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Tim Powers, Sur des mers plus ignorées…

Malgré une traduction en français un peu bizarre, ce livre de Fantaisie (plus que de Science-fiction) est un roman d’aventures qui se lit agréablement. Il ne laisse pas un grand souvenir tant les personnages sont convenus et l’histoire tordue par une « magie » un peu abracadabrantesque. Pour adolescent ou adulte attardé qui lit encore, mais régulièrement réédité.

John Chandagnac est un jeune homme dans sa vingtaine qui, en six mois, va accomplir son initiation d’adulte à la fin du XVIIe siècle. Son père marionnettiste étant mort, le garçon s’est embarqué pour les Caraïbes afin de rejoindre la plantation dont il a hérité. Mais son oncle l’occupe et cela le préoccupe. Attaqué par des pirates, il perd sa commandite et ses marchandises mais blesse d’une feinte à l’épée, apprise en tirant les marionnettes, un pirate qui voulait lui faire la peau. On lui laisse dès lors le choix : être tué ou rejoindre la bande.

Un choix évident : il devient pirate des Caraïbes. D’autant qu’il est tombé amoureux de Beth, une jeune fille de son âge sous l’emprise de son père sorcier, veuf qui trimbale la tête de sa femme dans un coffre à sa ceinture et qui a livré volontairement le navire aux pirates en échange d’une herbe antimagie. Son grand dessein est d’utiliser Beth comme médium pour faire revivre sa femme, vouant sa fille a rester une âme en peine, sans corps où s’incarner. John ne l’entend pas de cette oreille et va tout faire pour vaincre la magie, être gracié, conquérir Beth et se marier avec elle.

Ce qui n’ira pas sans mal. Le livre qui commence comme une belle aventure sous les tropiques, viandes boucanées, navigations à voiles, feux de camp et torse nu, devient vite un cauchemar. Il s’agit de joindre une fontaine de jouvence sise au-delà des marais putrides et défendue par une horde de goules, fantômes et autres morts-vivants. Barbe Noire, le fameux pirate, y est ressuscité, usant de magie depuis son enfance avec les nèg’ marrons des collines de la Jamaïque. Le vaudou actionne des loas via les bocors… Des morts-vivants accomplissent en esclaves ce que leur maître sorcier leur ordonne. Toute une initiation aux mystères.

John se fait accepter par une fausse trahison qui sauve le capitaine du bateau pirate, par un spectacle de marionnettes monté de bouts de toiles et de ficelles, puis par son art de la cuisine. Il deviendra capitaine lorsque l’autre passera de vie à trépas lors d’un abordage.

Ici, la magie sert à tout, mais il est dit qu’elle perd de son pouvoir devant le fer froid. La société moderne faisant de plus en plus usage de fer par les armes, les marmites, les compas, les outils, la magie disparaît peu à peu. John et Beth vivront sans doute dans un monde où elle se sera dissipée.

Tim Powers, Sur des mers plus ignorées(On Stranger Tides), 1988, Bragelonne 2011, 336 pages, €20,00 e-book Kindle €13,99 – on peut le trouver aussi en J’ai lu d’occasion, publié en 1988 et 1994.

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Tolkien, Bilbo le hobbit

Bilbo Baggings, appelé Bilbon Saquet dans les films, est un hobbit, un personnage imaginaire de fantaisie inventé pour les contes que l’auteur écrivait pour ses enfants. Le terme hobbit viendrait peut-être de hob qui, en anglais littéraire, signifie le coin du feu, l’endroit du foyer où une bouilloire reste à chauffer dans la cheminée. « Le son de sa bouilloire sur le foyer lui parut toujours par la suite encore plus mélodieux », dit le narrateur de Bilbo à la fin de ses aventures. Le hobbit est un personnage qu’on dirait pot-au-feu, aimant manger et fumer la pipe, heureux dans son trou de Cul-de-Sac (Bag End).

C’est ce personnage peu aventureux qui va vivre des aventures hors du commun, sortant de sa coquille comme de lui-même pour se révéler héroïque. C’est une leçon initiatique comme en délivrent tous les contes destinés aux enfants. Se remuer ne fait jamais envie mais procure de grandes satisfactions par la suite. Voir du pays permet de relativiser ses préjugés et d’apprendre des choses nouvelles. Se frotter aux autres fait admettre que l’égoïsme n’est pas payant et que trop convoiter mène à tout perdre. Quant au courage, ce n’est pas de n’avoir jamais peur mais de surmonter sa peur.

Un jour qu’il est en train de fumer sa pipe confortablement installé au soleil, devant son trou de hobbit si confortable, aux réserves bien garnies, Bilbo reçoit la visite d’un vieux à barbe blanche, Gandalf. Il ne sait pas encore qu’il est magicien et qu’il va lui jouer un tour à sa façon. Il l’invite pour le thé au lendemain, mais c’est une paire de nains qui se présente. Le hobbit n’est pas un homme, il est de la taille d’un enfant, les pieds nus et velus et les oreilles fines, mais les nains sont les nains : bourrus, ventrus, avides. Ils se présentent par vagues de deux à la porte, avec à la fin Gandalf. Ils sont jusqu’à treize avec à leur tête Thorin. Le hobbit est ahuri et les nourrit mais tout s’éclaire.

Il s’agit d’une mission : récupérer l’or ancestral du royaume perdu des nains, caché sous la Montagne solitaire et gardé par un dragon féroce crachant le feu, Smaug. Pour cela il faut y parvenir au travers de territoires hostiles peuplés de trolls, gobelins, wargs, ours, elfes et même des hommes qui habitent une île sur un lac au confluent des deux rivières des Terres sauvages. Il faut ensuite s’introduire par une porte dérobée dans la montagne, faire fuir le dragon et le tuer, enfin récupérer l’or et les objets précieux. Bilbo est réputé « cambrioleur », astucieux et plein d’initiative malgré son existence paisible et casanière.

Les voilà donc partis, ils passent le col des Monts brumeux où une grotte salvatrice aux tempêtes sert de piège aux gobelins qui vivent dans les cavernes. Quatorze sur les quinze se font prendre et se libèrent grâce aux tours du magicien qui a pu s’échapper in extremis. Bilbo perd les nains et rencontre le Gollum, être falot et aigri qui dévore ceux qui s’aventurent dans les tunnels mais a perdu son trésor, l’anneau qui rend invisible. Que Bilbo trouve et empoche sans y penser, jusqu’à ce qu’il découvre grâce aux marmonnements du Gollum qui lui pose des énigmes sa vertu et en use pour s’échapper et rejoindre les nains à la porte de la montagne. Ce sont alors les wargs qui les pourchassent, montés par les gobelins assoiffés de vengeance, des aigles qui les sauvent des arbres où ils se sont perchés mais que le feu bouté par les ennemis est sur le point d’abattre. Ils n’ont plus rien mais rejoignent Beorn, l’homme ours, qui les héberge, les nourrit et les rééquipe pour la traversée de la forêt Mirkwood, domaine des elfes et des forces maléfiques.

