporains des années 1960. Il a mis six ans à écrire cette histoire bien connue, ne sachant comment la prendre ni comment la traduire en termes actuels. Dans la lignée de ses autres romans historiques, Yasushi Inoué prend prétexte de l’histoire pour montrer à son propre pays ce qu’il en est de ne pas s’adapter, de conserver à tout prix des valeurs surannées, de déifier l’honneur avec la démesure de l’orgueil.

Un beau roman tragique qui vous fera comprendre de l’intérieur la mentalité japonaise, les deux tempéraments de rigidité et de souplesse que le sabre de samouraï allie à merveille, l’équilibre entre plier et rompre qu’il faut sans cesse préserver. Aujourd’hui et demain – comme hier.

Yasushi Inoué, Le château de Yodo, 1960, Picquier poche 2013, 393 pages, €10.50
Les romans de Yasushi Inoué chroniqués sur ce blog

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William Faulkner, Lumière d’août

william faulkner lumiere d aout
Son septième roman, le plus long, est aussi l’un des plus puissants. Le lecteur est pris par cette symphonie aux multiples personnages, envouté par une histoire qui pousse à la manière d’un arbre, allant explorer d’un chapitre à l’autre chacune des branches. Le fil conducteur est la fatalité terrible du péché originel. Qui veut comprendre un peu les États-Unis d’aujourd’hui doit se pencher sur cette histoire faulknérienne du sud, où sexisme et racisme sourdent du puritanisme. Même la musique, « comme toute musique protestante, garde toujours quelque chose de sévère et d’implacable, de prémédité et de froid » p.273. L’Amérique n’a pas fondamentalement changé : égalitaire mais libertaire, elle coagule les communautés en excluant les étrangers au lieu. Putains de puritains.

C’est le cas de deux routards entre Alabama et Tennessee, une femme blanche et un homme au quart noir : étrangers apporteurs d’étrange, ils sont traités comme des parias. La première, Lena Grove, s’est fait engrosser sans être mariée et cherche son homme qui lui a promis de l’installer – mais qui fuit sans cesse les responsabilités. Le second, Joe Christmas, a été abandonné dès sa naissance à l’orphelinat par son grand-père fanatique, parce que sa mère avait fauté avec un « Mexicain » soupçonné d’être à demi-nègre (en fait, nul ne sait) ; il sera adopté par un couple de pasteur tout aussi fanatique, fermier fouettard hanté de chair et obsédé du travail. Autour d’eux, des personnages secondaires étayent l’histoire : Byron Bunch pas encore marié à 35 ans, Joanna Burden en Yankee négrophile, Gail Hightower le pasteur ostracisé, Lucas Burch veule et fuyard, McEachern père fouettard Ancien testament, Doc Hines vieillard paranoïaque.

Le lien commun est la pureté. A divers degrés, en positif ou négatif, mais la hantise de la souillure. Lena veut être légitimée comme mère en recherchant « obstinément » (p.6 édition Pléiade) le père de son enfant ; Christmas se cherche, n’étant ni blanc ni noir, pas même sûr d’être quarteron, ayant la nausée de la baise et finissant par tuer toute ses « mères » nourricières, la sienne l’ayant abandonné ; Doc Hines qui l’a volontairement livré à l’orphelinat est un fou calme (p.95), un paranoïaque focalisé sur la souillure du sang par la faute femelle, l’envie irrépressible de baiser des filles venant pour lui du diable ; McEachern qui élèvera le garçon, est obsédé par la perte, celle de la semence et celle du travail, avare d’accumuler du mérite en obéissant au Seigneur et sublimant les pulsions par le fouet ; tous les personnages ont le dégoût du sexe, du frottement des chairs, des menstrues, des grossesses, de la ménopause. Cette quête éperdue de pureté, analogue à celle du salafisme, incite à la brutalité, à sublimer le sexe par la guerre et les désirs sexuels par les pratiques sadomasochistes. « Plaisir, extase, ils semblent incapables de supporter cela. Pour s’en évader, ils ne connaissent que la violence, l’ivresse, les batailles, la prière. (…) Et, dans ces conditions, pourquoi leur religion ne les pousserait-elle pas à se crucifier eux-mêmes, à se crucifier mutuellement ? » p.273.

