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Culture, inculture, multiculture

Le débat existe dans l’élite française entre les bobos postmodernes, nomades sans attaches, qui se croient de gauche alors qu’ils adoptent sans réfléchir l’idéologie américaine de l’homme sans qualités – et les autres, attachés aux Lumières mais ancrés dans une culture ouverte : celle de l’Europe.

• Les cultures existent, elles sont diverses – c’est un fait anthropologique.
• Elles ne sont ni isolées, ni figées, mais en interactions entre elles et en devenir – c’est un fait historique.
• Elles fondent les appartenances et font société par la transmission des façons de voir et de sentir, de parler et de se comporter, de cuisiner et de croire – c’est un fait sociologique.

Mais les bobos de gauche ne croient pas aux faits ; ils préfèrent leurs illusions confortables de Bisounours roses pour lesquelles tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, et si le monde entier se donnait la main… La niaiserie du christianisme de vieilles filles laïcisé sous forme « d’idéal » humanitaire.

Je crois pour ma part que les croyances ne doivent pas tenir contre l’analyse des faits. Ce pourquoi je ne peux « être » de gauche, puisque les bobos de gauche, qui refusent tout naturalisme et toute essence, font de cette croyance en l’utopie que tout le monde il est beau une « essence » qui prouverait la gauche. Je ne peux que « suivre » la gauche en quelques actions, mais pas en croyance.

Contrairement aux communautaires, pour qui la culture enferme dans le clan et assigne aux traditions et à la religion, les sociétaires croient en l’Homme abstrait platonicien, d’essence universelle. Or si j’ai croisé nombre d’humains, je n’ai jamais rencontré l’Homme en soi : il faut faire avec. Je ne crois donc ni l’une ni l’autre des positions tranchées entre communauté ou société. Chaque être humain est dans une dépendance, mais relative, à son milieu ; il dispose d’une autonomie – qui croit avec son niveau d’éducation, son intelligence et ses moyens d’existence. Encore faut-il vouloir acquérir tout cela, au lieu de récriminer être discriminé. La multiculture serait-elle une façon de nier la culture par inculture ?

torse plastique

Il suffit de quitter la France pour se sentir français, l’Europe pour se constater européen et – nous ont dit les astronautes d’Apollo 13 – de quitter la planète pour se sentir vraiment terriens. Il y a donc bien un universel humain, mais dans lequel les appartenances emboitées ont chacune leur place sans qu’aucune n’exclue l’autre. Dans les faits, nous parlons des langues différentes, vivons sous des climats différents, avec des cultures (agricoles) et des habitudes culinaires différentes, un rapport à l’État et à la société différent. Il faut tout le narcissisme des bobos égoïstes dans leurs « créations » artistes (et jalousement gardiens des « droits » d’auteur sur leurs œuvres), pour ne pas vouloir même le savoir. Il faut toute la bêtise de masse de la classe aisée politiquement correcte, qui s’auto-congratule entre soi dans les médias connivents, pour ignorer qu’on peut être de tel village et disons Normand et Français, Français et Européen, et se sentir appartenir à la planète pour prendre soin d’elle. Ignorer : est-ce faire preuve de culture ?

La culture est naturelle, mais elle n’est pas de nature. Les multiculturalistes confondent allègrement, avec cette courte vue qui est de leur génération, la multiplicité des cultures (qui est une bonne chose en termes d’environnement) et la multiculture (qui est un magma sans queue ni tête). Mais le bobo cultureux adore faire ce qu’il veut, quand il veut, sans se soucier des autres et encore moins de la cité. « J’ai l’droit » est son slogan, sans cesse réaffirmé sur la route en voiture, en contresens en vélo à Paris, en skate sur les trottoirs (à 30 ans passés). Il adore papillonner, le bobo sans passé, goûter un peu de ci, et puis un peu de ça, guidé par les « j’aime » ou « j’aime pas » dont il assaisonne ses « commentaires » emplis de vide sur les réseaux sociaux. Sans voir que ce papillonnage participe de l’abrutissement commercial du système économique (que pour autant il pourfend… en paroles seulement). Le marketing fait son miel des micro-tribus qui cherchent à se « distinguer » pour se hausser du col, montrer combien ils sont « plus » beaux et gentils que les autres, voire combien ils sont « trop ».

Ils sont contre les cultures car « la » culture demande un passé, qu’ils récusent (bien qu’ils se repentent sans cesse et commémorent à longueur d’année), et que « la » culture demande un effort dont ils sont incapables, bien trop accros aux derniers gadgets de la technique (dont ils vilipendent l’intrusion et l’esclavage à longueur d’éditoriaux indignés). Nier toute différence permet leur liberté négative, celle de faire ce qu’ils veulent quand ils veulent et comme ils veulent, degré dernier de l’individualisme narcissique qui est la licence – cette perversion démocratique analysée par Tocqueville.