Gandalf les quitte à l’orée, ayant une mission dans le sud à remplir. Laissant malencontreusement le sentier qu’on leur a fait jurer de toujours suivre parce qu’ils sont affamés et perçoivent des bruits de festin, ils se retrouvent piégés par des araignées géantes et leurs toiles engluantes. Bilbo use de toute son astuce pour les en délivrer, mais ils sont pris par les elfes qui voient d’un mauvais œil ces envahisseurs qui sèment le trouble. C’est encore une fois le hobbit, grâce à son anneau qui rend invisible, qui sauve les nains en les cachant dans des tonneaux qui sont jetés en train à la rivière jusqu’au port des hommes sur le lac, qui les rempliront de marchandises.

La Désolation de Smaug n’est pas loin au nord, dévastée par le feu du dragon, et les treize nains plus le hobbit s’y aventurent pour trouver l’entrée cachée de la montagne. Une carte qui a été léguée au chef des nains, aux runes gravées en filigrane seulement visibles les jours de pleine lune, montre le plan de l’entrée et une clé, récupérée par Gandalf, sert à ouvrir la caverne. Bilbo s’y aventure seul, sans aucun bruit, et trouve le dragon assoupi sur son tas d’or, le ventre à l’air dont une partie de chair vulnérable sous le sein gauche. Il en prend note. Cela servira à l’archer Brandon, chez les hommes, pour ajuster sa dernière flèche et mettre à mort le dragon venu dévaster la ville. Car Smaug renifle l’odeur des nains et celle, inconnue pour lui, du hobbit. Il découvre en volant alentour les poneys de bât prêtés par les hommes et s’en repaît avant de s’envoler vers l’île des hommes qui ont aidé les nains, pour se venger.

Tout finira bien, c’est un conte accessible dès 8 ou 9 ans mais que les adultes ont plaisir à lire. Le livre plus que le film sollicite l’imagination et les rebondissements incessants conservent l’attention. Les personnages sont typés et certains sympathiques, le hobbit, le magicien, l’archer, parfois les elfes et les nains mais pas toujours.

Écrit dès les années 1920 et publié en 1937, le conte prend son inspiration dans les peuples d’Europe qui se déchirent : les hobbits seraient plutôt irlandais paisibles et neutres, les gobelins les Allemands nazis féroces et prédateurs, l’île des hommes l’Angleterre commerçante, les nains les Juifs industrieux et avares mais bons garçons quand on les connaît, les elfes les Américains souvent généreux et évolués en technique ; quant au dragon, ce peut-être le communisme rouge de l’URSS qui dévore et foudroie. Qui le sait ? Les métaphores font sens.

La suite sera le cycle du Seigneur des anneaux.

John Ronald Reuel Tolkien, Bilbo le hobbit, 1937, Livre de poche 2014, traduction Francis Ledoux, 480 pages, €6,90

DVD Le Hobbit – la trilogie : Un voyage inattendu (2012), de La Désolation de Smaug (2013) et de La Bataille des Cinq Armées (2014), version longue, Warner Bros Entertainment France 2015, 8h31, €29,84

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Anne Mc Caffrey, Les renégats de Pern

Une Irlandaise d’Amérique décédée à 85 ans en 2011 crée dès 1968, après ses trois enfants et son divorce, une fantaisie de science-fiction, mêlant ainsi les deux genres. Entre Star trek et Le seigneur des anneaux, La ballade de Pern crée un univers en douze volumes sur des milliers d’années.

Pern est une planète colonisée par l’humanité spatiale devenue « les Ancêtres » dont les descendants, coupés de la Terre, ont créé une société de colons semi-féodale où tout homme résolu peut entraîner avec lui des familles pour créer un « fort » qui se suffira à lui-même. Et cela sur un territoire non encore possédé par les Seigneurs régnants. Mais le redoutable de cette planète est un fléau récurrent, les « Fils » (du verbe filer), qui tombent du ciel et brûlent tout sauf l’eau, la terre et le métal. Le fort sert donc avant tout à se protéger du ciel qui vous tombe sur la tête et le jeune Jayge, saisi à 10 ans dans la caravane de son père, s’en souviendra à vie.

Des chevaliers-dragons, chevauchant les monstres cracheurs de feu qui calcinent les mycorhizes qui tombent en filaments, combattent le fléau. Les dragons sont une création du génie génétique humain aux premiers temps de la colonisation, à partie des lézards de feu, petites créatures intelligentes et affectueuses qui viennent de poser sur votre épaule et entourent votre cou de leur queue ; ils donnent l’alerte, parlent aux dragons et transportent les messages. Les habitants, qui ne possèdent aucune arme à feu ni laser, boivent du klah, se soignent au fellis et s’éclairent aux brandons. Vous voilà plongés dans Pern.

Les Renégats sont le dixième volume de la Ballade mais on peut le lire séparément sans connaître les autres. L’univers est bien décrit et l’intérêt du livre réside moins dans la science-fiction (encore qu’il y en ait) ou dans la fantaisie (présente aussi) que dans la psychologie des relations entre les personnages. L’auteur saisit filles et garçons dans leur fin d’enfance pour les mener à l’âge adulte en passant par une suite d’épreuves entrecroisées sur une trentaine d’années. Nous y faisons la connaissance de Jayge qui aime la liberté, d’Aramina qui entend et parle aux dragons, de Thella, sœur de seigneur partie du fort familial pour ne pas être mariée contre son gré, de Piemur le Harpiste (qui est une sorte de druide savant en tout), de Sherra la guérisseuse et de bien d’autres.

Ce tome conte la révolte de Thella et son ensauvagement, allant jusqu’à recruter des « sans-fort » (donc hors-la-loi) et à tuer tous ceux qui se dressent sur son chemin, même pour un regard que son arrogance ne saurait supporter. Ainsi du jeune Jayge qui deviendra pour elle un objet de vengeance personnelle. Pendant ce temps, le seigneur Toric veut augmenter son domaine et le jeune harpiste Piemur explore la contrée pour son maître Rohinton, jusqu’à découvrir d’anciens bâtiments abandonnés par les Ancêtres et jusqu’au SIAAV, le système d’intelligence artificielle activé par la voix, conçu des milliers d’années auparavant…

Une bonne série d’aventures pour adultes et adolescents qui vous font vivre dans un autre temps et un autre univers les éternels problèmes des relations humaines.

Anne Mc Caffrey, Les renégats de Pern (The Renegades of Pern), 1989, Pocket 2000, 414 pages, €7.95

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Steff Rosy, Méthana – L’appel de l’univers

Qui n’a jamais rêvé d’être extra-ordinaire, rejeton d’un dieu et princesse interstellaire ? C’est ce que réussit Steff Rosy dans ce premier roman naïf et emballant de science-fiction pour ados. Marie est une jeune fille ordinaire née en 1979 (comme l’auteur), un père militaire qui fait déménager souvent, une petite sœur et un petit frère dont elle craint l’avenir. Elle est bonne en math et habile en judo, et a toujours été très proche de son arrière-grand-mère Rosy, morte à 83 ans lorsqu’elle en avait 5. Elle en avait eu la prémonition, comme il lui arrive parfois. C’est alors qu’un soir, ou plutôt une nuit, elle rêve d’un lion. Il la regarde et ne la dévore pas. Elle a 15 ans et a décidé ses parents à l’inscrire à un internat militaire dans les Alpes pour préparer le bac sans tous ces déménagements. Le lion est son totem de feu, son signe d’août, son moi profond.

