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Erik Andler, artiste-peintre contemporain

Né à Langres voici 58 ans, le jeune Erik s’interrogeait enfant sur les planètes, l’espace infini et le paradoxe du temps. Comment naît l’univers ? Comment naissent – et meurent ! – les étoiles ? Quelles sont ces forces qui meuvent la matière et façonnent ces formes que nous admirons ?

La peinture est pour lui un intermédiaire entre deux mondes, celui de la matière et celui de l’esprit. Comment émouvoir par l’art à partir de matériaux picturaux ? Étudiant à la fois les maths et la peintures, Erik Andler passe par Dijon, Paris, New York, Rome, Barcelone, Lyon – Saint-Etienne.

Une question vitale le taraude : est-ce que ce que nous ressentons est bien ce que nous voyons ?

Le temps ? – il est relatif.

La matière ? – elle se transmute et se transforme.

Le regard ? – il appartient à chacun avec son histoire et son tempérament.

Une toile est un objet, mais aussi un objet de réflexion, mais encore un objet du temps, dans le temps. Elle sera vue aujourd’hui différemment d’hier et probablement que demain. Que signifie une date ? Même la « norme » ISO ne définit qu’une forme, pas un moment du temps. Un arbitraire qui devient subjectif dès lors qu’on le regarde et qu’on pense. Chacun a son temps propre, son passé et ses souvenirs, son avenir et ses possibilités.

Regardez bien ces peintures : elles sont chacune une toile qui décore, une forme de cerveau, une couleur vive qui interpelle les émotions, une date qui fait sens… Regardez bien : il y a vraiment une date, « écrite » dans la peinture.

La science n’est qu’un processus sans cesse mouvant d’appropriation du monde, une tentative jamais aboutie de comprendre les forces de l’univers, bien trop vaste pour nos humbles capacités humaines.

Erik Andler explore tout cela, en autodidacte qui se forme progressivement au dessin, aux concepts. Il se réapproprie notamment l’esthétique des Date paintings d’On Kawara, japonais obsédé de dates et mort en 2014, qu’il a vu à New York. On ne crée jamais du neuf qu’en imitant du vieux.

le site de l’auteur

sa collection NFT

Exposition « Distorted Date » jusqu’au 23 février 2023 à L’ Hotel La Louisiane, 60 rue de Seine, 75006 Paris. Entrée GRATUITE.

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Exposition Au fil de l’eau de Catherine Bonnet Litzler

Parisiennes et Parisiens ressortent après Covid comme les escargots après la pluie. Ils ont besoin de prendre le frais et de se frotter aux autres après des mois de confinements successifs. Les terrasses des trottoirs sont bondées, surtout dans le quartier des artistes, Saint-Germain des Prés. C’est dans une petite galerie sur deux niveaux de la rue Jacques Callot, derrière l’Hôtel des Monnaies et les longs bâtiments de l’Institut de France rue Mazarine, en face d’un café à la terrasse débordant avec exubérance sur la rue, que se tient « le jaillissement joyeux du mouvement », selon les mots de l’artiste.

Au fil de l’eau, ce ne sont que poissons à l’horizontale ou fleurs à la verticale, tous sur fond bleu. Catherine Bonnet-Litzler, 58 ans, approfondit depuis une quinzaine d’année son art, « une seconde vie ». Ce n’est pas bien faire qui compte, mais faire selon son plaisir. Ne vous trompez cependant pas ! Le plaisir n’est rien sans la technique, qui s’apprend. Il s’agit donc d’abord de bien faire, durant de longues années, avant de se lancer dans l’inconnu de soi. Et le soi de Catherine, c’est la joie d’être en vie, de faire envie de fleurs et de poissons. Un bonheur en sortie de Covid !

A l’école de Patrice de Pracontal à Issy-les Moulineaux puis d’Edgard Sailen à Montrouge, notre peintre a appris au final l’art du « lâcher prise » : se retrouver seule dans le grand bain des formes et des couleurs, faire passer sa propre émotion face à la beauté des choses, des êtres et du monde. Car bien voir est un travail empli d’humilité et de persévérance. Voir va plus loin que regarder car il ajoute la profondeur de l’être. Il s’agit d’une vision « au-delà » des apparences, une essence des choses si l’on veut, mais subjective, propre à chaque artiste.

Qui, bien entendu a en commun avec le reste de l’humanité sa capacité d’observation, d’analyse et d’émotion, ce pourquoi des peintures de chevaux ou de bisons d’il y a 20 000 ans nous parlent encore aujourd’hui. Si « la beauté est un signe », comme le croit François Cheng (chroniqué sur ce blog), il est celui des capacités humaines à s’émerveiller devant le monde, la nature et les êtres. Une transcendance sur cette terre avant tout. Les croyants peuvent y ajouter autre chose, mais cet étonnement face au monde et son admiration, en soi suffisent.

Cet élan exubérant de la vie qui jaillit dans les fleurs dressées vers le soleil, ou dans ces poissons libres qui passent en banc dans le bleu de l’océan, est un hommage au vivant, un hymne au vital qui nous constitue tous. Cet hymne-là me touche personnellement, moi qui le cherche et le voit en chaque être.

Catherine Bonnet-Litzler ne présente ici de son œuvre que les poissons et les fleurs, alors qu’elle a peint aussi des paysages et des portraits. C’est que cette quarantaine de toiles, peintes à différents moments et suivant des inspirations diverses, compose une unité. Elle est certainement la part la plus aboutie de son travail.

Au fil de l’eau ou la naissance d’un peintre.

Galerie 5

Du 7 au 17 octobre 2021

5 rue Jacques Callot, 75 006 Paris

Du lundi au samedi de 11h à 19h30

Site Internet de l’artiste

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Philippe Delerm, Les chemins nous inventent

Philippe Delerm est devenu célèbre. Ses livres de peu de pages ont du succès. Il parle peu, de lieux hors du temps, de choses simples, de sensations éternelles. Je n’ai pas lu son œuvre entière mais seulement un volume, Les chemins nous inventent, paru en 1977. Je crains cependant qu’il ne répète à chaque fois le même livre avec des textes neufs.

Celui-ci a un beau titre, des narrations courtes, agrémentées de photographies léchées prises par sa femme : une promesse.

Hélas ! La déception est au tournant de chaque page. Les adjectifs se bousculent, agités comme des drapeaux, peut-être brandis comme des boucliers, en tout cas collés comme autant d’étiquettes pédagogiques sur les mots. Il ne qualifie pas les choses, il les cliche. Les lieux sont communs, dits « inspirés », l’intimité est « chaude », l’autorité « bienveillante », la promesse « effleurée », la sensation « sourde », les domaines « mystérieux » – et ce ne sont que quelques exemples. À croire que l’auteur a puisé dans le fameux dictionnaire du vieux Flaubert, revu et mis à jour, des stéréotypes d’aujourd’hui. Un répertoire de la bêtise qui se croit littéraire. Le langage est si apprêté, ornementé de mots précieux, qu’il me consterne. Tant de tics tintinnabulent : « c’est bon de… », « quel plaisir… », « le plus beau… ». Le ton est pompeux, solennel, comme si l’auteur écrivait pour de futures dictées.