Rien de plus intolérants que ceux qui ont répudié la Raison au nom de la Tolérance. Car ce qu’ils affichent n’est jamais pratiqué, mais imposé comme mantra et slogan. Le « respect » pour tout et tous n’est qu’ignorance de tout et tous. Une vaste flemme qui répugne à aller vers l’Autre, l’Étrange ou l’Ailleurs parce qu’on préfère cocooner dans son nid douillet, entre soi. De cette paresse on fait vertu, « stigmatisant » ceux qui évoquent les particularités des gens autres que les nôtres, grimpant immédiatement aux rideaux du « racisme » et de la « Shoah » – mot magique, tu-dois impérieux qui arrête toute discussion. Là où il n’y a rien à débattre, il n’y a pas d’attention à l’autre (qui pense différemment de vous), ni de démocratie possible. Il y a seulement l’égoïsme borné de qui croit détenir la Vérité tout entière, troupeau qui voudrait imposer par la force du politiquement correct le silence à tous ceux qui osent être (eux aussi, quel scandale !) des individus pensants.

Nier les autres, leurs particularités, leur culture propre, c’est faire du monde un endroit « neutre » et des gens un genre : l’« homo » standard réduit aux actes, sans attache – ni humanité. Acte de consommer : homo oeconomicus ; acte de produire : homo faber ; acte de gloser : homo delirans. Il est bien beau, le bobo, dans son inculture de bande, de mépriser l’homo oeconomicus (évidemment « libéral », alors qu’il ne sait même pas ce que le mot « libéral » veut dire). Il est qui, lui, l’homme sans qualités ?

poubelles de l histoire

La gauche postmoderne avec sa multiculture négociée, métissée, fluctuante, est un toxique dangereux.

  • L’État islamique ne se fait pas faute de lui enfoncer dans la gorge à coup de coutelas ou de balles de 9 mm que « sa » culture n’est pas la leur.
  • Le Juif orthodoxe qui brûle des bébés et poignarde allègrement les pédés en Gay pride piétine les héros de la grande cause victimaire bobo.
  • Le Catho intégriste qui brûle des cinémas, pisse sur les œuvres narcissiques ou profane des tombes de victimes, nie les « œuvres » pour lui de non-culture.

Tous disent leur haine de la multiculture, du mélange à la carte et du métissage. Faudrait-il, au nom du tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil – au nom du multiculturel – accepter ces manifestations tellement « originales » ?

Au contraire, il faut « stigmatiser » les haineux, les meurtriers, les intolérants. Et, pour cela, assigner les multicultureux à leur inanité. « Les » cultures existent ; elles ne se font pas la guerre – sauf si on les nie. Ce sont les bobos réfutant les différences qui suscitent la haine et la guerre, pas la loi républicaine qui reste neutre et laïque pour tous. On ne peut faire société en climat de guerre civile, or les bobos clament qu’il « faut » faire société. Ils étalent en cela leur inculture pétrie de contradictions dont ils ne veulent même pas débattre : ils sont bien trop contents d’eux.

Seul le déni de ce qui existe alimente le fantasme et fait monter la peur – jamais la réalité toute crue.

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Yasushi Inoué, Shirobamba

yasushi inoue shirobamba
Les shirobamba sont ces insectes que les enfants de la campagne poursuivent au crépuscule dans le Japon vers 1914. Ils symbolisent les rêves d’un âge où tout reste possible – mais difficile à attraper. L’auteur, sous les traits de Kôsaku, romance son enfance de 6 à 8 ans dans ce livre empli de fraîcheur, analogue à la Gloire de mon père de Marcel Pagnol. Il fut d’ailleurs, à sa parution, aussi célèbre et populaire au Japon que l’auteur français en son pays.

L’enfant est élevé seul par celle qu’il appelle « grand-mère », en fait une ancienne geisha adoptée par son arrière grand-père et dont la petite-fille a donné cet aîné. Car Kôsaku a une petite sœur et des parents, mais son père est militaire et vit en garnison, à la ville. Aucun lien de sang entre Kôsaku et la vieille Onui, mais des liens d’affection. Un petit s’attache à qui s’occupe de lui, parent ou non.

Il est d’ailleurs, comme les autres, élevé par le clan familial et par le village, tant en ces années d’il y a un siècle les mœurs étaient restées immuables, rurales et archaïques. Grand-mère et gamin habitent le dôzo, cet édifice contre le feu aux murs très épais qui servait autrefois à garantir les récoltes contre les incendies fréquents. En face est la maison de famille où arrière grand-mère, grand-mère maternelle et tantes habitent avec leurs époux. Kôsaku est amoureux de sa tante Sakiko, plus âgée que lui et qui deviendra maitresse d’école avant de faire un bébé puis de périr de tuberculose.

