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Alexandre Arditti, L’assassinat de Mark Zuckerberg

Témoin d’époque, l’auteur frappe un grand coup. Le confinement Covid l’a fait réfléchir sur la société comme elle va dans un premier roman, La conversation, sur les réseaux sociaux qui prennent de plus en plus de place, sur la technique qui étend son emprise sur l’humain. Les responsables ? Les patrons des GAFAM (Google, Apple, Amazon et Microsoft) et autres BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi), ces multinationales technologiques et de réseau.

Dès la page 13, Mark Elliot Zuckerberg, l’un des fondateurs de Facebook et désormais propriétaire aussi d’Instagram, de WhatsApp, Messenger et Threads, est exécuté d’une balle dans la tête. Facebook, nommé au départ Facemash, autrement dit « fesses-book » qui permettait de noter les appréciations sur les étudiants et étudiantes les plus sexy à la fac, est devenu un réseau social mondial et rentable renommé Meta Platforms. Zuckerberg n’en possède que 13 % des parts mais en contrôle 60 %, le reste étant coté en bourse et partiellement aux mains d’investisseurs institutionnels.

Il envisage de développer la blockchain pour la monnaie, l’épargne et les paiements, les lunettes connectées qui filment à votre insu, le Metavers qui est un univers parallèle, et l’IA pour capter et faire fructifier les données des utilisateurs. Autrement dit, Mark Elliot Zuckerberg est « le » prédateur du futur, le Big Brother d’Orwell dans 1984. Le fait qu’il soit juif, capitaliste et américain n’est pas mentionné par l’auteur, bien que cela participe du « Complot » mondial dont les défiants sont habituellement férus.

A la page 18, d’autres crimes sont évoqués sur les patrons d’Amazon, d’Apple, de Microsoft, et même de l’ex-président Trump, de même que sur Merkel, Sandrine Rousseau (après tortures, l’auteur se venge-t-il symboliquement ?), et divers attentats contre d’anciens dirigeants comme Sarkozy ou Hollande. Au total, près d’une centaine.

Le meurtrier de Zuckerberg est arrêté assez vite à Paris, dans le palace où il se prélasse, son forfait accompli. Le commissaire Gerbier, usé et fatigué après des décennies de crimes et d’enquêtes dans une société qui pourrit par la tête, est chargé comme meilleur professionnel du 36, de l’interroger. Il a en face de lui un homme de son âge, qui avoue appartenir à un réseau terroriste pour éradiquer l’emprise technologique sur les humains : Table rase.

Il y a peu d’action mais beaucoup de conversation. La soirée puis la nuit passent à deviser afin de savoir pourquoi on a tué, et qui est impliqué. Le pourquoi devient limpide : c’est une critique en règle de l’ultra-modernité : les réseaux qui abêtissent, la moraline du woke qui censure et inhibe, l’IA qui formate peu à peu et réduit l’intelligence humaine. La société hyperconnectée est nocive : il est bon d‘être réactionnaire envers elle !

Premier argument du terroriste : le complot serait général, pour mieux dominer les populations, intellos compris (souvent très moutonniers) : « Vous savez, la meilleure façon de contrôler la pensée d’une population est simplement qu’elle n’en ait pas. Noyer sa réflexion et son attention dans un flot continu d’informations stupides – ou commerciales , ce qui revient à peu près au même – est un excellent moyen d’y parvenir. Limiter l’esprit humain est aujourd’hui devenu un véritable programme politique. Plus le peuple sera ignorant et occupé à des futilités, plus il sera facilement contrôlable » p.53. Sauf que l’on pourrait objecter que les États-Unis ou la France ne sont ni la Russie, ni la Chine, ni l’Iran et que le « contrôle social total » reste un fantasme de défiant complotiste. Nul n’est obligé de suivre les errements des réseaux, des chaînes d’info et de la violence radicale.

Second argument : c’est le capitalisme qui est en cause : « Une société dont l’économie ne survit qu’en générant des besoins artificiels, avec pour objectif d’écouler des produits dont la plupart sont inutiles voire nocifs pour la population comme pour la planète, ne me paraît pas digne de survie à long terme » p.57. Mais quel est le « long terme » ? Pour Michel Onfray comme pour quelques autres, le « capitalisme » est né dès le néolithique ou même dès la première société humaine qui produit et stocke pour échanger… D’autre par, le « capitalisme » est un outil économique, une technique d’efficacité diablement efficace : même la Chine « communiste » s’y est convertie avec la réussite qu’on lui connaît, au contraire de l’archaïque mentalité russe, dont l’économie et la prospérité stagnent.

Troisième argument, anthropologique, vers le Soushomme, l’abêtissement général dans le futile, le tendance et l’autocensure pour ne pas offenser : « Passer d’un mode de vie résolument ancré dans le réel à des relations essentiellement virtuelles et souvent, ne nous voilons pas la face, purement mercantiles, est forcément contre-nature. Les réseaux sociaux incarnent ainsi la caricature la plus vide de sens de notre époque. (…) La mise en scène de toutes choses relève aujourd’hui d’un phénomène de cirque, servi par la consommation instantanée et ininterrompue d’informations sans aucun intérêt. A ce stade, ce n’est plus un appauvrissement, c’est une désertification intellectuelle et une raréfaction glaçante des relations sociales… » p.77. Nietzsche appelait à la volonté pour aller vers une sur-humanité ; la technologie, comme Heidegger le disait, ramène plutôt l’humain vers la sous-humanité de bête à l’étable qui regarde passer les trains.

Quatrième argument, l’effritement des relations sociales sous les coups de la victimisation, du buzz et du woke et la remise en cause de la démocratie sous les coups de force des gueulants : « Désormais, pour exister, au moins médiatiquement parlant, il faut absolument revendiquer quelque chose, protester. S’en prendre à quelqu’un, faire valoir ses traumatismes, bref être une victime, peu importe de qui ou de quoi. Dis-moi ce que tu revendiques, je te dirai qui tu es ! (…) Mon propos est de dénoncer une atmosphère délétère qui déteint sur tous les pans de la société, et entrave sérieusement la liberté d’expression en suscitant des phénomènes d’autocensure particulièrement inquiétants. Un travers en grande partie dû à l’amplification médiatique du moindre fait divers et de la moindre déclaration sortie de son contexte par les chaînes d’information continue, et bien sûr par les réseaux sociaux. (…) Les fondamentaux démocratiques de la société sont désormais pris en otage par quelques tristes sires qui les dévoient de manière éhontée pour leur usage personnel, et surtout pour se faire de la publicité à moindre frais » 103. On pense à la Springora et à la Kathya de Brinon – entre autres. Mais doit-on les croire sans esprit critique ? Leur force médiatique tient surtout à la lâcheté de ceux qui sont complaisants avec leurs fantasmes et leurs approximations.

Habilement, sous forme d’un interrogatoire policier, l’auteur reprend les critiques les plus usuelles sur les méfaits de la technique et le mauvais usage des outils, comme sur l’abandon de ceux qui sont chargés de transmettre : les parents, les profs, l’administration, les intellos, les journalistes, la justice, les politiques. Ils ne sauvegardent pas l’humanité en laissant advenir par inertie « un transhumanisme sauvage » p.142.

En cause l’éducation et la famille, dont l’auteur ne parle guère. Je pense pour ma part que l’habitude viendra d’user mieux de ces choses, qui sont aujourd’hui beaucoup des gadgets à la mode dont on peut se passer (ainsi Facebook ou Instagram), ou qui font peur aux ignorants qui ne savent pas s’en servir. Je l’ai vécu avec le téléphone mobile : l’anarchie et l’impolitesse des débuts a laissé place à des usages plus soucieux des autres. Quant aux réseaux, les cons resteront toujours les cons, quels que soient les outils de communication, et il faut soit les dézinguer à boulets rouges s’ils vous attaquent, soit les ignorer superbement. Le chien aboie, la caravane passe.

Ce roman policier un peu bavard, aux dialogues, parfois réduits à un échange de courtes interjections comme au ping-pong, pose la question cruciale de notre temps : que voulons-nous devenir ? Il se lit bien et n’échappe pas à un double coup de théâtre final fort satisfaisant. Clin d’œil, l’auteur est lui-même sur Facebook.

Alexandre Arditti, L’assassinat de Mark Zuckerberg, 2024, éditions La route de la soie, 146 pages, €17,00

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La jeunesse n’est plus ce qu’elle était

Tout change et le monde tourne. Les outils pour exprimer les idées se modifient. Mais ce qui compte est le temps : que les changements soient rapides et la génération d’avant, celle qui n’est pas née dedans, crie à la décadence. Le niveau baisse, la raison décline, l’humanité régresse. Cette incantation est rituelle depuis Platon au moins, qui déplorait que l’écrit fixât la pensée, beaucoup plus fluide et adaptée à son auditeur lorsqu’elle est parlée.

Lorsque Marcel Gauchet, Alain Finkielkraut et d’autres reprochent aux nouvelles technologies de faire régresser la pensée en sentimentalisme et réduise l’attention à l’émotionnel immédiat, incitant au zapping et au superficiel présent, ils sont dans la même veine. « Y’a pu d’saison », disaient déjà les paysans au début du siècle précédent. Ceux des années 1850 accusaient les révolutionnaires ; ceux des années 1950 la bombe atomique ; ceux des années 2000 la couche d’ozone ; ceux des années 2010 le réchauffement climatique… Depuis l’Eden, la cause est entendue, l’homme n’a cessé de détruire son jardin ! – mais si Dieu l’a voulu ?

