Bande dessinée

Kerr, Boisserie, Warzala, La trilogie berlinoise – L’été de cristal

Philip Kerr était un écrivain écossais mort en 2018. Il a créé le personnage de Bernie Gunther, ex-inspecteur de la Kripo, la police criminelle de Berlin, devenu détective privé après l’arrivée des nazis au pouvoir pour incompatibilité d’humeur avec l’autorité bottée. Le scénariste Pierre Boisserie a repris le héros pour le mettre en bandes – dessinées par François Warzala. Pour qui connaît la trilogie berlinoise sous forme de livre, cette version illustrée la prolonge. Le dessin en ligne claire à la Blake & Mortimer donne corps aux couleurs du nazisme, le noir, le vert, le brun, et aux silhouettes des personnages historiques, le Gros Göring, le mince Heydrich au nez en serpe, les gueules de brutes de la Gestapo.

A quoi cela sert-il d’enquêter sous un régime autoritaire ? Pour la justice ? Lorsqu’elle est faite du bon-vouloir de quelques-uns, c’est assez dérisoire. Pour savoir ? Ce sont les victimes qui engagent alors les détectives pour connaître le sort de ceux qu’elles recherchent. Le cynisme est exigé pour être objectif. L’ironie amère également. La « nouvelle criminalité » qui mobilise les forces de police du Reich – le Troisième – était : « parler irrespectueusement du Führer, omettre le salut hitlérien ou se livrer à l’homosexualité » p.26. Ou encore ne pas écouter (religieusement) les discours interminables du minable Goebbels, à la propagande bien sentie.

En 1936, alors que le « nègre » Jesse Owens va gagner quatre médailles d’or aux JO de Berlin, contre les bons Aryens blancs de la « race supérieure », le détective Bernie, en fin de trentaine, va être engagé par un magnat de l’industrie de l’acier, Hermann Six, pour retrouver l’assassin de sa fille Grete. Elle a été tuée par balles à son domicile avec son mari Paul le nazi, le coffre où elle conservait des colliers de diamants ouvert et vide. Ils ont été cramés tous deux sur leur lit conjugal alors qu’ils étaient nus et venaient, selon le légiste, d’avoir eu un rapport sexuel.

Curieusement, tout le monde s’en mêle. La police, dont c’est le rôle, mais aussi la Gestapo, on ne sait pourquoi, les hommes de Göring en personne, et même la pègre berlinoise qui « réhabilite » les délinquants à leur sortie de prison. Bernie fume trop, boit beaucoup, baise bien, se fait souvent tabasser, n’hésite pas à tirer, mais garde dans la vie une attitude détachée. Malgré les temps incertains et la mort à chaque coin de la rue.

Une leçon de cynisme salubre alors que reviennent les tentations autoritaires, la haine des autres, la décision d’un seul, l’embrigadement dans une seule vision des choses. Une BD plus « écrite » que dessinée, le texte venant souvent en redondance.

Philip Kerr, Pierre Boisserie, François Warzala, La trilogie berlinoise – L’été de cristal (tome I sur III), 2021, Les Arènes BD 2025, 144 pages, €23,00

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Prieur, Malgras, Hervieux, Les guerres napoléoniennes 2

Suite du tome 1, chroniqué sur ce blog, les auteurs content avec humour de nouvelles histoire vraies à l’époque de l’empereur. « Tout est vrai », mais tout est revisité XXIe siècle. Cela plaît aux ados, qui ont plébiscité le tome 1, et l’un d’eux, en sweat à capuche orange comme le veut la dernière mode teenage, apparaît même à la page 33 pour dire que la charge des cavaliers de Rohan dans Le seigneur des anneaux ne vaut pas la charge de Murat à Eylau !

Ce sont treize anecdotes ainsi rappelées, passées souvent sous le radar de la grande histoire. Jean-Marie Cochet, corsaire fait prisonnier des Anglais, a pris la frégate où il croupissait à lui tout seul, ou presque, principalement par des mots. Comment ? Par la revendication révolutionnaire qui a un petit air d’actualité : « Je suis Français, mon gars, bloquer les transports, c’est une seconde nature ».

La bataille d’Auerstaedt a été gagnée sous le nom d’Iéna par Davout avec une avant-garde française, alors que le gros de l’armée autrichienne fonçait sur lui dans un mouvement de revers. Dans le même temps, Napoléon gagnait avec le gros de l’armée française à Eylau contre une avant-garde autrichienne. Chaque armée avait la même stratégie et fait le même mouvement.

La « méthode Masséna » est un truc de contrebandier : quand vous êtes acculé par l’ennemi sur un sommet avec une pente inaccessible, le truc est de glisser sur la cul de cette pente pour se dégager.

Claude-François de Malet, ex-général devenu fou, a fomenté un coup d’État alors que Napoléon était à Moscou en 1812. Les badernes de Paris n’y ont vu que du feu, sauf un, le gouverneur Hulin, qui a éventé le faux grossier annonçant la mort de l’empereur et les plein-pouvoirs au général félon. Comme si l’héritier naturel de l’empire n’était pas avant tout le fils, le roi de Naples.

En 1809, quand l’armée napoléonienne est en butte à la résistance des Espagnols et à l’armée des Anglais, Napoléon envoie la gendarmerie. Mais attention, les gendarmes ne sont pas des policiers, ce sont des militaires. Ils ont l’habitude des coups de main – et Espagnols comme Anglais s’en mordent les doigts. Le sujet est traité en anachronisme, en calquant les pratiques des pandores d’aujourd’hui : contrôle des fers des cheveux, jugés usés, des roues des charrettes, trop lisses, de conduite des carrioles en état d’ivresse, et ainsi de suite.

Lorsqu’on manque de boulet de canon,, quoi de mieux que d’en quémander à l’ennemi ? Il suffit de lui monter de loin ses fesses pour qu’il se mette à en envoyer. Il suffit ensuite des les ramasser pour les réutiliser. C’est ce que fis Daumesnil en 1799 au siège de Saint-Jean d’Acre.

En 1807 en Prusse-Orientale, à Eylau, l’armée française est mal barrée. Les fantassins russes avancent sans compter leurs pertes. Napoléon demande à Murat de composer une cavalerie avec tout ce qu’il trouve et de foncer dans le tas. Plus de 12 000 Français montés déferlent sur les Russes à pied, et repassent dans l’autre sens. Ils enfoncent tout. Ni subtilité, ni stratégie, mais la bonne grosse force, tant prisée des moujiks.

C’est tout le contraire pour le petit tambour d’Arcole en 1796. Lui joue la ruse : impressionner l’ennemi pour qu’il perde le moral. Le gamin traverse le fleuve à la nage pour aller battre la charge côté autrichien. Les soldats croient qu’ils sont encerclés et se débandent. Effrayer l’ennemi avec de la musique, cela se fait encore de nos jours : c’est l’horrovision.

Les femmes ne sont pas en reste, comme cette Agustina de Aragon, jeune espagnole qui a joué les Jeanne d’Arc en repoussant à elle seule les Français qui envahissent le village, à coup de pommes puis de canon. Il suffit d’oser et de surprendre.

Il y a encore les faux roubles de Napoléon, les dents du bonheur qui faisaient réformer pour incapacité à mordre la cartouche, Gaspard Monge, savant et ministre, colosse intenable qui savait pointer le canon, et la frégate de pierre, invention des Anglais face à la Martinique. Faute de navire en nombre suffisant, En 1804, le lieutenant de marine Maurice a fortifié l’îlot rocheux juste devant le port de la Martinique, faisant office de navire interdisant ses eaux. Il a tenu 17 mois avant qu’une flotte franco-espagnole, nettement supérieure en nombre, ne parvienne à l’en déloger.

La grande histoire racontée sur ses marges et à la blague, bien dessinée avec profusion de détails. Un délice à déguster pour Noël et à offrir dès 12 ans.

Prieur, Malgras, Hervieux, Le petit théâtre des opérations : Les guerres napoléoniennes 2, 2025, Fluide glacial éditions, 56 pages, €15,90, e-book Kindle €6,99

Prieur, Malgras, Hervieux, Le Petit Théâtre présente : Les guerres napoléoniennes – écrin tomes 1 et 2, €31,80

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Dorison et Lauffray, Long John Silver 1 – Lady Vivian Hastings

Long John Silver est le pirate à jambe de bois sans pitié de L’île au trésor. Il a sauvé le jeune Hawkins et s’est perdu dans les Caraïbes avant de revenir se fondre dans une auberge des bas-fonds du port. L’idée de Dorison et Lauffray est, en hommage à Stevenson, de prolonger ses aventures en les inventant à mesure.

Un certain Lord Byron Hastings a acheté à un prêtre du Saint-Office (l’Inquisition) une ancienne carte maya sur parchemin donnant l’emplacement d’un trésor. Il vend donc la moitié de ses terres, laisse donc son manoir de Bristol et sa femme, et part plusieurs années dans la jungle. Telle Pénélope abandonnée par Ulysse, Lady Vivian se laisse courtiser, de façon plus pressante depuis qu’elle n’a plus le sou, ayant vendu peu à peu mobilier, tableaux et bijoux pour subsister. Son mari ne revient pas, elle songe à le déclarer mort – et à se remarier pour renflouer sa caisse. D’autant qu’elle a un polichinelle dans le tiroir depuis quelques mois.

Or, un jour, Vivian reçoit enfin des nouvelles de son mari par une lettre délivrée par son beau-frère, joint par l’indien sauvage Moktechica. Il a donné mandat plénipotentiaire à son frère, capitaine de marine, de vendre tout, mobilier et manoir, pour réunir 100 000 £. Un mari de l’époque a tous les droits, y compris sur les biens propres de sa femme. Il aurait découvert le trésor fabuleux, à Guayanacapac. Pour elle, le couvent pour « la protéger d’elle-même » et de ses frasques sexuelles, en attendant son retour. Or, elle ne l’entend pas de cette oreille. Elle veut sa part, et si son mari disparaît en cours de route, ce sera tout bénéfice car, puisqu’enceinte d’un autre, il la tuerait.

Malgré les mises en garde du docteur Livesey en raison de son état, elle décide de partir. Mais à ses conditions : elle veut un équipage à elle dévoué, et s’adresse pour cela au docteur afin qu’il la mette en relation avec le fameux ex-pirate Long John Silver qu’il a connu vingt ans auparavant. Livesey résiste, puis cède. Vivian conclut un pacte de sang avec le forban qui lui réclame en échange une partie du trésor. Long John s’abouche avec Samir, un forban de son espèce qui va profiter de ce que le capitaine Hastings soit militaire pour faire de la contrebande avec le Neptune, affrété par lui. Long John Silver va faire entrer incognito quelques hommes à lui dans des tonneaux de tafia. Puis prendre le contrôle du navire en massacrant l’équipage qui lui est fidèle, et y introduire le sien avec ceux qui restent.

Lady Hastings se fait avorter par Livesey que cela répugne, mais ce n’est pas la première fois que la belle a ainsi réparé après avoir fauté. « Son mari n’aime pas les enfants » est l’excuse de la sage-femme. Quant à Long John, il se fait imposer le marin Paris, flanqué de son jeune acolyte qui veut devenir matelot, en souvenir du capitaine Flint et du San Cristobal.

Nous en sommes là dans le tome 1. Il y en aura trois autres. La goélette Neptune part du port de Bristol pour le Brésil et l’Amazone. Le docteur Livesey est à bord, saisi par l’aventure, mais surtout d’en savoir plus sur l’âme noire de Long John Silver – et sur lui-même.

Certes, c’est l’aventure, mais un peu compliquée. Le côté captivant est relégué à plus tard, ce tome de préliminaires s’étendant sur la morale et ses limites élastiques (l’honneur, la fidélité, le mariage, les promesses jurées, la vertu). Le dessin est coloré, parfois délirant, dans les tons sombres, voire gothiques. Les pages sautent souvent du coq à l’âne sans transition, comme au cinoche alors qu’on n’y est pas. C’est assez brouillon. Des cases de « mystères » surgissent, disséminées ici ou là, comme la haine irrationnelle de la servante de Lady Hastings, la malaria qui terrasse le vieux à jambe de bois, ou les allusions de Long John au jeune matelot qui accompagne le marin Paris. Tout cela prépare sans nul doute la suite.

BD dessin de Xavier Dorison et scénario de Mathieu Lauffray, Long John Silver 1 – Lady Vivian Hastings, Dargaud 2007, 59 pages, €16,00, e-book Kindle €8,99

La série comprend quatre tomes.

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Gazzotti et Vehlman, Seuls 1 – La disparition

Une petite ville tranquille. Les familles qui vaquent à leurs occupations routinières : le travail, les courses, l’école, les enfants. Et puis demain… Tout a disparu dans la nuit ; plus personne. Sauf cinq enfants qui se réveillent sans famille ni adultes. Deux garçons, Dodji 10 ans et Yvan 9 ans, deux filles, Leïla 12 ans et Camille 8 ans, et un petit de 5 ans, Terry.

La ville est vide et silencieuse ; aucune voiture ne circule dans les rues. L’eau et l’électricité fonctionnent, automatiques. Les gamins vont se trouver et s’agglomérer, la peur les rendant unis. Ils sont seuls et doivent se débrouiller sans adulte. Pas simple quand on ne l’a jamais fait, pas même comme scout. Chacun va révéler son caractère, affiner sa personnalité en construction. Dodji, Noir de l’Assistance est solitaire et renfermé ; il ne sait pas être aimé mais son côté ours est rassurant pour Terry le plus petit et Camille la naïve. Yvan est plutôt artiste et se croit lâche ; Leïla est énergique comme un garçon et plutôt optimiste.