Mais la vie continue, vivace, au ras des gamins. Ils étudient, jouent tous ensemble sous le cerisier, grimpent aux arbres malgré les interdits, vont se baigner et plonger nus au gouffre Hei, parfois avec Motoi Nakagawa, leur jeune maître d’école venu de Tokyo, qui tombera amoureux de Sakiko. « Les enfants se mirent à escalader les pierres et les rochers pour mieux voir évoluer leur professeur. Kôsaku était émerveillé par la beauté qui émanait de son corps en mouvement ».

Ils courent à perdre haleine pour assister à une banale course de chevaux dans un village voisin, se font un événement de la fête de gymnastique annuelle du village, les préparatifs comptant bien plus que les épreuves. Tout leur est neuf et le moindre fait qui sort de l’ordinaire fait galoper leur imagination tant les jours se succèdent, paisibles et quasi immobiles. La force tranquille du Japon avant le militarisme.

Lorsque que le jeune Kôsaku et sa « grand-mère » vont voir les parents à la ville, il leur faut monter dans la carriole, dont les chevaux menés de façon brutale les font tomber les uns sur les autres ; puis prendre un petit train jouet avant de passer une nuit dans l’auberge d’une station ; enfin prendre le vrai train jusqu’à Toyohashi, en notant le nom de toutes les gares dans un petit carnet offert par grand-mère. Kôsaku est tout intimidé devant sa mère Nanae, puis se sent une responsabilité fraternelle envers sa petite sœur Sayoko lorsqu’elle l’appelle « grand frère ».

Mais cette vie insouciante n’est pas sans drame. C’est un élève plus âgé qui se perd dans la forêt et est retrouvé affaibli après trois jours, c’est l’arrière grand-mère qui meurt, c’est la tante Sakiko qui attrape la tuberculose après un bébé. Tous ces mystères de la vie et de la mort fascinent Kôsaku, remuent en lui des sentiments complexes qu’il explore avec circonspection. Comme Sakiko lui a fait promettre de bien travailler puisqu’il est intelligent, sa mort le fait se lancer dans l’étude.

1910 japon enfants

La sensualité n’est jamais absente du devoir, belle équilibre de ces années et de ce pays. Le jour des funérailles de sa tante, puisqu’il n’est pas invité car considéré comme trop petit, il décide d’aller avec ses copains au tunnel d’Amagi. « Kôsaku, persuadé qu’il devait s’acquitter ce jour-là d’une tâche pénible, décida qu’ils devaient couvrir toute la distance sans se reposer. (…) Alors les enfants eurent tous ensemble l’idée d’aller nus. Ils retirèrent leurs kimonos qu’ils nouèrent avec leurs ceintures. Certains les posèrent sur leur tête, d’autres autour des hanches. Chacun s’organisa à sa façon. Trois garçons cachèrent leurs habits au bord de la route ou les attachèrent à un arbre. Les adultes qu’ils rencontraient demandaient : « Où allez-vous comme cela ? – Au tunnel. – Vous ne pouvez pas y aller tout nu. Il y fait froid, même en été ». Tout Inoué est là, dans cette simplicité naturelle.

Il nous fait vivre avec ces gamins, avec lui-même en son enfance, dans ce Japon rural avant 1918. Le cycle de la vie, le cycle des saisons, le cycle des voyages surviennent sans surprise, à leurs rythmes, apprivoisés au fil des mois. Les personnages comme le directeur d’école, le marchand de saké, le conducteur de carriole, le domestique de 16 ans des parents, les cousines trop gâtées, ont leur caractère et prennent leur place dans la mosaïque. Nous sommes dans la découverte du monde et des gens, dans un univers tout empli de la sensibilité prépubertaire : panthéiste, océanique, polymorphe.

Merveilleuse.

Yasushi Inoué, Shirobamba, 1960, traduit du japonais par Rose-Marie Fayolle, Folio 1993, 248 pages, €8.50

Les romans de Yasushi Inoué chroniqués sur ce blog

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William Beckford, Vathek

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Délicieux et héneaurme, innocent et sadique, ce conte oriental des Lumières, écrit directement en un français parfait par un aristocrate anglais, est une merveille dont la lecture enchante. Nous sommes dans le roman gothique où le dépaysement et l’excès sert à dénoncer férocement tous les absolutismes. Celui du calife, commandeur des croyants et commandeur de guerre qui a tous les pouvoirs et à qui tout est permis ; celui du clergé qui manipule la religion à son propre service et use de la peur d’Allah pour dompter les assujettis ; celui de la mère avide de tout régenter.

