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Tomboy film de Céline Sciamma

Tomboy film de Céline Sciamma

Un tomboy est un garçon manqué. Tom veut dire « n’importe qui », « le premier venu » : tomcat le chat mâle errant, tomboy le type garçonnier. Tomboy est aussi une fillette de 10 ans qui joue au garçon. Laure se fait appeler Michael lorsqu’elle surgit un été dans une banlieue nouvelle, après un déménagement.

Elle s’habille en garçon (bermuda et débardeur), se coiffe en garçon (cheveux courts), refuse de porter un collier (même fait en nouilles par sa sœur). Elle ne s’intéresse pas à l’intérieur mais rêve sur le balcon de sortir ; elle n’a pas le désir de jouer à la poupée, ni en mignotant sa petite sœur, ni en caressant le bébé nouveau-né. Ne portant pas de jupe et chaussant des tennis comme tout un chacun, elle court droit comme les garçons et pas les jambes dans tous les sens comme les filles. Elle veut jouer au foot comme les gars pour ne pas rester sur la touche comme sa copine Lisa du même âge. Elle veut s’intégrer à la bande plutôt que de rester entre soi, entre filles. Pour cela, elle observe les comportements de garçon : ils jouent torse nu, crachent par terre, n’hésitent pas à se battre. Laure-Michael fait pareil.

Pourquoi serait-il difficile à une fillette de 10 ans de faire comme les garçons de 10 ans ? Nous sommes avant la puberté qui va sexuer les corps, avant même la préadolescence, qui débute à peine. Le torse d’une fillette vaut celui d’un garçonnet, quoiqu’un peu plus maigre et moins musclé, avec de petits mamelons qui commencent à gonfler. Mais cela ne se voit pas et les yeux gamins ne sont pas centrés sur l’anatomie. Ce qui compte est la camaraderie entre pairs : marquer des buts au foot, lutter à égal avec les autres, faire comme eux. La seule chose qu’elle ne peut pas, c’est pisser debout et se présenter à la baignade sans rien dans le slip. D’où la séquence drôle et touchante où elle se modèle un pénis avec de la pâte à modeler pour que son slip soit aussi rempli que celui des autres…

Tout se passe bien derrière un ballon, à la baignade, lors des affrontements demi-nu pour mesurer ses muscles. Le problème surgit du côté des filles. La petite sœur de 6 ans est futée, elle comprend vite et entre dans le jeu, ce qu’elle désire est d’accompagner son aîné(e) dans ses sorties et découvrir des copines dans ce nouvel univers. Il est doux aussi de rêver avoir un « grand frère », image protectrice et initiatrice. Mais la copine Lisa, du même âge, a déjà commencé sa préadolescence, ses seins commencent à se former, elle porte un maillot deux pièces. Elle est attirée par Michael : « tu n’es pas comme les autres ». Elle va même lui demander de fermer les yeux jusqu’à l’embrasser sur la bouche. C’est Lisa qui va être la plus atteinte par cette transgression d’identité.

tomboy slip torse nu

Car tout finit par se savoir, d’autant que la rentrée des classes approche et que les prénoms sont révélateurs des identités sexuées. Laure ne peut pas passer pour un prénom de garçon, et la mention du sexe biologique est portée sur les listes scolaires (pour l’usage des toilettes et des vestiaires de sport entre autres). Après une bagarre (où elle a eu le dessus), Laure voit la mère du gamin qui avait rabroué sa petite sœur sonner à l’appartement. On accuse « Michael » – or il n’y a pas de Michael ni de fils…

« Cela ne me dérange pas que tu t’habilles en garçon ni que tu joues en garçon », dit à peu près la mère scandalisée ; ce qu’elle n’accepte pas est le mensonge. Pour la rentrée des classes, « tu as une solution ? » demande-t-elle. Il n’y en a pas d’autre que d’avouer et de tenter de se faire pardonner. Les garçons jugent en tribunal unanime : ils veulent « vérifier » pour classer. Lisa défend Laure-Michael par solidarité féminine, mais surtout parce qu’elle éprouve un sentiment pour la personne avant l’appartenance à la bande. Après l’avoir dans un premier temps fuie, elle l’attend sous son balcon, prête à l’amitié puisque l’amour est (socialement) impossible.

Et l’on reprend au début : « comment tu t’appelles ? ». Cette phrase initiale (et initiatique) est celle que se disent habituellement deux enfants qui se rencontrent pour la première fois. Elle vise à savoir « qui » est là (garçon ou fille ?), donc « comment » se comporter. Les rôles sociaux sont codés et les enfants sont éduqués à respecter les codes de leur milieu.