Un exemple, Paul Claudel dans son Journal au 11 août 1942 : « Le cinéma, l’auto, la radio, en même temps qu’ils ont abruti la jeunesse, lui ont ôté le goût de l’effort, des idées et des images précises, du raisonnement, des phrases qui se suivent. Ce qui importe, c’est le train que le cinéma alimente avec des phantasmes trop rapides pour que l’esprit ait le temps de s’y arrêter. Il s’agit d’agacer superficiellement la sensibilité, d’y entretenir une espèce de mouvement agréable et confus, qui exclue l’attention et l’insistance. »

Claudel a 75 ans durant l’Occupation, il est de l’autre siècle, il a pris sa retraite dans un village de l’Isère où il vit comme en 1750, l’électricité en plus. Sa pensée se réduit à l’exégèse de la Bible qu’il lit et relit, et commente en poèmes théâtraux. Son jugement sur le siècle se réduit à la conformité au modèle divin révélé, ses évaluations sur les littérateurs sur leur tenue moraliste, conforme aux Commandements. Il trouve Montaigne niais et Pascal superficiel, Victor Hugo enflé et Gide une pourriture (terrestre). Claudel a 75 ans et devient inadapté au monde tel qu’il va à son époque.

Il ne s’agit pas de nier que l’outil conduise la main ni que la radio avant-hier, la télé hier, l’Internet et le smartphone aujourd’hui, changent les façons de recevoir les idées et de penser l’existence. Mais le jugement de valeur sur les outils n’a pas lieu d’être. Un mauvais ouvrier n’aura jamais que de mauvais outils et ce n’est ni la radio, ni l’Internet, qui rendront les gens mieux informés ou plus intelligents. Au contraire : la technique tend à remplacer le talent et la facilité d’usage le travail. On le constate tous les jours…

« Le cinéma, l’auto, la radio » ont hier permis d’explorer de nouvelles façons de vivre et de sentir que le livre ne fournissait pas. Il est probable que le cinéma a éradiqué par exemple la floraison de poèmes qui a couru les siècles avant son invention. L’Internet, les blogs, les catalogues de selfies en fesses-book, le smartphone, font de même aujourd’hui. Certes, ils incitent à certains comportements qui n’étaient pas ceux d’hier : la communication étant partout, accessible en quelques clics et rendant compte immédiatement du monde entier, ne peut se comparer aux courriers à cheval qui acheminaient les livres et les libelles durant des jours et des semaines, qu’on lisait à la chandelle à la naissance de Claudel.

Mais ce n’est pas parce que les habitudes de vie changent que l’humanité en régresse pour autant. D’autres sensibilités se révèlent, des générosités, des confrontations d’idées. Il y a certes du panurgisme, comme déjà sous Rabelais. Il y a certes de l’émotionnel superficiel comme du temps de Rousseau, mais les professionnels du choqué ont toujours fait la mode, comme à la première de Tartuffe. Les régimes totalitaires composent avec l’opinion civile internationale. Les idées circulent à la vitesse de la lumière dans les fibres optiques, déjouant aisément les censures. Il y a aussi la diversité des points de vue simultanés qui évite aux croyances de régner sans partage. Et l’accès au savoir, devenu universel, immédiat et documenté – pour qui veut bien faire l’effort de chercher et garde la curiosité de penser hors des hordes.

L’intolérance recule sous l’information libre malgré ses scories complotistes et vite paranoïaques. Les egos, trop sensibles pour avoir été élevés dans les mêmes milieux, fréquenté les mêmes bandes et abrutis par les mêmes écoles ânonnant le politiquement et socialement correct, se sentent atteint par toute vérité bonne à dire, blessés par la vérité en face. La paranoïa est la maladie mentale de notre temps ; hier c’était la névrose due à la répression en excès des désirs, aujourd’hui, c’est le trop-plein de vos désirs insatisfaits qui pousse à croire que tout le monde vous en veut. Comme tous les outils, le net aujourd’hui comme la radio hier et le livre avant-hier, ne sont ni bien ni mal. Ils sont ce que les utilisateurs en font.

Que les anciens, peu habitués à ces nouveautés, le déplorent parce qu’ils dévaluent leur expérience laborieusement acquise, nous pouvons le comprendre. Que les outils guident la main par leurs possibilités qui n’existaient pas auparavant, c’est l’évidence. Mais il ne faut pas jeter le bain parce que bébé est médiocre. Il y aura toujours les nuls qui ne font aucun effort, la moyenne complaisante aux modes et aussi versatile mais qui se croit, et l’aristocratie de l’intelligence qui garde ses exigences. La jeunesse ne sera jamais ce qu’elle était et restera partagée entre ces trois composantes. Les outils nouveaux permettront-ils peut-être à un plus grand nombre qu’avant d’accéder au niveau d’excellence ? Encore faut-il le vouloir.

Paul Claudel, Journal t.II 1933-1955, Pléiade Gallimard 1969, 1336 pages, €48.00

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Carrière et tombes du Nil

Nous allons explorer les carrières en bord de Nil. Arturo Berti, de l’armée de Bonaparte chassant les Mamelouks, est passé par ici. Il y a laissé son nom gravé dans la pierre. Ses compagnons et lui aiguisèrent leurs sabres sur le grès, aujourd’hui marqué d’entailles.

graffitis carrieres bord du nil

C’est sans doute en Égypte que le futur Napoléon a rapporté l’abeille dont il a semé son manteau. Les hiéroglyphes la dessinent de profil, de façon expressive. L’abeille construit une demeure géométrique, elle observe une hiérarchie sociale, elle produit de l’or liquide, le miel : n’est-elle pas le parfait symbole de l’État ? Elle signifie aussi « bonne action », « bon caractère » ou « être de qualité » ; elle symbolisait le pharaon de Basse-Égypte. C’est ce que m’apprend mon petit Champollion illustré écrit par Christian Jacq (Robert Laffont 1994), un abrégé de culture par l’écriture.

abeille egypte antique

Des tombes subsistent, ouvertes sur le Nil. On reconnaît sur les parois une belle Nubienne gravée. Nubienne, car reconnaissable à sa poitrine plus imposante que celle des frêles égyptiennes. Sur une paroi, Dji nous fait remarquer une fresque non terminée : un réseau de carrés de couleur rouge couvre la surface. Il permettait de déterminer certains points remarquables pour tracer les silhouettes. L’art égyptien est en effet fondé sur la géométrie, la proportion des nombres, comme ce fameux nombre d’or venu de l’architecture et repris par la franc-maçonnerie.

grotte bord du nil

Une tombe recelait un fœtus ou un petit enfant, tant le sarcophage était étroit, au dire de Dji. Une scène de couple y est gravée, pleine de tendresse, une main de la femme sur l’épaule de son mari, l’autre sur son bras. Plus loin, une jeune fille respire une fleur de lotus. L’âme est le souffle en Égypte ; si l’on veut que la « présence » du personnage disparaisse de la tombe, il faut détruire le nez par où passe le souffle. Et c’est ce qu’ont fait les vandales venus ici bien avant nous. « En bas-relief sur toutes les parois, une même peuplade obsédante de personnages qui gesticulent, qui se font les uns au autres des signes avec les mains – éternellement ces mêmes signes mystérieux, répétés à l’infini partout. » C’est ainsi que Pierre Loti ressentait ces bas-reliefs multipliés, volonté pathétique de laisser une trace humaine dans les siècles.

graffitis et lotus carrieres bord du nil

Les carrières étaient exploitées selon une division du travail taylorienne. Deux équipes d’ouvriers se relayaient par décade. Ils habitaient le village en face, sur l’autre rive du Nil. Les outils étaient numérotés ; ils n’étaient pas en fer jusqu’à l’époque de Ramsès II, mais en silex ou en bronze. Ce dernier métal étant fragile, il nécessitait une refonte en cuivre sur chaque fil tous les dix jours. Ils étaient donc réparés à chaque changement d’équipe. Le grès, ici, est très fin, idéal pour la construction des temples ; la proximité du Nil était une bénédiction, pas besoin de gros efforts pour transporter les blocs, directement chargés sur les radeaux.