Vathek est un Gargantua burlesque et méchant, tenu par les sens et insatiable de richesses. Le conte oriental se meut en cauchemar gothique sous l’influence de Carathie, mère du calife frayant avec les puissances occultes pour forcer la volonté chancelante de son fils. Il se dit que Carathie serait le double de la mère de l’auteur, protestante fervente et disciplinaire. Avec une telle génitrice castratrice, comment ne pas s’évader dans le songe exotique où tout ce qui est interdit devient permis ? C’est avec une jovialité un brin sadique que le calife Vathek jouit sans entraves : il use et abuse de ses cinquante concubines toutes jeunes et fraîches dans la salle des plaisirs, après avoir bâfré la centaine de plats sans cesse préparés pour lui ; il sélectionne avec « une perfide avidité » cinquante jeunes garçons nobles au bord de la puberté sur injonction du Giaour, ce monstre répugnant qui lui promet les richesses de la terre, avant de les faire concourir presque nus pour admirer les mille grâces de leurs membres – puis de les jeter d’un geste dans le gouffre où les attend le monstre ; il viole l’hospitalité d’un émir qui recueille sa caravane égarée au désert en enlevant sa fille Nouronihar, pourtant promise au très jeune Gulchenrouz, 13 ans, beau comme une fille et espiègle comme un page.

gulchenrouz

Le calife Vathek, enflé d’orgueil, tourne la religion en dérision, moins la croyance en Allah, qu’il garde un peu au fond de lui, que les simagrées bigotes des clercs et des « vertueux ». Il balaye les araignées avec le balai sacré rapporté de La Mecque, que Mahomet aurait utilisé autour de la Kaaba ; il fait ligoter sur leurs ânes les dignitaires religieux, accourus pour faire leur cour, avant de les chasser au galop les fesses fouaillées d’épines ; seules les abeilles – « bonnes musulmanes » – se piquent de piquer le calife comme les imams, dans la grande magnanimité naturelle.

Nous sommes dans la logique, mais délirante ; les Lumières brillent, mais jusqu’au maléfique. Car on ne défie pas Dieu, ni les lois naturelles, ni les autres humains sans conséquences. Ni le monde, ni les êtres, ne sont des objets voués au bon plaisir sexuel ou à l’avidité de gueule ou d’avarice d’un seul. La gigantesque tour de 1500 degrés, édifiée au-dessus du palais aux cinq salles de plaisirs, symbolise la tyrannie, le donjon de la puissance inexpugnable, la Babel aux caves remplies de venin de serpent et autres ingrédients destinés à annihiler la volonté ou saisir la vie des victimes. Elles sont gardées par des négresses borgnes et qui louchent, frayant avec les goules des cimetières : façon spectaculaire de dire combien sont tordues les âmes de ceux qui veillent sur ces faux trésors.

captives nues sardanapale

Vathek, comme sa mère Carathie et sa très jeune maitresse Nourohibar, vont rencontrer Eblis, l’ange déchu, Satan en personne, qui leur donnera les clés de toutes les salles de l’enfer. Ils pourront étancher leur soif insatiable de richesses et de savoirs – mais au prix de leur cœur. Il brûlera éternellement dans leur poitrine, qu’ils presseront de leur main droite dans la douleur pour l’éternité. Seuls les petits garçons sont sauvés par le conte, les cinquante précipités dans le gouffre et le jeune Gulchenrouz : tous sont recueillis par un « bon vieux génie qui chérissait les enfants, et s’occupait entièrement de les protéger », défendu par « des banderoles flottantes sur lesquelles étaient écrits en caractères d’or, brillants comme l’éclair, les noms d’Allah et du Prophète ».

Ce conte gothique révère l’état d’enfance, opposé à celui de la Raison ; il vante l’innocence naturelle, rousseauiste, du bon sauvage inéduqué qui sait instinctivement bien vivre. « Car le génie, au lieu de combler ses pupilles de vaines connaissances et de périssables richesses, les gratifiait du don d’une perpétuelle enfance ». Nous sommes déjà chez Peter Pan…

Un enchantement de lecture.

William Beckford, Vathek, 1786, José Corti 2003, 416 pages, €20.30
Frankenstein et autres romans gothiques, édition et traduction Alain Morvan, Gallimard Pléiade 2014, 1373 pages, €57.60

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Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines

maurice godelier au fondement des societes humaines

Né en 1934, Maurice Godelier est probablement le meilleur anthropologue français contemporain. Il est beaucoup plus connu à l’étranger que chez lui en raison de la coterie des grandécolâtres et du snobisme médiatique. Agrégé de philosophie, licencié en psychologie et licencié en lettres modernes, il a travaillé auprès de Fernand Braudel puis de Claude Lévi-Strauss. Proche de Chevènement, il obtiendra la médaille d’or du CNRS en 2001 pour l’ensemble de son œuvre. Un temps marxiste, praticien de terrain en Papouasie, il s’est détaché de tous ses maîtres pour se forger une opinion personnelle. Il nous la livre à 73 ans dans ce petit opus qui se lit facilement. Ni jargon ni galimatias, ce qui se conçoit bien s’énonce clairement – c’est le meilleur de Godelier.