La BD s’étale entre moments de plaisir et de jeux où les enfants font tout ce qu’ils veulent sans adulte, comme se baigner à moitié nu dans une fontaine publique, croquer des barres sucrée dérobées à un distributeur, conduire une voiture – et des moments de peur lorsqu’une ombre se profile, menaçante, ou un grondement sauvage.

De la morale, du politiquement correct avec un Noir, une Beur, une blonde, un brun et un roux. C’est gentillet, bien dessiné avec des têtes trop grosses dans le style enfantin. L’intrigue ménage le suspense. Le début d’une série pour les enfants plus que pour les adultes.

BD scénariste Fabien Vehlmann et dessinateur Bruno Gazzotti, Seuls 1 – La disparition, Dupuis 2006, 56 pages, €13,50, e-book Kindle €5,99

La série comprend 15 tomes.

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Pierre-Henry Gomont, Slava 1 – Après la chute

La Russie de Poutine ne peut s’expliquer sans les années Eltsine. Vladimir Poutine, le dictateur mafieux criminel de guerre est l’héritier à la fois de l’efficace KGB soviétique et de la libéralisation affairiste des années 1990. A cette époque d’oligarques prédateurs, le patrimoine industriel et minier de la patrie a été bradé dans les mains d’une bande de compradores sans scrupules – tout droit sortis de la débrouille soviétique.

Tout ce qui a une quelconque valeur peut-être pillé par des maraudeurs audacieux et vendu à qui veut l’acheter, à l’est comme à l’ouest. Il suffit d’avoir les contacts. Dimitri Lavrine est tombé dans le trafic étant petit, sous l’ère Brejnev qui a fait de la démerde une institution : tout s’achète et tout se vend en régime de pénurie où la corruption règne car il n’y en a pas assez pour tout le monde ; il suffit d’un peu d’astuce. Il a compris du « capitalisme » que ce n’est pas acheter qui compte mais vendre, avant tout vendre. Il est flanqué d’un acolyte entraîné malgré lui par son entregent, le jeune Slava Segalov, peintre raté.

Slava a toujours été artiste et a connu un début de gloire en se posant comme peintre « engagé » ; sa rébellion contre le système en faisait quelqu’un d’intéressant pour la mode. Hélas ! Lorsque Gorbatchev est venu et a agi, le système s’est écroulé, rongé de l’intérieur, et la rébellion n’a plus eu aucun sens. L’artiste engagé a été dégagé vite fait des galeries car la mode a changé. Désormais, la Russie ressemble au monde de Hobbes où l’homme est un loup pour l’homme. Slava se souvient du philosophe anglais : « Aussi longtemps que les hommes vivent sous un pouvoir commun qui les tient tous en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun. Dans un tel État, il n’y a pas d’art, pas de lettres, pas de société, et ce qui est le pire de tout, la crainte et le risque continuel d’une mort violente. » Telle est la Russie post-soviétique. Poutine est celui qui a remis de l’ordre, d’où le vote massif populacier qui préfère bouffer et la sécurité ; moins le vote des éduqués qui savent user de leur liberté.

Slava tente de se faire une place dans ce monde nouveau et suit Dimitri à contrecœur pour en apprendre des leçons de débrouille. Ils viennent de piller un vaste bâtiment soviétique aux vitraux et marbres ostentatoires et partent dans leur camionnette UAZ-452 tout-terrain produite depuis 1965 par UAZ à Oulianovsk – la version soviétique du combi Volkswagen Type 2, bien connu des routards occidentaux. D’autres pillards les arrêtent sur la route et Slava, qui conduisait, fait un tonneau dans la neige. Les malfrats tirent mais une jeune fille à ski et à carabine les descend. Sauvés, ils la suivent jusqu’à un somptueux bâtiment de l’ère soviétique dans l’immensité russe – un ancien centre de détente avec spa pour apparatchiks. Elle vit là avec son père, Arkadi, un géant qui a souvent trop chaud et se balade en slip par -20° (un cliché russe).

C’est le début d’une amitié entre Slava et Nina, qui vont coucher ensemble, et d’un dégoût pour l’affairiste Dimitri, au fond peu doué pour les grandes affaires. Les ouvriers d’une mine sont très fier de leur outil de travail prolétaire, mais au chômage depuis que tout s’est arrêté. Un oligarque vient évaluer l’ensemble et propose de racheter. Il ne va pas investir pour sauver la mine, mais vendre à l’encan son matériel, bien plus cher que le prix qu’il a payé. Il trouvera ensuite des investisseurs pour racheter la mine débarrassée de ses actifs – encore moins cher. Les ouvriers refusent ; ils préfèrent vendre eux-même une machine ou deux, dont une foreuse dernier cri. Dimitri se propose, mais son passé de roublard cynique le rattrape, et il est attrapé par son ancien mentor Troubetskoï, qu’il a trahi. En mafia comme en affaires, trahir ne se fait pas ; il le paiera de sa vie. C’est Slava qui va conclure la transaction, malgré lui.

Un dessin minimaliste, où Slava a le visage de Poutine jeune ; des paysages de neige et de froid qui disent le regel russe après la chute ; des leçons d’affairisme utiles à ceux qui n’y connaissent rien. Le début d’une histoire en trois tomes sur la Russie d’aujourd’hui, avec la jeunesse et l’amour en prime.

BD Pierre-Henry Gomont, Slava 1 – Après la chute, Dargaud 2022, 104 pages, €22,95, e-book Kindle €13,99

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Ers et Dugommier, Les enfants de la Résistance 2 – Premières répressions

Dans un village de l’est français, l’Occupation nazie incite François, Eusèbe et Lisa, des gamins de 13 ans (« presque 14 ») à se rebeller contre cet état de soumission. Le vieux maréchal encourage la collaboration, mais la fierté républicaine enseignée par l’école résiste. Dans le premier tome (chroniqué sur ce blog le 16 octobre), les gamins ont saboté l’écluse, ce qui a permis de retarder le transport des métaux vers l’Allemagne, vitaux pour son industrie d’armement. Aujourd’hui, les Boches se méfient et il faut être plus subtil.

Comment l’être sans entraîner les adultes ? La venue d’un prisonnier français évadé d’un camp allemand en est le prétexte. Les parents d’Eusèbe le recueillent, malgré les risques. Ils se mettent en relation avec le maire, le curé et les parents de François. Puis un deuxième, qui dort dans un champ, est informé par un message écrit sur du papier peint par les gamins que l’école l’accueillera. C’est le début d’une filière d’évasion vers la zone sud non occupée, plus tard vers l’Angleterre. Ce qui fait le lien ? Le « Lynx », le trio des 13 ans, incognito, qui galvanise les adultes.

Lesquels osent enfin prendre des risques à résister, en aidant un tirailleur sénégalais évadé à s’en sortir. Irruption des Noirs dans la Seconde guerre mondiale, fraternité républicaine, antiracisme affirmé contre le racisme nazi. Il n’y a pas de sous-race, il n’y a que des combattants ; il n’y a pas d’hommes supérieurs, il n’y a que des humains libres.

Mais les Boches se défendent, forts de leurs armes et de leurs blindages – sinon de leur idéologie, guère partagée chez les hommes de troupe. En arrêtant un train sanitaire pour y planquer le tirailleur noir, les résistants se font tirer comme des lapins. Le père d’Eusèbe, blessé, est arrêté, torturé et fusillé. Son fils a le temps de lui dire que « Lynx », c’est lui et ses copains ; le papa est très fier de lui et meurt content. Ce sont ces petits grains de sable isolés qui vont s’agglomérer avec l’espoir de la Libération. La machine nazie n’a qu’à bien se tenir. Jamais la force brute ne peut l’emporter contre la ruse et la volonté – Ulysse le Grec nous l’a déjà appris.

Jolis dessins, gamins plein de vie, gravité de la situation – qui rappelle que la guerre n’est pas toujours hors de chez nous, et que résister vaut mieux que sempiternellement « commémorer ». Une morale optimiste et orientée vers la liberté républicaine, qui réconforte en ces temps de régurgitation fasciste, de Trump à Poutine, Orban, Ciotti et Bardela. Un dossier en fin de volume instruit sur la guerre en ces temps d’Occupation.

Benoît Ers et Vincent Dugommier, Les enfants de la Résistance 2 – Premières répressions, 2016, éditions du Lombard, 56 pages, €13,45, e-book Kindle €5,99

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Marini, Les aigles de Rome II

La suite des Aigles de Rome (chroniquée sur ce blog) qui a conté l’adolescence de deux garçons, Marcus Valerius Falco et Ermanamer latinisé en Arminius. Leur ardeur pubertaire a été disciplinée, ils ont été entraînés à la guerre, ils se sont affrontés par rivalité avant de devenir amis à vie. Ivresse des armes et plaisir des sens, il n’en faut pas plus aux ados pour se sentir heureux. Mais voici que l’amour s’en mêle…

C’est l’objet du tome II. En 9 après J.-C., Marcus revient de la guerre où il a été initié à la condition d’homme romain de la bonne société. Il se défoule chez Felicia, épouse de sénateur qui aime le plaisir. Il retarde le moment de retrouver son épouse légitime Silvia, qu’il n’a pas choisie mais que son père a arrangé pour la politique. Or Silvia l’aime, son beau corps de jeunesse musclée, son caractère ombrageux et son cœur passionné. Sauf que Marcus en aime une autre, rencontrée lors d’une course de chars cinq ans avant. Priscilla est déjà fiancée mais Marcus a le coup de foudre. Réciproque après un temps. Las ! Les pères décident pour les filles et Priscilla est mariée de force à un ami du papa, toujours pour raisons politiques.

De plus, Priscilla a pour mère la redoutable Morphea, une intrigante qui se sert de son corps et de son emprise sur les hommes importants pour faire avancer ses intrigues. Elle organise des orgies où les accouplements se font en public, pour le plaisir et pour la compromission. Elle veut conserver le beau et viril Marcus pour elle-même et est jalouse de sa fille qui a capté le cœur du jeune homme. Aussi, lorsque Marcus, chien fou, veut enlever Priscilla, il est assommé par le garde du corps nubien Cabar, montagne de muscles et fidélité à toute épreuve, puis conduit dans la maison de Morphea, attaché nu et fustigé sur la poitrine, avant d’être violé sous les yeux de Priscilla qui croit ainsi que Marcus la trompe. Elle se soumet alors au mariage arrangé tandis que Marcus, désespéré, se soumet à son ami Arminius, envoyé par l’empereur Auguste mater les révoltes en Germanie.

Rome reste corrompue par la volupté, l’ambition et les intrigues, et l’empereur n’est pas en reste. Pour dresser les garçons plein de fougue, il envoie Arminius, le Chérusque (Allemagne du nord) devenu romain, rétablir l’ordre de Rome et dompter la vitalité sauvage des peuplades germaniques par la sienne – mais mandater Marcus son ami et frère d’arme, lui-même issu de Germains par sa mère – pour le surveiller et rentrer en grâce auprès de son père.

Sauf que Morphea apprend à Marcus que Priscilla a suivi son mari en Germanie et lui demande de la protéger en lui adjoignant Cabar. De quoi alimenter le suspense pour la suite…

Un dessin toujours magnifique, les corps des jeunes gens sortis de l’adolescence pour devenirs purement virils, des femmes bien pourvues et lascives. Une nudité dans les plaisirs qui ne plaira pas au pudibonds moralement coincés, mais qui est d’une vitalité somptueuse. Les dessins présentent Rome comme si nous y étions et font attention aux détails, comme les fresques des murs, les graffitis des tavernes, les danseuses nues et les musiciens en plus simple appareil, les échansons, les échoppes, les courses de char, les statues du forum et des villas, les scènes de bataille. De la belle BD.

Marini, Les aigles de Rome II, Dargaud 2009, 60 pages, €17,50, e-book Kindle €6,99

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Ers et Dugomier, Les enfants de la résistance – 1 Premières actions

Ils ont 13 ans et les Nazis envahissent la France. Dans leur petit village (fictif) de Pontain L‘Ecluse en Bourgogne, François fils de fermier et Eusèbe fils d’instit vivent leurs derniers jours d’enfance. Ils jouent aux billes quand passent les hordes brunes au pas. Ils ne les regardent pas, les ignorent. Leurs pères sont effondrés de la défaite de l’armée française, mal commandée et mal équipée face à la modernité allemande et à l’enthousiasme de ses jeunes soldats. Ils se réfugient sous l’égide de Pétain, « le vainqueur de la Marne », et son image d’humanité envers les soldats à Verdun.

Mais le maréchal Pétain ne tarde pas à briser son image de Père de la nation en signant l’armistice le 22 juin 1940 dans le wagon même où la reddition allemande avait été actée en 1918, puis en serrant la main du caporal Hitler à Issoire le 24 octobre 1940. Désormais, le populo est édifié. Entre ceux qui pensent que l’ordre nazi vaut mieux que la chienlit parlementaire, et ceux qui pensent que vivre sous le joug des occupants n’est pas une vie libre, le village a vite choisi.

Les enfants en premier, qui ne sont plus des enfants mais presque des adolescents. Avec leurs émotions primaires, leurs sentiments tout frais, ils font honte aux adultes qui se résignent ou réfugient dans l’attente. Une micro-résistance s’organise, au ras du trottoir, avec des tracts imprimés avec une panoplie de petit imprimeur de l’école, sur du papier peint découpé. Lisa, une blonde belge de 13 ans qui ne parle qu’allemand, est recueillie dans l’Exode ; elle est la fille de la bande, qui apprend vite le français. Le trio va faire mouche.