Mais il s’agit moins de « genre » au sens sexuel du terme, que de comportements. Laure « joue » au garçon, elle ne désire pas « être » un garçon. Ce qui lui manque est le jeu avec la bande, les nouveaux copains, pouvoir enfin sortir de l’enfermement familial (cocon affectueux mais tournant en rond – le sempiternel « jeu des familles », le silence autour du canapé le soir…). Au fond, c’est la curiosité pour le monde et pour les autres plus qu’un problème d’identité qui taraude Laure lorsqu’elle prend le rôle de Michael. Du théâtre plutôt que du genre. Ce sont les adultes qui posent problème, projetant leurs fantasmes sur le sujet, pas le film.

Car sa justesse est d’observer les comportements sans juger. Les parents sont protecteurs et aimants, un peu coupables de déménager si souvent pour cause de métier (l’informatique), mais soucieux de garder la transparence nécessaire aux bonnes relations sociales. Les enfants s’expriment comme des enfants et pas comme des acteurs dont le rôle est appris. La petite sœur est ainsi particulièrement naturelle, mais aussi Lisa, et le leader des garçons, exubérant et souvent torse nu.

Tomboy signifie rustre, sauvage et impolie (celle qui n’est pas « polie » par la civilisation), une fille qui agit comme un garçon fougueux (années 1590). Vers la même époque en anglais, le mot a pris le sens de catin, femme audacieuse ou impudique. To tomcat en référence aux matous signifie depuis 1927 poursuivre les femmes en vue de gratifications sexuelles (faire du tom-catting). D’où l’ambigüité du mot anglais lorsqu’il est repris en français. Il introduit le sexe alors qu’il ne saurait y en avoir à 10 ans, et il véhicule surtout l’idée que les instincts se manifestent bruts, sans être maîtrisés par l’éducation ou les mœurs.

Dès lors, est-on en présence du « bon sauvage » ou du « barbare » ? Selon que l’on est naïvement optimiste sur la nature humaine, ou cyniquement pessimiste sur le dressage des instincts, le spectateur du film choisira l’un ou l’autre. Évidemment, aucune de ces deux attitudes extrémistes n’est vraie : qui veut faire l’ange fait la bête – et qui ne voit que la bête ignore l’humanité. Les catholiques intégristes de Civitas rejoignent les salafistes de l’islam littéral pour condamner cette transgression des genres et ce comportement « dépravé ». Au nom d’une Morale dictée directement par Dieu/Allah il y a plus de mille ans et qui ne peut être changée. Pour ces croyants, tout est dit de tous temps et la société doit rester immobile, les mœurs immuables, fixées une fois pour toutes.

Pour les laïcs, pas question d’accepter un tel diktat. L’homme est un être doué de raison, qui peut apprendre et qui relativise. Il n’y a ni Bien ni Mal en soi, fixé dans le ciel des Idées pures, hors du monde terrestre, mais du bon et du mauvais, relatif à chaque fois aux êtres et aux circonstances. Dans le cas de Laure en Michael, il s’agit d’un comportement égoïste, naïf et sans malice, mais qui peut induire en erreur les autres. La fille se veut garçon, donc Lisa tombe sans le savoir amoureuse d’un mensonge. C’est là où les relations deviennent malsaines : non qu’il soit mal d’aimer une personne du même genre à cet âge présexuel – « l’amour » restant plus un sentiment qu’un désir physique – mais il est mal de tromper l’autre en mentant sur soi.

  • Plus qu’un problème de Morale, il s’agit d’un problème de comportement inadapté aux relations sociales saines.
  • Plus qu’un problème de « genre », il s’agit d’une question de jeu : offrir aux filles les activités qu’elles ont les capacités et le désir de faire, y compris celles des garçons.
  • Plus qu’un problème d’identité, il s’agit d’une interrogation sur la transparence : être soi et que les autres le sachent.

Nous sommes donc bien loin des discussions métaphysiques, qui masquent des réactions politiques conservatrices en discutant du sexe des anges. Que de chemin mental parcouru en régression depuis le film Ma vie en rose, paru en 1997, où un Ludovic se veut carrément fille et porte des robes devant tout le monde ! Là, il était question de « genre » – pas dans Tomboy.