« Déconstruire les discours et les résultats des sciences sociales, oui. Leur dénier tout caractère scientifique, non. » Il se pose directement contre le relativisme à la mode aux États-Unis et avidement repris par les bobos multiculturels parisiens pour faire bien, « les dissoudre dans des discours narcissiques, se délectant dans le refus de théoriser, dans l’ironie, dans l’incohérence et l’inachevé volontairement recherchés » p.35.

Ce petit livre présente 5 idées reçues de l’anthropologie, contrées par la recherche de terrain (p.39) :

  1. Les sociétés sont fondées sur l’échange (marchandises et dons) : « A côté de choses que l’on vend et de celles qu’on donne, il en existe qu’il (…) faut garder pour les transmettre, et ces choses sont les supports d’identité qui survivent plus que d’autres au fil du temps. » Tout ne s’échange pas.
  2. La famille est au fondement de la société : « Il n’existe pas, et il n’a jamais existé, de sociétés fondées sur la parenté. (… Ni parenté, ni famille) ne sauraient constituer le lien qui unit différents groupes humains de manière à faire société. » C’est la symbolique politico-religieuse qui fonde une société, pas la biologie.
  3. Les enfants sont le produit d’un homme et d’une femme unis sexuellement : « Nulle part, dans aucune société, un homme et une femme n’ont jamais été pensés comme suffisants pour faire un enfant. Ce qu’ils fabriquent ensemble, ce sont des fœtus que des agents plus puissants que les humains, des ancêtres, des dieux, Dieu, transforment en enfant en les dotant d’un souffle et d’une ou plusieurs âmes. » L’enfant s’appartient à lui-même, il n’est pas l’objet des parents; la société l’accueille et l’élève au même titre que la famille par des rituels et des institutions appropriés.
  4. Les rapports économiques constituent la base des sociétés (Marx) : « La sexualité humaine est fondamentalement ‘a-sociale’. Le corps sexué des hommes et des femmes fonctionne dans toute société comme une sorte de machine ventriloque qui exprime et légitime les rapports de force et d’intérêt qui caractérisent la société, non seulement dans les rapports entre les sexes, mais dans les rapports entre les groupes sociaux qui la composent – clans, castes ou classes. »Les rapports économiques sont l’un des rapports sociaux, pas le seul.
  5. Le symbolique l’emporte toujours sur l’imaginaire et le réel : « Tous les rapports sociaux, y compris les plus matériels, contiennent des ‘noyaux imaginaires’ qui en sont des composantes internes, constitutives, et non des reflets idéologiques. (…Ils) sont mis en œuvre par des ‘pratiques symboliques’. » Les humains ne font société que par le symbole.

Dit autrement, nulle société n’existe sans une identité, un imaginaire politico-religieux vécu selon des pratiques symboliques renouvelées, qui s’exerce sur un territoire. Sans territoire, ce n’est qu’une communauté (de parenté, de langue et de principes). Font société par exemple les Baruyas, population de Nouvelle-Guinée étudiée par l’auteur ; l’Arabie Saoudite issue de la rencontre entre le rigoriste musulman Al-Wahhab et le chef de tribu Ibn Saoud en 1742 ; la France refondée en 1789 ; les États-Unis nouvelle terre promise émancipée du colonisateur en 1776 ; l’URSS fondée par Lénine ; Israël fondée en 1947… Sur le territoire, la souveraineté s’exerce par des institutions distinctes de la parenté, telles l’école en Occident, les mouvements de jeunesse en URSS et en Israël ou l’initiation des jeunes garçons et des jeunes filles chez les Baruyas.

maurice godelier chez les baruyas de nouvelle guinee

A ce titre, aucune institution n’est « naturelle », tout est construit socialement pour légitimer la souveraineté, donc le faire société. Le passage de l’enfance à l’âge adulte chez les Baruyas n’est pas le fait des parents ni des majeurs spécialisés de la société ; il est le fait des aînés non encore mariés. Dès 9 ans, le garçon est arraché aux femmes pour être initié dans la Maison des hommes en quatre stades. Vers 15 ans, chaque adolescent prend un enfant sous son aile, à 18 ans il a le droit de faire la guerre, à 20 ans de se marier. Les aînés des 3ème et 4ème stades donnent leur sperme à ingérer aux petits des 1er et 2ème stades. Le sperme vise à faire renaître l’enfant par le lait mâle, à le masculiniser. Ni masturbation, ni sodomie, ni inceste entre adolescents, ni fellation d’hommes mariés ne sont permis par la société – tout est codifié. L’aîné choisit le cadet et – ajoute l’ethnologue – « entre eux on peut observer beaucoup de tendresse, nombre de gestes délicats, réservés, pudiques. Là, il y a place pour le désir, l’érotisme et l’affection, mais aussi pour la soumission (…) diverses corvées » p.178. L’usage des sexes fabrique de la vie et de l’ordre social, voire cosmique. La « loi » d’une société suborne la sexualité des individus à l’imaginaire qui fait société. Chez les Baruyas comme chez nous, différemment.