Pour dégager chaque bloc, on piquetait une ligne de pointillés à la hauteur standard ; puis on enfonçait des coins de bois dans le grès et on les arrosait. La dilatation du bois forçait la pierre, qui se brisait selon les lignes de fracture préparées ; il suffisait ensuite de rectifier le bloc pour qu’il soit prêt. On le faisait glisser au Nil sur un lit d’argile humidifié, ou sur des rondins de bois. Les trous encore visibles dans les angles des pierres non détachées servaient à porter les cordes destinées à retenir les gros blocs durant leur descente jusqu’au Nil. La pierre était chargée sur des radeaux de roseaux ; on emplissait chaque radeau jusqu’à ce qu’il s’enfonce. Les Égyptiens utilisaient le principe d’Archimède sans le savoir : bien que maintenu sous l’eau, le radeau de roseau portait la charge de pierres en surface. Aujourd’hui il pousse toujours des roseaux sur les rives. De leurs plumeaux chargés de pollen s’envolent des filaments qui recouvrent les pierres et les végétaux d’une sorte de toile d’araignée très dense.

gravures bords du nil

Sur les tombes sont gravés des hiéroglyphes. Ils se lisent de trois façons : purement figurative (un dessin de canard signifie un canard) ; symbolique (associés, plusieurs dessins signifient autre chose, une métaphore, comme le dessin d’un canard surmonté d’un soleil signifie « fils ») ; phonétique (le dessin « canard » se prononce et les syllabes associées de plusieurs dessins forment d’autres mots). Toute image est une réalité agissante, un pouvoir magique, car seul l’écrit assure l’immortalité en abolissant le temps. L’on sait que Champollion a déchiffré les hiéroglyphes en 1822 à l’aide de la pierre multilingue de Rosette ; ce que l’on sait moins est que l’on était encore capable, en Italie romaine, d’écrire correctement en hiéroglyphes. L’historien Ammien Marcellin traduisait couramment un obélisque. Le hiéroglyphe, comme la culture qui allait avec, a été détruite par la christianisation intolérante, puis par le vandalisme arabe.

canard hieroglyphe

Des hiéroglyphes d’oies figurent sur les parois. Dji nous dit que les oies égyptiennes de l’antiquité pouvaient être gavées. Certains soupçonnent même que la tradition du foie gras s’est introduite dans le sud-ouest de la France par les Juifs d’Espagne, héritiers des traditions égyptiennes !

femmes egypte antique teton pointu

Une tombe est gravée en couleur. Les coloris sont encore frais malgré les millénaires. Les pigments ont tenu malgré les inondations et l’humidité. Ocre, rouge, bleu égyptien sur fond blanc cassé, ces pigments ont dû subir un procédé technique de cuisson pour subsister aussi longtemps sans altération à la lumière du jour. J’aime les femmes gravées ici : leur tunique leur laisse les seins nus et un téton pointe toujours, tout droit, érotique, signe de santé et de vigueur. Jaune et rouge, lune et soleil, ce sont la Haute et la Basse-Égypte qui s’unissent dans cette dualité.

crepuscule bord du nil

Plus loin, nous découvrons la stèle de Ramsès II. Ses côtés racontent une histoire : Ramsès II naît devant les dieux et celui à tête d’ibis le note sur un papyrus. Ramsès II (son nom signifie « Rê est celui qui l’a engendré ») se fera déifier à Abou-Simbel, mais nous n’irons pas voir son temple, ce n’est pas prévu dans notre semaine. Ce temple est bâti de telle façon qu’au 21 février (date de sa naissance) et au 21 octobre (date de son couronnement), le soleil (le père mythique) pénètre les 33 mètres de profondeur du temple pour illuminer la tête de son fils Ramsès II. Durant 13 minutes exactement, mesure-t-on aujourd’hui.

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Musée viking des Lofoten

Ce matin, il fait brumeux. Je désire aller visiter le musée viking dont nous avons vu la halle en passant sur la route. Un peu de culture dans ce monde de course ne saurait faire de mal. Bus jusqu’à Borg, via Lekness où je dois changer pour un autre. Le musée, fort bien fait, reconstitue la vie médiévale de ces paysans-guerriers, volontiers pêcheurs et commerçants. Il coûte 140 NOK l’entrée, soit 18€, mais la dépense est justifiée. Il est installé depuis 1995 sur les fondations de la ferme viking de Borg de 83 m de long, découverte sur le terrain et fouillée de 1983 à 1989. Elle a connu deux périodes d’habitation entre 500 et 950 de notre ère. Les archéologues l’ont reconstituée telle que nous la voyons aujourd’hui, toute en bois et toute en longueur, à une quinzaine de mètres à côté.

ferme viking Lofoten

Une salle présente des vidéos techniques sur la découverte, la fouille, l’univers viking, la religion, la saga qui évoque l’endroit. Puis nous passons dans une salle où est projeté le film de 12 mn  ‘Rêver Borg’ racontant la belle histoire d’Åsa (prononcez ôseu) et d’Erik, enfants d’adversaires, séparés pour cause d’exil en Islande de la petite fille et de son père, revenue adulte pour se marier avec Erik, successeur de son père sur la ferme ancestrale spoliée aux parents d’Åsa par le père d’Erik (hum, si vous avez compris, c’est que je me suis mal expliqué). Les enfants du film sont gracieux, l’histoire romantique, le décor sauvage. Avec le réalisme d’avoir été tourné sur les lieux mêmes de la vérité historique ! Car le récit est authentique, le chef de la ferme de Borg, Olaf Tvenumbruni, est entré en conflit avec le comte d’Håløyg Håkon Grjotgardsson. Il n’a pas voulu aliéner sa liberté et est donc parti pour le pays pionnier d’Islande.

fermiers guerriers vinking Lofoten

Une fois l’histoire racontée, nous passons dans la salle des objets, où les fouilles de Lars Stenvik ont alimenté les vitrines. Il suffit d’approcher un engin pour écouter dans sa langue les explications concises pour chaque. La muséographie est très moderne et faite pour intéresser une génération née avec l’audiovisuel. Bijoux, épées, outils, costumes reconstitués sur mannequins. Ont été trouvées dans la ferme de Borg des cruches en céramique du VIème siècle, des verres allemands du VIIIème siècle, des fibules à coquille de bronze, des bijoux d’ambre, un peigne et une cuiller en os de baleine sami, un couteau de tissage de même matière qui servait à passer le fil de trame dans la pièce tissée. Les Sami étaient la peuplade autochtone vivant au nord, dont descendent les Finlandais actuels.

hache epee viking Lofoten

Près de 3000 plaquettes en or d’un demi centimètre de diamètre appelées gullgubbe ont été découvertes, probablement des amulettes enterrées sous un pilier à la mort d’un chef. La ferme était un centre économique, mais aussi politique et religieux. Les amulettes donnaient le statut du chef dans sa lignée, les origines mythiques du clan, et devaient invoquer la fertilité. Le chef était le maître de la ferme et de tous ses gens, inféodé seulement au seigneur de l’île. La saga d’Egill évoque Ulf et ses deux fils, Thorolf et Grim.

peigne musee viking lofoten

En longeant les parcs à moutons, vaches noir et blanches, cochons noirs, chevaux et autres animaux traditionnels vikings, nous accédons à la grande halle à cinq chambres de 83 m de long sur 8.5 m de large. C’est une suite de stalles intérieures montées sur parquet qui peuvent se séparer par des cloisons d’osier ou de toile. A gauche du vestibule, la chambre d’habitation avec les lieux de vie (lits, table et bancs de collation) et les ateliers d’hiver : filage et tissage, travail du cuir, meulage et pétrissage de la farine, séchage et préparation des champignons et herbes, conserves, couture, réparation des armes, menuiserie, etc.

chambre viking Lofoten

Vient ensuite la salle de banquets avec foyer central dont la fumée s’échappe par une ouverture du toit, autour duquel se tiennent le banc du chef orné des piliers de commandement sculptés d’entrelacs, puis les tables et bancs des convives, perpendiculairement. Le site fait parfois restaurant pour les groupes. La soupe au mouton mijote dans la marmite noircie au-dessus du foyer, tandis que les grillades se préparent.

cuisine viking Lofoten

Aujourd’hui, des enfants s’amusent à poser un casque sur la tête pour se faire photographier, à brandir des épées de fer, ou à tenter de soulever l’armure en mailles qui fait plusieurs kilos. Suivent la réserve et l’étable.

casque viking

Dans la réserve, est évoquée la religion des anciens scandinaves avec un arbre Yggdrasil au centre et le puits de Mime où voir l’œil d’Odin donné en échange de la connaissance pour devenir chef des dieux et créateur du monde. Il boit une gorgée de cette eau chaque jour, directement à la source de sagesse. Des cartouches en bois reproduisent des scènes des stavkirkes (église en bois) sur les métiers et les combats. Des panneaux résument les croyances dans les trois mondes, Utgard, Mitgard, Åsgård. La cosmogonie viking est composée de trois cercles. Åsgård est au centre, la demeure des dieux où se dresse l’Arbre-monde Yggdrasil. Vouloir-vivre et créativité divine rayonne de cet arbre dans tous les mondes. Autour du monde des dieux, le monde des hommes, Midgård. Au-delà du cercle des hommes, les confins où règnent le chaos, les géants Jötunn et les êtres maléfiques, Utgård. Le serpent de Midgard enserre l’univers des trois mondes et lui donne cohésion en se mordant la queue. L’existence humaine est tirée par le vouloir-vivre et tiraillée par la démesure et le mal, entre deux mondes.

ferme viking construction Lofoten

Près du puits d’Urd qui alimente en eau la vitalité d’Yggdrasil, habitent des puissances féminines redoutables, les Nornes. Elles tracent la trajectoire de vie de tout nouveau né, tissant le fil de leur destin. Mais l’univers a une fin. Le Ragnarök comprend trois séries d’événements : une catastrophe cosmique, l’effondrement de l’ordre social et le combat ultime des dieux contre les géants. L’ordre du monde en est bouleversé, générant peut-être un nouvel univers ordonné autrement. C’est en tout cas ce que laisse entendre le Voluspå.