La violence éradique, le fouet désinfecte, le meurtre blanchit – la barbarie fait le vide. D’où la guerre des sexes, la guerre des classes, la guerre des races, particulièrement virulentes dans les petites villes du sud des États-Unis : « les gens sont partout pareils, mais il semble que c’est dans les petites villes que le mal est le plus difficile à commettre, où il est plus difficile de s’isoler, que les gens arrivent à inventer le plus d’histoires les uns sur les autres » p.53.

Quoi de plus implacable, comme destin, que de croire en la prédestination ? La folie du Doc Hines, qui livre le bébé à l’abandon après avoir tué le père et laissé mourir la mère – sa propre fille – apparaît comme une « volonté » de Dieu. « Je l’ai marqué déjà », fait-il dire à Dieu (qui n’en peut mais) p.276. D’où cette « passivité tranquille » de Christmas (p.120) et de Lena, la « lente indécision » (p.8) des paysans « pour qui le temps ne compte pas » (et qui rappelle furieusement celle de François Hollande). Si tout est écrit, si tout doit arriver, pourquoi s’en faire ? Le destin s’accomplira comme une volonté de Dieu, il suffit de « laisser du temps au temps » comme l’affectionnait Mitterrand. Quand on a l’identité coupable, la punition vient inéluctablement. Joe Christmas comme Joanna Burden se persécutent comme des frères ennemis, la Femme et le Nègre représentent l’altérité radicale, en ce pays, à cette époque.

negre lynche au texas 1910

L’ordre social exige le dressage de ces enfants du diable et le refoulement des pulsions qu’ils suscitent. Trois femmes et un nègre vont mourir dans le roman, pour assurer cet ordre que le jeune Percy, « fana mili » comme on dit aujourd’hui, parfait fils d’Amérique dans la Garde nationale, accomplira en tuant puis châtrant Christmas pour avoir égorgé la femme blanche. Les sociétés closes sont effrayées du mélange, hantées par l’impur. Nègre blanc est la pire condition, bouc émissaire facile pour les anges exterminateurs, leaders de leur communauté. Il faut écouter Percy dans son idéal : « foi sublime et implicite dans le courage physique et l’obéissance aveugle ; conviction que la race blanche est supérieure à toutes les autres races, et que la race américaine est supérieure à toutes les autres races blanches, et que l’uniforme américain est supérieur à tous les hommes, et que sa propre vie serait le seul paiement qu’on lui demanderait jamais en échange de cette conviction, de ce privilège » p.335.

Écrit en 1932 alors que l’Europe se fascisait à toute allure après la crise de 1929, William Faulkner montre combien ce qu’on reproche aux autres est aussi en soi : le fanatisme, la xénophobie, le racisme. Nazisme, communisme, salafisme, sont quelques-unes de ces convictions dogmatiques éprises de pureté absolue qui considèrent tous les non-membres comme des sous-hommes – et sont hantées par la souillure.

Faulkner montre au contraire que la vraie vie n’est pas puritaine. Obéir à l’Ancien testament n’est pas une œuvre pie mais une névrose collective du surveiller et punir. « Chiennerie et abomination », éructe le vieillard Hines, poussé par une pulsion de mort au point de tout liquider autour de lui, son gendre, sa fille, sa femme, et à tourmenter son petit-fils jusqu’à la fin de ses jours. Est-ce cela, la vie ? L’inverse de la vitalité ancestrale des femmes qui mettent au monde : « Il se rappelle le jeune corps vigoureux qui, même en travail, révélait quelque chose de tranquille et de brave » p.302. L’inverse de la vitalité primitive : « champs fertiles, la vie riche et luxuriante des nègres sur la plantation, les voix chaudes, la présence de femmes fécondes, la prolifique marmaille grouillante, nue, devant les portes, et la grande maison bruyante, retentissante des cris de trois générations » p.302. William Faulkner partage peut-être certains préjugés de son temps, mais pas le racisme sûr de lui-même et dominateur des peuples qui se croient « élus ».

Faulkner se révèle ici nietzschéen dans sa critique impitoyable du fanatisme religieux, du puritanisme de mœurs, du sentiment de se sentir supérieur par obéissance à quelques simagrées prêchées en chaire. Il accuse les poètes à la Tennyson de mensonge en idéalisant la vie hors sol, pour éviter des vapeurs aux bourgeoises. « Bientôt, le joli langage galopant, la langueur anémique pleine d’arbres sans sève et de concupiscences déshydratées, commence à flotter, douce, rapide et paisible. Cela vaut mieux que la prière, et l’on n’a pas à se préoccuper de penser tout haut » p.237.