Outre les tracts, l’écluse, dont François connaît le maniement, ayant passé du temps avec le jeune éclusier récemment tué à Dunkerque. Son sabotage ni vu ni connu va retarder les trains de péniches remplies de matériel industriel volé à la France pour rejoindre l’Allemagne. Car les Allemands sont revanchards, mesquins, brutaux. Ils cassent volontairement le monument aux morts de la guerre 14-18 ; ils renversent volontairement dans la rue une femme à bicyclette ; ils font travailler les hommes et même les enfants à la réparation de l’écluse.

La jeunesse républicaine n’est pas en faveur de la vieillesse traditionaliste ; François, Eusèbe et Lisa le prouvent. Leurs sacrifices de résistance les mettent en danger, mais la France ne peut être « partenaire » de l’Allemagne nazie, comme l’ânonne le vieux Pétain. De leurs 13 à leurs 17 ans, les adolescents s’initient à la liberté par leur volonté. Le suspense de l’aventure et de ses risques du scénario Dugomier fait passer le message de ce qui vaut en morale. Une belle série dessinée par Ers que même les adultes sont heureux de lire.

Benoît Ers et Vincent Dugomier, Les enfants de la résistance – 1 Premières actions, 2015, Lombard 2022, 48 planches + 8 pages dossier, €12,95, e-book Kindle €5,99

Les Enfants de la Résistance – Tome 2 – Premières répressions

Les Enfants de la Résistance – Tome 3 – Les Deux géants

Les Enfants de la Résistance – Tome 4 – L’Escalade

Les Enfants de la Résistance – Tome 5 – Le Pays divisé

Les Enfants de la Résistance – Tome 6 – Désobéir !

Les Enfants de la Résistance – Tome 7 – Tombés du ciel

Les Enfants de la Résistance – Tome 8 – Combattre ou mourir

Les Enfants de la Résistance – Tome 9 – Les Jours heureux

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Michel Weyland, Aria – Intégrale 1

Une BD de 1982 glorifiant les filles ; pour leur dire qu’elles sont « good as you » comme on le dit des mecs un peu diminués. Musclée, dynamique, avisée, la chevelure blonde flamboyante, voici Aria la femme. Son nom vient d’une musique pour voix seule, ou d’une formule magique chantée pour invoquer des pouvoirs surnaturels. Vive les filles ! Vous êtes aussi puissantes que les gars. A noter quand même qu’un sens vieilli d’aria est celui de tracas et de soucis…

Bon, les albums recueillis ici ne manquent pas de beaux gars, musclés, flamboyants très souvent torse nu. Ils sont en général vantards et peu avisés, parfois avides de pouvoir et portés à la force, mais il y a quelques exceptions. On peut garder les petits, ils feront de beaux mâles s’ils sont bien éduqués, comme Djaïr dans le premier album, ou le garçonnet bien bâti au ballon dans le dernier. Les fillettes sont dotés de « pouvoirs », comme Arcana, et pas réduites au rôle de pleureuses effrayées, ni de joueuses à la poupée. Les femmes mûres peuvent être méchantes, comme Vulga la sorcière, mais notez qu’elle est l’unique femelle de la horde magicienne qui agite ses spectres devant l’armée de Vinken.

Guerrière qui se déguise sous un casque pour entraîner une armée – ce que le « roi » n’a pas su faire, amolli par le pouvoir et les défaites, elle veut rester libre, comme une Rahan femme, mais dans un univers médiéval plus que préhistorique. Elle rencontre le fantastique sous la forme de lieux maléfiques ou merveilleux, en général créés à partir de passions mauvaises comme la vengeance ou le crime. Elle fait tout sauter, en héroïne à qui rien ne résiste.

C’est beau, optimiste, moral, clairement dessiné, lumineux. On s’y laisse prendre.

Depuis, l’imaginaire a créé la femme au bouclier, guerrière scandinave qui ne cède en rien aux hommes. Le personnage de Lagertha, épouse de Ragnar et mère de Björn, amante et guerrière, chef de clan dans l’excellente série Vikings le montre bien.

Une belle BD des temps déjà anciens en 40 albums qui plaisent bien jusqu’au Covid ; depuis, moins. Ici le volume 1 d’une intégrale.

Michel Weyland, Aria – Intégrale 1 : La fugue d’Aria, La montagne aux sorciers, La Septième Porte, Les chevaliers d’Aquarius, 2025, Dupuis, 192 pages, €29,00, e-book Kindle €9,99

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Desberg et Duarte, I.R.$ Trente milliards de dollars

Un milliardaire de la finance de 27 ans se meurt d’un cancer foudroyant et consomme des putes à la soirée pour 10 000 $ ; celles qui le reconnaissent disparaissent. N’ayant pas d’héritier, il souhaite léguer sa fortune à un projet pour l’humanité. Il mandate pour cela plusieurs personnes indépendamment, dont Larry B. Max, ex-agent spécial de l’I.R.S, Internal Revenue Service, chargé d’enquêter sur la fraude fiscale. Son Bureau des enquêtes criminelles est une sorte de service secret de la finance chargé du blanchiment d’argent, de la fraude boursière, et de la corruption due au trafic de drogue. Rangé de l’action, l’ex-agent fut un temps sénateur, avant de se retirer pour élever ses enfants, un garçon de 14 ans et une fille de 10 ans, après la mort de sa femme.

Larry rencontre Argon, le milliardaire en sursis. Il ne comprend pas vraiment à quoi rime cet héritage qu’on lui propose de gérer. Il ne tarde pas à découvrir, via une avocate célèbre qui l’aborde, qu’il est l’un des cinq choisi pour ce même projet mis en concurrence. Sauf que Jessa Thorpe se tue presque aussitôt en Ferrari sur une route droite et sans personne. On l’a tuée. A son domicile, où il pénètre en pleine nuit comme sait le faire un agent, Larry découvre un dossier où figure deux des trois autres noms : un ancien colonel de l’armée, fondateur d’une société de mercenaires, et un mafieux reconverti dans le crime financier. Reste le troisième nom. En se faisant agresser dans la villa, la vidéosurveillance livre une silhouette, que Larry compare bientôt à celle de la milliardaire héritière de papa qui multiplie les recherches sur la santé.

Consultant un sociologue, Larry entrevoit que la seule façon d’aider l’humanité serait de créer une banque indépendante des puissances financières, apte à prêter aux pays du sud sans contrepartie géopolitique. « Il faut que chacun ait confiance dans le rôle qu’il y joue et dans le rôle que les autres y jouent. C’était censé s’appeler le capitalisme d’après Adam Smith ». Sauf qu’il a été dévoyé. Son fils de 14 ans montre à Larry comment : par Jeremy Bentham, l’utilitarisme du calcul hédoniste de chacun. Aucun projet collectif, l’égoïsme du chacun pour soi, avec la force pour droit. L’adolescent « achèterait un avenir à la planète », le désordre climatique ayant tué sa maman.

Chacun des autres envoie ses gros bras dissuader Larry B. Max de participer, croyant être le seul à mieux savoir que tout le monde ce qu’il faut à tout le monde. Le colonel veut surarmer l’Amérique et financer la recherche sur de nouvelles armes pour un monde dominé par les élites yankees ; le mafieux veut garantir la croissance actuelle en préparant les villes aux changements du climat, tout en les protégeant des flux d’immigrants ; l’hritière à papa veut financer la recherche sur les implants vitaux qui permettront à ceux qui peuvent se le payer d’être alertés sur leurs dysfonctionnements et pouvoir ainsi obtenir des traitements adaptés. En bref, rien de bien neuf dans le monde trompeur des trumpiens qui ont voté grande gueule et agressivité.

Argon a réuni les trois sur son bateau, et Larry, qui avait décliné la proposition, finit par se joindre à eux à la surprise de tous. Non pas pour un projet de dépense des trente milliards, mais pour tout simplement l’en empêcher. Il a découvert un document, issu des recherches de l’avocate, faisant état d’un orphelinat en Australie financé par Argon, avec deux autres pour noyer le poisson. L’origine de sa fortune vient de là… Et la fin, que j’omets volontairement, est spectaculaire.

Le scénariste Desberg caricature évidemment un peu tout : les milliardaires forcément salauds, les puissants prêts à tout et à tuer, l’élitisme forcené de la nouvelle classe libertarienne, le génie informatique des surdoués désintégrés dès 10 ans, le cocon de la famille et des rejetons. Il simplifie le monde entre bons et méchants, dans la ligne du catholicisme belge de ses années de jeunesse, le diable et le bon Dieu. Mais c’est une BD d’action, pas de pédagogie sur les affaires. Elle convient parfaitement à l’époque superficielle et moutonnière, qu’un James Bond financier, papa comme tout le monde, rassure.

Stephen Desberg et Carlos Rafael Duarte, I.R.$ Trente milliards de dollars – tome 25, 2025, Lombard, 56 pages, €13,95 , e-book Kindle €5,99

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Telo et Dorison, Les gorilles du général

Comme les Trois mousquetaires, ils étaient quatre, les « gorilles » du général. Les gorilles ne sont pas des singes, mais initialement des gros bras, chargés de la protection des personnalités. Le terme a été créé par Antoine Dominique en 1954 dans l’un de ses romans de la Série noire. « Il y a des BD de tout », me disait un libraire d’une grande chaîne de diffusion. Ce roman graphique revisite l’histoire en mettant à l’honneur les petites mains du général de Gaulle, lorsqu’il est revenu au pouvoir en 1958, appelé par la chienlit de la IVe République.

C’est de l’Histoire, mais c’est aussi une « belle histoire », autrement dit une vision romancée et adaptée, « plus vraie que la vérité », aime-t-on parfois dire. Alexandre Dumas, père des mousquetaires qui étaient quatre, disait volontiers qu’on peut violer l’Histoire (c’était avant Mitou) – si on lui fait de beaux enfants (c’était avant la peur d’enfanter). Les auteurs ne s’en privent pas, avec un scénario crédible et des dessins superbes. Milan, Bertier, Santoni et Zerf sont les personnages des vrais Sasia, Tessier, Comiti et D’Jouder. Seul le général joue son vrai rôle, comme Foccart, « le Chanoine », véritable éminence grise du gaullisme, décédé en 1997.

En 1959, de multiples attentats contre de Gaulle se préparent de la part des pieds noirs qui ne veulent pas lâcher l’Algérie, et d’une partie de l’armée acquise aux thèses de la « victoire » sur les fellaghas. Or de Gaulle sait que la situation n’est pas tenable à terme. Un million de Français contre huit millions d’Arabes, c’est impossible à tenir dans la durée sans une situation d’apartheid (incompatible avec les valeurs de la République française), ou à l’israélienne (et l’on voit comment cela finit). Il faut donc proposer, comme pour la Nouvelle-Calédonie aujourd’hui, trois solutions : l’intégration pleine et entière, faire des Arabes algériens de complets citoyens français (ce qu’on fait à Mayotte), ou la sécession et l’indépendance, avec les risques de vengeances internes et d’égorgements civils (ce qui est advenu), ou le gouvernement des Algériens par les Algériens dans le cadre d’une Union française.

Ce sont ces quelques mois avant le grand discours proposant le choix par référendum qui mettent les gorilles sur les dents. Aussi bien le FLN que l’OAS ne veulent pas de « la paix », ni de la libre détermination par le vote ; chacun veut imposer son pouvoir. Tuer de Gaulle, et ceux qui le soutiennent, est d’importance vitale pour frapper l’opinion.

Milan, adolescent de la Résistance, héros de la libération de Paris, para et judoka confirmé, engagé par le Sdece, commando devenu capitaine, ayant quitté l’armée pour devenir instructeur au FBI de Hoover, est chargé par le Chanoine d’évaluer les trois gorilles restant du général, l’un d’eux ayant été écarté. Ce sont de braves types, mais tout dans les muscles, pas grand-chose dans le cerveau, des gros bras à l’ancienne bons pour les meetings, pas contre les attentats. En revanche, ils sont dévoués. Milan va s’efforcer de se faire reconnaître et de les former à leur nouveau rôle.

Cela dans un Paris en effervescence où des gens tirent sur la foule, où des ménages sont inquiets de leur fils envoyé en Algérie, pays pour lequel ils n’ont aucun intérêt. Si cette histoire est une fiction, la véritable histoire lui ressemble. Une façon de découvrir, ou de se remémorer ces années sombres où la guerre antinazie se poursuivait dans les affres de la décolonisation. Une situation que l’on a trop oublié aujourd’hui, même si la guerre est revenue, ouverte en Ukraine, Cyber en Europe et tout particulièrement en France où des collabos pro-Poutine et des ennemis de l’intérieur pro-Trump minent les bases de la République pour imposer leur pouvoir autoritaire.

Julien Telo et Xavier Dorison, Les gorilles du général – septembre 59, 2025, Casterman, 96 pages, €21,95

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Franquin, Idées noires – L’intégrale complète

Franquin est connu pour Gaston Lagaffe et le Marsupilami. Dans ce recueil de planches pour les fanzines des années 1970, il révèle les dessous de notre civilisation : le nucléaire, la peine de mort, la guerre, la chasse, le fric. C’est parfois de l’humour, surtout de l’ironie. Parce que Franquin le dépressif n’est pas tendre avec les humains.