Car « qu’est-ce qu’un rapport social ? C’est un ensemble de relations à multiples dimensions (matérielles, émotionnelles, sociales, idéelles), produites par les interactions des individus et, souvent, à travers eux, des groupes auxquels ils appartiennent » p.194. Ces rapports sont entre les individus et en eux, car la société les façonne et ils veulent s’y intégrer. Le désir n’a pas de « sens social », seule la reproduction en a un, d’où l’encadrement de la sexualité par la religion et la morale (ou la loi) dans toute société humaine. La société n’est donc pas née par le ‘meurtre du père’ selon Freud, mais par le refoulement du désir asocial (anarchique).

En bref, « ce sont des rapports politico-religieux qui ont intégré en un Tout des groupes humains d’origine diverse, et au départ hostiles, et qui ont assuré la reproduction de ce Tout » p.228.

D’où l’intérêt pour la connaissance de soi de « mettre au jour ce qui n’est pas dit, faire apparaître les raisons d’agir ou de ne pas agir laissées dans l’ombre, réunir et analyser ensuite tous ces faits pour en découvrir les raisons, c’est-à-dire les enjeux pour les acteurs eux-mêmes dans la production de leur existence sociale » p.250. Ce sont l’œuvre « des penseurs du siècle dit des Lumières. Ils ont osé avancer l’idée que tous les régimes de pouvoir exercés ou subis par les hommes au cours de l’histoire n’avaient eu ni les dieux ni la nature pour origine, mais étaient le fruit des pensées, des actions et les intérêts des hommes eux-mêmes » p.275. Oui, les sciences sociales et la démocratie sont liées…

Un excellent petit livre qui remet à leur place bien des fantasmes et des préjugés.

Maurice Godelier, Au fondement des sociétés humaines, 2007, Flammarion Champs essais 2010, 331 pages, €9.69

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Georges Guille-Escuret, Les mangeurs d’autres

Montaigne, largement cité par l’auteur, avait tout dit du cannibalisme, condamné par religion et morale au nom de notre supériorité de « peuple élu » du « seul vrai Dieu » et de notre « progrès » de « civilisation ». Je l’avais évoqué en 2008. Les cannibales seraient des sauvages et nous des civilisés. Ce qui nous différencie est ce qui distingue la nature de la culture. Mais est-ce bien la vérité ? N’est-ce pas plutôt une idéologie ?

Selon Guille-Escuret, « Par elle-même, une idéologie n’invente rien : elle arrange les images, gomme des contrastes, ajoute des compléments issus de ses références préférées, mais elle ne crée pas. Sa fonction consiste à protéger un ordre établi de la pensée en transformant l’inconnu en connu et en digérant l’inédit à coup de réminiscences » p.182. L’indignation couvre l’indigence de la description et l’incapacité mentale à penser le nouveau comme à réfléchir sur soi-même. « A cet égard, les explorateurs français se montrent assurément les plus pénibles, qui répètent les clins d’œil jusqu’aux tics, soulignent leurs ironies en caractères gras et présupposent avec leurs lecteurs des complicités voltairiennes aux dépends de tous les primitifs qui croupissent à mille lieues de la fine fleur cartésienne de Saint-Germain » p.185.

Heureusement, il y a Montaigne : « Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux ». Manger son ennemi est le respecter, vouloir par mystique assimiler son esprit et sa force vitale ; le torturer comme sous l’Inquisition, sous Staline et Hitler ou dans les geôles du Lao gai, c’est l’asservir, le mépriser, en faire un animal domestique, voire un objet d’esclavage. Le sauvage serait alors moins « barbare » qu’on ne croit, et le « civilisé » bien plus qu’on ne dit. Surveiller et punir vaudrait-il mieux que chasser et manger ?