Commence alors une double vie dont rêveraient nombre d’adolescentes et même d’adolescents. L’internat est rythmé par les horaires, les cours, l’uniforme ; c’est une discipline dans laquelle Marie excelle, un brin maniaque, en tout cas organisée et toujours forte en calculs. Elle se fait des amis, un garçon « hyper bien fait » p.58 et une fille (noire), un amoureux mystérieux. Un jeu de divination la fait se remémorer ses « dons » pour la prescience ; elle « voit » ce qui s’est passé pour un copain, elle s’initie à la lecture des tarots, puis à l’écriture automatique. C’est à ce moment que le lecteur se dit qu’il entre dans un univers à la Harry Potter où les vieilleries de la fantaisie vont mettre un peu de piment dans l’existence routinière d’un internat de province. Nous sommes page 75 sur 462.

Tout faux ! Lorsque Marie s’initie à l’écriture automatique – qui parait simple, faites le vide en votre esprit et laissez courir le crayon sur la feuille – ne voilà-t-il pas que mémé Rosy lui parle ! Née en 1912, l’ancêtre a une double vie, même après sa mort. Car la mort terrestre n’est rien au regard de la Source qui est l’énergie primordiale et cosmique, en bref Dieu. C’est que Marie n’est pas n’importe qui… Son incarnation terrestre est une mission : ramener dans le droit chemin de l’Amour, du « respect » et de la bienveillance pour la Paix universelle une humanité qui se perd dans le pouvoir, l’agression et l’orgueil. Rien que ça. Sauver le monde avant 2019, ou peut-être 2049 dernier délai. Pour cela devenir aimant, écologique, spirituel – en bref tous les poncifs de l’idéalisme New Age revu ère Trump. Cela fait un peu cliché mais ça marche ; après tout, l’auteur écrit pour les ados.

Elle en a adopté le vocabulaire, qui fera vite daté, comme « ah d’accord », « alors je me présente, « sinon je me présente », mais « soyez comme vous êtes », « donc attention », où tout est « hyper » mais chaque baiser « langoureux », où les gars sont très « musclés » et ont tous « le visage carré » (les filles sont simplement « sportives »), disent des « trucs de fou », alors « elle fait style de rien », ou sont « trop » quelque chose, mais sans cesse avec « respect » – mot fétiche repris maintes fois – qui « échangent » juste pour échanger mais on ne sait jamais quoi, tout en interjetant « t’inquiète », « profite », et surtout « écoute ton cœur » (la raison on s’en fout). Et ponctué par le déjà vieilli « lol » d’il y a quinze ans. Ce n’est pas très littéraire mais urgent, phrases raccourcies et mot-valise approximatifs. Les ados « adorent », autre mot fétiche employé à tout va.

Malgré ma douce ironie, j’aime ces créateurs d’univers chez qui l’action court, échevelée, parmi les êtres plus parfaits les uns que les autres, filles et garçons d’une beauté de statue grecque avec un physique de thriller américain, jonglant avec les armes laser des étoiles tout en rêvant au Roi lion ou à La Petite sirène. Marie, durant son sommeil d’internat, est transportée en vaisseau spatial et vit plusieurs semaines le temps d’une nuit à s’entraîner avec son frère jumeau et son amoureux éternel devant ses amies extraterrestres et son père archange… Défilent les wikifiches des minéraux bons pour le cerveau, la hiérarchie des Trônes et des Dominations, les multiples démons autour de Belzébuth (que j’aime à écrire Bézléputh) et divers poèmes d’anthologie amoureuse que s’échangent par écrit (le mél n’existe pas à l’internat ?) un Terminale avec une Seconde. Nous sommes entre Avatar, Star Trek, La Guerre des étoiles, les dessins animés Disney et les séries télé yankees favorites de TF1. L’Amour est une bombe A puisqu’écrit à majuscule, avec baise torride et lente de désir et bracelets d’union énergétiques irradiant. Un rêve.

Car Marie est un être de Lumière opposée à tous ceux des Ténèbres, selon la vieille dichotomie biblique de Dieu et de Satan, la liberté étant un piège cosmique pour choisir le Bien plutôt que le Mal. Dans cette vision paternaliste, les humains sont considérés comme des enfants ou des handicapés barbares. Les pyramides d’Egypte ne peuvent, par exemple, n’avoir été bâties que par des puissances extraterrestres. Comme si les humains du temps pharaonique étaient des cons finis réduits à demeurer assistés par l’aide au développement. La page 250, même si elle sert à « justifier » l’univers de fiction, est un bon ramassis de toutes les inepties qu’on a pu écrire sur la construction en Egypte antique malgré les faits prouvés par les archéologues. Ne demandez pas à l’un d’entre eux à ses heures perdues (moi) de souscrire à ces fake news qui ne peuvent que préparer les esprits malléables (les ados entre autres) à la niaiserie du Complot et autres Puissances qui évacuent toute responsabilité et préparent la voie au fascisme – on l’a vu avec Trump le trompeur.

Malgré cela l’histoire est jolie comme un premier roman enthousiaste dont l’énergie passe et rend positif par ouverture de conscience. Avec ce message politique bien dans l’air du temps : « Ils sont prêts à écraser n’importe qui pour du pouvoir ou de l’argent ! Ils sont d’une indifférence et d’un égoïsme extrême ! Chacun ne pense qu’à soi. Diviser pour mieux régner, c’est leur devise préférée ! Ils pensent que la beauté vient de l’apparence alors qu’elle vient de l’âme, ils sont prêts à ne rien manger pour maigrir à s’en rendre malade, tout cela pour s’insérer dans leur société. Il faut être idiot pour le croire ! Ils ne respectent même pas leur planète. Ils polluent l’air qu’ils respirent, après ils se demandent pourquoi ils se rendent malades ! Et le lobbyisme, parlons-en, ils préfèrent gagner de plus en plus d’argent plutôt que de trouver de vraies solutions dans tous les domaines ! Ils trichent, ils volent, ils pillent, ils arnaquent, ils violent, ils manipulent… » p.404. L’auteur parle-t-elle de nous ? Pas du tout, mais de la planète P-231-125, vouée à être détruite. C’est vrai, nous ne sommes pas comme ça, nous les Vertueux.

Un conte de fantaisie pour ados raconté au présent par une fille étonnante d’aujourd’hui nommée Marie, fan de Bruce Lee.