Le pire vient lorsque l’on a achevé l’ouvrage, dans la vue que l’on a de l’ensemble. Ces textes qui prennent prétexte de flânerie recherchent en fait le mythique âge d’or. Fini la recherche du temps perdu, mais vivement le temps qui ne bouge plus. Delerm célèbre le dernier soleil d’automne, les promesses d’un printemps, les rouges et verts contrastés de l’été, la première gorgée de bière. On sent la flemme, le tropisme du bien-être, l’attrait de la rêvasserie, la grande aspiration au repos. Changer, bouger, vivre, quelle hantise ! Peut-être est-ce cela qui plaît aux lecteurs. Le rêve de l’auteur semble celui du temps immobile, de ne rien faire au milieu d’une nature toujours égale, dans les villages immémoriaux et les demeures ancestrales. C’est un bonheur de retraité, de fonctionnaire frileux, pantouflard, agressé par la ville et les bouleversements incessants de la modernité. Le succès fondé sur de telles bases me paraît faux. Il est celui, contingent, d’une époque particulière, celle de « l’horreur économique » de la fin des années 1990, d’une société stressée par le changement, la crainte de la mondialisation, de l’informatisation, la hantise de perdre son savoir-faire, ses repères, son identité.

La nature est pour Delerm un âge d’or de légende. Il s’en enivre, à l’opposé par exemple du Canadien Robert Lalonde qui lit le monde sur le flanc de la truite et à qui le vent et les nuages, le chien et les oiseaux, ou l’adolescent en fleur, parle, remue, hérisse.

Ce livre, « je tremble un peu de voir qu’il nous ressemble », écrit Delerm. Moi aussi. Est-ce cela la France d’aujourd’hui ? Cette nostalgie provinciale ? Cette aspiration au monde d’avant-guerre tout de lenteur paysanne ? Cette jouissance égoïste du jardin, du village et des vieux châteaux ? « On voudrait que les heures penchent vite vers la nuit et fassent naître des envies de bière, de café resserré, blotti dans la chaleur… » Le lecteur attentif notera la banalité du « on », tout comme l’infantilisme des « envies » du « resserré » et du « blotti » : une nostalgie de ventre de mère.

Même les personnages sont fossiles, réduits à leur fonction : papetier, jardinier, artisan, « enfant » sans distinction. Les personnages sont même parfois des statues de pierre, immobiles pour l’éternité : les singes du château de Champs-de-bataille, la Vénus de Bizy, les « moniales évanouies » de l’abbaye, les statuettes de chérubins du cimetière de Ferrières. Il y a bien-sûr « Sylvie », mais elle n’est plus… qu’un souvenir, figé lui aussi.

« On est toujours plus routinier qu’on ne le pense ». Malgré le « on » (qui est con, comme chacun sait), la remarque est juste et fait contraste à ces rares échappées, symptômes d’une vision meilleure. Par exemple : « Les petits joueurs de foot ne ferment pas les yeux de bien-être, comme les adultes amateurs de chaleur. Fascinés par la balle, ils ne la quittent pas du regard » p.94. Ces gamins ne sont pas fatigués mais Delerm l’est ; ils sont la vie, lui le repos. Et c’est dommage car il sait voir.

Philippe Delerm, Les chemins nous inventent, Livre de poche 1999, 170 pages, €6.60

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Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine

Le début des années 1970 s’est intéressé, dans la lignée hippie californienne, à la pratique du bouddhisme. 11e réincarnation du vieux Trungpa, ce tibétain d’aujourd’hui à étudié longuement en Inde, puis quatre ans la psychologie et les religions comparées à Oxford, avant de fonder un centre de méditation en Écosse, puis un autre au Colorado où se trouvait sa principale clientèle.

Il se situe contre le « matérialisme spirituel » qui est illusion de s’élever alors que l’on s’enfonce dans son ego. La voie bouddhiste consiste à recouvrer l’état d’éveil, qui est la condition originale de notre esprit lorsqu’il n’est pas encombré par l’ego et par la paranoïa. L’éveil est la naïveté de l’enfant, du poète et du philosophe, tous attentifs à ce qui est, disponibles et ouverts au monde.

Les perversions de l’adulte sont mises en images par l’auteur. Il les appelle « les trois seigneurs du matérialisme » :

  1. la forme : un souci névrotique qui nous incite à créer du plaisir et des possessions, à contrôler la nature ;
  2. la parole : l’inclination à tout interpréter, à ne pas voir les choses en elles-mêmes mais à construire des concepts comme filtres rassurants de la réalité ;
  3. l’esprit : ces disciplines psychologiques ou spirituelles utilisées pour maintenir notre conscience de soi comme les drogues, la prière, le yoga, les transes.

La voie bouddhiste du salut est moyenne : tu ne dois rien imposer de force à ton esprit, ni le laisser vagabonder. Il faut s’accorder la faveur de se faire confiance. Pour cela, il suffit simplement nous laisser être – être pleinement ce que nous sommes, sans complexes ni blocages, en plein devenir. Se féliciter ou se blâmer signifie rechercher un refuge ; au contraire, il faut lâcher prise pour se trouver en harmonie avec le monde tel qu’il est.

Bouddha, l’exemple, n’était pas un religieux fanatique essayant d’agir en accord avec un idéal élevé. Il abordait les gens ouvertement, simplement, sagement. Cette sagesse est le sens commun. Il faut cesser de chercher quoi que ce soit ou essayer de découvrir un « trésor spirituel ». Il faut plutôt être intelligemment qui l’on est, là où l’on est – ni plus, ni moins. « Voir » avant tout la qualité fondamentale d’une situation telle qu’elle se présente plutôt que d’essayer d’en « faire » quelque chose. Cette inspiration de se trouver juste dans la situation est la « compassion » bouddhiste. Elle permet de danser avec la vie, de communiquer avec les énergies du monde. Pour cela, nous devons nous ouvrir et nous donner. Cela ne signifie pas donner quelque chose à quelqu’un mais lâcher prise sur ses exigences, se fier à sa richesse primordiale et entrer en relation. Toutes les relations, alors, deviennent intéressantes, ce qui apporte la patience.

On va son chemin, tout simplement, selon chaque situation. Il n’y a ni acceptation ni rejet, ni amis ni ennemis, nulle obsession de vaincre ni d’offrir, plus d’espérance ni de crainte (vaines). Les situations sont vues telles qu’elles sont, sans les forcer, par-delà le jugement du bien et du mal. L’ouverture ne signifie pas le détachement béat et zombie, mais la liberté. Comme nous n’attendons rien d’une situation, nous sommes libres d’agir, ce qui se produit de façon authentique et appropriée. Aucune hésitation, incertitude ou peur, puisque nous savons qui nous sommes.

Le sens de l’humour signifie que voir les deux pôles d’une situation en même temps. Cela provoque une joie rayonnante, celle de ne pas entrer dans une situation de peur ou d’espoir mais de rester au-delà, dans une vision panoramique et ouverte.