C’est probablement la thèse que défend Georges Guille-Escuret, même si son ouvrage de synthèse (complément d’une sociologie du cannibalisme en deux volumes) est moins destiné aux profanes qu’aux « cher collègues » en anthropologie. Le « redoublement du même » de Françoise Héritier, cité sans autre précision, fait ainsi appel à un jargon pro et à une spécialisation que peu de lecteurs peuvent avoir… En sept chapitres, Guille-Escuret « déconstruit » l’idée commune sur le cannibalisme et cherche à restituer le contexte significatif du fait chaque fois observé. Ce qui ne va pas sans traits d’humour. Par exemple : « en Océanie comme en Afrique : la chair du Blanc serait plus salée qu’aucune autre. C’est un motif de dévalorisation en Océanie et, au contraire, de valorisation en Afrique » p.165. Mais trop souvent la phobie occidentale envers le cannibalisme refuse de voir pour en faire tout de suite une essence. Les sociétés cannibales seraient sans histoire, croit-on, uniquement préoccupées de protéines : « de la viande ! de la viande ! » s’exclament les Nègres en découvrant Stanley, l’explorateur anglais bien connu…

Alors comment rendre compte du cannibalisme en évacuant les présupposés et les toiles d’araignée idéologiques ? « Bon gré mal gré, Harner s’impose comme l’auteur de la première théorie scientifique correctement énoncée – ce qui ne veut nullement dire ‘vraie’ ou ‘vérifiée’ – sur l’organisation sociale d’un cannibalisme » p.206. Matérialiste, il suppute la valeur nutritionnelle de la chair humaine, la relie à une logique sociale fondée sur le cycle des saisons et à la carence du milieu en protéines animales comme à la pression démographique, réservant ce surplus aux classes dirigeantes (Michael Harner, The ecological basis for Aztec sacrifice, American Ethologist, février 1977).

Mais comment qualifier le fait de manger les autres, ses semblables ? « Anthropophage » existe, venu du grec, qui signifie mangeur d’homme – mais à ce titre un crocodile peut l’être. « Cannibale » vient des peuplades caraïbes rencontrées par Christophe Colomb et signifie toute absorption du pareil – horreur « inouïe » pour l’époque chrétienne. Le terme sociologique est « allélophagie », se manger les uns et les autres, terme neutre sorti des phobies de la « civilisation » des auteurs antiques, comme des phobies de la « raison » des auteurs modernes. « Homophagie », qui signifie manger son propre sang, appartient au vocabulaire rituel et est moins usité. L’usage populaire et médiatique du vocable « cannibale » est donc idéologique : il s’agit d’une répulsion de moderne pour les pratiques jugées archaïques, d’un dégoût méprisant de peuple civilisé pour les enfants sauvages, d’un déni moral des profondeurs intimes de la psyché. Après tout, pense l’idéologie, la « civilisation » n’est-elle pas qu’un dressage de pulsions de nature qui demeurent dans nos abysses mentales, voire génétiques ?

« Nous, ethnologues, avons tous souhaité ‘excuser’ le cannibalisme : en l’oubliant, en le niant, en le désinfectant, en lui trouvant des déterminations naturelles ou des justifications culturelles. Mais, surtout, en le maintenant chez les autres, sans prendre la peine de refuser en soi cet ‘autre’ qui se glorifie de ne pas être cannibale en dissimulant ce qui l’a amené à ce rejet » p.89. Car le cannibalisme surgit dans les sociétés en crise. Tout ne vaut pas tout, comme se complaisent à dire les relativistes culturels, ces paresseux du concept, bobos repus et content d’eux, contre lesquels l’auteur se déchaîne avec délectation : « une ambiance complice, caractérisée par le regain spectaculaire d’un relativisme échevelé, conduit par un postmodernisme qui se donne à admirer comme une avant-garde prête à prendre les devants tous azimuts » p.120. Ou encore : « Le relativisme contribue à forger ce qu’il combat en participant à la fabrication de l’illusion hiérarchique qu’il prétend ensuite démentir. Pour le plus grand bonheur des scientismes grossiers, qui s’appuient sur cette participation avant de démentir le démenti » p.180.

Une bien belle étude, qui nous ramène aux tabous de NOTRE culture, et notamment à ce qui nous constitue : notre « identité ».

Georges Guille-Escuret, Les mangeurs d’autres – civilisation et cannibalisme, mars 2012, éditions EHESS, Cahiers de l’homme n°41, 292 pages, €20.90 

Émission ‘A plus d’un titre’ d’Alain Louyot sur France Culture en réécoute (passer les 30 premières minutes) 

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Patricia MacDonald, Un coupable trop parfait

Les romans policiers de Patricia Bourgeau, dite « MacDonald », me laissent un sentiment mitigé. J’admire le professionnalisme de l’intrigue, savamment amenée, conduite avec ce qu’il faut de suspense, sans temps mort. J’aime l’originalité des thèmes, qui change des autres. En revanche, je reste au bord du roman, sans vraiment entrer dans l’histoire. Je n’éprouve aucune empathie pour les personnages. Ils m’apparaissent comme des poupées mécaniques, de simples acteurs jouant un rôle social stéréotypé. Même les héroïnes ne sont pas sympathiques. « Un coupable trop parfait » représente pour cela un progrès : il est sans conteste le meilleur de la série !