Le chasseur est un gros beauf qui adore tuer – et Franquin invente la cartouche qui part à l’envers ; le propriétaire du cheval de course est un gros con qui ne pense qu’à la course, il achève bien les chevaux lorsqu’ils ont la patte cassée – Franquin invente le cheval qui vient achever le jockey. L’amoureux prédateur aime tant la fille qu’il embrasse qu’il voudrait la dévorer – Franquin le prend au mot et le beau se rassasie. Le vendeur d’armes fait inventer divers types de missiles qui réussissent tout – même à faire sauter le gros con de général qui allume un faux cigare, missile en réduction posé sur le bureau. Quiconque a tué volontairement aura la tête tranchée – beau principe, que Franquin prend tel qu’il est en faisant trancher la tête de chacun des bourreaux à son tour. Le pasionné de bonzaï, qui torture se splantes pour les faire pousser petites et tordues, élève ses enfants pareil. Le capitaliste qui serre les coûts invente le boulon en carton, avec 10 % seulement d’acier – imparable ! Son avion part en morceaux. Même les survivants d’un holocauste nucléaire, presque nus, réinventent la civilisation en choquant deux cailloux pour faire du feu – mais ce sont des grenades abandonnées par la civilisation détruite. Et ainsi de suite…

C’est drôle, c’est désabusé, en phase avec le no future des années 70 et 80 chez les hippies laissés pour compte par le mouvement général du monde. « Je ne suis pas un humoriste, dit-il en interview en début de volume. Je suis un con, tout à fait normal, qui essaie de rigoler parce qu’il en a besoin (… et) parce que je suis né dans une famille qui ne rigolait pas du tout. »

Il ne faut pas être dupe – jamais. Le chien fidèle qui hurle à la mort parce qu’on enterre son maître reste sur la tombe à pleurer… mais sur sa baballe qu’on a mis dans le cercueil.

Un dessin bien noir pour des idées noires, autre façon de célébrer le vrai, « l’authentique » comme disait Pagnol. Nietzsche pensait qu’il n’y a rien de plus cruel que la vérité nue – non pas la Vérité platonicienne ou divine, mais la sincérité personnelle et l’honnêteté intellectuelle qui font voir les choses sans fioritures. Apollon, le dieu solaire, tranchait de même l’obscurité par ses rayons implacables. En disant vrai, l’individu se libère de l’hypocrisie sociale admise et établit son moi véritable – l’inverse du garçon de café sartrien qui joue un rôle. Ce pourquoi la plupart des gens préfèrent se faire leur cinéma et chérissent leurs illusions, comme une drogue qui endort et leur fait voir la vie en rose.

La vérité est que la chasse est un passe-temps de sadique entre mâles, prétexte à se bourrer la gueule et à comparer qui a la plus grosse – le fusil Pandan Lagl est-il meilleur que le Gastinne Renette ? La vérité est que le hippisme est un « sport » où le cheval fait tout et l’homme pas grand-chose. La vérité est que « l’amour » est rarement équilibré, l’un ou l’une voulant bouffer l’autre, en fusionnel, par ingérence physique et intégration morale sans merci. Et même le désespéré du climat qui s’inonde d’essence en bidon pour en finir gaspille la planète et concourt au réchauffement climatique. Le con.

Tout cela est vrai. Tout cela est cruel. Surtout quand on ne veut pas l’entendre.

Franquin, Idées noires – L’intégrale complète, Fluide glacial 2020, 80 pages, €17,90, e-book Kindle €8,99

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Meyer Delabie, Dorison, Undertaker 2 La danse des vautours

La suite du Mangeur d’or, déjà chroniqué sur ce blog (voir plus bas).

Nos héros, l’Undertaker (croque-mort), Miss Prairie et Lin sont bloqués sur le pont de planches. La cavalerie US les a rejoints et veut en savoir plus, les villageois de la mine arrivent en force. Prairie veut accomplir sa mission, jurée à Cusco, propriétaire de la mine en 1865 ; l’Undertaker veut fuir la région ; quant à Lin, elle a promis elle aussi, mais quoi ? Les mineurs, eux, veulent l’or que le cadavre a avalé avant de mourir. Une fièvre de l’or que la puanteur du corps rebute à peine.

Ils tirent sur les soldats et les massacrent. L’Undertaker en profite pour faire couper les cordes du pont. Ils ont gagné six heures, les mineurs devront passer par un autre pont plus loin. Le corbillard avance, cahin-caha, vers sa mission : la mine où le cadavre doit être déposé. Cela se passe mal. Lin est blessée et doit être soignée, d’où retard.

Les mineurs arrivent presque en même temps que le corbillard à la mine. Les trois héros s’échappent en monte-charge. Les mineurs pénètrent dans les ténèbres ; ils sont piégés, une explosion bouche la sortie. Il vont crever de soif, bien fait pour leur avidité. L’or ne nourrit pas.

L’Undertaker se retrouve, blessé, soigné durant trois jours dans un village que la Miss a réussi à atteindre. L’Anglaise est morale, elle tient à ses principes, un brin rigide ; l’homme est sans principes, en dehors des plus grands. Ils vont s’entendre. Elle est amoureuse de lui, et lui d’elle, sans le savoir. Elle fait retaper le corbillard et s’associe. Ils sont prêts pour de nouvelles aventures.

Toujours un beau dessin, expressif et fouillé ; une bonne histoire où l’action ne manque pas, pas plus que l’immoralité foncière de l’humain. A suivre…

BD Ralph Meyer, Caroline Delabie, Xavier Dorison, Untertaker 2 La danse des vautours, 2004, Dargaud 10ème édition 2015, 2025, 54 pages, €17,50, e-book Kindle €9,99

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Tardi et Léo Malet, Du rififi à Ménilmontant !

Léon Malet dit Léo est orphelin très tôt à cause de la tuberculose ; anarchiste à 14 ans, il devient chansonnier de cabaret à Montmartre à 16 ans, puis journaliste, proche des surréalistes et des trotskistes, puis vendeur de journaux avant d’écrire des polars à la française. Son kiosque existe toujours, à l’angle des rues Sainte-Anne et des Petits-Champs à Paris. Son détective privé Nestor Burma, créé en 1943, a les bureaux de son agence Fiat Lux, au-dessus de ce magasin, un immeuble à cariatides que Tardi dessine aujourd’hui.

Burma est un parigot cynique et gouailleur comme son temps d’après-deux guerres. Le Rififi conté ici a lieu en 1957. Mon siècle avait deux ans et connaissait les automobiles Ford Vedette, les Peugeot 203 et la fort laide Dyna X Panhard à deux temps dont l’avant ressemblait à un nombril mal cicatrisé. Nestor n’aime pas les flics, en général ignorants et imbus de leur uniforme, mais il aime les bistrots et s’écluse régulièrement un ballon de blanc sec durant ses périples. D’ailleurs la secrétaire de son cabinet ressemble à Adèle (Blanc-Sec, un personnage de Tardi). Nestor Burma frise avec la ligne jaune de la morale, n’hésitant pas à la franchir lorsque c’est pour sa bonne cause.

Ici, une bourgeoise au manteau fourré et accessoires en or l’attend à son bureau pour lui avouer qu’elle a tué son mari – il est sous le piano – et qu’elle a mis assez de fric dans une enveloppe pour que le détective fasse ce qu’il faut. Et elle se tue au revolver sous ses yeux. Burma planque l’enveloppe et le fric dans les chiottes avant de prévenir son flic préféré, Faroux, chef de la Section centrale criminelle à la Police Judiciaire. Nous sommes près de Noël et le flic n’a pas encore terminé son sapin que, déjà, la bourgeoisie sent le sapin. Le mari de la Manchol est mort, sa mère est morte, son père est mort, tous assassinés.

Pourquoi ? Burma, qui s’enrhume, se soigne aux produits Manchol, dont les hommes-sandwiches vantent les vertus pharmaceutiques dans les rues grises de Paris. Ils sont déguisés en pères Noël rouges et semblent suivre ou poursuivre le détective qui fouille trop à leur gré. Il s’agit des trois frères Grappin, issus de l’Assistance. Une Vedette verte manque aussi de l’écraser plusieurs fois, et un pochard qui pue, La Biture, lui fait payer force coups de blancs secs pour le rencarder sur les Manchol. Il a travaillé des années dans la société et en connaît un bout ; on parlait librement devant lui, qui n’était rien. Il vit aujourd’hui en sous-sol avec ses greffiers (pour les analphabètes, voir la définition ici).

Est-ce la ronde des bistrots ? Les ballons de vin répétés ? Le radotage de la Biture et des flics ? Nestor Burma le détective tourne en rond, et les dessins de Tardi s’étirent, montrant Paris en hiver. Il y a peu de gens et de voitures, avec de la neige encore – avec l’explosion démographique, l’immigration sauvage et le réchauffement, tout cela a disparu. Un dessin clair et une graphie en gros caractères pour cette édition « roman » réjouissent l’œil. Tout va se résoudre en eau de boudin, la sordide affaire de famille, le marché noir de cochonnerie durant l’Occupation, l’expérimentation animale et les médocs inefficaces. Nestor va garder ses biftons et devoir adopter les greffiers de la Biture. Il y en a bien une trentaine, tous affamés, livrés en camionnette à son bureau par le bistrotier favori du pochard.

BD Tardi et Léo Malet, Du rififi à Ménilmontant ! – Nestor Burma dans le 20e arrondissement, 2024, Casterman, 192 pages, €25,00

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Nury et Vallée, Il était une fois en France

Un roman graphique sur le destin d’un petit juif qui s’est fait tout seul, dans le monde dangereux du début du XXe siècle. Victime d’un pogrom enfant, en Moldavie alors russe, orphelin de force, il a émigré en France pour devenir ferrailleur.

Profitant de la Seconde guerre et des besoins cruciaux en métaux, par son entregent et son besoin vital de protéger sa famille des menaces de l’aryanisation, il est devenu milliardaire à Clichy. Donc collabo économique par nécessité, puis résistant par opportunisme, criminel pour se préserver, héros pour avoir livré des armes à la Préfecture de police de Paris au Débarquement. Joseph Joanovici a connu un destin exceptionnel de bête traquée solitaire qui a su se défendre.

Il ne savait ni lire, ni écrire. Comme Trompe qui ne lit jamais rien qui dépasse deux phrases, il préférait le deal. Payer pour négocier, payer pour protéger, payer pour se faire des obligés – donnant, donnant. Il aurait dit : « Je n’étais pas vendu aux Allemands puisque c’est moi qui les payais ! » Henri Lafont, chef de la Gestapo française, l’a protégé et a obtenu pour lui un certificat d’Aryen d’honneur, et une carte de la Gestapo, bien pratique pour éviter l’arrestation. Joanovici a financé le groupe de résistants Honneur de la police, a aidé des réseaux d’évasion vers l’Angleterre dès 1941, et a fait libérer par ses relations environ 150 partisans raflés par la Gestapo, notamment Françoise Giroud.

Un petit juge va s’acharner à le poursuivre, une fois la guerre finie, parce que des sbires ont violé sa femme. Sur ordre de qui ? Pas de Joanovici, mais… Ruiné, condamné à résidence, sa fortune refaite à Mende au fin fond de la province (il suffit d’un téléphone pour ce trader en métaux), évadé en Suisse, passé en Israël sous un faux nom, expulsé pour avoir menti sur son identité malgré la « loi du retour », à nouveau ruiné par le fisc français, emprisonné pour cinq ans, libéré, il s’éteint sans sa famille en 1965, soigné par son ancienne secrétaire et maîtresse Lucie Schmidt, surnommée Lucie-Fer. Il a su survivre au nazisme.

Le scénario de Fabien Nury mêle l’authentique au reconstitué pour fournir une histoire cohérente, ni bien, ni mal, juste la vie. Le dessin de Sylvain Vallée est réaliste, accentuant les « gueules » de malfrats, de nazis, de juifs. Rien de politiquement correct, mais rien de polémique non plus. Dans les époques troubles, les âmes humaines qui sont complexes réagissent différemment. Elles s’adaptent. Le petit Joe, l’immigré illettré, l’homme d’affaires de mèche avec tous les milieux y excelle. Même si sa vie familiale en souffre, il voit plus loin : préserver à tout prix les enfants, qui sont au fond le seul héritage que l’on laisse.

Un gros roman dessiné qui nous fait plonger durant quelques heures dans le sombre et le complexe. De quoi réfléchir aux jugements hâtifs, aux préjugés de masse, aux vérités trop simples.

Cela s’appelle l’intelligence.

Prix de la série BD Angoulême 2011

BDFabien Nury et Sylvain Vallée, Il était une fois en France – intégrale tomes 1 à 7, 2007-2012, Glénat 2020, 374 pages, €49,00

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Le Naour et Le Bihan, Le crétin qui a gagné la guerre froide

Le titre est provocateur, Ronald Reagan ne mérite pas autant d’acrimonie. D’autant que le scénario, qui retrace ses huit années à la Maison blanche, après réélection par un quasi grand chelem des États, montre combien il a su insuffler un projet, communiquer avec des idées simples, et assurer une volonté de contrer carrément une URSS en capilotade. Les parallèles avec aujourd’hui sautent aux yeux.

Reagan était un acteur, pas un bouffon de télé-réalité, c’est ce qui le différencie de Trompe, cet appendice droitissime du parti de l’Éléphant. Mais il était aussi ennuyé que lui par la masse d’informations qui lui étaient communiquées, par les notes qu’il « devait » lire, par la sophistication technocratique des idées. Pour Reagan, seulement des idées simples. Elles seules portent et définissent un cap. Évidemment, pour le Bouffon vaniteux à mèche blonde actuel, le cap n’est pas ce qui le caractérise… Il est adepte du coup de pied dans la porte des manuels de vente (chapitre 1, paragraphe 1 – il n’en a pas plus plus de deux lignes) : si votre interlocuteur avec qui vous tentez un « deal » n’est pas intéressé et commence à refermer sa porte, flanquez un grand coup dedans. Il sera tellement estomaqué (« sidéré » comme on bavasse aujourd’hui), qu’il vous laissera une minute au moins pour défiler votre argumentaire. Lequel pourra l’accrocher s’il est bien ficelé. Avec Poutine le Russe KGB, pas plus qu’avec Kim le Coréen, ça ne marche pas. Ils laissent venir et cause toujours.

