
Jean-Louis Lebris de Kerouac est canadien français d’origine bretonne. Lorsqu’il apprend son nom, il vole d’un coup de Boeing à Paris pour fureter dans les archives. Las ! Les nazis ont brûlé une partie des documents en 1944 – et les Alliés ont rasé Brest, ville d’origine. Ne reste que le nom, et l’imaginaire.
A son retour en Floride, où il se finit au cognac (il mourra à 47 ans, quatre ans plus tard), il s’aperçoit que ce voyage a suscité en lui une illumination, le satori japonais, un « éblouissement de l’œil ». Est-ce dû à un chauffeur de taxi franchouillard de ces années De Gaulle ? Au brouillard à couper au couteau des côtes du Finistère, là où finit la terre ? Au requiem de Mozart joué dans l’église de Saint-Germain-des-Prés, dont les prés ont disparus depuis longtemps ?
Il ne sait, mais c’est l’occasion pour lui de raconter son périple rapide en France, sautant d’un taxi à un hôtel, d’un avion Air-Inter (un B26 !) à un train (un TPV qui met sept heures depuis Paris). Il est toujours en retard, rate ses transports, perd sa valise, toujours à quémander une bière – « d’Alsace » s’il-vous-plaît – ou un cognac de n’importe quelle marque du moment qu’il est fort. Ce beatnik constamment bourré a inventé le road movie dans la dope et le sexe dans ses jeunes années sans futur. Il est moins vif, mais garde sa fantaisie.
Ce sont donc des chapitres en suite qui content dans le désordre et la légèreté les rencontres plus que les lieux. Parce que les lieux, même les plus beaux, ne valent rien s’il n’y a pas de sympathie, dit l’auteur. Il irait bien de Bretagne en Angleterre, mais à quoi bon ? « Et d’ailleurs, aussi séduisants que soient l’art et la culture, ils sont inutiles s’il n’y a pas la sympathie. – Toutes ces joliesses des tapisseries, des terres et des peuples : – aucune valeur, aucune, sans la sympathie » p,121.
La solitude lui pèse, malgré sa sister bouteille. Il évalue les gens, leurs coups d’œil en coin, leur beauté de visage ou leur air chameau, le roulé des filles, la poésie des garçons, l’air blasé des hommes. Il se sent aristocrate de cette terre bretonne en même temps que bouseux canadien qui massacre le « bon » français dans la vie courante – « ciboire ! » – encore qu’il puisse parler châtié quand ça lui prend.
Les tribulations d’un errant vivant se lisent à sauts et gambades, comme lui.
Jack Kerouac, Satori à Paris, 1966, Folio 2022, 160 pages, €7,80, e-book Kindle €7,49
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