Dans les histoires MacDonald, il s’agit habituellement d’une femme et mère qui se heurte à l’égoïsme et à la lâcheté des hommes. La femme est bête ; les hommes violents. Chacun joue son rôle : lui de macho qui a des comptes à régler avec sa mère ou son ex-femme ; elle de maman qui « par instinct » et par « convention sociale » défend bec et ongles ses petits, filles ou garçons. Pas trop grands, les garçons – sinon ils passent à l’ennemi ! En général, la femme-et-mère agit sans aucune rationalité, sans mesurer jamais les conséquences de ce qu’elle fait. Son ‘instinct » la propulse dans les ennuis et ce sont les autres qui l’en tirent. Comment voulez-vous trouver sympathiques de telles pétasses en folie ?

« Expiation » (1981) met en scène une ex-taularde (évidemment innocente !) qu’une société villageoise poursuit mystérieusement de sa vindicte.

« Un étranger dans la maison » (1983) narre la stupidité d’une mère qui laisse sans surveillance son bébé de 4 ans ; il est donc enlevé et retrouvé dix ans plus tard, son ravisseur étant bien sûr autre qu’on ne croit.

« Petite sœur » (1986) est le remord d’une grande sœur qui a fait sa vie hors de sa petite ville et de sa famille étriquée ; la mort du père la rapproche de sa sœur de 14 ans, dont le petit-ami de 21 ans (sic !) n’est pas très net.

« Sans retour » (1989) commence par le meurtre d’une adolescente modèle ; l’auteur donne alors toute la mesure de sa haine féministe en créant le personnage du « fils parfait », un éphèbe superbe de 16 ans dont tout le monde est amoureux ou au moins admire.

« La double mort de Linda » (1994) fait ressurgir une mère qui a abandonné sa fille et ce retour remue les turpitudes de la petite ville.

« Une femme sous surveillance » (1995) montre la femme-victime de la communauté, la veuve qui hérite, l’hystérique qui se remarie juste après le meurtre de son premier mari, celle qui vole le petit-fils.

« Personnes disparues » (1997) multiplie les coupables pour cet enlèvement d’un bébé et de sa baby-sitter adolescente ; les hommes seront malmenés, comme d’habitude, même si le coupable réel n’est pas celui qu’on croit.

« Dernier refuge » (2000) donne à voir la fille naïve qui croit trouver le grand amour à chaque mâle qui s’intéresse à elle ; et tout père qui se préoccupe beaucoup de ses enfants ne peut qu’être suspect pour la MacDonald – c’est le rôle de la « femme-mère », voyons, dans la culture américaine !

C’est ce parti-pris qui agace, au fond. Que chacun soit cantonné dans ses rôles par une société conventionnelle, au point de ne pas pouvoir en sortir autrement qu’en côtoyant la mort. Que chacun soit élevé de façon si étriquée qu’il finisse par confondre « ce qui se fait » avec « ce qui se doit », et les conduites éduquées avec des conduites « naturelles », « instinctives ».

« Un coupable trop parfait » (2002), renouvelle un peu le genre. Il s’agit toujours d’une épouse et mère, agissant « à l’instinct » – ou du moins selon les convenances qu’elle met sous ce nom. Comme d’habitude, elle ne se sent nullement en cause, elle n’a « pas de chance » : son premier mari se suicide sans rien laisser prévoir ; son second mari se noie dans sa propre piscine. A chaque fois, l’épouse-et-mère est absente, préoccupée de fanfreluches ou autres attraits superficiels de l’existence. Mais, cette fois, le héros du roman n’est pas la mère. C’est le fils, un petit garçon de huit ans d’abord traumatisé d’avoir découvert mort son père ; devenu adolescent de quatorze ans qui s’entend mal avec son beau-père et reste maladroit avec son bébé sœur.

Dylan est fragile… et plus fort qu’on ne croit. Il fait d’ailleurs un coupable tout désigné pour la vindicative procureur, ex-amoureuse du beau-père. Dylan remet en question le vernis de « bonne mère » et les hypocrisies adultes – notamment de tous ceux qui sont investis d’autorité : profs, flics et psychiatres. Dylan est sain, au fond : il rigole du féminisme imbécile qui court l’esprit américain ; il devient mâle en découvrant que ses père, beau-père et grand-père ne sont pas si nets que ça ; il choisit son troisième « père » sur la fin ; il prend les choses en mains, puisque sa mère est incapable.

Il y a du progrès dans la peinture des gens réels, Patricia, continuez ! Vous ferez moins de MacDo insipides et plus de vrais romans.

Patricia MacDonald, Un coupable trop parfait (Not Guilty), 2002, Albin Michel, 450 pages, €19.86 (et occasion €2.00)

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