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Marc Roche, Le capitalisme hors la loi

marc roche le capitalisme hors la loiL’auteur allèche par son exposé des motifs : « Raconté comme un polar à partir d’histoires vraies, ce livre propose une immersion au cœur de cette face cachée du capitalisme qui dirige la planète en toute impunité » p.12. Pari tenu : son enquête se lit bien, est d’un abord facile, aidé d’un lexique des termes financiers et d’une copieuse bibliographie. Mais ce livre court est « grand public », tissé d’affirmations parfois incomplètes ou dépassées et de jugements de valeur sans recul. Le thème de l’anti-finance est à la mode ; encore ne faudrait-il pas jeter le système capitaliste avec le bain des excès. L’auteur réaffirme quelque part que le capitalisme est le pire mode de production à l’exception de tous les autres (autrement dit qu’il est au fond bénéfique) – il ne cesse de lui taper dessus selon l’ambiance populiste du temps.

Deux parties : l’actuel casino et un nouveau krach possible.

  1. Côté casino : les paradis fiscaux utilisés par toutes les banques et les grandes entreprises, le hors-bilan, les pavillons fantômes, les agences de notation, l’anonymat intégral de Hongkong favorisé par la république populaire de Chine, la spéculation sur les matières premières alimentaires qui touchent le panier de la ménagère, les délits d’initiés et violations d’embargo du négoce international, les régulateurs immobiles et les politiciens « de gauche » qui dérégulent.
  2. Côté futur krach : l’embauche d’ex-politiciens par les firmes financières pour leur carnet d’adresses et leur entregent contre toute réglementation contraignante, l’impunité des banquiers incapables qui ont ruiné les épargnants et les États à leur secours en 2008-2009, les comportements barbares de dirigeants si distingués par ailleurs, les hedge-funds, l’Europe maillon faible où les petits pays ont des banques plus grosses qu’eux sans que personne ne s’en émeuve, les avocats d’affaires complices bienveillants, les spéculateurs du pétrole brut et des métaux, l’arme d’État des fonds souverains dont un seul est européen.

C’est une bonne synthèse de toutes les zones d’ombre trop ignorées et les rouages des échanges mondiaux à l’ère de l’électronique ; mais à lire avec esprit critique, car le Bien absolu comme le Mal en soi n’existent pas en ce monde. Pour réussir à développer une entreprise mondiale, il ne faut pas être naïf ; les vertus de fonctionnaire ou de retraité philosophe ne sont pas de mise dans la lutte des prédateurs. On regrette que cet aspect double du « progrès » ne soit pas mieux analysé et toujours traité à charge. Comme s’il y avait d’un côté les États enfants de chœur et, de l’autre, les grands méchants loups égoïstes avides de croquer qui ils veulent. L’auteur, certes, évoque ces zones grises des relations incestueuses entre pouvoir et finance, mais pour le déplorer ; il n’insiste pas assez sur les contrepouvoirs nécessaires, dont celui de l’opinion, du journalisme et de l’Internet.

Autrement dit, ce livre est intéressant mais superficiel. Il décrit au galop les « scandales » des années 2000-2010 sans en tirer leçon. Car, une fois refermé, le lecteur aura-t-il une idée de ce qu’il faudrait faire ?

Oui, un nouveau krach est possible mais, non, les régulateurs politiciens ne sont pas LA solution au problème. Le danger est systémique : lié aux technologies de l’information et de la communication – comme toutes choses en ce monde les meilleures ET les pires des choses. Les politiques seront toujours en retard sur la technologie ; les États toujours réticents à abandonner leur souveraineté en faveur de contrôles internationaux. C’est par l’opinion, l’éducation morale, la fiscalité et le droit effectif que les outils dangereux ne seront pas utilisés à trop mauvais escient.

L’auteur ne parle pas de ces « incitations négatives » au mal faire, la confiscation pure et simple des patrimoines des fauteurs et la nationalisation des établissements en cause, l’interdiction d’exercer des banquiers et traders faillis, la surveillance des transactions pour les territoires non-coopératifs. Mais pour que les politiques bougent, il faut une mobilisation de leurs électeurs et, pour cela, des médias moins timorés qui osent enquêter véritablement sur le terrain, sans se servir des paravents Wikileaks ou des dénonciations faciles de scandales déjà jugés. Marc Roche est un  bon journaliste de temps calme ; mais a-t-il la trempe de ce genre d’investigations ? Ou bien le système médiatique français auquel il appartient est-il trop timoré et incestueux pour se lancer dans cette aventure démocratique ? Pourquoi faut-il que ce soit la presse américaine ou les outsiders comme Médiapart qui dénoncent les scandales ?

De cela, l’auteur ne dit rien, or l’information de l’ombre, qui agite le doigt pour masquer la lune, est le meilleur cache-sexe du capitalisme de l’ombre.

Marc Roche, Le capitalisme hors la loi – enquête, 2011, Points Seuil 2012, 262 pages, €6.36

L’auteur de cette note a passé plusieurs dizaines d’années dans les banques. Il a écrit ‘Les outils de la stratégie boursière‘ (2007) et ‘Gestion de fortune‘ (2009).

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Qualités pour exercer un métier financier

Vous postulez pour exercer sur les marchés financiers ? Vous voulez suivre une formation grande école dans la finance ? Voici ce que vous devrez savoir, mais aussi comment vous devrez être.

Les connaissances ne suffisent jamais, un métier n’est pas un catalogue des acquis. Aptitudes et attitudes comptent plus que les connaissances lorsqu’on quitte les postes d’exécution pour accéder aux postes de décision. Savoir faire est utile ; savoir être devient indispensable.

On disait volontiers, dans la banque des années 1980, qu’un cadre n’avait pas à connaître le métier sur le bout des doigts pour diriger son équipe. Il lui suffisait d’en savoir le minimum pour contrôler : seulement 10%.

Clavier ordinateur

Tout métier exige une triple couche de connaissance, plus encore les métiers de service : 

1/ les fondamentaux de l’éducation et du bon sens pour connaître l’entreprise et son environnement technique, juridique, économique et social, ses règles du jeu, ses outils d’aide à la décision, son système d’informations et son modèle d’affaire.

2/ des aptitudes de comportement pour s’y adapter, analyser les situations, structurer sa pensée et résoudre un problème, se situer dans l’organisation et travailler avec les autres. Être curieux et responsable, savoir apprendre et communiquer – désormais en multilingue et en multiculturel. Savoir prendre des décisions et avoir le sens du résultat, savoir motiver et être reconnu apte à diriger.

3/ les compétences propres au métier exercé. Elles sont techniques et de conduite, un savoir-faire et un savoir-être particulier, adaptés au métier et aux clients.

Le métier de finance est exercé différemment sur les marchés, dans les entreprises ou auprès d’une clientèle privée patrimoniale. Le savoir-faire est proche mais le savoir-être est spécialisé.

Les marchés exigent un haut niveau de connaissances techniques mais aussi une capacité de trier des informations innombrables à flot continu, à les synthétiser pour l’action. Car les intervenants sur les marchés sont des décideurs, de véritables entrepreneurs en leur domaine.

Ce qui implique d’avoir de la curiosité, d’aimer chercher, creuser l’analyse hors du flux courant des nouvelles.

Mais aussi d’avoir le bon sens du risque, cette faculté à ne pas aller trop loin dans ce qui se calcule, à garder la raison à sa place – éminente mais pas unique – pour laisser aux intuitions et à l’instinct leur domaine. Ce que la langue anglaise appelle « intelligence » va bien au-delà de la seule rationalité propre au terme français. Certes, tout est probablement rationalisable, mais nos capacités actuelles de calcul comme d’utilisation de notre cerveau ne sont pas à la hauteur. Il subsiste une part de mystère qui n’a rien à voir avec la superstition mais avec le calcul intuitif, non formalisé, l’analyse par analogie et mémoire, les probabilités, tout ce qu’on appelle faute de mieux l’intuition ou l’instinct du chasseur.

Les marchés font ce qu’ils veulent, mais leurs acteurs sont humains et les figures se répètent, chaotiques mais avec des îlots de cohérence. Les hommes d’expérience savent naviguer sur cette mer changeante et guider à bon port la barque secouée en chemin.

Reste, comme capacité majeure du métier, à bien communiquer. Pour expliquer où l’on va, les risques que l’on est prêt à prendre et quelles techniques sont utilisées. Cela pour motiver les équipes, présenter un scénario compréhensible au public via la presse, et dire aux clients comment l’on s’occupe d’eux. Il faut donc savoir être clair, parler avec conviction en public et rédiger correctement, sans jargon ni flots de chiffres. Pouvoir raconter l’histoire, c’est donner une cohérence à son action.

La finance d’entreprise est plus orientée vers la performance financière, via la collecte des informations et la mesure du risque. Il s’agit d’intégrer normes et règles de droit, de maîtriser comptabilité et analyse, d’avoir l’esprit d’efficacité et d’impartialité. Pas de décision politique ici, comme sur les marchés, mais l’identification des priorités pour présenter un tableau de bord chiffré, utilisable par les dirigeants. Car eux restent les véritables entrepreneurs.

La clientèle privée patrimoniale a besoin d’être guidée et rassurée. Les connaissances techniques sont mises au service des besoins, le savoir-être au service des attentes. Mieux vaut être bon commercial que bon technicien dans ce métier. Négocier est la base, savoir dire non une qualité, vendre un service plus qu’un produit l’objectif. Car la relation se construit avec le temps, sur le long terme. Elle a pour base la confiance, qui ne se bâtit qu’avec ce mixte de compétences techniques, de savoir-être à l’écoute et de capacité à analyser chaque situation. La psychologie l’emporte sur les produits, la relation sur le marketing. Rigueur et sens du risque en sont les traductions dans le comportement. Ce qui va avec l’aptitude à demander conseil aux spécialistes de chaque sujet et à ne pas prétendre tout savoir.