Steff Rosy, Méthana – L’appel de l’univers, 2020, Vérone éditions, 462 pages, €27.00 e-book Kindle €17.99

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Un premier roman ne saurait être exempt d’erreurs à corriger lors d’une réédition (parce que je lis tout livre jusqu’au bout et avec attention) :

p.15 : « une vieille carte postale des années 1800 » – impossible, la carte postale n’existait pas avant 1870 au mieux.

p.75 : « un climat apaisant résonne dans la pièce » – jamais entendu un climat résonner comme une cloche, en revanche il peut régner.

p.123 : « le cerveau est un muscle » – ah bon ? les cellules neurales n’ont rien à voir avec les cellules musculaires et c’est un raccourci terrible de les assimiler car cela entretient une confusion. Le cerveau peut être entraîné à se connecter plus et mieux mais cela ne se fait pas avec des contractions bovines devant la glace.

p.225 : « combien de jets » – les G n’ont rien à voir avec les jets mais avec la gravité, ils mesurent une accélération. https://fr.wikipedia.org/wiki/G_(acc%C3%A9l%C3%A9ration)

p.331 : « ne pas faire d’imper des us et coutumes » – sans être imperméable à l’humour lorsqu’il s’agit d’habillement, « commettre un impair » serait mieux vu et plus français – même ado.

p.451 : « un peu rétissent » – du verbe rétisser ? Jamais vu. « Réticent » me semble plus juste.

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Roger Zelazny, Les fusils d’Avalon

Roger Zelazny est un Américain d’origine polonaise et irlandaise féru de fantaisie héroïque et auteur de plusieurs sagas en cycles. Il est mort en 1995. Ce roman est le second du cycle de Corwin, le premier des princes d’Ambre, auquel succèdera son fils Merlin, dix volumes au total. Ambre est un multivers semblable à une Idée de Platon, projection du vouloir des puissants, dans lequel ils peuvent se déplacer par la Marelle. Chaque univers est appelé une Ombre, dont la nôtre, notre terre contemporaine.

Corwin émerge dans une autre Ombre d’Ambre, dirigée par l’un de ses frères, Benedict. Il vient de s’évader de la forteresse où son frère Eric d’Ambre l’a fait enfermer après l’avoir aveuglé à la Michel Strogoff en lui brûlant les yeux au fer rouge. Mais les princes d’Ambre sont plus que des hommes, ils ont le Pouvoir. S’ils sont mortels, lorsqu’ils ne sont que blessés ils peuvent guérir et leurs membres amputés repousser. Ils ont surtout le savoir ancestral de la Marelle et peuvent se transporter d’un point à un autre grâce aux Atouts d’un jeu de carte. Il suffit de regarder le personnage assez longtemps pour communiquer avec lui ; s’il vous tend la main, vous êtes à ses côtés en un instant.

Corwin, armé de son épée d’argent Grayswandir, traverse en solitaire une forêt lorsqu’il aperçoit un guerrier blessé. Il le secourt et le reconnait, c’est Ganelon, un ancien affidé qui s’est révolté et qu’il a exilé loin d’Ambre avant que son frère Eric ne l’évince. Il n’a qu’une idée obstinée : reconquérir le trône d’Ambre.

En attendant, il conduit Ganelon au château de Benedict, un frère aîné qu’il aime bien et qui est expert en combat et art militaire mais qui a perdu un bras durant une bataille contre les forces maléfiques qui menacent de plus en plus son royaume. Un étrange cercle noir s’étend sur la terre et décérèbre les humains pour en faire des guerriers sans âme ; ils sont aidés par des créatures fantastiques et cruelles, dont de gros chats et des oiseaux aux serres acérées. Leur chef est un être cornu qui ressemble fort au diable médiéval, issu des satyres grecs. C’est dire si l’auteur exploite les veines du fantastique et de la sorcellerie.

Corwin parvient à vaincre le bouc, est séduit et baise Dara qui se dit la petite-fille de son frère, va quérir des diamants bruts en passant d’ombre en ombre, puis va acheter dans notre monde contemporain assez de fusils d’assaut qu’il garnit de balles d’argent poussée par une poudre rouge de joailler, la seule qui puisse fonctionner en Ambre. Il embauche des guerriers dans une ombre connue de lui puis arrive aux frontières de son pays au moment où une grande bataille fait rage entre son frère Eric, à la tête des armées d’Ambre, et les forces maléfiques qui se déversent depuis le ciel sur des dragons volants à queue de scorpion et tête humaine. Les balles anti-vampires de ses armes automatiques font merveille et la bataille bascule en faveur d’Ambre. Eric, blessé, meurt et Corwin se retrouve seul prétendant.

Sauf que Dara semble ne pas être Dara, que Benedict n’a jamais eu de descendant à sa connaissance, et qu’elle se métamorphose en bête cornue maléfique sur la Marelle même !

Bien écrit, souvent poétique, ce tome manque de souffle et semble passer d’un univers à l’autre comme en promenade. Il faut probablement lire toute la saga pour apprécier l’imagination chatoyante qui s’y déploie.

Roger Zelazny, Les fusils d’Avalon (The Guns of Avalon), 1972, Folio SF Gallimard 2014, €6.83 e-book Kindle €7.99

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Abraham Merritt, Les habitants du mirage

Avocat et journaliste né en 1884 dans le New Jersey, Abraham Merritt écrit à la frontière de la fantaisie, de la science et de l’aventure. Son héros est un Américain d’origine scandinave qui a fait la guerre (celle de 14) et qui est devenu ingénieur des mines. Il est doué pour les langues et s’entend à merveille avec les tribus asiatiques que l’expédition de prospection dans laquelle il a pris place rencontre sur son chemin.

Jusqu’à ce que les Ouïghours hostiles viennent chaque jour pour lui seul, en ignorant les autres, afin de lui apprendre leur idiome. Pour quelle fin ? Nul ne tardera à le savoir. Leif semble pour eux la réincarnation d’un roi antique, guerrier valeureux qui a porté au plus haut la puissance de l’ancien peuple. Selon la légende, il devait un jour revenir pour délivrer ses gens et faire refleurir le désert.

C’est dans ce contexte que nait le fantastique. A une époque où la terre est presque entièrement explorée, où mieux trouver le mystère qu’en des contrées sauvages, dans les steppes arides de l’Asie ou au nord de l’Alaska ? Un lac apparent cache un univers préservé par un phénomène géologique, une atmosphère emplie de gaz carbonique euphorisant et tropical qui stagne en couche et produit cette illusion du mirage qui le cache aux yeux des autres.

Leif accompagné de Jim, son compagnon de guerre indien, pénètre dans cet étrange univers où vivent d’étranges humains : un peuple de pygmées dorés et un peuple de roux laiteux surtout composé de femmes. Leif se fera reconnaître pour le Dwayanu des légendes, plus ou moins à son corps défendant, aimera la belle Evalie et combattra la sorcière louve Lur, avant surtout de mettre fin au cruel culte de Khalk’ru, une pieuvre géante qui vit dans un puits du temps.

L’aventure est constante, le mystère fantastique éloquent, mais la science n’est jamais loin. L’auteur joue sur l’ambiguïté des situations qui peuvent être à chaque fois vues du point de vue rationnel – ou du légendaire. Leif est-il Dwayanu ou est-ce un hypnotisme suivi d’autosuggestion ? Le mirage est-il un phénomène naturel ou une emprise d’un monstre venu d’un univers parallèle ? L’isolement et la dictature sur le peuple du mirage sont-ils un effet de pouvoir ou une domination extraterrestre ? Ce qui vient d’outre-monde vient-il d’outre-espace ? Le Dissolvant est-il la Mort ou une sorte de dieu qui embrasse la mort comme la vie en lui ?