Tomboy film de Céline Sciamma avec Zoé Héran et Malonn Lévana, 2011, DVD Pyramide vidéo, 80 mn, €14.99

En replay 1 semaine sur Arte-TV
Entretien avec Céline Sciamma qui louche sur « la théorie » du genre (qui n’existe pas hors de la secte restreinte des écolo-féministes radicales américaines qui refusent jusqu’au néolithique – mais qui est à la mode, donc ce que le journaliste veut entendre)

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Qui sera Monsieur X en 2012 ?

Nous sommes en crise des idées et des institutions, tout comme dans les années 1930 – mais nous ne sommes pas dans les années 1930. La démocratie libérale et le système économique du libre-échange paraissent comme dans les années 1930 en faillite – mais l’alternative au libéralisme est l’autoritarisme. Peu de gens, au fond, y sont prêts… Monte dans l’opinion le ressentiment contre les coupables, la tentation de tout fourrer dans le même sac (à noyer en Seine), attisée par la manipulation des pervers de la politique pour qui tout ce qui compte est d’arriver au pouvoir – mais le narcissisme infantile des impétrants « grands leaders » est risible tant leurs ficelles sont grosses. Le journalisme béat, pour qui la « nouvelle » se mesure au dernier dit, répète en boucle avec sérieux les petites phrases et formules ineptes à régler une quelconque crise en moins de 35 secondes de séquence télé – mais qui les croit vraiment ? Les options politiques restent donc ouvertes.

Le tenant du pouvoir actuel joue à faire peur pour se poser en sauveur rassurant, énergique décideur qui a la compétence et la volonté de changer les choses pour protéger les acquis et faire avancer le retour à la normalité. Mais qui peut croire cette mise en scène ? Il ne suffit pas de dire « je veux » ; il vaudrait mieux savoir motiver les siens, négocier avec les partenaires et expliquer à tous. Le storytelling – la belle histoire – ne séduit plus ceux qui ont cru y croire et qui mesurent, 5 ans après, ce qu’il en est.

Le challenger « de gauche » (« forcément de gauche » aurait renchéri la mode) croit qu’il suffit de faire tout l’inverse pour réussir là où l’autre échoue. Être « normal » quand l’autre est énergique ; réembaucher les profs que l’autre n’a pas remplacés ; suspendre toutes les réformes qui fâchent pour que tous soient contents ; faire payer « laids-riches » puisque les impôts ont été réduits pour tous – sauf pour ceux qui n’en payent pas, donc les plus pauvres. Donc pas de TVA sur les produits importés mais des impôts en plus pour les rares sociétés qui s’obstinent à produire encore en France… L’action sera sans doute moins stupide que cette caricature médiatique, mais force est de constater que cette caricature est la réalité politique de ce début d’année !

Ceux qui n’ont aucun espoir de parvenir à gouverner renchérissent dans la démagogie pour se faire mousser et négocier (peut-être…) de grasses prébendes contre un ralliement in extremis au vainqueur. C’est donc le déferlement des yakas, d’autant plus énormes et irresponsables qu’ils ne seront jamais proposés au test de la réalité. Chez ces ayatollahs rouge, brun, vert, le point commun est qu’ils haïssent ouvertement « la démocratie » parlementaire, libérale, représentative, au profit du plébiscite de crise, aidé de la terreur de masse appliquée par un petit groupe partisan violent. Les recettes de Lénine appliquées aux caniches…

Comme dans les années 1930, le dilemme en revient à démocratie ou totalitarisme – mais il n’est pas certains qu’on le résolve comme dans ces années-là.

Le grand modèle des totalitaires est la Chine ou la Russie, surtout pas l’Angleterre ou les États-Unis – ni l’Allemagne ou le Japon depuis qu’ils ne sont plus autoritaires. En Chine, c’est tout simple : l’État souverain décide de tout ; comme il n’a pas besoin d’électeurs, il peut sans vergogne s’asseoir sur les droits et les propriétés de la société civile pour imposer son ordre et ses objectifs long terme. Ceux-ci sont simples : que la Chine soit encore plus puissante, orgueil national et pouvoir économique réalisant ce que le militaire peut difficilement réussir aujourd’hui que les États-Unis ont une avance irrattrapable avant longtemps. Nos totalitaires rêvent en nuit de Chine : que « le peuple » ne vienne plus leur casser les pieds, ni les traités internationaux, ni les banques ou les institutions. Souverainisme ! Contrôle des importations et des capitaux étrangers, obligation d’investir conjointement avec une entreprise nationale, monnaie française non convertible pour piloter politiquement le taux de change, guichet ouvert à l’État par sa Banque centrale aux ordres, contrôle des entrées et sorties de capitaux. C’est ce que réalise la Chine, se disent nos antilibéraux, pourquoi pas la France ?