Selon que vous choisirez l’un ou l’autre, votre métier vous changera. Si vous vous y sentez bien vous serez un bon professionnel, apprécié pour ses capacités et son expérience.

Mais l’on ne va jamais dans un métier sans y être attiré :

  • par le risque sur les marchés,
  • par l’analyse chiffrée en entreprise,
  • par la relation en clientèle privée.

Selon que l’on a tel tempérament, le métier va l’affiner, le révéler, l’épanouir. A chacun de choisir sa voie pour y être reconnu.

L’auteur de cette note a écrit ‘Les outils de la stratégie boursière‘ (2007) et ‘Gestion de fortune‘ (2009). Il enseigne depuis plusieurs années dans le supérieur, en Bachelor et Masters.

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Mondialisation induit nationalisme

Depuis l’ouverture du communisme chinois au capitalisme (1978) et l’effondrement du Mur de Berlin (1989), le monde est un. Les échanges se développent sans frontières, ils sont économiques, migratoires, culturels – mais aussi transfert des ressources, exportation des pollutions, crises financières systémiques et changement climatique. D’où l’ambigüité de la mondialisation : comme la langue d’Ésope, elle apparaît comme la meilleure ou la pire des choses. Ce pourquoi renaissent les nationalismes et les communautarismes, cet autre nom du nationalisme quand il est sans territoire.

Nous assistons en Europe à une multiplication des revendications nationalistes régionales, dues aux égoïsmes économiques mais aussi à la question de « l’identité ». La Ligue du nord en Italie ne veut pas payer pour le sud, les Flamands pour les Wallons, les Catalans riches pour les autres régions plus pauvres, les Basques pour l’Espagne, l’Écosse pour l’Angleterre depuis la découverte de pétrole en mer du Nord. Jusqu’à la Corse qui ne veut pas payer comme tous les Français des droits de succession sur l’immobilier. Il s’agit parfois d’autonomie qui permettrait une meilleure intégration européenne, préfiguration d’un « empire » aux cents nationalités plutôt qu’un joug des actuels États-nation (Monténégro, Kosovo). Le jeu des Girondins contre des Jacobins une fois de plus rejoué ? L’empire austro-hongrois contre la Prusse nationaliste et l’unité italienne de Garibaldi ?

Plus le global se fait présent, plus le local est revendiqué. Et dans le monde existent deux modèles : le chinois et l’indien. Les deux idéogrammes qui forment le mot Chine veulent dire à la fois le milieu, le pays, la nation et l’État, tout confondu. Nous avons là l’identité faite peuple, l’Un solide comme une famille. Ce n’est qu’aux marges (Tibet, Xinjiang) que l’unité est contestée, surtout parce que l’Un éradique toute particularité locale comme la religion, la langue ou la coutume. L’Inde connaît à l’inverse la culture du multiple, l’État étant une fédération d’États plus petits où les langues sont nombreuses, comme les religions. La structure clanique familiale tient lieu de lien social. En Europe, la France tendrait au modèle chinois et le Royaume-Uni au modèle indien. Quant à l’Allemagne, elle serait tentée par la synthèse japonaise : digérer tous les apports extérieurs – mais ne retenir que ce qui est japonisable.

hip hop colonnes de burenQu’est-ce donc que « l’identité » des peuples ? Une dynamique imaginaire, un mythe créé pour faire société. L’anthropologue Maurice Godelier, dans Au fondement des sociétés humaines, montre l’importance de l’imaginaire pour toute société. La pratique symbolique joue un rôle dans le consentement ou les résistances, l’imaginaire des rapports politiques et religieux fabrique le lien social. Le modèle individualiste issu des Lumières est un leurre pour qui n’est pas déjà inscrit dans une culture. L’homme doué de raison du libéralisme politique n’est pas forcément cet agent rationnel qu’y voit le libéralisme économique. Au contraire, la valeur n’est pas le prix et l’humanité ne se réduit pas au statut de consommateur : l’habit ne fait pas le moine, la Rolex ne fait pas la réussite. Ni le mariage l’amour…

Car se déploie aussi l’identité des êtres. Je suis indifférent au mariage gay, je crois qu’un enfant peut parfaitement s’épanouir s’il est aimé, même par deux femmes ou deux hommes, que l’attention portée à un enfant désiré est meilleure que le délaissement ou le dédain de maints couples hétéros dits « normaux », qu’en termes catholiques chacun a déjà deux papa puisqu’aussi « fils de Dieu » et que l’exemple même de Joseph et Marie, parents d’un enfant dû à la procréation assistée (par Gabriel messager), ne pose aucun problème. Je suis cependant dubitatif sur les « raisons » qui font que les marginaux fiers de l’être en 1968 veuillent aujourd’hui (à 50 ans et plus) se vautrer dans le confort bourgeois qu’ils haïssaient jadis. Il n’y a là aucune « raison ». La société populaire n’aimera pas plus « les pédés » ou « les gouines » parce qu’ils/elles seront passé(e)s devant le maire; et les gosses à deux papas et deux mamans se feront moquer plus qu’avant par leurs copains, toujours plus normalisateurs que la loi. Le mariage gay n’est pour moi que cette autre expression du nationalisme, du communautarisme, du repli sur les origines, le couple, le petit entre-soi. Je ne suis pas « contre », je n’en voit pas l’intérêt. Il y aura autant de divorces, de déchirements et de procès en succession que pour les hétéros : belle avancée ! François Hollande montre qu’il n’est pas indispensable de « se marier » pour avoir des enfants, les aimer et les élever. Bel exemple, au fond.

L’identité se forme à la fois dans le temps et dans l’espace. Elle se déploie verticalement par la filiation et la transmission, et horizontalement par l’appartenance à une famille, un clan, une société, une nation, une culture. L’inquiétude identitaire naît du bouleversement des espaces : le tout horizontal déracine et désoriente ; le tout vertical produit l’intégrisme et le refus du présent au profit d’un âge d’or. Quand les liens familiaux et les liens sociaux se relâchent trop, les individus perdent leur personnalité pour se laisser balloter entre communautarismes ou modes. La violence naît moins du refus d’appartenir que de l’impuissance à y parvenir. On affecte de mépriser ce qu’on ne peut avoir (la fille du voisin) et l’on valorise ce qui est loin et accessible à tous (le gangsta rap, le mode de vie américain). L’identité fait problème chez une partie des jeunes issus de l’immigration, mais plus chez certaines communautés que d’autres. La culture maghrébine ou noire verse trop souvent dans la victimisation d’ancien « esclave » ou « colonisé », encouragée perfidement par les « belles âmes » qui agitent le ressentiment pour motifs politiques. La culture familiale asiatique, restée forte, permet d’intégrer facilement la langue, les mœurs et les pratiques sociales françaises. Ce qui montre que chacun ne peut exprimer son humanité universelle qu’au travers de son humanité particulière – si elle est positive. On ne nait pas homme, on le devient.

Il n’y a pas d’identité figée, par essence. Il n’y a que des identités historiques et pratiques. Si l’on vient bien de quelqu’un, on habite aussi quelque part. La synthèse de ces deux espaces (vertical et horizontal) s’opère par la langue, les mœurs et les modes.

  • La langue est une capacité d’échanges ; bien parler permet de ne pas s’exprimer qu’avec ses poings. Encore faut-il aller régulièrement à l’école et ne pas fréquenter exclusivement sa bande ou son ghetto. La langue fait aussi sens commun, donnant aux mots les mêmes connotations.
  • Les mœurs sont les pratiques culturelles et symboliques de l’espace public. Faire comme tout le monde, même avec ses originalités, c’est avant tout respecter les règles du jeu social. Ce n’est pas être bien conforme, mais rester dans des normes acceptables. Basculer dans la violence, les délits, le terrorisme, c’est se rejeter volontairement de la société. Les bobos toujours prêts à excuser les « victimes » devraient regarder la réalité en face, pour mieux la prendre en compte.
  • La conformité, c’est la mode. L’éphémère marchand comme substitut d’identité. Suivre la mode, c’est remplacer les mots par les choses, les gens par des objets. Le trio Smartphone, Facebook, Twitter remplace les relations humaines par des médiations techniques et virtuelles. Il faut de la culture pour les utiliser et ne pas être utilisé par eux ; il faut une personnalité pour les prendre comme des outils, et pas comme le lien social même. Seule la personnalité empêche le fétichisme. Rappelons que le fétiche est un objet qu’on croit doué de pouvoir, alors que c’est le pouvoir sur l’objet qui fait son bon l’usage.

La mondialisation offre la technique à la mode à tous les êtres humains. Mais la technique ne remplace pas la culture, d’où la désorientation personnelle, le décrochage scolaire, la déprise sociale. Communautarismes et nationalismes naissent de ce manque. Ils ne sont pas à condamner en soi : un peu assure l’identité, trop enferme dans un ghetto.