Ce sont toutes ces questions, distillées dans l’action trépidante et l’amour sans faille, qui font de ce roman un univers unique, à la frontière entre ce qui deviendra les genres actuels spécialisés. Le lecteur prend ici la science-fiction à ses débuts et le charme de cette relecture, pour ma part plus de quarante ans après la première, reste aussi vif.

Abraham Merritt, Les habitants du mirage (Dwellers in the Mirage), 1932, Callidor 2015, 348 pages, €19.80

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Eric Jeux, Le maître des temps 1, L’envol de Lena

Une saga débute dans un futur proche au-delà de notre siècle. Lena est une prime-adolescente qui vient d’avoir 13 ans et elle n’aime rien tant, dans le Paris virtuel appelé désormais ViParis, qu’expérimenter le vol au-dessus des toits avec les autres ados. Cet univers numérique où tout est virtuel (le lecteur adulte se demande où sont les corps vivants dans la réalité) change de l’univers médiéval de la série Harry Potter.

Mais nous sommes bien dans une démarque modernisée, signe que cette œuvre au retentissement mondial (notamment grâce au cinéma) a imprégné tous les esprits. Ou bien, ce qui me paraît plus probable, que les ados qui ont aidé à la genèse du Maître des temps (les deux filles et le garçon de l’auteur ?) ont fait de Harry Potter leur Ulysse et de la série leur Iliade et leur Odyssée. Nés dedans, ils ne peuvent qu’imiter.

Le garçon Harry est la fille Lena ; son ennemi raciste Draco Malfoy une ennemie raciste fille, Sforza, ses trois amis deux garçons et une fille ; la baguette magique un outilkit et le collège où tout ce jeune monde apprend la sorcellerie numérique est appelé Poltec. La série des Harry Potter m’avait bien plu, lorsque mon prime ado de 12 ans alors me l’a fait découvrir. Cette série nouvelle et bien française dans son rationalisme sorti des oripeaux du gothique anglais est plus sèche mais bien vivante.

Dans ce premier tome, Lena gagne à la Loterie une place pour la prestigieuse école Poltec (dont elle n’a jamais entendu parler). Par un portail de transfert, elle se retrouve dans un autre monde – tout aussi virtuel que le sien – tout de blanc composé. Les collégiens de l’année sont répartis en trois « maisons » en rivalité, ce qui est (curieusement) encouragé. Ils et elles doivent découvrir la technique de codage des données, chercher par eux-mêmes les informations dans une gigantesque bibliothèque numérique, se livrer à des duels en armes virtuelles dont la moindre n’est pas de hacker le programme de son adversaire, construire leur maison pour l’habiter. Défi suprême de cette « classe inversée » : bâtir conjointement tout le collège pour la prochaine année scolaire.

Rien, bien sûr, ne se passe comme dans un rêve. Il faut batailler contre les méchants, s’unir avec les bons, actionner les procédures démocratiques pour être plus fort ensemble, aiguiser ses petites cellules grises pour déjouer les pièges. La suprême embûche est la haine de classe – quasi raciale – des Softalins pour les Infralents. Bien qu’issus de la même humanité, ils sont passés dans le monde virtuel à des décennies d’écart. Les Softalins sont les plus avancés tandis que les Infralents sont les plus nombreux donc les plus retardés : ils consomment plus de temps machine que les autres. Les Mecans, quant à eux, sont des perfectionnistes experts. Les trois tendances politiques (aristocratie, technocratie, démocratie) sont donc incarnées dans ces groupes qui répugnent à travailler ensembles – et que seule « la démocratie » permet de faire agir de concert.

Comme tout est virtuel, « tuer » ne signifie rien puisque le mort, comme dans les jeux vidéo, est « restauré » tout de suite ; il n’a simplement oublié que ses souffrances pour (détail…) un bras arraché ou un ventre transpercé… Ce sadisme violent du virtuel laisse sceptique sur l’ancrage à la réalité de notre « vrai » monde pour les ados contemporains. D’autant que toute sensualité est évacuée, bannie par la censure la plus scrupuleuse. 13 ans est pourtant l’âge où les hormones font bouillonner le corps et enfler les sentiments : rien de tel chez Lena et ses amis. Tout juste si l’on se « sent nu » au sortir des portails de transfert ou que le « plaisir » du vol avec des ailes (le prolongement numérique du skate) semble une sorte d’orgasme à la Carl Gustav Jung.

L’apprentissage de la vie est amputé d’une bonne part de réel. Mais peut-être ce « monde virtuel » de la fiction future est-il formaté puritain, venu tout droit des Etats-Unis « en avance » sur les autres et qui imposent leur loi morale au reste du monde comme la famille Sforza au Système ? Les tomes suivants vont-ils lever le voile sur ces étranges manques humains ?

L’auteur encourage tous les ados lecteurs, à la fin du livre, à donner leurs idées pour la suite sur son site www.mots-de-jeux.com, un moyen de les faire bâtir eux-mêmes leurs propres rêves, comme dans le roman. C’est une nouvelle littérature jeunesse qui s’affirme, interactive, évolutive.

Eric Jeux, Le maître des temps 1, L’envol de Lena, 2017, éditions AVPRO, 277 pages, €14.90, e-book format Kindle €9.99

Bio express : Féru de science-fiction, Eric Jeux mène une vie d’entrepreneur. Il a participé à la création de plusieurs entreprises dans le domaine des télécommunications, du numérique et, ces dernières années, des énergies nouvelles. C’est en parlant des grands sujets de société avec ses enfants Violaine, Clélie et Maxence, désormais ados, qu’il a éprouvé le besoin de les aborder à travers une histoire.

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Robert-Louis Stevenson, Les nouvelles Mille et Une Nuits

robert louis stevenson nouvelles mille et une nuits
Il n’y a pas mille et une histoire, comme dans le conte persan, mais onze. Elles sont nées de soirées de jeunesse enfumées avec son cousin Bob, brillant causeur, auquel ce recueil de nouvelles est dédié. Nous sommes entre Gaboriau et Novalis, dans la bohème d’Henri Murger.

Mystère, noblesse et imprévu donnent cette fantaisie des contes aux histoires imaginées. Les gens sont beaux et jeunes, certains poussés vers le crime, d’autres vers le désespoir, tous vers l’avenir incertain. On a noté la ressemblance entre le prince Florizel, héros des premiers contes, avec le comte de Monte-Cristo, mais les mauvais quartiers londoniens et parisiens rappellent plutôt les feuilletons d’Eugène Sue. La forme littéraire est en revanche bien celle de l’arabesque, entrelacement de figures de fantaisies, façon de s’essayer au rôle du Créateur.