« Je suis » est une expression bric-à-brac. Elle met en scène un singe enfermé dans une cage avec cinq fenêtres pour les cinq sens. Cette cage, il la désire, il la hait, il l’ignore stupidement. Alors il hallucine et projette ses désirs vers un monde idéal de dieux où tout serait parfait. Il veut défendre ce bonheur jalousement. Il se sent à l’aise dans le monde des hommes mais court à la stupidité brute de l’animal avant d’avoir la nostalgie des mondes supérieurs ; alors il cauchemarde et se hait. Il a fait le tour des six mondes tibétains.

C’est dans le seul monde humain que surgit la possibilité de briser la chaîne, grâce à l’intellect. On peut comprendre que le monde n’a jamais été extérieur mais que c’est sa propre attitude de séparation du « je » et de « l’autre » qui crée la cage. Une discipline est nécessaire pour amener aux laisser-être et faire disparaître les barreaux ; il faut que l’ego s’use comme une vieille chaussure. La conscience ne naîtra que de la simplicité, du plain-pied avec les choses. Respirer, marcher, servir le thé, deviennent alors des moments privilégiés dans l’acuité d’être. L’esprit devient paisible, intelligent, curieux. C’est l’aspect spontanéité de l’État éveillé.

Six activités prennent place d’elles-mêmes :

  1. la générosité : c’est la communication, le désir de s’ouvrir sans motif, de donner, en faisant simplement ce que requiert chaque instant dans chaque situation ;
  2. la discipline : ne pas se lier un ensemble de règles ; désintéressé, on agira selon cette ouverture, en harmonie avec ce qui est ;
  3. la patience : qui ne désire rien n’est fasciné par rien ; il est alors lent, sûr et continu comme la marche de l’éléphant, il entretient une situation fluide avec le monde ;
  4. l’énergie : les rythmes créateurs de notre vie nous mettent en joie, la vue panoramique intéresse à la vie telle qu’elle est et vivre pleinement est alors une joie ;
  5. la méditation : elle est la conscience des situations telles qu’elles sont, dans l’environnement ;
  6. la connaissance : voir les situations en elle-même sans séparer les concepts, sans chercher à les interpréter ou à forger une analyse, car la forme est illusoire, il n’y a pas de réalité à découvrir qui serait immuable, tout change et se trouve une forme ; il faut saisir les choses telles qu’elles sont, dans leur devenir et leur complexité.

« L’illumination consiste à être éveillé dans l’ici et le maintenant » p.211.

Tout simplement.

Chögyam Trungpa, Pratique de la voie tibétaine, 1973, Points sagesses 1976, rare occasion €67.36

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Montherlant, qui êtes-vous ?

Rares sont ceux qui connaissent encore cet homme de théâtre classique, ce romancier libertin, cet essayiste libre, mort volontairement en 1972 parce qu’il perdait la vue. Voir, c’est être « lucide » (de lux, la lumière) ; ne plus voir, c’est mourir un peu, perdre l’un des sens essentiels – celui que préférait Montherlant.

Je crois que l’on peut tenter de cerner Henry de Montherlant en quatre S. Peut-être s’en échappera-t-il, irréductible à jamais ? Il reste que ce carré de S est ce que je retiens : sensualité, sensibilité, syncrétisme, solitude. Au fond les quatre étages de l’humain.

henry de montherlant photo

Sensualité pour le corps. Qui a dit mieux que lui le chant du désir, dès l’enfance ? La douceur des peaux, la candeur des yeux, la grâce des silhouettes ? Et en quelle langue plus limpide ? Seuls les sens ne dupent pas. La culture importe peu ; la lecture ne sert qu’à retrouver le goût de la vie. Ainsi de ‘Quo Vadis’, à 8 ans, qui lui a révélé avec brusquerie un monde inconnu de passions humaines derrière la façade sage et officielle du monde classique. Les orgies de Néron, les exploits sportifs, le danger, la vitalité du monde païen – ce bouillonnement physique, affectif et sexuel, a trouvé son écho chez le petit Henry. Il en est devenu violent, cynique et dur pendant plusieurs années ; il a su que cette violence, ce cynisme et cette dureté faisaient aussi partie de lui. L’important est là : « to cure the soul by the senses » (soigner l’âme par les sens), rappelle-t-il dans Service inutile (Pléiade p.718). Pour lui, il y a d’abord la spontanéité ; c’est l’infinité des sensations présentes qui méritent toutes d’être considérées. Elles nous définissent autant que l’idée consciente que nous avons de nous. Le soi est un bloc, on ne peut en casser impunément une partie. C’est pourquoi il aime les bêtes et les enfants, tous deux sont insatiables ; ils boivent sans retenue aux fontaines du désir, ils vivent l’instant présent, la joie présente, le désir hic et nunc. Bêtes et enfants sont naturellement comme l’adulte qui jouit sexuellement : leur esprit est plus vif, leur corps tout excité, leur humeur, leur courage, leur goût de vivre et d’aimer sont ragaillardis. Le sport peut atteindre lui aussi cet état de grâce physique où les muscles et le cerveau fonctionnent plus vite, de concert. Le sport est ‘réel’, parce qu’aucun mensonge n’est possible : celui qui court vit au rythme de sa physiologie ; il ne peut tricher avec lui-même. L’immense liberté du jeu le commande, reconquise sur l’existence. Le paroxysme, c’est l’effort, le combat, la vie dans la grâce et la lutte avec la Bête, la corrida. Poésie et violence – repos et combat – tel est le monde de la Méditerranée, la vie raffinée, les jardins, les poètes, les oasis, la beauté des corps dénudés par la chaleur, les plaisirs de l’eau, le goût des fruits ; mais aussi le sport, l’émulation, la bataille, les chevauchées, les phalanges grecques, la conquête et la Reconquista. Montherlant aime la Méditerranée, sensuelle et violente. Ses valeurs y sont enracinées : Rome d’abord, Athènes et Bethléem ensuite.

Sensibilité pour le cœur. Qui a mieux écrit sur l’amour adolescent, l’émotion au bord des larmes pour un être frêle et digne d’être aimé ? Montherlant est à l’écoute des êtres. Où qu’il se trouve, il les observe, il les admire ou il les juge – souvent il les estime, pour une part d’eux-mêmes qui lui plaît. Cette attention aux autres se marque dans ses œuvres : Gérard, 12 ans, dans La relève du matin – ce qu’il dit est presque la sténographie d’une rencontre qui a vraiment eu lieu. Il fait revivre un instant : les traits, les paroles, les impressions produites sont seules ce qui vaut d’un être. Il retiendra Gérard, un aspirant tué, Moustique, et beaucoup d’autres. La beauté se reconnaît à l’émotion qu’elle inspire ; en elle se fondent le bon et le mauvais ; elle est par-delà la morale car elle inspire le respect et l’amour. Rien de fondamentalement mal ne peut sortir d’elle. L’écriture n’est juste que si l’émotion a résonné dans la poitrine de celui qui l’exprime ; toute convention ne pourrait être qu’appauvrissement. Tout vient des êtres ; tout ne doit venir que des êtres. Tout prodigue qu’il fut, Montherlant est resté fidèle à un seul amour toute sa vie, un amour adolescent : Philippe. Tous les six ou sept ans, il rêve de lui et en est à chaque fois bouleversé. C’est étrange et émouvant. Il se disait : « mâle au possible, avec des nerfs de femme, et des idées d’enfant » (Malatesta, Pléiade p.557).