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Internet nous change

L’autisme affiché des jeunes dans le métro ou dans la rue, casque vissé sur les oreilles et œil dans le vague, dansotant en rythme d’une musique qu’ils sont seuls à entendre, paraît ridicule aux générations d’avant les i (iPod, iPhone, iTunes, iPod, iPad…). Il n’est pourtant que la version oreilles d’un comportement largement admis pour l’œil : la lecture. Les passagers du métro plongés dans leur bouquin s’isolaient tout autant du monde alentour, parfois même en marchant. Fuite devant le réel ou désir de quant-à-soi ? Avons-nous changé de monde ou seulement changé d’outils ?

Les enquêtes réalisées depuis 1973 (presque 40 ans !) montrent que les tendances sont lourdes : baisse de la lecture imprimée et hausse des consommations d’écrans (TV, jeux vidéo, Internet, réseaux, baladeurs… et les liseuses qui tendent à remplacer le livre de poche !). Même les forts lecteurs, même très diplômés, lisent moins. En cause, le temps, qui n’est pas élastique. La multiplication des écrans nomades multiplie les tentations d’expérience au détriment de la pause réflexion. D’autant que l’éducation dite « nationale » privilégie la sélection par les maths, qui n’encourage en rien à lire ! La culture littéraire et artistique serait élitiste, « bourgeoise » (capitaliste), reproductrice des inégalités sociales, voire tentation de pédé (un livre dans un collège de banlieue est aussi mal vu qu’une jupe pour un garçon). La démagogie jeuniste accentue les prescriptions à lire court, en extraits, si possible par emprunt (surtout ne jamais acheter de livre, surtout ne pas s’encombrer !).

D’autres habitudes de lecture naissent de la facilité des outils : finis les textes trop longs, trop pavés, trop bavards. Place au vif, à l’illustré, au témoignage. Les articles du ‘Monde’ qui tenaient des pages entières en 1970, remontant aux calendes grecques avant même d’aborder le sujet traité, puis terminant sur une interminable morale en conclusion, ne sont tout simplement plus « lisibles » aujourd’hui. On s’en fout de l’opinion du journaliste (toujours bien conventionnelle, en majorité tendance mainstream, donc gauche bobo) ; on s’en fout de la préhistoire de la délinquance, du nucléaire ou de tout autre sujet : place à aujourd’hui ! Ici et maintenant. Ce qui se passe, ce qu’on peut faire et comment. Ni plus, ni moins. Merde aux concepts et vive le pragmatique. C’est à mon avis un progrès.

Ce qui l’est moins semble le zapping permanent qui nait de l’hypertexte. A force de cliquer sur les liens offerts ici ou là, vous perdez le fil de votre recherche, vous digressez, vous foncez sur les détails sans plus envisager l’ensemble. Faites l’expérience : consultez l’historique de votre moteur… Les jeunes nés avec le net passent, selon les enquêtes, très facilement d’un journal à un autre, selon l’humeur et les circonstances. Ils saisissent les occasions de lire quand elles se présentent (chez le coiffeur, les amis, les gratuits du métro…). Sans critique des sources, croyant le prescripteur le plus connu ou le plus captivant, sans réfléchir par eux-mêmes. D’où la présentation de plus en plus éclatée, remplie de balises pour capter une attention évanescente. Lire fragmenté, est-ce comprendre l’argumentation ? N’est-ce pas plutôt sauter sur les seuls faits qui vont dans votre sens ? La tentation est de rester entre soi plus que de se confronter à des idées nouvelles ou contraires aux vôtres. Les errements de Wikipedia il y a quelques années ont obligé à une reprise en main : l’égalité et le partage sont des valeurs de convivialité, pas de vérité. Celle-ci est une construction critique à l’aide de sources évaluées et confrontée. La misère des mémoires de master ou de thèse montre à quel point le « plan » est un enseignement qui n’est plus jamais fait.

Quant à l’imaginaire, il ne sait plus naître des seuls mots, il exige aussitôt l’image. Même réinventée, déformée, artistiquement traitée, l’image support d’imaginaire ne laisse jamais aussi libre que les mots, elle préforme. Au risque de tomber dans les stéréotypes. Est-ce vraiment un progrès ? L’essor de la presse people et des interrogations sentimentales sur Internet sont de la même veine. Facebook, Twitter, YouTube, SkyBlog et autres réseaux sociaux sont une façon pour les jeunes de se stariser. Se faire voir et côtoyer les célèbres. Faute d’identité formée par la conscience de soi, qui nait des livres, de la confrontation de la pensée avec celle d’un autre par les mots – on se crée un personnage, fait de photos en situation, de vidéos amusantes ou décalées, de fantasmes surjoués, de maximes illustrées, de mentions « J’aime » qui situent. La jeunesse se met en uniforme, même torse nu : il s’agit de montrer les abdos et les pectos bosselés chez les garçons, les seins et les hanches rebondis chez les filles.

Et la liberté dans tout ça ?

La liberté ontologique est contrainte par les outils et les nouvelles manières de penser imagées. La liberté politique est quant à elle réduite. Les Français transfèrent massivement leurs données personnelles en Californie, sur des serveurs étrangers appartenant à une compagnie privée. Carnets d’adresse, liste d’amis, photos de vie privée, messages intimes sont stockés sous la loi de Sacramento et visibles sans contrôle par les organes de police et de renseignement d’un pays tiers (Patriot Act). Au risque de se voir accuser de crimes et délits dont ils n’auront même pas conscience, mais que tout débarquement sur le sol américain révèlera aussitôt (c’est arrivé). Au risque de se voir supprimer tout accès du jour au lendemain sans préavis, sur un caprice technique ou juridique du pays étranger (Amazon via Kindle sur les traductions d’Hemingway). Au risque de voir perdre l’information de cette masse de données, offertes gratuitement en exploitation à des entreprises de divertissement ou de commerce hors de France (Google). A-t-on bien conscience de ces implications lorsqu’on documente Facebook, Twitter, YouTube, Google et autres ? Et pourtant, on ne les entend guère, les gueulards du souverainisme, anticapitalistes forcenés, adeptes de la théorie du Complot CIA & multinationales ! Est-ce naïveté ou posture ?

Internet est comme la langue d’Ésope : la meilleure et la pire des choses. Il est ce que nous en faisons. Auparavant nous séparions vie privée et vie publique ; aujourd’hui nous séparons vie ordinaire et vie médiatique. La parole publique se démocratise, mais dans le même temps envahit l’existence. Se connecter aux médias sociaux, c’est se déconnecter de l’ordinaire, de la société, au profit d’un entre-soi choisi et construit. Rêve d’une interaction sans risque, le réseau social est un préservatif pour aller sonder les autres. Sans conflit puisqu’il suffit d’ignorer, d’effacer ou de « tej ». Nul doute que l’ouverture à l’autre, grand projet social des Lumières, en est réduite…

On peut lire sur le sujet le numéro 170 de mai-août 2012 de la revue Le Débat, Gallimard, €17.10. Redondant, souvent chiant, se sentant obligé de donner la parole à tous les « noms » qui comptent dans l’univers du numérique et qui se répètent à l’envi, les 175 pages consacrées au sujet donnent cependant des idées.

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Plouigneau, écomusée ‘Le village breton’

Non loin de Morlaix, sur la D172, existe le bourg de Plouigneau. L’ancien maire, agriculteur en retraite, a collectionné les instruments agricoles depuis son grand-père. Lorsqu’il s’est retiré, il a aménagé dans l’ancien corps de ferme familial un écomusée sur un siècle de vie rurale en Trégor. Les bâtiments ont été rachetés et complétés par la commune, mais toutes les collections appartiennent encore à l’inventeur.

C’est moins le quotidien d’autrefois, visible dans l’école primaire comme dans les pièces à vivre et à dormir du corps de ferme, que l’évolution des techniques agricoles qui fascine le visiteur.

Certes, tout adulte de 50 ans élevé en province, aura le brin de nostalgie de rigueur pour les pupitres à banc, percés de leur encrier de porcelaine dans lequel on versait l’encre violette pour y tremper la plume. Il fallait être « soigneux », « propre » et « attentif » – toutes ces vertus petite-bourgeoises inculquées au peuple rustre des campagnes à coups de règle. L’instituteur, qu’on appelait le Maître, n’était pas tendre avec les préadultes qu’on n’appelait pas encore préados. La société non plus, qui se faisait un devoir de les « dresser ». La trique sur le bureau d’un côté, les bons points qui donnaient droit aux images de l’autre (3 bons points pour 1 image, 3 petites images pour 1 grande était le tarif).

Mais il y avait les « leçons de choses », les problèmes pratiques (de train, de robinet, de surface de champ… tout ce qui parlait immédiatement aux esprits gamins). Il y avait aussi l’Histoire de France et ses images d’Épinal, la géographie des départements et les « sciences naturelles » dont de grands panneaux détaillaient le vocabulaire et les parties.

Après l’écurie, l’étable et sa laiterie, la soue (où sont aujourd’hui parqués des lapins noir et blanc), l’école… dans le sens de la visite. Au-dessus de la soue, la chambre du gardien à cochons, un lit, une chaise et un clou à vêtements : l’adolescent vivait dehors.

Puis l’aire de jeux bretons, la buanderie où trône une collection de fers à repasser de toutes tailles, y compris la pince de homard pour les dentelles et la résistance longue à brancher pour les cravates !

La cuisine version XIXème possède cheminée et vaisselier, support à cuillères et support à saindoux pendus au plafond.