Le bon coup de pied dans la porte avec le Russe, ce serait une bonne dose de missiles à longue portée offerts aux Ukrainiens, plus quelques sanctions sur le système bancaire et la traque des contournements d’embargo sur le pétrole. Rien que la menace, comme Reagan fit de la « guerre des étoiles » (qui est restée un mythe), amènerait probablement le Kremlin à mettre des glaçons dans sa vodka. Mais voilà, la Tête de linotte ignare de la Maison blanche ne croit que le dernier idéologue paranoïaque et borné de son entourage qui parle sur le moment. Rien à voir avec Reagan, le regretté Ronald Wilson.

A 16 ans, Ronald a sauvé 77 vies comme maître-nageur ; qu’a fait la jeune Trompe à cet âge, réputé « adolescent difficile » ? Reagan a fait son service militaire actif, pas Trompe, réformé. Comme Trompe, Reagan a fait face à une tentative d’assassinat, et il croyait que Dieu avait épargné sa vie pour qu’il puisse réaliser de grandes choses. Reagan avait cette idée de bon sens que trop de gouvernement est le problème, mais il n’a pas élagué à la tronçonneuse des pans entiers de l’État, ni surtout supprimé l’US Aid ni la radio libre Voice of America, instrument vital de soft power américain dans le monde. Même s’il a licencié les 11 345 contrôleurs aériens en grève illégale selon la loi fédérale. Adepte d’une économie de l’offre, favorisant les entreprises par la dérégulation et les baisses d’impôts pour les particuliers (de 70 % à 50 % pour la tranche la plus haute), il a préféré laisser faire le marché qu’imposer des règles et des normes contraignantes. Ce ne fut pas si mal, le chômage est passé de 7,4 % sous Carter à 5,4 % sous Reagan et l’inflation de 12,5 % à 4,4 % en moyenne sur ses mandats ; les recettes fédérales ont augmenté à une moyenne de 8,2 % par an. Même si l’on est passé ensuite d’un excès à l’autre, aboutissant au krach mondial de 2008.

Il avait une conception simpliste, mais réaliste de « la paix par la force », tirée de l’adage antique si vis pacem, para bellum – si tu veux la paix, prépare la guerre. Pour donner un coup d’arrêt à l’expansion soviétique sur le continent américain, Reagan n’a pas hésité à envahir la Grenade, et à renverser le président pro-soviétique. Il a quitté les négociations « de détente » après l’invasion de l’URSS en Afghanistan, au contraire de Trompe qui n’a de cesse que de mendier la langue pendante pour « dealer ». Reagan : « Il n’est plus question de discuter avec les soviétiques qui, depuis l’invasion de l’Afghanistan, ont montré qu’il ne respectaient pas les règles. La seule morale qui vaille à leurs yeux, c’est celle qui sert leur cause. Ils s’arrogent donc le droit de commettre n’importe quel crime, de mentir et de tricher. Nous ne pouvons le tolérer » p.15. Remplacez Afghanistan par Ukraine et vous aurez la situation actuelle. Mais Trompe n’agit pas comme Reagan au contraire. « America is back » était le slogan de Reagan ; fondé sur la puissance. La resucée de Trompe la laisse en berne, ce sont juste des mots, on attend toujours les actes

Pour contrer les missiles SS20 qui menaçaient l’Europe, Reagan a fait déployer les missiles Pershing, contrairement à Trompe qui veut se désengager d’une Europe qu’il méprise (pour d’obscures raisons d’héritage familial, peut-être). Le vol de la Korean Airlines, avion civil descendu sans sommation par les Russes en 1983, qui fit des morts américains, a poussé Reagan à qualifier les Soviétiques de massacreurs et qu’ils « s’étaient tournés contre le monde et les principes moraux qui guident les relations humaines ». Pas Trompe après les massacres de civils en Ukraine…

Il a surtout communiqué sur le bouclier anti-missiles, qui rendraient les têtes nucléaires soviétiques inutiles, au grand dam de l’URSS, pays économiquement exsangue, pourri de l’intérieur – comme aujourd’hui. La course aux armements a conduit à la fin du soviétisme, de son idéologie morte et de son empire craquelé. Une grande victoire américaine, et pour la liberté. Que fait Trompe ? Tout l’inverse. Il conforte le moribond mafieux au lieu de l’endiguer, et encourage les dictatures à s’emparer de leur étranger proche.

Malgré un dessin peu porteur, des cases trop petites et trop carrées, aucune audace dans le traitement de l’image, cet album remet en selle le président cow-boy qui a rendu sa grandeur à l’Amérique après le désastre du Vietnam en soldant la guerre froide. Son conservatisme n’était pas crispé et paranoïaque comme celui du vice JD Vance, mais plutôt pragmatique, équilibrant idéologie et contraintes politiques. Il a redonné foi au pouvoir de faire de la présidence et rendu aux Américains le respect d’eux-mêmes. Ce n’est pas le cas de Trompe le trompeur, qui agite du vent et se met à dos ses plus proches alliés dans le monde, et délaisse tous les peuples, au nom d’un égoïsme sacré de nanti vaniteux.

Un album utile pour réviser son histoire de façon plus ludique qu’un manuel.

Jean-Yves Le Naour et Cédrick Le Bihan, Le crétin qui a gagné la guerre froide, 2025, Grand Angle Bamboo éditions, 63 pages, €15,90

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Stefano Martino, Les Chroniques d’Atlantide 3 La rage du dieu serpent

L’Atlantide est un monde mythique qu’a évoqué Platon, un monde antique dont on ne sait rien, et qui excite les imaginations. Comme le niveau des mers a monté depuis l’Antiquité, la découverte de murs sous la mer par les archéologues n’a rien d’étonnant, mais ils font rêver à ce monde perdu. Est-il venu des étoiles ? D’une civilisation avancée qui s’est autodétruite par des guerres intestines ?

C’est la thèse de cette BD en trois tomes, dont la fin vient nous donner la clé : la guerre ne sert jamais à rien, qu’à détruire et à rendre triste. Eoden, le roi guerrier d’Atlantide, est réputé tué au combat. Mais c’est une ruse pour vaincre son ennemi juré, Thorun. Le grand prêtre Hak-na, le grand prêtre du culte de Rankoom qui attise la haine, s’avère un fils bâtard chassé du palais pour préserver la race.

Le général des armées de Mu va profiter de l’occasion pour attaquer le roi Leoden et la reine Naeel. Dans le temple du serpent à plumes, où Leoden se rend avec Naeel, l’ancienne menace se réveille. Il s’agit d’un grand oiseau préhistorique dont le bec garni de dents est redoutable. Leoden va le payer de sa vie, lui qui n’a qu’une épée humaine à opposer. Heureusement qu’une chercheuse a découvert la poudre et a offert à la reine une arme chargée. En lui faisant promettre de garder pour elle cette technique létale, car la guerre ne cesse de ressurgir dans les esprits humains, et tous les moyens sont alors utilisés pour imposer le droit du plus fort.

C’est ce qui a détruit Mars et sa civilisation avancée, qui a détruit l’Atlantide qui avait recréé un royaume sur la Terre. Sans cesse, l’histoire va recommencer. Car « la démocratie » est bien fragile, qui reste un choc des egos et des partis, entretient la division et les oppositions. Pourtant, existe-t-il un système moins mauvais ?

Un scénario convenu et un dessin un peu flou, qui aime à exagérer les attributs mâles ou femelles des héros, chevelures et poitrines. Une leçon de sagesse aux affidés des jeux violents, vidéo ou BD. « Qu’est-ce que cette guerre a résolu ? Qu’est-ce que les précédentes ont résolu ? Et que résoudra la prochaine ? Rien. Nous sommes destinés à nous entretuer et à souffrir… et je n’en peu plus », déclare le roi Eoden après l’ultime bataille.

BD Stefano Martino, Les Chroniques d’Atlantide, tome 3 La rage du dieu serpent, Glénat 2025, 68 pages, €15,95, e-book Kindle €11,99

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Meyer, Delabie, Dorison, Untertaker 1 Le mangeur d’or

Cela se passe dans l’Ouest américain , au XIXe siècle. The Undertaker est l’entrepreneur, en général des pompes funèbres. Le gars se déplace en corbillard et le mamamadit veut que cela porte malheur de lui parler. Les gamins le lui disent ; et il leur répond qu’elle a raison. Mais que ceux qui refusent de répondre sont enterrés vivants. Joe Crow sait donc ce qu’il doit savoir.

Le télégraphe l’a mandé pour un enterrement à Anoki City, pour un certain Joe Cusco, « gros » propriétaire d’une mine d’or qui a fait sa fortune. Il y va donc, avec son vautour apprivoisé. Si l’homme mange du porc aux haricots (matin, midi et soir), l’animal ne mange que du steak, à la rigueur de la charogne, mais ça ne s’achète pas chez les commerçants sérieux. Et cela fait des jaloux chez les mineurs sans un flanqué de leurs multiples gosses (en faire reste le seul loisir, le soir).

A Anoki, Joe Cusco le reçoit au poulet rôti, devant sa jeune gouvernante anglaise, sa bonne chinoise et son factotum revenu de la guerre. Il veut un corbillard tout simple et un enterrement rapide. Pour quel cadavre ? Le sien… Mutilé, souffrant, il a en effet décidé d’en finir.

Mais en bon Yankee, avide et égoïste, rien pour les autres. Il s’est fait tout seul, il emportera tout ce qu’il a acquis. Comment ? Le lecteur le saura. L’enterrement ? Dans sa mine fétiche, là où il a découvert son premier filon. Mais n’allez pas le truander, le testament destiné à la Miss est très clair : un otage sera tué lentement par un Indien soudoyé, si le corbillard n’arrive pas en temps et en heure – intact.

Ce serait donc si simple ? C’est sans compter avec la foule, son avidité, son égoïsme, sa bêtise bien yankee du populisme. Il suffit d’un meneur – et un Trompe se présente, le factotum de Cusco, une grande gueule revancharde qui ne se prend pas pour rien. Le shérif est pourri, il suffit de payer ; les armes sont à la boutique, il suffit de les prendre. Le shérif arrête l’Undertaker, la gouvernante et la bonne, mais ceux-ci rusent pour s’évader. C’est facile avec les instincts primaires des Yankees : il suffit de leur montrer une paire de seins nus (avec leur morale puritaine, ils n’ont jamais vu ça). Et c’est la chasse au corbillard.

Celui-ci prend de l’avance, mais sera rattrapé par les chevaux des autres. Tout se joue sur la passerelle de planches branlantes au-dessus du canyon : il suffit de passer, de retarder les cavaliers, puis de couper les cordes. Sauf que ce serait trop simple pour l’histoire. Et le shérif a reconnu sur un avis de recherche un sharpshooter – tireur d’élite de l’Union. La gouvernante, rigide et moralisatrice, met en joue l’Untertaker. Un coup de feu éclate…

Et la suite est dans les tomes suivants, six autres pour ce « plus grand western depuis Blueberry ». Superbement dessiné, dialogues ironiques et scénario à suce panse.

Prix Saint Michel 2015 du meilleur dessin, prix Le Parisien 2015 de la meilleure BD, etc…

BD Ralph Meyer, Caroline Delabie, Xavier Dorison, Untertaker 1-Le mangeur d’or, 2004, Dargaud 10ème édition 2015, 2024, 56 pages, €17,50, e-book Kindle €9,99
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Marini, Les aigles de Rome

Un album aux dessins somptueux sur l’histoire romaine. Ermanamer est un prince Chérusque, autrement dit un Germain, envoyé comme otage à Rome après que le général Drusus, devenu l’empereur Germanicus, ait vaincu les tribus. Marcus est le fils d’un notable romain, Titus Valerius Falco, et d’une princesse barbare. Comme bâtard de Rome, il est plus imbu de sa romanité que quiconque, et voue une haine à sa belle-sœur, vraie romaine d’un premier mariage, et sale garce en même temps.

Les deux garçons vont se rencontrer durant leur adolescence, vers 15 ans environ, sur ordre de l’empereur Auguste, qui exige de Falco, ancien centurion, qu’il éduque les deux garçons ensembles et en fassent de vrais Romains ; il accorde illico la citoyenneté romaine à Ermanamer, sous le nom d’Arminus. Ce nom deviendra célèbre dans l’histoire…

Arminius, aussi blond que Marcus est brun, n’a peur de rien et adore le combat. Il a déjà tué un ennemi lorsqu’il avait 13 ans. Marcus est entraîné dans son sillage à devenir un homme et à dompter sa fougue inefficace. Le garçon est un brin voyant, comme sa grand-mère barbare, et ses rêves de louve blanche lui instillent de la peur. Un légionnaire au service de Falco s’occupe des deux adolescents rétifs et les mène à la dure. Il ne tarde pas à voir leur corps se développer, leur endurance croître et leur courage avec. Rien de tel qu’un corps sain et athlétique pour avoir un esprit serein et sûr de soi.