Syncrétisme pour l’esprit. Qui s’est le mieux ouvert à toutes les passions, à toutes les idées et à tous les tourments du monde de son époque ? Qui a mieux su les balancer l’un par l’autre pour les mieux faire servir l’existence ? La morale est cela : ne rien refouler pour mieux dominer. Le masque remédie à l’inachèvement ; il est caricature, outrance, mais aussi essentiel. Il aide à s’exprimer car, sous son enveloppe, l’être reste libre. C’est ainsi que l’on peut se prendre alternativement pour tel ou tel personnage qui séduit : pour Néron, pour Pétrone, voire pour le lion de l’arène. Ainsi défoule-t-on ses instincts par les fantasmes, tout en sachant bien, par devers soi, que tout cela n’est qu’un rôle de théâtre. Mais dans le foisonnement des personnages imaginaires, il faut rester maître de soi, savoir se garder, comme l’apprend la corrida ou tout sport de combat. Être exact, précis, sec, efficace. C’est une école de sobriété et de vérité. « Dans le sport, pas d’appel. Celui qui a sauté 5 cm de moins que l’autre ne vient pas nous parler de son droit » (Entretien avec Frédéric Lefèvre). La morale superficielle et factice de « la jeunesse » lui répugne, la morale du négoce des ‘occupati’ l’ennuie. Agent d’assurance deux ans chez son oncle, Montherlant jure bien qu’on ne l’y reprendra plus. Il est et reste un ‘otiosi’ selon Sénèque, un oisif chez qui l’absence de préoccupations engendre la liberté intérieure. « L’effort constant d’une vie doit être d’élaguer pour nous concentrer avec une force accrue sur un petit nombre d’objets qui nous sont essentiels » (Solstice de juin, Pléiade p.923). Ne pas s’encombrer les bras de bagages, ni l’esprit d’idées, ni le cœur de conventions, ni les instincts de refoulements. Fonder sa culture sur un petit noyau d’auteurs chéris. Montherlant n’a pas de goût pour l’Allemagne, ni pour Platon, ni pour les Sophistes. Son modèle, le héros de son temps, est Guynemer : il ne lisait que des lettres d’enfants et de soldats ; il est mort vierge, comme Parsifal. Une façon aussi de ne pas s’encombrer le cœur.

Montherlant Essais Pleiade

Pour l’âme, la solitude. Soldat velléitaire, il voit la dureté de la guerre et écrit, le 5 juillet 1918 : « Je reviendrai de la guerre un vrai requin, un vampire, un épervier formidable d’égoïsme et sans plus un seul scrupule : je ne ferai plus rien que par intérêt personnel ». C’est dire la brutalité de l’expérience sociale que révèle la plus absurde des guerres. Homo homini lupus. L’injustice n’est qu’un mot ; seuls méritent que l’on sorte de sa réserve ceux qu’on aime (lettre du 28 février 1919). L’artiste n’a pas à faire école, à convaincre, ni à améliorer autrui. Il cherche seul ce qui l’enthousiasme pour trouver la nature humaine. Là est son rôle, et la nature de l’homme est seul ce qui compte. Montherlant ne croit pas en Dieu. Agenouillé à Lourdes, à 15 ans, il souffre « d’être dans le même état d’âme qu’à l’hôtel ». Aucune émotion fervente en lui, dans cette église pourtant réputée pour faire des miracles. ; il ne pense qu’à des choses profanes. Le mysticisme n’est pas pour lui. Le catholicisme, en revanche, le séduit par ses pompes et par sa discipline qui mène, parfois, à la grandeur. « Au fond, je tourne autour de ce vieux problème, concilier l’Antiquité païenne et le catholicisme ». A chaque homme de devenir dieu : thème nietzschéen.

Quant à la mort, nous allons à elle comme nous venons au monde, sans l’avoir demandé. La mort est inéluctable. Cependant, elle n’est qu’à l’horizon, sauf hasard. En attendant, la vie est remplie de choses amusantes qu’il faut accomplir en sachant qu’elles n’ont qu’un temps et qu’elles sont inutiles.

Comme Villon, Stendhal, Flaubert ou Aragon, peu importe l’homme réel et la vie qu’il a menée, c’est un travers mesquin de notre époque que de juger avec le moralisme d’aujourd’hui ce qui se faisait hier. Ce qui compte est son œuvre littéraire, elle est grande, elle inspire, et aide à vivre. Le prodigue nous montre la voie.

Henry de Montherlant, Essais, Gallimard Pléiade, 1963, 1648 pages, €62.00
Henry de Montherlant, Théâtre, Gallimard Pléiade 1955, 1472 pages, €49.50

Henry de Montherlant, Romans 1, Gallimard Pléiade 1959, 1600 pages €59.00
Montherlant sur ce blog (citations et chroniques) 

 

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Gustave Flaubert, Voyage en Orient

flaubert voyage en orient
L’Orient (moyen) était le rêve romantique, le voyage d’une vie. Maxime Du Camp était parti en Orient en 1844, l’année où il est devenu l’ami de Flaubert. Gustave s’est mis à en rêver, surtout après avoir voyagé en Italie en 1845. En 1847, il randonne à pied et en voiture trois mois en Anjou, Bretagne et Normandie avec Maxime Du Camp. L’amitié se consolide, le rêve se développe, un long voyage est désormais envisageable. Maxime veut repartir en Orient pour photographier, ce qui est neuf en ce temps ; Gustave, à 28 ans, veut en être. Non pour publier (il gardera ses carnets pour lui) mais pour « la sensation ». Voir et sentir valent mieux que tous les livres et l’on sent bien plus fort quand on est jeune. L’Orient lui inspirera les romans et contes qui révéleront son talent : Salammbô, la Tentation de saint Antoine version 2, Hérodias

Il lui faudra un an pour convaincre sa mère, six mois de préparation, nécessitera six cents kilos de bagages, un domestique appelé Sassetti, deux ordres de mission des ministères de l’Instruction publique et de l’Agriculture pour favoriser les autorisations locales de visites – et durera pour Flaubert 19 mois. Les compères visiteront Egypte, Liban-Palestine (Syrie), Rhodes, Asie mineure (Turquie), Grèce, Italie. Mais pas la Perse, pourtant prévue au départ, mais dangereuse d’accès ; Flaubert y renoncera sur les instances de maman… Il est vrai qu’il est sujet à des « crises nerveuses », en fait une épilepsie due à une ancienne syphilis. Ce qui ne l’empêchera pas de coïter avec enthousiasme les almées, courtisanes et autres putains d’Egypte et d’ailleurs. Il tombera même amoureux de Kuchiuk-Hanem, célèbre fille de joie dans la trentaine qu’il baisera plusieurs fois la même nuit (« coup » puis « recoup », écrit-il sobrement). De quoi choquer les lecteurs de la première édition (posthume) en 1910, aussi prudes et coincés que les islamistes rigoristes aujourd’hui. L’éditeur Conard – c’est son vrai nom – a expurgé soigneusement ces baisades et autres allusions au sexe.