Peut-on disposer de sa propre vie ? Peut-on impunément offrir son propre luxe à la convoitise d’autrui ? Ou s’excuser de sa faillite ? Que signifie vouloir « être » artiste – suffit-il de prendre des poses ? En quoi la poésie serait-elle liée au vol, au meurtre, à l’existence hors-la-loi – être artiste maudit et dans la dèche suffit-il à faire de vous un grand homme ? Comment peut-on rester noble et néanmoins défendre son honneur ?

En quelques cycles, l’auteur évoque toutes ces questions. Le Club du suicide est dérivé des clubs secrets d’étudiants aimant jouer avec l’étrange et le risqué. Les diamants du rajah disent tout le maléfice d’une fortune que tous vont vouloir acquérir. Le pavillon dans les dunes décrit l’innocence bafouée par le crime, une jeune fille immariable par la faillite de son banquier d’oncle. Un gîte pour la nuit met en scène François Villon, étudiant, poète, cambrioleur en sa misère physique et morale.

Le portrait que fait l’auteur de François Villon – « premier des grands poètes lyriques français de l’époque moderne » selon Larousse – le ramène à sa triste réalité : « Le poète était une loque humaine, sombre, petit et maigre, les joues creuses et les cheveux noirs bouclés et fins. Il portait ses vingt-quatre ans avec une animation fiévreuse. La cupidité avait formé des plis autour de ses yeux, et les sourires mauvais lui avaient tordu la bouche. Le loup et le porc se disputaient l’expression de son visage – un faciès éloquent, rusé, laid, terre-à-terre. Ses mains étaient petites et agiles ; ses doigts, noueux comme une corde, s’agitaient continuellement devant lui en une pantomime véhémente et expressive » p.416 Pléiade. Cela vaut-il le coup d’être « artiste » si c’est pour être maudit ?

La porte du sire de Malétroit expose le conflit du jeune homme entre l’héroïsme et l’honneur, une parodie ironique du Cid cornélien. Léon Berthelini et sa guitare évoque les démêlés de l’auteur même avec un commissaire dans une ville du nord française, lors de son voyage en canoë, tout en l’enrobant de fiction et de réflexion sur le statut d’artiste.

L’art, au fond, ne peut rien pour sauver votre âme, car il est illusion, chatoiement d’apparences qu’il ne faut en rien prendre au sérieux. On peut rêver, le temps d’une œuvre à lire, écouter ou contempler ; mais la réalité est là qui revient inexorablement et dont on doit tenir compte pour tout simplement vivre. Ce seront les leçons ironiques des œuvres en germe, L’île au trésor déjà chroniquée, comme l’Étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde ou le Maître de Ballantrae – que nous lirons ultérieurement.

Robert-Louis Stevenson, Les nouvelles Mille et Une Nuits, 1882, CreateSpace Independent Publishing Platform, 180 pages, €11.55
Robert-Louis Stevenson, Œuvres 1, Gallimard Pléiade 2001, 1242 pages, €59.00

Les œuvres de Robert-Louis Stevenson chroniquées sur ce blog

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Monastère arménien de Khor Virap et vin d’Aréni

Belle vue sur l’Ararat, mont pastel sur ciel pervenche. Le monastère de Khor Virap dresse ses murs de basalte sur la plaine à son pied, côté arménien, au bas de la citadelle antique d’Artachat et sur la rive gauche de la rivière Araxe. Le nom de Khor Virap signifie « fosse profonde », le lieu ayant servi d’oubliettes à Grégoire l’évangélisateur (257-334).

Son père a assassiné le roi au IIIe siècle après. La nourrice du fils encore bébé, s’est enfuie avec lui à Byzance pour le protéger. L’enfant grandit à Césarée, devient chrétien. Adulte, il revient en Arménie pour l’évangéliser. Tiridate, nommé par l’empereur Dioclétien (284-305), invite Grigor à sa cour. Lors d’une cérémonie païenne, Grigor refuse d’enguirlander une idole. Condamné pour sa foi chrétienne et parce que fils de l’assassin du père du roi, il est jeté aux oubliettes. Il survit treize ans, nourri par une vieille. Cet exploit médical lui vaut d’être tiré de sa fosse sur un rêve de la sœur de Tiridate. Il serait le remède pour guérir le roi de son mal d’amour pour une vierge chrétienne ! Ce qu’il réussit sans peine selon l’hagiographie, lui montrant que la vierge en question consentirait à être violée par le roi s’il se convertissait au christianisme… Vertu des femmes plus que révélation : le roi se convertit en 301, entraînant tout le pays avec lui comme c’était la coutume. L’Arménie s’enorgueillit de ce record supplémentaire, dont son identité menacée est friande : elle est « le premier pays » à avoir été christianisé, avant le monde romain en 312 (sous Constantin).

Tous les bâtiments qu’on visite aujourd’hui sont du 17ème siècle ; le reste a été détruit par les diverses invasions musulmanes et mongoles. La chapelle élevée sur la fosse de Grégoire date de 1632. Un puits mène aux profondeurs mais l’escalier à vis est vraiment très étroit. De petits oiseaux, peut-être des moineaux, nichent entre les pierres du mur extérieur. Ils piaillent et se battent à grands cris devant les visiteurs. Cela donne de la vie aux vieilles pierres religieuses. De quoi compenser tout un panneau d’interdictions pour apprendre la pudeur aux touristes !

Du sommet rocheux voisin, nous avons une belle vue sur les bâtiments du monastère, sur le mont Ararat en Turquie et, de l’autre côté, sur le cimetière massé près du lieu saint pour bénéficier de son aura. Les cimetières ne sont jamais à étages, pas de caveau de famille aux cercueils superposés. Pas de concession temporaire mais une tombe pour l’éternité, comme chez les Juifs. Ils prennent donc de la place en ville et de bonnes terres agricoles près des monastères.

La région frontière que nous longeons avec ses miradors est riche de fruits. Pommes, poires, pêches, cerises, il y a de tout et des conserves artisanales au bord de la route sont proposées par les paysans. L’Arménie est un pays autosuffisant en fruits et légumes, sauf pour le blé où 35% seulement des besoins sont produits sur place.

La légende veut que le pays ait cultivé la première vigne, avec Noé. On sait qu’il s’enivrait souvent et que ses fils l’ont vu nu un soir qu’il était bourré. Horreur sacrée pour la religion judaïque ! Le corps, quelle pourriture ; la nudité, quelle offense ! Dionysos savait déjà que le vin libère les pulsions. La vieille religion patriarcale des interdits, de Noé à Freud, n’a pas finie de névroser les peuples.

Mais il n’est pas facile, en pratique, d’élever le vin en Arménie. Le pays est constitué de hauts plateaux à plus de 1000 m qui gèlent en hiver. Les vignerons obstinés doivent donc enterrer les pieds de vignes à la fin de l’automne pour les protéger du gel, puis les déterrer au printemps, ce qui fait beaucoup de frais en main d’œuvre. Le vin rouge réussit cependant à être produit pour faire la nique aux musulmans de l’autre côté des frontières sud (Turquie, Iran, Azerbaïdjan). Il est exporté surtout vers la Russie. S’il a assez de sucre pour titrer 12 ou 13°, il n’est pas très bien vinifié et se garde mal. Les vins sont les produits de cépages locaux peu connus dans le reste du monde. Un cépage porte le nom d’Areni, il résiste à 1300 m d’altitude. Les rouges sont les plus proches de nos goûts et les vins blancs ont une saveur acide de presque cidre. On dirait le verjus d’autrefois. La chaleur du pays et l’absence de technique vinicole peuvent expliquer la mauvaise garde.