La cuisine version 1940 avec la cuisinière de fonte et l’abat-jour orné de perles, la TSF pour écouter Radio-Londres, le garde-manger en treillage et toujours le vaisselier.

Les chambres à l’étage n’ont pas de toilettes ni de douche : on fait dans un seau à couvercle qu’on vide au matin, et sa toilette dans la cuvette avec le broc à eau, dans un réduit qui sert à l’habillage. Les lits clos servent à se protéger du froid humide.

Un engin Motobécane tandem servait probablement aux jeunes à promener leur belle jusqu’aux foins, les jours d’été.

Tout un hangar est consacré à la culture de la terre, depuis la bêche et la binette jusqu’au tracteurs des années 1960, en passant par l’araire, la charrue tirée par les chevaux, la moissonneuse-batteuse, la tarare, et divers instruments de fer aux pointes agressives qu’on traînait sur les champs.

Les divers travaux agricoles sont représentés tels les labours, les semailles et les moissons, la fenaison, enfin les opérations de transformation que sont le battage, le séchage, le broyage, le triage, le teillage… On en apprend, des choses !

Une exposition temporaire était consacrée en juillet à la culture et au traitement du chanvre et du lin. Il existe deux graines : le lin textile et le lin oléagineux – le saviez-vous ? Moi non.

La charrue Brabant tirée par un cheval, inventée au milieu du XIXème siècle, était une avancée technologique : en acier trempé permettant des labours profonds de 40 cm, elle avait le soc tournant pour ne pas revenir au point de départ pour un nouveau sillon.

Le clou est le tracteur Titan Mac Cormick de 2.5 tonnes et de 8700 cm3, construit à partir de 1902, arrivé en France sur les pas des soldats américains de 1917. J’ai retrouvé avec plaisir le tracteur Renault type 3042 des années 1950 et 60, toujours orange, pas très puissant (2384 cm3) mais national. On le voyait partout dans les campagnes avant 1968.

Suivent des ateliers d’artisans : menuisier, vannier, forgeron, maréchal-ferrant, cordonnier, bourrelier, couturière, coiffeur, boulanger, cafetier…

L’attraction des enfants est le sabotier, car deux artisans travaillent et font démonstration. Le hêtre est le meilleur bois aux sabots car il est dur. Mais pour le travailler, il faut le creuser frais, sinon il se fend. On conserve donc les billots dans l’eau avant de les tailler.

Tout se faisait à la main, mais l’ère des machines inventé la forme : un sabot du format désiré (grande, moyenne ou petite taille) est inséré sur un pivot ; un billot de bois sur l’autre. En tournant, la machine suit les contours de la forme d’un côté, et guide le galet attelé en tandem sur le bois de l’autre. Le sabot prend forme sous nos yeux sans intervention humaine. Reste alors à le creuser à la gouge électrique.

Ce qui aurait pu être un fastidieux verbiage écolo d’intellectuel aux champs (comme tant d’écomusées…) est ici passionnant parce que très pratique et avec peu de baratin explicatif. Pas de verbiage, ni de remontée aux calendes : c’est un paysan qui explique et tous comprennent de suite. Les outils et machines collectionnées ont tous servis et ça se voit. Nous ne sommes pas dans le respect sacré pour « la tradition », mais dans le souvenir du grand-père.

C’est sans doute cette atmosphère particulière, pratique et vivante, qui fait le charme de ce petit musée. Les ados explorent et les enfants questionnent, c’est bon signe !

Écomusée ‘Le village breton’, rue de la gare (près de l’église), 29610 Plouigneau, tél. 02.98.79.85.80

  • Site habituel www.levillagebreton.fr / Nouveau site http://www.levillagebreton29.wordpress.com
  • Ouvert tous les jours sauf le samedi, 10 à 12h et 14 à 18h / Fermeture de novembre à mars
  • Adulte €4.80, ado 13-18 ans €3.50, enfants gratuits
  • Des animations sont organisées tout au long de l’année (fête des fleurs, festival des belles mécaniques, fête du cidre, fête du lin…)

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Internet et le citoyen

Article repris par Medium4You.

Les controverses techniques d’aujourd’hui ne sont plus entre Bien et Mal, moral et immoral, mais entre plus ou moins bon et plus ou moins mauvais. Il n’y a pas de noir et blanc mais des nuances qui sont fonction de positions différentes, parfois toutes aussi légitimes… dans leur domaine. Les certitudes des technocrates matheux sélectionnés par l’Éducation nationale ont fait faillite un peu partout : dans la finance, à Fukushima, sur la vache folle et le Mediator. Il n’y a plus « une seule solution » aux problèmes, mais parfois plusieurs ; plus « une seule réponse » mais un faisceau à débroussailler.

Se faire une opinion, lorsque l’on n’est pas spécialiste du sujet, conduit donc à faire confiance. Mais pas aveuglément. Un spécialiste a un intérêt propre à ce qu’il avance : ce peut être un intérêt scientifique pour défendre une théorie contre une autre, technique pour défendre un labo ou un matériel parmi d’autres, industriel pour vendre son savoir-faire, non-gouvernemental au nom d’un principe parmi d’autres. Ce serait le rôle du politique de décider, une fois pris l’avis des divers spécialistes. Hélas ! Il ne reste que très peu de politiques, ces gens qui ont la hauteur de vue, la profondeur culturelle et la légitimité de poursuivre l’intérêt général… Nous n’avons le plus souvent que des politiciens partisans, pas des politiques au service du pays. Ils sont mus par l’idéologie ou le souci terre à terre de garder leur pouvoir, pas par l’idée du bien commun. L’exemple récent est celui de Raffarin, exigeant que la TVA de son bac à sable local ne soit pas augmentée, alors que le pays tout entier a besoin de ressources…

Si l’on ne peut plus faire confiance à des politicards aussi myopes, si l’on soupçonne les spécialistes d’agir en technocrates imbus de leur étroite spécialité seulement, si l’on croit la presse soit aux ordres, soit vendue, soit parisiano-centrée sur le théâtre des petites phrases plutôt qu’enquêtrice de sujets de société, que reste-t-il au citoyen pour se faire une opinion raisonnable ? – Internet.

Mais il y a tout et n’importe quoi sur Internet ! D’où l’intérêt de choisir quoi lire. Autrement dit savoir nager une fois qu’on a surfé. Les producteurs de faits et les producteurs de rumeur sont-ils sur le même plan ? Qu’à cela ne tienne, il suffit de mesurer la galaxie des partis pris pour savoir qui dit les faits et qui manipule. Le rejet de la vaccination est-il fondé sur des faits précis et bien documenté ou sur de vagues rumeurs sur fond de hantises complotistes ? Le climat se réchauffe-t-il ou pas ? Les scientifiques qui s’affrontent sur le sujet sont-ils d’accord sur le fond ou ne discutent-ils âprement que des détails ? Bien sûr il y a de l’irrationnel dans les opinions exposées ! Mais plutôt que de se lamenter, inventons les outils permettant de cartographier cette diversité de points de vue.

C’est ce que fait Bruno Latour, sociologue des sciences venu de la philosophie et directeur scientifique de Science Po à Paris. Dans le numéro d’octobre 2011 de la revue La Recherche (n°456, €6.20 en kiosque), il déclare : «  nous construisons des outils pour évaluer les controverses ».

Comment ? Par l’étude des conflits d’intérêts des spécialistes, par la bibliométrie pour savoir qui a publié quoi et qui a cité qui en tant que spécialiste, par la scientométrie qui permet de mesurer l’aura de ses compétences, par les financements ou les groupes d’études – en bref le réseau de porteurs d’opinion. On peut tout simplement utiliser un moteur de recherche pour observer où et quand parle ledit spécialiste : « Lorsqu’un même chercheur intervient sur la nocivité des cigarettes ou de l’amiante, sur le réchauffement et sur les pluies acides, on ne peut qu’être dubitatif sur son expertise »… A croire (et on le croit volontiers !) que les journalistes ne font pas leur boulot, qui consiste à vérifier les sources et à croiser les sources en sachant d’où elles viennent.

Sur le climat, par exemple, aucune certitude ne peut être ferme et définitive, nous sommes dans les épures de modélisation où beaucoup dépend de ce qu’on entre comme faits de départ et comme hypothèses d’évolution. Nous ne sommes plus dans le vrai ou faux mais dans le si et mais. Pour Bruno Latour, il faut basculer de la confiance en « la » science positiviste, qui ne donne pas de réponse certaine, à la confiance en l’institution scientifique. Un savant peut se tromper ou prendre des hypothèses qui ne se vérifient pas, mais la communauté dispose d’instruments et de savoir-faire qui permettent d’avancer sur la question. Ce n’est pas un homme qui a raison, mais un faisceau de preuves apportées et vérifiées qui tendent au raisonnable.

Il faut donc quitter le monde confortable de la vérité absolue, du noir ou blanc, du Bien ou Mal, venu de la culture biblique durant plus d’un millénaire. « Il s’agit, pour des sujets scientifiques et techniques qui ont des conséquences sur ma vie, et ils sont nombreux, de pouvoir détecter au plus vite qui est partisan et qui ne l’est pas », dit Bruno Latour. Donc de suivre qui paraît le plus fiable en portant une opinion. Retour à la féodalité ? Peut-être pas : retour à l’humaine condition plutôt. Nous ne sommes pas des dieux pour décider du vrai et du faux ; nous sommes en revanche tout à fait outillés à mesurer la confiance. Elle se fait sur des critères de raison, des faisceaux de passions et des pulsions instinctives. Qui défend une position a-t-il publié dans ce domaine ou est-il autoproclamé ? Qui le soutient ? Et qu’ont-ils eux-mêmes fait ou publié ? « Une fois les partisans détectés, on peut aller vers les sites d’informations, qui existent déjà en abondance ».