L’Orient représente à l’époque cet espace de liberté sexuelle que l’Europe a réduit et Gustave comme Maxime en profitent, avides d’expériences avec, pour Flaubert, le goût des gens. Contrairement à ce que croient certains, Flaubert n’a eu qu’une ou deux expériences homosexuelles « pour voir » avec un jeune garçon de bain en Égypte ; il ne l’évoque pas dans ces carnets « sérieux » mais en passant dans sa Correspondance à ses amis masculins. Il relate en revanche pour la couleur locale les anecdotes piquantes qu’il a recueillies : « Il y a quelque temps un enfant sur la route de Choubra [5 km au nord du Caire] se faisait enculer par un singe » (p.624 Pléiade). Ou encore à Damas, raconté par le supérieur des Lazaristes : « M. Guyot a surpris, ces jours derniers, deux de ses élèves, âgés de douze ans environ, qui s’entreculaient à la porte du couvent ; l’un d’eux avait appris la chose d’un chrétien qui l’avait dépucelé moyennant la somme de vingt paras. Selon le supérieur, la pédérastie est ici excessive » p.793. Il semble que les psys aient aujourd’hui remplacés les curés en faisant du traumatisme l’équivalent scientifique du péché originel, mais l’interdit social à l’expérimentation sexuelle des adolescents reste sans changement. Gustave préfère les femmes, il aura même le coup de foudre pour une inconnue en Italie (p.1012). Ce ne sont que descriptions du visage, de l’allure, des seins à demi découverts pour l’allaitement de celles qu’il rencontre. Êtres vivants ou statues, Flaubert ne voit que les femmes – en Égypte, en Grèce, en Italie, les hommes, les vieillards et les éphèbes ne lui sautent pas aux yeux.

Il a beaucoup lu avant de partir mais cite peu ses références durant le voyage (contrairement à Maxime qui les confirme, les infirme ou les complète en érudit). Flaubert préfère le vivant, le matériau brut, la sensation. Ce pourquoi il décrit longuement visages ou paysages, statues ou monuments, comme si la photo n’avait pas été inventée. « J’ai vu une petite fille de douze ans environ, nue, charmante, avec son petit caleçon de cuir battant sur ses cuisses et ses petites mèches tressées tombant sur ses épaules – ses yeux d’émail souriaient – ses reins cambrés – elle avait un petit collier rouge et des bracelets à grains bleus. Elle portait un panier dans une pauvre maison et elle en est ressortie » p.671. C’est parfois fastidieux à lire, mais c’était surtout pour lui un aide-mémoire, pour affiner sa plume, un exercice de précision, de concision et d’exactitude. D’où le ton parfois détaché qu’il prend pour décrire les turpitudes, la misère des mômes, la bêtise brutale des muletiers envers un chien ou la crasse des femmes dans les montagnes d’Asie mineure. D’où l’aspect parfois « peinture », chaque mot étant un trait de pinceau pour composer un ensemble en couleurs.

1849 sphinx egypte maxime du camp

Il a aimé en Égypte les chameaux (« la première chose [que j’ai vue] sur la terre d’Égypte » p.613 ; ils apparaissent hiératiques comme des vaisseaux de haut bord chaloupant au-dessus du khamsin, ce vent qui soulève le sable au ras du sol, leur face a parfois des ressemblances risibles avec des personnages connus. Il a ressenti une intense émotion en découvrant le Sphinx : « il nous regarde d’une façon terrifiante » p.626. Il a vécu une jouissance indicible devant Thèbes, qu’il tente pourtant d’exprimer en mots dérisoires : « C’est alors que jouissant de ces choses, au moment où je regardais trois plis de vagues qui se courbaient derrière nous sous le vent, j’ai senti monter du fond de moi un sentiment de bonheur solennel qui allait à la rencontre de ce spectacle ; et j’ai remercié Dieu dans mon cœur de m’avoir fait apte à jouir de cette manière. Je me sentais fortuné par la pensée, quoiqu’il me semblât pourtant ne penser à rien – c’était une volupté intime de tout mon être » p.658. Il a aimé les couchers de soleil fulgurants sur le Nil, avec les nuances du rouge vif au bleu pâle du ciel ; le dégradé d’ombre des montagnes au Liban. Bon vivant, blagueur et bien accepté, il n’hésite pas à « régaler de Vénus nos trois bourriquiers moyennant la somme de soixante paras » (p.643) – autrement dit à leur payer des putes.

Il est aussi capable d’impatience, de spleen, de mélancolie de l’exil ou de la destinée, d’ennui qui le saisit et l’empêche de faire quoi que ce soit. Jérusalem, après un émerveillement devant ses murailles, le déçoit. Cette ville arabe est d’une crasse indicible : « Jérusalem me fait l’effet d’un charnier fortifié – là pourrissent silencieusement les vieilles religions – on marche sur des merdes et on ne voit que des ruines – c’est énorme de tristesse » p.754. De même au Saint-Sépulcre : « Ce qui frappe le plus (…) est la séparation de chaque église, les Grecs d’un côté, les Latins, les Coptes – c’est distinct, retranché avec soin – on hait le voisin avant toute chose – c’est la réunion des malédictions réciproques, et j’ai été rempli de tant de froideur et d’ironie que m’en suis allé sans songer à rien plus ». D’ailleurs « les clés sont aux Turcs, sans cela les chrétiens de toutes sectes se déchireraient » p.758. En revanche, Bethléem l’enchante, malgré l’excès baroque des bondieuseries : « Rien n’est suavité plus mystique et d’une splendeur plus douce que l’entrée de la crèche par le côté gauche : l’œil se perd dans l’illuminement des lampes qui brillent au milieu des ténèbres, on en voit devant soi une longue enfilade – à droite et à gauche et au fond » p.761.

1849 le caire egypte maxime du camp

Les Européens sont mal vus en Orient, surtout dans l’empire turc après l’indépendance de la Grèce. Un racisme latent éclate parfois en mimiques ou en coups de fusil, auquel se mêle une xénophobie religieuse envers les chrétiens mécréants. En Asie mineure au village de Bordall (ou Bodzal) : « Rencontré deux Grecs, le gamin est à cheval et le jeune homme à pied. L’enfant de douze ans qui est l’aide de notre moucre (muletier), resté en arrière avec Sassetti, lui propose de couper le cou aux Grecs, et comme il ne comprend pas il lui fait signe avec son couteau » p.845. La haine ethnique n’est pas un vain mot en Turquie musulmane. La corruption et la dépravation non plus, comme en témoigne un jeune derviche : « autour de lui il ne voit que putains : ‘Qu’est-ce que fait un Turc ? Il prend une femme, la baise trois jours ; puis il voit un jeune garçon, lui soulève son bonnet, le prend chez lui et quitte la femme, qui se fait enfiler par le jeune garçon !’ » p.860.