La réputation de l’Arménie s’est faite surtout par le « cognac », dont les Soviétiques étaient fort friands. Depuis la fin de l’URSS, l’appellation « cognac » n’est plus autorisée et le breuvage est devenu « brandy ».

Nous visitons une cave et goûtons le vin rouge d’Areni 1991, année de l’indépendance de la nouvelle république. Il a donc vingt ans et le gérant (qui n’est pas le propriétaire des vignes) nous présente ses chais et sa production. Ce vieux cru ‘Old Areni’ a encore des saveurs de framboise.

La contrée se sert de sa réputation pour produire des vins fantaisie avec les fruits locaux. Vous avez ainsi du vin de grenade, de cerise, d’abricot et de pêche, outre les vodkas aromatisées aux mêmes fruits. Pour les vins, on ajoute un tiers de raisin aux fruits sélectionnés pour réussir la vinification. Nous goûtons un peu de tout. Le vin de cerise a un fort goût de Guignolet sans sucre, assez agréable au palais. Le vin de grenade est une grenadine nettement plus âpre, il s’oxyde très vite une fois la bouteille ouverte. Le groupe achète quelques bouteilles pour rapporter au pays ou pour boire dans les jours suivants. Les soirées auront ainsi leur apéritif, la pratique montrant qu’il est vain de ramener en France un tel vin qui ne vaut pas les nôtres.

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Diderot, Jacques le fataliste et son maître

Autant je suis peu sensible au ‘Neveu de Rameau’, autant j’aime ‘Jacques le fataliste’. Le mal cousu du premier devient fantaisie, l’échevelé devient exubérance, les digressions deviennent des aventures en poupées russes reliées par l’idée juste que la vie est sans cesse mouvement et que l’homme sage la prend comme elle vient, en profite et en tire leçon. Ce conte philosophique n’échappe pas aux aléas Diderot : comme les autres, il est écrit rapidement en 1771, comme les autres il est repris, raturé, recopié, et publié en volume seulement… en 1796, après la mort de l’auteur. Ce ne sont que quelques privilégiés aristo qui ont pu lire ‘Jacques le fataliste’ sous Louis XV.

Il faut dire que le roman est impertinent : il parle de sexe avec bonheur, de relations hors mariage et d’adultères, de pucelage ôté par des matrones aux jeunes garçons, de moines pervers qui enclosent des mineures pour leurs plaisirs. Le sexe ne devrait-il pas être cette chose sérieuse qu’on n’aborde qu’avec tact, à mi-voix et les sourcils froncés, tant il est « grave » de mettre les gens en situation ? Foin des soutanes et des vertugadins ! Diderot en rajoute dans le libertin.

C’est que le libertinage est le premier pas vers la liberté. Le manant, le domestique, le bourgeois même ne peuvent se désaliéner des contraintes religieuses, politiques et sociales qu’en baisant. L’acte sexuel est la seule transgression à portée de toutes les bourses… D’où les amours de Jacques racontées à son maître, lequel maître est si captivé qu’il laisse renverser l’ordre social l’établissant supérieur. Il y a désormais contrat entre Jacques et le maître, contrat social qui acte que tous deux sont liés l’un à l’autre et ne sauraient se séparer sans dommage pour chacun ; il est donc d’intérêt mutuel de se respecter mutuellement, d’écouter alternativement le bavardage de l’un et de l’autre.

Ce pourquoi le maître aussi conte ses aventures libertines, beau moment d’égalité entre hommes, si ce n’est entre les hommes. Car les femmes (qui sont des hommes comme les autres lorsqu’il s’agit des droits) sont aussi entreprenantes, politiques et perverses que les meilleurs (ou les pires) des hommes. Maints exemples nous en sont donnés. Mais l’on voit bien que raconter c’est unir et que la démocratie qui va naître dans le sang et les convulsions en 1789 est préparée par cet état d’esprit.

Diderot sait admirablement jouer du récit en feuilleton, entrelacer les histoires et la pérégrination des voyageurs, entretenir les coups de théâtre et les à propos, pour tenir son lecteur en haleine. Une vraie bande dessinée ! Nous sommes dans le réel où l’on se bat, l’on bouffe et l’on baise ; nous sommes dans le conte où l’on raconte l’histoire arrivée à tel ou tel, édifiante pour le présent. Le récit va comme un verre de champagne, vin qui est servi abondamment par une aubergiste bavarde qui ajoute – en tout bien tout honneur – son grain de sel au roman. Elle tient la taverne du ‘Grand cerf’, tout un programme dans le fantasme sexuel !

Les couples ne manquent pas, à commencer par Jacques et son maître, auparavant Jacques et son capitaine, encore avant Jacques et son ami adolescent, dépucelés tous deux par la même fille de forgeron. Il y a le maître et son faux chevalier escroc, le bourreau et son cheval habitué à s’arrêter aux gibets, l’aubergiste et sa Nicole – une petite chienne qui a reçu un coup de pied. C’est qu’il n’y a pas de vie sans les autres, ni instincts, ni affections du cœur, ni dialogues pour l’esprit sans mise en branle en société.

Jamais Diderot n’a dit avec autant de verve son amour pour la compagnie, le voyage ensemble, la bonne chère de concert, la conversation sur les amours. Le débat est incessant car il n’est pas de vie sans débattre ni se débattre. Donc la démocratie… On conçoit ce qu’a pu avoir de subversif ce ‘Jacques’ là, prénom usité comme synonyme de quidam ou de rebelle (jacqueries).

Raconter c’est penser, et rien ne prédispose mieux à penser que pérégriner. C’est ce que Nietzsche dira en parcourant à pied les sentiers d’Engadine : la marche aide les idées à se mettre en place, à leur rythme, avec bon sens, les pieds fermement attachés à la terre et la tête au vent qui passe. Entre les deux ? La philosophie. Celle de la vie bonne, ici et maintenant, pas celle des grands systèmes pervers créés ex nihilo pour jouer à Dieu et tyranniser les hommes. C’est cela aussi, la démocratie… Plutôt Athènes que Sparte, 1789 que 1793, le libéralisme que le collectivisme.

« Le maître : – A propos, Jacques, crois-tu à la vie à venir ? Jacques : – Je n’y crois ni décrois, je n’y pense pas. Je jouis de mon mieux de celle qui nous a été accordée en avancement d’hoirie » p.815. Vivre ici et maintenant est sagesse, sans entretenir l’illusion du passé ni la crainte de l’avenir. Montaigne le dit, comme les sages antiques et les philosophies orientales. Il n’y a que les églises chrétiennes qui jouent des peurs humaines pour instaurer leur pouvoir. Vivre, c’est être à propos.