Un jour, dans la forêt, Marcus sauve par réflexe Arminius d’un ours qui l’a fait tomber de cheval, sous lequel il reste coincé. C’est alors l’amitié, célébrée à la chérusque, par échange des sangs. Mais les deux garçons sont pleinement hétéros, malgré l’ambiance romaine favorable aux relations avec les jeunes garçons. Le légionnaire instructeur a son propre petit esclave, tout comme le père de Marcus a son mignon. C’est encore Arminius qui fait initier Marcus à l’amour avec une femme, l’esclave Thalita après l’avoir baisée sous ses yeux. Les garçons gonflés de sève aiment bien tout partager, même les moments intimes.

La belle-sœur de Marcus est vouée à épouser un gras sénateur, trop vieux pour elle ; elle veut se faire déflorer avant par un homme qu’elle a choisi : le bel athlète Arminius. Durant l’acte, auquel elle prend du plaisir, elle dit au garçon souhaiter la mort de sa belle-mère, qu’elle hait. Sans que l’on sache qui l’a fait, ladite belle-mère est retrouvée morte dans son jardin, comme paisiblement endormie.

Marcus et Arminius s’entraînent au camp romain et vont se détendre le soir à la ville, baiser à 18 ans. Le souteneur leur propose diverses marchandises de chair, dont une fausse Cléopâtre voilée, une négresse à grosses fesses et deux jumeaux préados – mais c’est une jeune fille qui passe en chaise à porteur, « la pute la plus chère de Rome », qui les embarque. Ils lui feront, à deux sur elle, tout ce qui fait plaisir, dans le même lit, sous le regard impassible des esclaves de la belle. Si les postures sont réalistes, jamais on n’entrevoit de sexe, selon les conventions de la censure. Ce pourquoi ces albums peuvent être conseillés aux grands enfants et adolescents. Je suis toujours amusé des commentaires de lecteurs qui s’étonnent que ces bandes dessinées ne soient pas réservées aux adultes : eux ont droit de voir, pas les autres ; petite mesquinerie élitiste qui n’a rien à voir avec « la morale ».

Pendant que les garçons vigoureux épuisent ainsi agréablement leur jeunesse, une devineresse chérusque lance les runes dans la forêt germanique. Elle prédit un destin exceptionnel à Arminius…

BD Marini, Les aigles de Rome – Livre 1, 2007 Dargaud 2024, 60 pages, €17,50, e-book Kindle €6,99

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Bartoll et Eon, Karolus Magnus 3, Défaite en Hispanie

Le roi des Francs Charles se magne de repasser les Pyrénées après le sac de Pampelune. Son neveu Roland, présenté comme un soudard, se fait massacrer par les basques Vascons lors du passage du col, à Roncevaux. Quelle idée anti-stratégique, aussi, de laisser l’arrière-garde convoyer le butin ! Mais leur chef Atza sera décapité par Brunhilde, une saxonne adoptée par Karolus et qui joue triple jeu. Pendant ce temps Marwan, ancien comte Wisigoth converti à l’islam, s’aperçoit que Saragosse est bien tenue par les Sarrasins et qu’il sera dur de la récupérer. Et les Saxons se révoltent, tout entier animés par leur dieu Wotan et résolus à défendre leur arbre sacré Yggdrasil. Que Charles fera brûler.

Une saga dessinée, en plusieurs tomes, qui relate complots et cabales, trahisons et fidélité, en aimant figurer des massacres et du sexe. Tous les personnages historiques célébrés sont représentés comme des rustres, avides de pouvoir. En plein dans la modernité qui prend prétexte des âges farouches pour imaginer des jeux vidéos et dézinguer les vedettes.

Le dessin est fouillé – trop – moins net que Rosinski ou Marini, moins attentif aux détails annexes. J’avoue que ce tome, pris sans avoir lu les autres, ne m’a pas convaincu. Il apparaît comme suspendu dans une suite, sans que l’on ait une histoire. Peut-être faudrait-il commencer par le tome 1 et suivre l’ensemble pour enfin juger du tout.

BD Jean-Claude Bartoll et Eon, Karolus Magnus 3, Défaite en Hispanie, 2025, éditions Soleil, 48 pages, €15,50, e-book Kindle €10,99

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Francq et Van Hamme, Largo Winch – 1. L’Héritier

Tout financier digne de ce nom aura lu au moins une partie de la série BD Largo Winch.

Le personnage est né en 1973 dans l’imagination du belge Jean Van Hamme, licencié en sciences financières, en journalisme et en droit administratif, agrégé d’économie politique devenu ingénieur commercial pour Philips. C’étaient les années finance, depuis l’envolée des cours du pétrole 1973 au krach boursier mondial 2008. Passé du roman de gare à la bande dessinée (Thorgal, XIII, Les Maîtres de l’orge, Blake et Mortimer, Lady S), il a créé Largo Winch avec Philippe Francq. Jean Van Hamme a assuré le scénario de 1990 à 2015, jusqu’au tome 20. La saga se poursuit depuis avec un autre scénariste, mais il faut savoir s’arrêter.

Le vieux Winch est à la tête d’un empire financier de dix milliards de dollars : le Groupe W. Il est formé de 562 entreprises et de leurs filiales et emploie 400 000 employés dans 57 pays avec un chiffre d’affaires de 44 milliards. Nerio Winch est vieux et fait envie. Le numéro trois du groupe, qui a détourné de l’argent, est découvert et convoqué. Il y a un prétexte que je vous laisse découvrir, mais au final il ne voit d’autre issue que de pousser dehors le vieux pour prendre sa place. Il le jette du haut de la tour Winch à New York. Un procédé à la Trump : brutal et direct, selon la loi du plus fort.

Sauf que… le vieux avait tout prévu, y compris sa fin prochaine. Depuis vingt-quatre ans, il a adopté en secret un enfant, un Yougoslave comme son arrière grand-père, et d’ailleurs le gamin, Largo Winczlav, est de sa famille, Winczlav était le nom que le grand-père a américanisé en Winch. Sa mère n’a pas voulu dire de qui et est morte en laissant le bébé à l’orphelinat. Nerio l’a reconnu et fait éduquer.

Largo Winch est un aventurier comme tout financier a rêvé un jour d’être : universités prestigieuses dans trois pays, parlant cinq ou six langues, formé aux arts martiaux et à la débrouille. Mieux : « du culot, du sang froid, le goût du plaisir et un petit quelque chose qui ressemble vaguement à du charme ». C’est ainsi que Charity, la fille du consul de Grande-Bretagne en Turquie, fait son premier portrait à 26 ans.

Évidemment, dès qu’il est découvert par les sous-patrons du groupe, ils ne pensent qu’à le faire disparaître. On l’assomme pour le faire accuser du meurtre d’un commerçant turc ; on le colle en taule pour le miner ; on le traque chez le consul de Grande-Bretagne où il s’est réfugié avec un voleur, évadé comme lui de la prison turque ; on tente d’assassiner toute la maison pour faire croire à du banditisme ; on l’attend sur le tarmac où un avion s’apprête à le cueillir, puisqu’il a téléphoné à son copain Freddy, de Nice, mais que l’appel a été écouté… Mais Largo parvient à s’échapper, torse nu, et à retourner d’un coup de pied toutes les situations.

En bref, la finance, c’est du sport. Et des filles, comme Charity, fille de consul. Mais Largo ne tombe pas amoureux : trop jeune, trop inquiet de sa fortune, trop risqué de s’engager. Les requins de la finance n’ont aucune morale, Largo si – c’est ce contraste qui fait le sel des aventures. Une saga qui s’étire sur plus d’une vingtaine de volumes, dont les vingt premiers de Van Hamme me suffisent. Ce sont les meilleurs, le reste est commercial.

Philippe Francq et Jean Van Hamme, Largo Winch – 1. L’Héritier, 1990, Dupuis 2013, 48 pages €15,95, e-book Kindle €8,99

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Scotland de Leo, Rodolphe et Marchal

Kathy Austen est un agent secret britannique à qui, à la fin des années quarante, on confie des missions exotiques au Kenya, en Namibie, en Amazonie. De quoi assurer à chaque fois cinq albums d’aventures. Le fil conducteur est la possibilité d’« extraterrestres », fort à la mode en ces années-là où les puissances développaient des programmes d’avions secrets.

Cette fois, Kathy part en vacances en Écosse, chez sa grand-tante. Elle a passé à Ivy Manor une partie de son enfance et de son adolescence, s’y étant fait des amis de son âge. Las ! Sa grand-tante est morte et le manoir a ensuite brûlé. Mais tout cela est bien mystérieux. Le constable qui a vu le corps, prévenu par des enfants qui jouaient au jeu de piste, a été étonné du visage effrayé de la vieille dame de 86 ans, décédée près d’un rocher qui ressemble à un chien assis. Quant au manoir près de la falaise, en l’explorant, Kathy croit avoir vu une silhouette dans les étages, qui s’est volatilisée. Mais un passage, dissimulé jusqu’à l’incendie par une paroi de bois, semble mener aux souterrains.

Kathy a fait en arrivant la connaissance d’Oscar, vieux professeur d’Oxford passionné de choses étranges. Il transporte dans sa malle tout un attirail d’observation comme un télescope, une caméra infrarouge, etc. Et les gens du cru, grands amateurs de whisky, croient aux fantômes. Elle est invitée chez Bouboule, un ami de jeunesse, qui lui présente sa famille. Mais iln’habite plus le château fantômatique sur la falaise, plutôt une villa qu’il a afit construire derrière. Sa tante continue de hanter le château et reçoit divers poersonnages pas très clairs.

Dailleurs, on prévient Londres : un espion soviétique a été vu à Oban, une localité pas si loin de là. Kathy est le seul agent sur place. Peut-être pourrait-elle en savoir plus ? La suite aux prochains albums, mais c’est alléchant, entre chien des Baskerville et Blake & Mortimer. Un dessin classique, de bonne facture, et un scénario bien découpé.

Le tome 2 voit Miss Austin assommée qui se réveille, un polyèdre étrange, venu d’ailleurs, qui éveille l’intérêt des Soviétiques, une fille nue retrouvée sur la plage en hypothermie, et un gamin du cru qui pêche entre les rochers un étrange instrument qui ressemble à une boussole. Le polyèdre est inattaquable, même avec l’acier le plus dense ; les espions russes s’y cassent les dents. La fille nue est enlevée du dispensaire par un grand barbu et rejoint deux autres personnes, lesquelles cambriolent une banque à Oban sans se faire repérer ni casser les serrures. De bizarres crop circles dans les champs font supposer des soucoupes volantes. Un observateur en voit même une au-dessus de lui la nuit, alors que tout un groupe est censé veiller, mais les autres se sont endormis.

Dans le tome 3, le mystère s’épaissit. Le MI6 dépêche un agent en renfort auprès de Kathy, le jeune George Bennett, censé être l’architecte qui doit évaluer les travaux de restauration de la maison de la tante qui a brûlé. Ils découvrent un souterrain dans la maison qui mène au château. Il aurait été creusé par les Pictes du temps des Romains, puis utilisé par les contrebandiers et les espions durant la Seconde guerre mondiale. Brutalement, un homme se retrouve en castré dans les murs de l’église on ne sait comment il s’est retrouvé là. Les numéros des billets volés sont retrouvés au village, où des étrangers ont loué une ferme. La police de Glasgow envoie deux agents enquêter, ce qui commence à faire du monde pour un si petit bled où Kathy est censée « être en vacances ». Surtout que le Constable surveille tous les étrangers, elle comprise, et la drague impunément. Elle-même croit revoir Lindsey, son flirt de 15 ans…

BD Scotland épisode 1, Leo, Rodolphe et Marchal, 2022 Dargaud, 48 pages, €13,95, e-book Kindle €7,99

Scotland – épisode 2, 2023, €13,95, e-book Kindle €7,99

Scotland – épisode 3, 2024, €13,95, e-book Kindle €7,99

Scotland – épisode 4, 2025, €12,95, e-book Kindle €6,99

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Habemus Bastard de Vallée et Schwartzmann

Il s’appelle Lucien, homme de main. Pour se planquer, se faire curé. Les auteurs passent sur la façon de faire, toujours est-il que le diocèse nomme le nouveau père Philippe à Sainte-Claude, patrie des pipes. Il fait froid, c’est le Jura.

La père n’est pas un catho benêt et sait renégocier. Avec un jeune dealer, trop con pour ne pas se faire choper ; avec l’artisan pour les travaux de l’église ; avec les kids du caté qui le trouvent plutôt marrant ; avec une mère de môme qui le trouve à son goût.

C’est la nouvelle foi, de faire ce qu’on veut – avec la mort au bout. Alors, autant en profiter et ne pas croire tout ce qui est écrit. D’ailleurs, les 2,8 millions de morts de la Bible (où les auteurs ont-ils trouvé ça ?), font tache. Un dézingué de plus ou de moins sur la terre ne se verra pas dans le paysage, surtout si c’est un salaud, comme disait l’autre.

Un dessin découpé en cases comme au cinéma, un scénario potache qui plante le décor, messe expédiée en 10 mn, sermon sans citations, relations directes par un curé à qui on ne la fait pas, flingue dans la poche, sur le mollet et même scotché sous l’autel. On ne sait jamais. Ceux qui veulent sa peau sont sur sa piste.

BD Habemus Bastard tome 1 l’être nécessaire, Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann, 2024, 82 pages, €21,50, e-book Kindle €11,99

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Dufaux et Delaby, Murena 1 La pourpre et l’or

Il y a presque deux mille ans, en 54 de n.e. (comme on dit désormais en woke), Néron prend le pouvoir. Malgré lui – il n’est que le fils d’Agrippine, femme ambitieuse qui a épousé le faible empereur Claude. Celui-ci a eu un fils, plus jeune que Néron, Britannicus, que le demi-frère devenu demi-dieu fera assassiner. Cette BD historique retrace l’histoire des Romains, fertile en opportunisme, corruption, trahison, débauche et meurtres.