Mais la politique laisse les deux amis indifférents, ils ne s’intéressent en rien à la question d’Orient. Et Flaubert n’est pas raciste, il ne se sent pas supérieur parce qu’il est Blanc venu d’un pays développé, il juge seulement de la beauté des visages et de la vertu des âmes. « Le regard n’est ni sémitique ni nègre, il est doux et malicieux », dit-il par exemple des hommes du Sennahar en Haute-Egypte (p.678). Il décrit le rameur du Nil Mohammed : « J’ai avec moi un petit raïs de quatorze ans environ, Mohammed ; il est de couleur jaune, une boucle d’oreille d’argent à l’oreille gauche ; il ramait avec une vigueur plaine de grâce, il criait, chantait en passant les courants, menant tout le monde, – ses bras étaient d’un joli style, avec ses biceps naissants. Il a ôté sa manche gauche, de cette façon il était drapé sur tout le côté droit, avait le côté gauche et une partie du ventre à découvert. Taille mince – plis du ventre qui remuaient et descendaient quand il se baissait sur son aviron. Sa voix était vibrante en chantant ‘el naby, el naby’. C’est là un produit de l’eau, du soleil des tropiques, et de la vie libre ; – il était plein de politesses enfantines : il m’a donné des dattes et relevait le bout de ma couverture qui trempait dans l’eau » p.679. Les deux amis ont dîné à Constantinople avec le général Aupick, beau-père du poète Baudelaire, dont Flaubert a vanté les vers choquant le bourgeois sans le savoir.

1839 athenes parthenon

Il a repris au propre ses carnets d’Égypte, au retour ; l’Asie mineure n’a pas été oubliée mais il l’a moins aimée. Quant au Liban, à la Palestine et à la Grèce, il a été souvent déçu et a laissé ses notes en l’état. C’était l’hiver, le voyage s’étirait, il a vu Marathon sous la pluie, il a galopé trempé et transi, enfoncé dans la boue parfois jusqu’aux cuisses. Il passera le reste du voyage, d’Athènes à l’Italie à se contenter de décrire les statues des musées et des églises, sans plus. On sent moins l’enthousiasme, le retour au scolaire et à la vie bourgeoise, la préparation des œuvres envisagées. L’ironie ressurgit parfois, mais fugace, comme au passage du Jardanus en Grèce : « En face de nous, dans cette maison : servante bossue avec de gros seins : de quel côté la prendre si son mari aime les tétons durs ? » p.941.

Parti de Paris avec Maxime le 29 octobre 1849, Flaubert y revient fin juin 1851 sans Maxime, qui a prolongé ailleurs, mais avec maman qui l’a rejoint à Venise. Les deux amis ont passé 8 mois en Égypte, dont 4 et demi sur le Nil, 4 mois en Palestine 3 mois et demi en Grèce, 1 mois et demi en Turquie et 5 mois en Italie. L’Égypte et la Turquie sont une mine de renseignements, de descriptions et d’anecdotes intéressantes au voyageur d’aujourd’hui – comme à ceux qui préfèrent voyager par procuration, bien au chaud dans leur lit, l’imagination enfiévrée sous la lampe.

Gustave Flaubert, Voyage en Orient, 1851, Folio classique 2006, 752 pages, €12.90
Gustave Flaubert, Œuvres complètes tome 2 – 1845-1851, Gallimard Pléiade 2013, 1680 pages, €72.00
Gustave Flaubert chroniqué sur ce blog

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Gens insolites à Paris

A qui sait voir, Paris offre une belle brochette d’insolite. Comme cette femme seins nus au soleil, tranquillement à sa fenêtre.

femme seins nus a sa fenetre paris

Ou ce jeune travailleur qui attend la livraison torse nu.

torse nu paris

Quand en février il fait au-dehors 7°, l’ado parisien promène son chien en profond décolleté. L’air sec travaille les hormones, et ce sex-appeal lui rend facile les contacts au jardin. Une femme l’aborde pour lui parler du chien (beau prétexte), un homme un peu plus tard lui pose une question, manifestement pour l’approcher de près.

ado parisien par 7°

Mais l’apparence se cultive dès l’enfance. Il n’est pas rare de voir déambuler les petits gars en keikogi de judo sur le chemin du dojo…

petit judoka Paris place st sulpice

… ou de très jeunes indiennes en jupe rose et coiffure à plumes pour, on le devine, un goûté déguisé avec copines.

petite indienne paris

L’été tout récent incite à dépenser l’énergie accumulée, comme ce hip-hop acrobatique d’un tout juste ado qui exhibe ses abdos de béton sur les colonnes de Buren.

gamin hip hop colonnes de buren paris

D’autres minets sont perchés, regardant de haut les alentours.

minet rue de la harpe paris

De très haut parfois…

nettoyer les fenêtres paris

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Photographies de Salah Chouli

salah chouli photo

Salah Chouli est à 47 ans père de quatre enfants et professeur d’anglais, mais aussi citoyen sur une liste municipale ; durant ses loisirs il est volontiers photographe. « Voir et donner à voir », dit-il. La galerie Hayasaki, 12-14 rue des Jardins Saint-Paul à Paris 4ème accueille ses photographies d’errances à New York, Moscou, Samarkand et Paris jusqu’au 23 juin. L’entrée est aussi libre que le regard, de 14 à 19h du mardi au vendredi et à 20h le samedi et dimanche.

salah chouli la parisienne

Je n’en aurais rien su si Véronique, blogueuse pionnière du monde.fr il y a huit ans, ne m’avait incité à aller voir. Nous étions ministres ensembles, dans feu le blogogouvernement de Fraise des bois. Nous nous sommes reconnus de suite, seul son Oscar a quelque peu grandi, encore reconnaissable sous son teint de pêche.

J’ai beaucoup aimé ces photographies. Elles sont en noir et blanc et chacune raconte une histoire. Ou plutôt met en scène un contraste – qui peut être complétude ou contradiction, tout dépend de ce que l’on projette sur elle. Pour Salah Chouli, la photographie est une littérature du regard.

C’est ainsi que la Parisienne est ombre et lumière, la robe partagée, structurée ; elle va dans la nuit en ondulant sur ses hauts talons.

La Moscovite apparaît écartelée entre passé et présent, soviétisme encore fruste ou américanisme provocant, robe à fleurs boudinée de vieille ouvrière ou courte jupe et cigarette de jeunesse tertiaire.

A Samarkand, c’est tout un banc qui sépare le policier de sa belle, un sac entre eux pour figurer le travail : on ne badine pas avec l’amour.

salah chouli couple a samarkand

Mais l’auteur n’a pas ce tendre humour sur les femmes seulement.