Un très grand roman des lettres américaines – celui qui vous fait voir l’actualité aux États-Unis telle qu’elle est : Abou Graïb, French bashing, Tea party, amende BNP…

William Faulkner, Lumière d’août (Light in August), 1932, Folio 1974, 640 pages, €8.93
William Faulkner, Œuvres romanesques tome 2, Gallimard Pléiade 1995, 1479 pages, €58.90

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Temple de Ramsès III à Médinet Habou

Retour à Médinet Habou, notre village, pour visiter enfin ce temple dont nous contemplions la porte dès le premier jour. Il est immense. Il comprend plusieurs cours successives. Ses décors sont souvent profondément incisés pour éviter d’être martelés par le pharaon suivant.

temple Ramsès III

Dès l’entrée nous accueille une statue de la déesse Sekhmet, à tête de lionne. Elle est « la puissance », l’aspect destructeur du Soleil. Elle répand les maladies, mais permet aussi de les soigner car ses prêtres sont les médecins. Lorsqu’elle feule, elle terrorise ; lorsqu’elle est apprivoisée, elle devient chatte, Bastet, et se contente de ronronner. Elle est l’ambivalence.

lionne temple Ramsès III

Le guide nous raconte quand même l’anecdote de ce prêtre d’Amon-Min, la forme humaine ithyphallique du dieu Amon, toujours représenté avec le sexe tendu. Amon-Min assimile un dieu local et symbolise la procréation comme la renaissance du dieu Soleil après son séjour dans la nuit. Il protège les routes du désert. Pendant que Ramsès guerroyait trois années, ce prêtre a réussi à engrosser presque toutes les femmes de Thèbes. Au retour, le roi le convoque pour explication. Habilement, le prêtre répond qu’il s’agit de préparer l’armée suivante de sa majesté, au cas où celui-ci ne serait pas revenu du désert. Le pharaon rit et lui laisse la vie sauve.

temple Ramsès III medinet habu b

Sur l’une des parois sont gravées les silhouettes des sept fils du pharaon, dont trois ont ensuite régné ; on reconnaît ces derniers au cartouche qui a été rajouté près de leur image.

gravures profondes temple Ramsès III

Des groupes scolaires locaux circulent parmi les ruines, accompagnés de leurs instituteurs. Des petits se font engueuler : discipline et silence dans les rangs. Les adolescents sont laissés plus à eux-mêmes ; ils chahutent moins mais se préoccupent plutôt de leur apparence : lunettes noires, chaînes au cou, chemises ouvertes, appareils photos avec lesquels ils se prennent entre copains, les mains sur les épaules. Un adolescent de famille riche, si l’on en croit ses vêtements, compense sa petite taille en jouant au chef dans son cénacle ; ils sont quatre ou cinq à graviter autour de lui. Il leur offre à tous une glace au marchand du temple.

temple Ramsès III couleurs

Le bus nous conduit ensuite pour déjeuner à la pension de famille où Dji a vécu jusqu’à ce qu’il se fasse construire une maison. Il s’est installé là dès son arrivée à Louxor, dans la famille d’Adj, qui venait alors de naître. C’était alors une maison en terre. Sa chambre était au rez-de-chaussée. Adj nous sert le repas, aidant son frère de trois ans plus âgé que lui, traumatisé pour avoir été enlevé et séquestré trois jours lorsqu’il avait neuf ans. Aubergines grillées à l’ail, tomates et concombres en salade, pommes de terre aux oignons et sauce tomate, courgettes au herbes, riz, précèdent et accompagnent le clou du repas : le canard grillé, savoureux et tendre sous la dent.

Après la visite rapide d’un trou au fond de la cave d’un paysan voisin (il croit avoir « découvert une tombe »), nous partons pour le temple de Karnak.

temple Ramsès III medinet habu

Avant de traverser le Nil pour rejoindre la rive droite, j’achète pour 5 livres une chatte d’albâtre à un douze ans qui m’en supplie, presque larmoyant. Lui aussi a de beaux yeux. Elle se révélera avec une patte avant cassée, artistement dissimulée par le morceau de journal qui l’enveloppait. La ruse commerciale prend la figure du suppliant pour arnaquer l’étranger. Je lui aurai laissé son billet de 5 livres, à ce gosse ; mais je regrette de ne pas avoir vu de suite ce défaut. Méfiez-vous de la pitié, elle aveugle.

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