Le tome 1 voit l’empoisonnement de l’empereur Claude par des champignons dont il était avide. Son épouse gauloise Agrippine a comploté avec son médecin grec Xénophon pour le faire empoisonner par Locuste. Il commençait en effet à regretter d’avantager son fils adoptif Néron, 17 ans, en défaveur de son fils biologique Britannicus, pas encore 14 ans. Agrippine le lasse et il voudrait épouser à la place son amante Lollia Paulina – mère de Lucius Murena (personnage fictif), adolescent ami de Néron. Claude rédige l’acte de répudiation qu’il présentera le lendemain au Sénat. C’est le moment pour Agrippine d’agir. Elle le fait sans faiblesse. Le jeune Britannicus suivra son père rapidement dans l’au-delà.

L’album est cru et réaliste, la nudité des esclaves, celle du jeune Britannicus dans son lit, ou de l’impératrice faisant l’amour, est montrée telle qu’elle est. La violence des tueries entre gladiateurs n’est pas éludée, tandis que les banquets sont plutôt édulcorés, omettant clairement les esclaves éphèbes. L’album se situe dans le courant néo-réaliste des séries comme Romeou Vikings, où la réalité historique est documentée, la fiction ne servant que de support à raconter l’histoire. Un bel album, séquencé selon des procédés de cinéma, prélude à une solide série.

Néron, mal aimé par sa vraie mère et confronté au constant spectacle de la cruauté et de la trahison, lui qui était sensible et plutôt poète, va finir mal – comme on sait. Superstitions, trahisons, terreur et violence étaient au menu il y a deux mille ans. Ils reviennent sous Trump, qui se croit désormais béni de Dieu parce qu’une balle l’a seulement frôlé. Dans l’une des premières planches de l’album, le dieu Hermès apparaît à Néron, nu et dans sa gloire, pour lui dire : « Le monde est une scène prête à t’entendre, cela ne tient qu’à toi. Mesure ton ambition à celle des divinités. Ne recule pas devant les possibilités, la crainte, la pusillanimité des hommes. Toi aussi, tu seras un dieu. Si tu le désires vraiment. » Trump, comme lui, n’a plus de limites.

Le sénateur ancien Médecin du Monde Claude Malhuret, dans une philippique célèbre contre Trump, est devenu une star aux États-Unis, devant le silence incompréhensible des Démocrates et de la presse américaine. Il évoque au Sénat le « dictateur doublé d’un traître » Trump, « Washington devenue la cour de Néron, empereur incendiaire », flanqué de son « bouffon sous kétamine » (et ketchup !) Musk. Son discours redonne de l’honneur à notre République, réaffirme les Lumières et dit clairement aux dictateurs d’aller se faire foutre. Ce qui est très réjouissant.

A nous désormais de prendre en main notre ambition de rester libre. La (re)lecture de Murena peut y contribuer, suscitant notamment le débat parmi les jeunes.

BD Dufaux et Delaby, Murena 1 La pourpre et l’or, 1997, Dargaud, 48 planches, €13,95, e-book Kindle €6,99

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Hervieux, Prieur, Malgras, Les guerres napoléoniennes

Des anecdotes héroïques ou cocasses contées par un écrivain blagueur, ex-prof d’histoire, et BDessinées en ligne claire par Camille Prieur, colorisées par Vincent Malgras. La collection Le petit théâtre des opérations, récompensée en 2023 par le prix Atomium à Bruxelles, capitale de la BD, rappelle des histoires dans l’Histoire – toutes véridiques.

C’est ainsi que le général Lasalle est devenu « jean-foutre » selon son expression, parce qu’il est mort d’une balle hongroise à 34 ans au lieu de 33. Il avait sabré nombre de Russes, d’Anglais et de Prussiens pour son empereur.

Daumesnil est resté patron du fort de Vincennes et a refusé de rendre les armes et la poudre après l’abdication, puis une seconde fois après Waterloo – où ce sont les Hollando-Belges (la Belgique n’existait pas encore), méprisés des Anglais, qui leur ont permis de vaincre.

Le capitaine de Chambure, réveillé par les canons prussiens à Dantzig, se met en colère : il effectue une sortie pour culbuter ces pendards qui l’empêchent de dormir. Puis une seconde nuit, puis une troisième. Il a tourné les avants-postes par des barques sur le fleuve mais le courant les a emportées ; lorsqu’il veut rentrer dans la ville, la route est coupée. Qu’à cela ne tienne, il effectue une « rentrée » : a-t-on jamais vu, de mémoire de Prussien, des assiégés sortis qui veulent rentrer ?

Les femmes ne sont pas en reste, non plus que les juments. Madame Sans-Gêne s’appelait en vrai Marie-Thérèse Figueur et a servi l’armée plus que son homonyme, femme de général, qui a pris le pas sur elle dans la légende parce que deux écrivaillons en ont fait une pièce de théâtre. Quant à la jument Lisette, une cavale qui bouffait de la viande, comme le Bucéphale d’Alexandre, elle mordait carrément les Russes qui voulaient achever son capitaine blessé sur elle. Marbot fut ainsi sauvé par sa jument mangeuse d’homme.

L’amiral russe Dimitri Senyavin, commandant de la Flotte du tsar en Méditerranée, a échangé des coups de canon avec la flotte française de Napoléon avant que… le traité de Tilsit ne transforme les ennemis en amis et l’oblige à rendre toutes ses prises. Puisque que c’est comme ça, je ne ferai plus rien ! S’exclame de bouillant amiral, au grand étonnement des Anglais qui « l’invitent » chez eux, le constituant prisonnier sans le lui dire.

D’autres anecdotes parsèment les grandes, comme Napoléon chassé par des lapins, les femmes suivant l’armée avec leurs mioches, le soldat Coluche, l’invention des godillots à pieds droit et gauche.

Cocasses, édifiantes, bien amenées, ces historiettes de la grande histoire sont toutes vraies ! C’est une autre façon d’aborder l’histoire, de façon ludique et non-scolaire, mais il n’y a pas que l’école dans la vie (il y en a même de moins en moins).

BD Julien Hervieux, Prieur & Malgras, Les guerres napoléoniennes – Le petit théâtre des opérations, Fluide glacial 2024, 56 pages, €15,90, e-book Kindle €6,99

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Biographie des auteurs

Nés en 1992, Camille Prieur et Vincent Malgras se connaissent depuis leurs années de collège à Grasse. Ils n’ont depuis cessé de travailler ensemble. Diplômés en 2016 de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs de Paris, ils sont lauréats du 44e Festival d’Angoulême, catégorie challenge digital en 2017 pour leur œuvre numérique L’Odyssée 2.0.

Ils se spécialisent ensuite dans la bande dessinée numérique, notamment avec l’agence Havas en 2017 puis la fondation Glénat en 2018 pour leur série de BD numérique Last Quest.

Ils publient à partir de 2019 dans le magazine Fluide Glacial des histoires courtes tout en continuant à produire des œuvres numériques en parallèle. Ils publient en janvier 2023 Sparte Attaque, leur premier album aux éditions Fluide Glacial.

Julien Hervieux est né en 1984. Il travaille dans l’enseignement, avant de lancer le blog de l’Odieux connard en 2009 où il y pratique un humour certifié 100% mauvaise foi. En 2015, il assouvit sa passion pour l’histoire . Aux côtés du dessinateur Monsieur le Chien, Le Petit théâtre des opérations en créant la chaîne YouTube il en propose une version BD dont cinq tomes sont déjà disponibles chez Fluide glacial. En 2023, l’auteur , puis pour un second l’année suivante Toujours prêtes s’associe à Virginie Augustin pour le spin-off – aux côtés de Prieur et Malgras. A l’occasion des Jeux Olympiques de Paris, Les Guerres napoléoniennes – En 2024, Julien Hervieux fait son Plus vite, plus haut, plus sport ! il réunit un collectif de dessinateurs pour entrée au catalogue Grand Angle en inaugurant la collection « Héros de guerre » avec un album consacré à Albert Roche mis en images par Éric Stalner.

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Hemvé et Neyptune, Histoires de veillées et jeu-concours pour 3 à 7 ans

Les albums scénarisés par l’ingénieur Hemvé et illustrés par la dessinatrice Neyptune, fondent un monde magique pour 3 à 7 ans, tous sexes confondus. Les Presses de l’Île de France sont les éditions des Scouts et Guides de France, mouvement de jeunesse catholique, féru de pédagogie traditionnelle, mais adapté à notre monde moderne – en témoignent les prénoms, bien peu issus du calendrier religieux.

Dans La journée à l’envers, Myla la petite fille veut « être chef ». C’est une obsession quasi névrotique, mais un sylphe (nous sommes dans le monde magique de l’enfance), lui susurre que ce n’est pas une bonne idée, et même « une très mauvaise » : « être chef, ce n’est pas faire ce que l’on veut. C’est partager son expérience ». Myla est-elle assez dotée d’expérience – donc d’années – pour cela ? Mais Myla s’en fout, son obsession l’emporte sur toute raison. Et voilà les cinq amis qui glissent sur le sol du grand arbre et dégringolent jusqu’au bas. Là les attend une fourmi géante qui semble vouloir les dévorer. « J’ai essayé de te prévenir, dit le sylphe Kawane à Myla. Tu n’en as fait qu’à ta tête ». Les autres enfants prennent alors le relai de la cheftaine défaillante : Marie caresse le front de la bête et dit qu’elle a aussi peur qu’eux, Théo « se souvient de ce qu’il a appris » – et l’insecte les conduit vers la sortie. Mais là, Myla se reprend son obsession : être chef. « C’est moi qui ai provoqué tout ça, donc c’est moi qui vais diriger le groupe pour rentrer sain et sauf ». Et paf ! Elle est prise dans une toile d’araignée qu’elle n’a ni vue, ni prévue. L’araignée rigole; elle est effrayante mais ne les suce pas. Dans le monde magique, elle ne mange pas d’humain. Elle convie les enfants à se baigner dans le pollen, « doux et agréable comme un bain moussant ». Sensualité d’enfance reconnue par les Scouts. Ce sont donc les abeilles qui emportent les gosses jusqu’à l’endroit d’où ils sont partis. Ils retrouvent leur taille normale et le sylphe Kawane en tire la leçon : « N’oubliez pas, chaque chose en son temps ! Vouloir grandir trop vite peut avoir des conséquences. Et c’est amusant d’apprendre tous ensemble ! »

Autrement dit, respectez les anciens et tenez votre place. L’espoir est qu’il « reste de nombreuses années pour progresser grâce aux conseils des plus grands ». Et un jour être chef ou cheftaine.

Dans Mystère, mystères ! il s’agit de « se méfier des apparences ». Une flèche sur un arbre est tentante, elle semble indiquer une piste vers « un trésor ». Malgré le sage hibou qui prévient les enfants : « les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être, et la forêt est pleine de mystères ». Évidemment, les enfants n’ont aucune conscience du danger et n’écoutent que leurs passions, pas la raison. Ils n’en ont pas encore l’âge, mais doivent apprendre à l’avoir. Les albums illustrés sont pour 3 à 7 ans et 7 ans est considéré comme « l’âge de raison », la période où l’enfant calme ses émotions et peut donc développer ses facultés raisonnantes. Il se sert désormais plus de ses capacités intellectuelles que de ses sens pour établir des relations entre les objets et les concepts. Ces albums scouts aident à éveiller cette conscience raisonnable en laissant les enfants découvrir par eux-mêmes la réalité, et à dompter leur imagination, si fertile durant les années (magiques) précédentes. Cet âge du « pourquoi » est d’ailleurs passionnant pour les parents et les proches, j’en témoigne. Évidemment, les enfants ignorent les sages conseils du hibou et se laissent entraîner par leur fantasme d’aventure. Ils suivent les signes de piste, jusqu’à la croix de fin de piste. Ils sont dans la forêt, il y a de la brume, le monde change. Il se met à pleuvoir « un déluge » (référence biblique, punition de Dieu). Ils s’abritent sous des champignons qui ont poussé, mais ce sont des amanites phalloïdes (tout ce qui est « phalloïde » est dangereux et conduit au péché, c’est bien connu des chrétiens). En bref, ils sont piégés. D’autant que la pluie a effacé tous les signes du retour. Le hibou était Yzô, « le sylphe de la sagesse ». Il atterrit devant les mômes et leur assène cette leçon : « Sachez que lorsqu’on entre dans la forêt avec de mauvaises intentions, celles-ci se retournent contre nous. Maintenant, seule la vérité peut encore vous sauver. » Et la vérité est que Marie, la plus grande, a tracé ces signes par jeu, pour entraîner ses compagnons qu’elle va quitter, car désormais trop âgée, elle va passer dans un groupe supérieur. On lui pardonne et, miracle, la forêt redevient comme avant, les enfants jurent de rester amis, « sans secret pour les séparer ».