Deux enfants jouent insouciants au pied des mosaïques vénérables des vieux palais antiques de Samarcand – c’est la seule photo dont je regrette qu’elle soit en noir et blanc, il me semble que la couleur aurait ajouté de la vigueur et du contraste à cette histoire simple de la vie qui se renouvelle, malgré les fastes bâtis pour une éternité.

A New York, c’est une tribu de petits Juifs, garçons et filles séparés, qui s’ébattent ou se roulent dans l’herbe.

Et à Moscou deux miliciens qui passent, affairés et indifférents, sous la Madone qui regarde, se demandant si on est encore capable de l’aimer, donc d’aimer l’amour plus que la guerre.

Échecs : peut-être est-ce la photo de synthèse, ou la leçon des choses ? Deux Juifs à calotte, lunettés et barbus, poussent leurs pions noirs face aux pions blancs de deux Noirs à casquette. Nous sommes dans un parc de la Grosse Pomme, la ville-monde où tous se mêlent en tolérance, le symbole cosmopolite que d’aucuns ont voulu punir d’exister en 2001.

La vie est une partie d’échecs et l’essentiel est de le voir. Chaque instant est propice, plus encore lorsqu’il est capté par le talent. Celui de Salah Chouli existe, n’en doutez pas.

salah chouli echecs a new york

Allez le voir par vous-même dans cette galerie voûtée à deux pas de la Seine, proche de l’île Saint-Louis. Il y a même une cour où peuvent s’ébattre vos enfants. Le galeriste japonais Hayasaki sait capter les talents.

salah chouli galerie hayasaki

L’exposition sur Photophiles Magazine

Salah Chouli sur l’Écho Républicain

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Le collège dans l’étouffoir administratif

Mara Goyet est prof d’histoire-géo (« et instruction civique ») dans un collège du 15ème arrondissement parisien. Elle a enseigné des années en banlieue « difficile » et a tiré de son expérience trois livres : Collèges de France (2003, Folio), Tombeau pour le collège (2008) et Formules enrichies (2010). C’est dire si elle aime son métier et sait prendre du recul. Dans un article de la revue Le Débat de janvier-février 2012, elle donne son dernier constat : Collège, on étouffe. Cela me fait réagir et le texte qui suit, partant de son article, va être polémique. Exprès : ce n’est pas avec de l’eau de rose qu’on soigne le cancer !

Mara Goyet publie une série de « fiches », de Burnout à Transmission, dans le désordre non alphabétique propre au collège. « La personne s’évalue négativement, ne s’attribue aucune capacité à faire évoluer la situation. Ce composant représente les effets démotivants d’une situation difficile, répétitive, conduisant à l’échec malgré les efforts » : tiré d’un test d’entreprise, voilà qui s’applique parfaitement au métier d’enseignant ! Au bout de 15 ans de sixièmes, comment encore « blairer les dieux grecs » ? Après quelques années de ZEP, comment apprécier en quoi que ce soit la collectivité éducative aux classes « peuplées d’élèves cyniques et retors dans un collège miné par l’indifférence, l’inertie et les petites concurrences » ?

La cause en est moins la société – qui change –, ou Internet – qui dévalue ce cours magistral traditionnel où un adulte expert « délivre » un savoir ignoré du haut de sa chaire dans le « respect » des jeunes âmes avides de savoir. La cause en est l’étouffoir administratif – où le politiquement correct, le syndicalement corporatiste, le Principe érigé en immobilisme, se liguent pour surtout ne rien changer. « J’avais le sentiment (juste, je crois) que tout le monde s’en fichait, hiérarchie, politiques, et que nous étions abandonnés dans ce combat. Abandonnés, mais peinards. » Juste obéir, sans réfléchir, sans faire de vagues. Le ministère fabrique à la chaîne peut-être du crétin, en tout cas des enfeignants.

« Le poids du ministère, de la direction, des formulaires, des décisions politiques. Un poids insupportable qui nous empêche de sauver ce qui peut être sauvé ».

« Le collège est devenu une sorte de sas explosif et hétéroclite, un patio triste dans lequel on attend d’avoir l’âge d’entrer au lycée, de choisir une autre voie, de s’égailler dans la nature, de dealer à plein temps. » J’aime le « dealer à plein temps »… si réaliste, loin des bobos technos du ministère.

Il faut dire que le collège rameute tout son lot d’adultes mal orientés, réfugiés dans les bras de l’État, souvent infantiles et irresponsables. « Un des surveillants passe son temps à nous pincer les tétons. Mais il ne le fait pas aux filles… Du coup, on les lui pince aussi. Mais ça fait trop mal, j’vous jure ! – me disent des élèves » de troisième. On croit rêver. L’indignation du réel – « bien que la moitié des clips qu’ils regardent à la télé soient remplis d’acrobaties sado-maso avec menottes et piercing ». Ce n’est pas de la pédophilie, plutôt du voyeurisme, de la provocation peut-être. « C’est que, plongés dans un délire collectif, assommés de discours psychorigides ou permissifs, nous en sommes tous arrivés à un tel degré de désarroi que je ne sais plus très bien comment réagir. Je ne suis même pas persuadée que les élèves soient vraiment choqués. » C’est vrai qu’ils sont excitants les jeunes garçons, dopés d’exhibitionnisme télé et d’hormones, surtout les 14 ou 15 ans à la chemise ouverte sur leur chaîne d’or, ou les tétons pointant sur les pectoraux mis en valeur par un tee-shirt moulant… « Leurs préoccupations (…) en troisième, elles sont majoritairement sexuelles ! » Mais un adulte chargé d’éducation ne pince pas les tétons des ados – même de 15 ans, âge légal du consentement sexuel. Cela ne se fait pas, c’est tout. « Un homme, ça s’empêche », disait le père de Camus contre l’infantilisme du désir réalisé tout de suite.

Dans cette ambiance foutraque, comment donner l’exemple ? Car la « transmission » du savoir commence par l’exemple. Qui aime ce qu’il fait – c’est-à-dire ce qu’il enseigne et les élèves qu’il veut « élever » – y arrive. Les « jeunes » sont toujours intéressés par un adulte bien dans sa peau qui leur parle de sa matière. Mais attention ! « Il ne s’agit pas d’être un beau prof qui roucoule ses humanités avec charme et tient ses classes par l’autorité de son savoir, loin, très loin des vulgarités ambiantes. Il s’agit d’être un bon prof. Il faut s’y résigner modestement : nous nous devons d’être utiles, pas décoratifs. » Or le ministère, les syndicats, les politiques, ont peur. « On a peur de ce que l’on en a fait et de ce qu’ils pourraient être. On ne sait plus très bien qu’en faire non plus. Nous faisons si souvent semblant… De les aider, des les écouter, de ne pas les écouter, de les orienter, de ne pas les comprendre, de ne pas les voir. »

Écouter qui ?… Probablement plus les syndicats que les élèves, les partis idéologiques que les parents – mais surtout pas les enfants ! « La bureaucratisation du métier accompagne le délabrement de la situation. Sans doute pour la dissimuler. Il faut un formulaire pour changer de salle, un rapport sur la feuille ad hoc quand on sort un élève de votre cours, une fiche pour déplacer une heure de cours (et un délai préalable), un certificat médical si vous manquez une demi-heure (…) il faut émarger aux réunions Sisyphe, recevoir les fiches navettes, les rendre, les récupérer, les rendre, les recevoir, entrer les notes pour les bulletins de mi-trimestre, valider des trucs pour le brevet, valider, valider (…) subir les remarques de la direction parce que vous n’êtes pas bon administrateur (prof, on s’en fout), apporter en suppliant à genoux la fiche projet (dont vous ignoriez l’existence mais qu’au bout d’une semaine vous avez fini par trouver), puis attendre en tremblant un éventuel refus arbitraire parce qu’il ne faudrait pas oublier que la hiérarchie c’est la hiérarchie. » Tactique du parapluie : c’est pas moi c’est l’autre, « le » ministère, la prescription, l’opinion. Irresponsabilité totale.