« Jacques : – C’est que faute de savoir ce qui est écrit là-haut on ne sait ni ce qu’on veut ni ce qu’on fait, et qu’on suit sa fantaisie qu’on appelle raison, ou sa raison qui n’est souvent qu’une dangereuse fantaisie qui tourne tantôt bien, tantôt mal. Mon capitaine croyait que la prudence est une supposition, dans laquelle l’expérience nous autorise à regarder les circonstances où nous nous trouvons comme causes de certains effets à espérer ou à craindre pour l’avenir » p.676. Il faut espérer ou craindre à propos, pas hors de propos ; et le propos juste est d’expérience comme de raison. Il n’est écrit nulle part, ni imposé par quelque homme providentiel.

Une anecdote ne prouve rien mais elle édifie, elle fait penser. C’est ce qui naissait à la fin du XVIIIe siècle et qu’on jubile de découvrir. C’est ce qui meurt avec la pensée unique et la globalisation des convenances sur la Toile – qu’on déplore aujourd’hui d’observer…

Denis Diderot, Jacques le fataliste et son maître, 1771, Folio, 2006, 373 pages, €4.84

Denis Diderot, Contes et romans, Gallimard Pléiade 2004, édition Michel Delon, 1300 pages, €52.25

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Sophie Chauveau, La passion Lippi

« L’enfant aux pieds cornus » : cette étrange expression désigne le peintre florentin Filippo Lippi (vers 1406-1469). Elle donne la manière de l’auteur. Romancière, auteur de théâtre, essayiste sur l’art, Sophie Chauveau s’insère dans la peau de son personnage comme Marguerite Yourcenar le fit avec Hadrien. Elle tente ici le pari d’une vie romancée du peintre peu connu, un tantinet mystérieux, Filippo Lippi.

Ramassé dans la rue à 8 ans par Cosme de Médicis, richissime marchand de Florence, parce qu’il créait par le charbon et le sable un Jardin des Oliviers digne d’un artiste, l’enfant fut confié aux Carmes pour la matérielle et à Fra Angelico pour le don. Il avait tant de corne aux pieds qu’il montrait combien il aimait sa liberté. Son obstination séduisit le marchand. Lippi n’est pas un diable car ce n’est pas la tête qu’il a cornue ; plutôt un messager des dieux, tel Hermès aux chevilles ailées. Cosme de Médicis couvrira ses frasques et scandales avec ce mot fameux, que nos profs bureaucrates devraient méditer : « on ne traite pas les esprits divins comme des mulets de trait. »

Autoportrait au centre :

Filippo Lippi n’en est pas pour cela un ange, hormis ses boucles blondes et la grâce qu’il a pour le dessin. Il est un homme, épris de vagabondage et de fantaisie, petit prince libertin entre les bras des putes avant même la puberté, clerc délaissant messes et s’évadant des couvents, artiste se jouant des conventions des pairs comme des prétentions des grands. Il est « la liberté donnée, diffusée, diffractée » (p.438).

Il n’en a pas moins des amis : aînés tels Cosme, Fra Angelico ou Masaccio, cadets comme Pierre de Médicis, fils de Cosme qui le chérit ou Botticelli. Il plaît par sa vitalité, son impertinence d’adolescent, son génie rimbaldien au pinceau. Il est riche de tempérament, généreux à vivre, il goûte la provocation. On l’admire ou on le hait, mais il reste sûr de son génie, sans affectation, parce que la force est en lui. Il baise, il peint, il boit – depuis tout jeune. Fougue et charme, il lui faut jouir intensément de la vie terrestre pour croquer tout l’amour de Dieu.

Il cherche ses Madones éthérées dans les bordels de Florence, fort nombreux, où il a porte ouverte et où les femmes sont sans apprêts ; il trouve ses anges dans la rue où grouillent les petits ; il découvre ses méchants chez les grands et les envieux, qu’il suffit d’observer. Il ne peint jamais si bien les femmes qu’après avoir fait, avec elles, l’amour. Fait rare chez les artistes florentins à cette époque renaissante (ce qui en rendit plus d’un jaloux), Filippo Lippi aime les femmes plutôt que les garçons. Il les respecte, les fait rire, les fait jouir. Il a besoin de leurs caresses, de leur tendresse et de leur grave futilité – car un lourd secret d’enfance (qui nous sera révélé) le fait hurler d’angoisse dans la nuit.

Protégé par Cosme, adopté par Fra Angelico, à l’école de Masaccio, Filippo Lippi aura pour élève le séduisant Botticelli, amateur, lui, de beaux garçons comme Donatello et comme son fils Filippino Lippi. Il quittera l’enfant à 12 ans pour rejoindre les limbes. Il l’a eu par hasard à plus de 50 ans avec une nonne que lui, le clerc, a choisi de peindre en Vierge Marie !

Il ne faudra pas moins de deux Médicis pour apaiser ce double scandale. Cosme et son petit-fils Laurent, iront plaider sa cause auprès du Pape Pie II qui relèvera avec intelligence le clerc et la nonne de leurs vœux. On ne peut qu’admirer une telle époque pragmatique qui préfère pardonner au génie que tenir une comptabilité d’épicier pour les fautes sociales.

Le fils qui naîtra de cette union se laissera conduire avant 12 ans au bordel par son père qui veut lui apprendre le goût des femmes après celui de la couleur. Sophie Chauveau a des mots pudiques pour décrire l’expérience. Peine perdue, l’enfant aime déjà les garçons, son tendre aîné Botticelli en premier, disciple dans l’atelier de son père. Mais Florence n’est pas si prude en ces années 1460. Un vent de liberté, de libre conscience et de libertinage croît avec l’essor du commerce, un vent qui s’enfle de l’arrivée des auteurs grecs antiques que Cosme fait traduire en Florentin, importés d’une Byzance qui se meurt des Turcs avides. La richesse, l’individualisme naissant, encouragent l’art, et pas seulement dans les églises.

Portrait sculpté par son fils Filippino :

La « passion » Lippi, ce n’est pas seulement d’avoir engendré un petit Jésus avec une Madone, c’est de s’être dévoué, jeté tout entier, embrasé à l’art. Filippo Lippi a tout donné, jusqu’à sa vie, pour peindre la beauté.

C’est aussi la passion de l’écrivain qui se met dans ses traces pour romancer son existence, laissant de côté les épisodes légendaires de sa vie (son enlèvement par les Maures, un vague séjour à Naples).

Sophie Chauveau laisse transparaître son enthousiasme à accompagner l’artiste possédé de peinture. Elle écrit charnellement, d’une langue fluide et captivante. Vous ne voyez pas passer les chapitres ; vous tombez amoureux des personnages ; vous entrez tout entier dans la Florence du 15ème siècle.

Filippino Lippi autoportrait :

Et vous n’avez alors plus qu’une seule idée : retourner voir Florence, vous gorger de tableaux, de lumière, des Madones et des anges qui peuplent les rues autant que les cimaises.

Sophie Chauveau, La passion Lippi, 2004, Folio, 483 pages

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