Autrement dit, dissimuler est péché et entraîner ses amis sans rien leur dire met tout le monde en danger. A l’inverse, « c’est si bon d’avoir des amis avec qui on peut partager ses peurs, plutôt que de garder des secrets pour soi ! » Le scoutisme incite à la communauté plutôt qu’à la société, à partager plutôt qu’à garder pour soi, à se laisser surveiller par les autres pour ne pas dévier. Une leçon qu’il faudra relativiser à l’âge adulte, faute de quoi on deviendra bon conformiste, politiquement correct, et woke par confort…

Hemvé et Neyptune, Histoires de veillées : Les presses d’Île-de-France, 2024, chaque album €14,90

  1. Le bois de Caruos
  2. La journée à l’envers
  3. Mystère, mystères !

Un jeu-concours de Noël est lancé par les Presses de l’Île-de-France, ouvert aux enfants de 3 à 7 ans.
Après avoir lu le tome 1, Le Bois de Caruos (dont je n’ai pas parlé), les enfants doivent écrire (ou dicter à leurs parents) selon leur imagination une nouvelle aventure des cinq amis, tenant sur une seule page A4. A adresser RAPIDEMENT par mél à Guilaine Depis, l’attachée de presse (références ci-dessous).
La remise du prix aura lieu le mardi 10 décembre 2024 à 19h à la Librairie Libres Champs, 18 rue Le Verrier à Paris 6ème.
Le lauréat désigné par le jury emportera une œuvre de la dessinatrice Neyptune et pourra visiter le château de Jambville, centre d’activité des Scouts et Guides de France.

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Prieur et Malgras, Sparte attaque !

Nous sommes en 485 avant Jésus-Christ. Sparte est la cité à l’honneur. D’ailleurs chatouilleux, cet honneur. Tous jeunes, les gamins sont incités au courage et à résister à la douleur ; adolescents, à se muscler et à lutter ; adultes à combattre jusqu’à la mort. « Car, comme le dit Léonidas notre roi, « pour vivre en Spartiate, il faut mourir en héros ». »

Pas facile quand on est gringalet, lymphatique et qu’on a les faiblesses bien connues et bien humaines. Les anti-héros sont des zéros, versés dans « la réserve » de l’armée pour incapacités, surtout mentales ; Il ne leur arrive que des trucs pas possibles. Déjà, s’appeler Menthalos ou Jean-Patrocle, faut le faire. Roméos et Gyros, ce n’est pas mieux. Car nos zhéros sont quatre, comme les Trois mousquetaires. Chaque gamin de 9 ans sait ça (faites amener un gamin de 9 ans !)

L’album contient donc une suite d’histoires drôles, arrivées à ces bras-cassés de l’envers du décor spartiate. Il devait bien y avoir des branquignols dans la cité ! Même si l’Histoire ne les a pas retenus, statistiquement, c’est imparable.

Bon, l’Histoire n’est pas toujours respectée, avouons-le, traiter quelqu’un de « naze » deux millénaires et demi avant les nazis n’est pas très professionnel ; ni d’aimer « les tomates », de manger « des poivrons » ou « de la dinde » alors que ces plantes et cet animal ne seront découverts (en Amérique) que deux mille ans plus tard. Mais on ne va pas bouder notre plaisir.

« Nos » Spartiates sont des jeunes louseurs (comme on dit en grec ultra-modernisé) égarés dans une Antiquité fantasmée, où l’on visite l’Enfer avec une carte, où l’on se marie comme ça avec une déesse, où les Perses, ces méchants basanés d’alors, sont toujours vaincus après des batailles homériques, où l’honneur d’un homme se résume (comme Staline, Hitler, Mao, Pol Pot ou Poutine) à son tas de cadavres.

C’est drôle, dessiné avec forces détails, en ligne claire, dans une luxuriance qui fait presque mal aux yeux. Un bon premier tome pour des zhéros adaptés à notre temps. On attend leurs années d’apprentissage, ce devrait être à croquer, et l’introduction des filles (mais si ! il y en avait aussi à Sparte).

BD Prieur et Malgras, Sparte attaque ! – tome 01 A l’ombre des héros, Fluide Glacial 2023, 56 pages, €13.90 e-book Kindle €6.99

Une autre BD de Prieur et Malgras déjà chroniquée sur ce blog

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Craig Thomson, Blankets

Les Etats-Unis sont un monde à part, en avance, créatif. Si l’Europe a inventé la bande dessinée, elle l’a longtemps réservée aux gamins. Les Etats-Unis ont inventé le roman dessiné pour adultes. Ainsi Craig Thomson.

L’histoire est celle de deux frères, très proches depuis l’enfance, d’une famille chrétienne intégriste sans beaucoup de moyens. La middle-class traditionnelle. Le dessin, pour accentuer le trait, reste en noir et blanc dans la lignée claire. De quoi bien contraster les propos. Le lecteur suit les peurs nocturnes des petits, les chamailleries entre gamins où le sexe entre pour une part polymorphe, freudienne, et très vite le sentiment de n’être pas « comme les autres ». Notamment pas comme les pairs, gros garçons qui ne se posent jamais de question mais footent, foutent, fument, picolent ou baisent comme ça vient – comme « tout le monde ». Craig, plus sensible, plus solitaire, se sent autre – rejeté par son incapacité à rentrer dans le brut du muscle et de l’esprit lourd.

La tyrannie de la majorité a été notée par Tocqueville dans l’Amérique de 1860. Elle n’en est que plus forte dans les campagnes et dans la classe moyenne d’aujourd’hui, toujours en retard d’une génération pour les comportements. Dans les écoles, on appelle désormais cela le « harcèlement ».

A l’adolescence, voici l’amour, sa découverte timide, sensible, tellement loin de la religion de masse, de ses rituels routiniers et de son obsession morbide du péché. L’amour hétéro, précisons-le pour les pisse-froids (ou les freudiens hantés par la cathonévrose).

Le roman dessiné s’élève alors à la dignité de roman initiatique. Il pointe la difficulté d’être, la rage de grandir malgré la pression sociale infantilisante. Le dessin se fait fluide, plus en courbes qu’en traits. Trouver sa place parmi les autres n’est pas simple dans l’État-providence, ni dans la religion-qui-a-tout prévu dans les règles. D’autant que les parents – des deux côtés – ne sont pas des exemples : ils sont violents, hypocrites, séparés…

Blankets signifie couvertures dans l’Amérique du nord, état du Wisconsin. Elle est la chape de plomb biblique imposée par « les convenances », mais aussi la neige qui recouvre le paysage une grande partie de l’année en masquant d’immaculé la laideur du sol mort. Double froidure qui incite à se réfugier sous les couvertures, enfant quand on a peur, ado pour connaître la tendresse de l’autre. Comme quoi la chaleur est toute intérieure, nulle religion ne peut la donner, même si elle la promet.

Le Gamin, désormais adulte, aime beaucoup ce livre qu’il a découvert vers ses 15 ans. Il m’a conseillé de le lire comme une œuvre qui l’a marqué. J’en tire la leçon qu’il faut aimer les enfants, les siens comme ceux des autres ; le leur dire sans fausse pudeur, le leur montrer. Sans l’hypocrite retenue catho-bourgeoise qui a fait tant de mal aux êtres depuis deux siècles.

Même si l’on a ses propres problèmes, de couple, d’ego, de sociabilité. Les enfants et les adolescents sont des éponges, hypersensibles à l’environnement et avides d’exemples adultes auxquels se fier. Donner aux enfants l’estime de soi est peut-être la meilleure façon qu’ils parviennent correctement à l’âge adulte.

Comme quoi on apprend toujours de son enfant. Craig Thomson pourrait être en BD ce que J.D. Salinger fut pour le roman : un Attrape-cœur d’aujourd’hui.

Craig Thomson, Blankets – Manteau de neige, Casterman 2016, 592 pages, €27.00

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Tarzan à poil

Le numéro 533 de Fluide glacial paru en novembre 2020, ce magazine mensuel de bandes dessinées fondé entre autres par Gotlib en 1975, arbore en couverture une image dessinée par le Gamin. A presque la trentaine, il a réussi à faire son trou dans un métier où les places sont chères et le talent dispersé. Associé pour le meilleur et pour le pire avec un ami d’enfance qui crée les textes, lui dessine. Avec labeur, avec passion, cela prend du temps. C’est avec une légitime fierté qu’il m’a annoncé faire la Une de Fluide glacial ce mois-ci.

Le lecteur peut y voir pour la première fois Tarzan comme il ne l’a jamais vu : à poil. Il s’éloigne de liane en liane dans sa tenue d’Adam après une embrouille avec une guenon dont le mari jaloux exhibe le slip en peau de panthère du singe nu. C’est drôle car décalé, loin de l’image d’Epinal du Tarzan bien sage, homme blanc supérieur aux sauvages comme aux bêtes. C’est tendance.

Le duo Prieur & Malgras n’a pas fini de faire parler de lui, publiant en pages intérieures du même numéro des planches d’une BD de mercenaires contre les narcos, bêtes de guerre bien cromagnonesques… accompagnés cette fois par un jeune premier propre sur lui, blond et fluet, qui ressemble à Macron. C’est un hasard, me dit le dessinateur. Mais un geste subliminal qui en dit long sur l’image du président parmi cette jeunesse qu’indiffère la politique (ce n’est pas le cas de ses frères). Bien sûr, nous sommes plus dans la parodie que dans l’invention de caractères ou d’univers, mais c’est le résultat de notre époque d’incertitudes et d’attentes.

Je suis un brin ému de constater qu’un petit d’homme que j’ai tenu dans mes bras, consolé, enseigné, surveillé durant des années, à qui j’ai changé les couches et avec qui j’ai joué en enfance puis discuté à l’adolescence, surtout lorsqu’il cherchait sa voie hors des écoles, est devenu un adulte qui s’est fait une place et se trouve manifestement heureux. Même s’il n’est plus en couple ni n’a fondé de famille ; cela viendra peut-être avec l’évolution de sa carrière. Il a notamment publié avec son associé une BD numérique sur la Moselle déracinée retraçant l’exil des Mosellans durant la Seconde guerre mondiale.

Fluide glacial sur l’encyclopédie qui fait semblant de tout savoir

Site officiel de Fluide glacial toujours en retard d’un métro

Site officiel de Prieur & Malgras montrant la diversité du savoir-faire

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Erotisme dessiné de François Bourgeon

Lorsque l’auteur de bande dessinée François Bourgeon dessinait Les passagers du vent en 1980, ses filles étaient érotiques. Tout le monde les désirait. Les consœurs du couvent, les copains du frère aîné, les matelots de pont, les aspirants… Et les lecteurs mâles, bien sûr ! La France était un pays jeune, en pleine explosion mature des enfants du baby-boom, heureuse d’être elle-même. Elle ne se posait ni la question de son identité, ni celle de son régime politique, elle aspirait à la modernité de toute sa chair, de tout son cœur et de toute son âme.

Mais-68 avait jeté les frocs, les slips et les soutanes aux orties. Les filles étaient nues sous les robes et la vie était belle. Le topless fleurissait les plages tandis que les marins de vacances hissaient la voile tout nu. C’était avant même que les gilets de sauvages deviennent obligatoires, dont les boudins râpaient les mamelons des deux sexes et les sangles sciaient les épaules et les cuisses. Avec la sécurité, il a fallu aller se rhabiller. Avec le SIDA aussi, bien que le Pape, qui ne savait pas comment ça marchait, eût mis la capote à l’index. Avec ce que les ignares appellent « la crise » (qui est la mutation de toute une génération), c’est aujourd’hui toute la France frileuse qui se met à couvert, soupçonnant tout et tout le monde.

Loin des pudeurs catho-bourgeoises imposées aux fanzines de jeunesse qui prohibaient le nu, les seins et surtout les filles jusqu’en 1968, la bande dessinée adulte explosait. Les talents étaient inégaux mais foisonnants. François Bourgeon, jeune alors, était l’un des grands. Il distillait l’amour libre d’une plume fluide et d’une écriture pudique. Sa mise en scène des passions était cinématographique : a-t-on mieux raccourci les amours de chacun dans ces trois cases où l’on voit Isa et son Hoël s’embrasser, le cuistot et sa chatte se caresser, le matelot la Garcette bichonner le fil de son arme ? Chacun connaît les amours qu’il peut ou qu’il mérite, vénaux, partagés ou excités.

Seins libres sous les chemises transparentes, les filles ne s’offrent pas à tout le monde mais à qui leur plaît. Nul ne les prend sans qu’elles l’acceptent et la main au sein appelle le genou dans les couilles – aussi sec.

Lorsqu’il y a viol, parce que certains hommes bestiaux profitent de leur force, Bourgeon le suggère par le chat et la souris. Et Mary la violée préfère oublier, donnant une leçon de pardon et d’amour au mousse ado qui a assisté à la scène. Tel est l’amour adulte, qui ne se confond pas avec la baise.

Reste que le désir est cru et qu’il se manifeste. Ce n’est pas immoral mais naturel. Ne pas le maîtriser, ne pas solliciter l’accord du partenaire, voilà qui n’est ni acceptable, ni « moral ». Mais il ne faut pas mettre la morale là où elle n’est pas. Le cœur n’a pas toujours sa place dans l’érotisme, le plaisir parfois suffit, que les vieux pécores traitent d’impudeur par ignorance et superstition d’église.

Mais la culture est là toujours, pour dire que les hommes sont au-dessus des bêtes. Et le nègre face aux chemises qui ne voilent aucune anatomie est plus digne que certains blancs imbus de leur pâleur et de leurs lourds atours.

Oui, en quarante ans – une génération – le progrès s’est in,versé : nous avons régressé dans le naturel et le plaisir, dans l’épanouissement humain. Austérité, moralisme et macération à prétexte écolo tuent l’amour… tout simplement.

François Bourgeon, Les passagers du vent, tomes 1 à 5, 1980-1984, éditions Delcourt 2019, 240 pages, €39 les 5 tomes

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