Photo : vu sur un collège parisien en 2011…

Casser le mammouth ! Il n’y a que cela d’utile si le collège veut évoluer. Virer un tiers des administratifs, ils sont redondants, pontifiants, inutiles. A l’ère du net, pourquoi tous ces papiers ? Beaucoup de choses peuvent se faire en ligne. Dès que vous créez un service, naissent immédiatement des règlements, des contrôles, de la paperasserie : le service justifie ainsi son existence. Supprimez purement et simplement ce soi-disant « service » et vous aurez de l’air. C’est ce qu’a compris le mammouth IBM dans les années 1970, le mammouth soviétique effondré sous son propre poids de je-m’en-foutisme en 1991… et le mammouth suédois où les fonctionnaires ne sont désormais plus nommés à vie mais par contrat de cinq ans.

« Je n’avais jamais ressenti à ce point cette violence qui nous vient d’en haut : l’indifférence, la bureaucratie, la technocratie, les réformes, les directives, les choix absurdes, la volonté de masquer. » A droite comme à gauche… Mais qu’a donc fait Jospin sur l’école ?

Décentralisez, donnez de l’autonomie, créez un collectif d’établissement avec une hiérarchie légère. Jugez au résultat. L’anarchie du collège est peut-être un peu de la faute des élèves, parfois celle des profs démissionnaires, mais surtout celle du « système ».

Il en est resté à cette mentalité IIIe République d’usine militaire à la prussienne, lorsque Messieurs les éduqués daignaient se pencher sur les ignares à discipliner et à gaver de connaissances qu’étaient les petits paysans mal dégrossis par le primaire. Sortez de vos fromages, fonctionnaires ! Inspectez autre choses que les travaux finis, inspecteurs ! Peut-être y aura-t-il alors en France un peu moins d’enfeignants et un peu plus de réussite scolaire…

Revue Le Débat, n°168, janvier-février 2012, Gallimard, 192 pages, €17.10, comprenant l’article de Mara Goyet (12 pages) et deux ensembles d’articles sur les spécificités allemandes en « modèle » (58 pages) et un point très instructif sur les révolutions arabes (63 pages).

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Matilde Asensi, Le dernier Caton

Article repris par Medium4You.

Le lecteur surpris et ravi découvrira ici un ‘Da Vinci Code’ à l’espagnole. Une belle intrigue aux rebondissements inattendus, une héroïne qui n’a pas froid aux yeux ni aux jupes, un capitaine suisse de la garde pontificale et un Alexandrin d’Égypte beau et érudit.

Tout commence par l’héroïne, une bonne sœur de 38 ans qui travaille sur les manuscrits anciens de la bibliothèque secrète dans les caves du Vatican. Son chef cardinal lui ordonne d’entrer en réunion : elle doit, sous le sceau du secret le plus absolu, exécuter une mission pour l’Église. Le Pape lui-même bénit l’opération et veut qu’on aille très vite. Un homme a été trouvé mort dans un accident d’avion, des reliques catholiques répandues près de son cadavre. Sa peau est scarifiée d’étrange façon : des croix surmontées de couronne et des lettres grecques… Lui est Éthiopien, serait-il copte ? Mais pourquoi enquêter ?

Sœur Ottavia vit entre sa pension de sœurs, son laboratoire aux manuscrits et sa famille sicilienne… Si l’auteur du thriller est née à Alicante, elle connaît bien l’univers catho et les ressorts mentaux de l’entrée en religion. Il se trouve que le capitaine de la garde suisse est l’Exécuteur des basses œuvres du Vatican et que l’Alexandrin érudit est chassé d’Égypte par le fanatisme musulman qui monte. Est-ce pour cela que les morceaux de la Vraie Croix, découverte par la byzantine Hélène, disparaissent soudainement des reliquaires ? D’ailleurs, ce n’est pas mieux à Byzance, Constantinople, Istanbul : « Il reste très peu de fidèles orthodoxes à Istanbul. Le processus d’islamisation a pris une telle ampleur, et le nationalisme est devenu si violent, que la majorité de la population actuelle est turque et de religion musulmane » p.392. Toutes les civilisations ne sont pas « égales » aux yeux musulmans.

Nous sommes en plein secret, même s’il n’y a pas complot. Sachez que le Paradis terrestre existe quelque part, qu’une secte cachée depuis un millénaire garde ses portes et sélectionne ses élus, et que tout fait sens. A commencer parLa divine comédie’ de Dante, sur laquelle tous les collégiens italiens suent sang et eau. Pourtant, ce livre est initiatique…

Nous voici embringués dans une histoire qui se tient, aux péripéties innombrables. Peut-être l’auteur aurait-elle pu diviser son livre en plus de chapitres ? Il est en effet difficile de quitter les pages qui coulent comme un torrent.

Outre l’intrigue, haletante, vous apprendrez une foule de choses utiles, telles que multiplier par neuf à l’aide des deux mains, courir un marathon sans l’avoir jamais fait, et même marcher sur le feu sans vous brûler ! Avec un petit rappel de civilisation, pas inutile par les temps qui courent : « Si les Perses avaient gagné la bataille de Marathon, s’ils avaient imposé leur culture, leur religion et leur politique aux Grecs, le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui n’existerait probablement pas » p.370. Malgré le relativisme bobos des repus à bons salaires d’État, habitant en quartiers sécurisés, et bien qu’aucune culture ne soit en soi « supérieure » à une autre – juste différente – il est plus sain de dire que nous ne serions pas ce que nous sommes si nous nous laissons faire. Hier comme aujourd’hui…

« Si vous n’êtes pas capable de percevoir ce qui vous entoure, ni de sentir ce que vous éprouvez, si vous ne savez même pas profiter de la beauté parce que vous ne pouvez même pas la voir où elle se trouve, (…) ne prétendez pas être en possession de la vérité… » p.540. C’est un élu du Paradis qui vous le dit.

Un grand livre, gros et passionnant !

Matilde Asensi, Le dernier Caton – une enquête de soeur Ottavia Salina (El ultimo Caton), 2001, Gallimard Folio 2009, 576 pages, €7.41

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