Intéressante façon d’aborder ces nouveaux outils instantanés et universels, plutôt que de les vouer aux gémonies en regrettant le bon vieux temps des thèses interminables, des bibliothèques difficiles d’accès et des spécialistes unanimement reconnus. La démocratie, pour le citoyen, ne vient pas que de l’extérieur : il doit aussi exercer sa raison.

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Chantier archéologique d’Étiolles 1972

« Le gisement que vous fouillerez se trouve dans un champ qui descend en pente douce vers la Seine, proche des deux villages d’Étiolles et de Soisy-sur-Seine, mais dans un site champêtre. » C’est ainsi que la circulaire administrative décrivait le chantier dans lequel nous, jeunes de l’Essonne, allions fouiller durant le mois de juillet 1972. Cela fait 40 ans déjà que le ramassage de surface de l’automne 1971, effectué par le club de la SNECMA à Corbeil (Société Nationale d’Étude et de Construction de Moteurs d’Avions) a mis en évidence lors des labours la présence massive de silex taillés.

Le champ descend toujours en pente douce vers la Seine, mais le blé vert qui nous avait accueilli est désormais éradiqué, l’endroit clôturé, et un bois a poussé tout seul. La nature reprend ses droits très vite… Le Ministère des Affaires culturelles – ainsi nommé à l’époque – a décidé d’entreprendre une campagne de fouilles, financées par le Conseil général du département. Le chantier dure encore… Il est l’un des plus riches du bassin parisien sur les restes du Magdalénien final, vers 13 000 avant notre ère.

Premier jour, début juillet 1972, un carré du champ est fauché, une tente installée, aux pans relevés pour avoir la lumière. Il pleut… Mais très vite revient le soleil de juillet. Nous creusons à la pioche et emportons la terre à la brouette, torse nu car il fait chaud et la jeunesse irrigue nos corps. Très vite sont dégagées les dalles de pierre calcaire et quelques éclats de silex manifestement taillés. Ce sont le plus souvent les poubelles de l’histoire car les éclats utiles ont été façonnés en outils puis emportés. Je ne tarde pas à découvrir un éclat allongé dont je me souviens encore : il est en silex brun bordeaux sombre. Le spécialiste de préhistoire (à un peu plus de 16 ans, je n’y connais rien), s’exclame alors : « un burin dièdre sur troncature concave ! » Bien que ce soit de l’hébreu pour moi, j’ai le sentiment d’avoir contribué à l’avancée de la science.

Nous sommes une quinzaine de jeunes du département flanqués d’étudiants en archéologie de l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Nous encadrent Yvette Taborin, professeur de préhistoire à Paris 1, Nicole Pigeot qui entreprend un DEA (master 2) et Monique Olive, en maîtrise de préhistoire (master 1). Philippe Soulier, en cours de thèse, reste une bonne semaine en renfort, mais il ne tarde pas à partir sur un autre chantier.

Les trois adultes qui nous mènent, nous les appelons gentiment « le matriarcat ». On dit en effet qu’avant la sédentarisation, les groupes humains adoraient volontiers une déesse de la fécondité (exemple Lespugue) et étaient menés par les femmes. Cette conception du XIXe siècle reste anthropologiquement peu probable, aucune société humaine historique connue n’ayant fonctionné sous ce régime. La transmission des biens ou du nom peut se faire par les femmes, le pouvoir jamais. Il n’en reste pas moins que la thèse reste à la mode chez les féministes, notamment américaines, et que Jean M. Auel, auteur femme de romans préhistoriques, s’en fait l’ardente propagandiste dans ses œuvres.

Mais elle n’a encore rien écrit en 1972. L’époque est plutôt à Rahan, une bande dessinée qui vient alors de sortir. Elle met en scène un beau jeune homme des temps préhistoriques, blond et musclé pour titiller les femmes et se faire admirer les ados. Une sorte de Tarzan solitaire à qui il arrive plein d’aventures avec des lions des cavernes ou des tigres aux dents de sabre, des groupes humains hostiles, des inventions lumineuses. A Étiolles, sur le site, nous rêvons le soir venu aux « mammouths galopant dans la plaine » qu’auraient pu voir les hommes préhistoriques 13 000 ans avant nous. De fait, nous trouverons dans le sol, plutôt bien conservée, une omoplate d’un mammouth sur le sol archéologique, à un mètre environ sous nos pas.

Une fois le sol remué chaque année par la charrue dégagé (une trentaine de cm de profondeur) commence la fouille fine. Nous abandonnons pioche et pelle pour la truelle et la pelle à poussière. Une fois un objet découvert (silex taillé, os ou pierre rougie au feu), pas question de le bouger. Il nous faut le dégager au grattoir de dentiste (une spatule d’acier) et nettoyer au pinceau. Les objets laissé ainsi en place nous permettront, une fois le sol archéologique entièrement dégagé, d’avoir une vue sur les restes du campement.

Après une suite de dalles calcaires plus une moins plates, appelées un temps « le chemin gaulois » faute de silex découverts, nous ne tardons pas à atteindre un sol tapissé de silex. Ce sont des déchets de taille, le noyau de silex brut étant importé de carrières situées à une dizaine de km, avant d’être dégrossies, puis débitées suivant un ordre précis. Il s’agit, pour le tailleur, de dégager un plan de frappe plat, duquel il va dégager, par effet de levier et frappe indirecte, des lames de silex d’une longueur suffisante pour façonner des outils. Chaque lame brute sera ainsi retaillée d’encoches, de dentelures ou de retouches pour en faire un burin, un perçoir ou un grattoir. Ces termes modernes servent à donner l’usage présumé des outils ainsi finis : une pointe, une extrémité renforcée ou un large côté préparé, le tout étant emmanché sur une perche par une colle végétale.

Une fois le sol dégagé, les photos prises, commence le démontage des trouvailles. Chaque objet (silex, pierre et os) est enlevé, marqué et mis en sachet, une fois porté sur un plan à l’échelle (ou une photo verticale). Un numéro lui est donné et sur une fiche de démontage sont portés divers éléments de son identité : altitude par rapport à un point zéro proche de la surface actuelle, coordonnées métriques, orientation du bulbe (l’endroit où il a été frappé pour être façonné), face plane supérieure ou inférieure, pente, etc. Ces détails, qui paraissent maniaques, ont pour but de bien situer l’objet dans l’ensemble et de permettre des reconstitutions ultérieures, via l’informatique ou l’œil avisé. Reconstituer ainsi un bloc de silex brut à parti de chaque fragment s’apparente à un puzzle, mais permet de montrer quelle trajectoire ont accomplis les éclats entre le moment de leur taille et le moment de leur trouvaille. De quoi en déduire que certains lieux étaient plus propices au dégrossissage, d’autres à la fabrication d’outils, d’autres enfin aux apprentis, probablement de jeunes garçons.

Très vite, l’imagination travaille. Vivant 24 h sur 24 sur le chantier sans week-end faute de moyens de transport, et en communauté assez homogène sous la houlette d’adultes légitimés par leur savoir, nous sommes heureux. Nous dormons sous la tente, faisons notre toilette au robinet du gymnase à une centaine de mètres, prenons nos repas sous une tente mess où chacun fait à tour de rôle cuisine et vaisselle. Notre groupe reconstitue un peu ce qui fut l’existence à l’époque, du vieux sage aux petits enfants, la majeure partie étant composée de jeunes encore non accouplés. Un lieu, un groupe, un projet : il n’en faut pas plus pour être humainement à l’aise. Comme si nous étions façonnés par les millénaires à vivre en bande de chasseurs-cueilleurs…

L’habitat mis au jour, et qui ne cesse de révéler d’autres étapes depuis, était probablement le campement provisoire de chasseurs de rennes. Ces animaux migrent chaque année en fonction de la saison, vers le sud quand il fait plus froid, vers le nord quand les chaleurs arrivent. Les hommes qui en vivent suivent les hordes. A cet endroit la Seine est moins difficile à passer à gué, une île s’érigeant en son milieu.

Au centre de l’habitation est le foyer, recouvert de pierres calcaires du bassin parisien qui gardent toute une nuit la chaleur (nous l’avons testé). Autour, probablement une tente de peaux, montée en cône sur des piquets de bois. Ni la peau ni le bois n’ont résisté au temps, mais subsistent sur la terre des « témoins négatifs », ces endroits sans rien, qui suggèrent que quelque chose est resté là avant de se décomposer, ce qui a empêché tout autre objet solide de s’y mettre. Des pierres brûlées, des os de cheval, de renne, un bois de renne, plus d’une tonne de silex… La récolte est fructueuse. De quoi passer les longs mois d’hiver et de printemps aux études ! Je reviendrai chaque année durant six ans sur ce chantier de ma jeunesse.

Chantier archéologique d’Étiolles, Route Nationale 448, face à l’IUFM (ex-couvent dominicain du Saulchoir).

Exposition PDF sur les fouilleurs d’Etiolles

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