Mais les Français ne sont pas des Chinois et une dose de système russe s’impose. La Vème République est déjà proche de l’État-Poutine, pourquoi ne pas le pousser un peu plus en ce sens ? Le Président incarne à lui seul toute la société, son parti est aux ordres – à lui de donner le sens, de diriger la barque et de dire la morale ! C’est ce que les Français aiment depuis des décennies. Pourquoi ne pas accentuer le système mafieux à la russe des Grandes écoles, de l’inceste public-privé dans les grandes entreprises, du clan présidentiel, aidé des nervis du Milieu ? Le système Pasqua allait un peu dans ce sens dont Sarkozy a hérité, on découvre que le système socialiste en est proche dans les Bouches du Rhône, à Lille et en Septimanie – entre autres. La politique n’est plus un débat public dans des instances neutres mais se réduit à des décisions d’appareil à droite comme à gauche, où l’on soutient « les nôtres » – non parce qu’ils ont raison, mais parce qu’ils sont les nôtres, Nashi en russe, le nom même des jeunesses poutiniennes. L’allégeance compte plus que la compétence – tout comme au temps de Staline, Mussolini et Hitler, ces « grands politiques ».

Certes, nous ne sommes plus dans la conjoncture totalitaire des années 30, comme l’explique Marcel Gauchet dans son dernier livre (A l’épreuve des totalitarismes, Gallimard 2010). Le mode de structuration total des sociétés a fait son temps, on rigolerait aujourd’hui d’un Kim Jong-un français omniscient, idéologue, chef du parti et grand leader à vie. L’individualisme est irréversible en Occident pour notre temps. Mais, qui sait ?… Le grand Méchant Luc (franc-maçon) et dame Marine (les lys) se verraient assez en Kim Jong-un, au fond, tout comme Eva Joly, procureur disant le vrai, chef du parti et leader acclamée des nouveaux croyants en Notre Mère Gaia.

La France n’a probablement pas besoin de néo-Mussolini au petit pied, adeptes de la révolution permanente au profit de leur étroite clique de fanatiques croyants. Même après Nicolas Sarkozy, la crise continue. Les Français veulent un gouvernement décidé mais apaisé, un chef d’équipe solidaire de la société plus qu’un grand leader qui veut vous faire voir ce qu’on va voir. Un personnage apte à représenter « la France » sans excès d’arrogance mais avec fermeté, doué d’une morale en phase avec l’opinion, tempéré et empathique, capable de négocier avec nos partenaires européens sans reconstituer un impérialisme à deux…

Qui serait donc le « Monsieur X » de cette équation (sachant que, depuis les années 1960 où cette expression a fleuri à L’Express de JJSS, un Monsieur peut aussi être Madame) ?

A chacun de le découvrir : il paraît que la présidentielle aurait déjà plus d’une douzaine de candidats.

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Faiblesse des croyants

Les croyants ont besoin de leur croyance. Nietzsche voit dans cette béquille mentale et affective une faiblesse de l’énergie vitale. « Car l’homme est ainsi fait : dès lors qu’il a besoin d’un article de foi, dut-on le lui avoir réfuté de mille manières, il ne cessera pas de le tenir pour ‘vrai’, conformément à cette célèbre ‘épreuve de force’ dont parle la Bible. » Le désir de posséder quelque chose d’absolument stable, de prêt-à-penser, va de :

  • l’idée à la mode
  • au Livre divin qui résume tout du monde et de la vie,
  • en passant par ‘la’ science (divinisée alors qu’elle est chemin tortueux avec des impasses)
  • et par la doctrine, celle du Parti ou des politiciens qui disent ce qu’on a envie d’entendre.

On se préoccupe fort peu des arguments et démonstrations, ce qui compte est l’appui, le dogme.

Cet aveu de faiblesse est celui de la plante à la tige trop faible, qui exige un tuteur. Nombre de gens ont ainsi la tige trop faible. Ils ont peur de leur liberté car elle implique leur responsabilité. Qu’ils se prennent donc en main avant de se plaindre du sort et d’accuser les autres ! Par lâcheté, ils préfèrent déléguer aux parents, aux profs, aux médecins, aux technocrates, aux partis, de réaliser ce qui est bon pour eux.

Ils se gardent le droit de médire et critiquer, la râlerie étant le symptôme le plus français du ressentiment des faibles : ceux qui ne veulent pas faire par flemme et qui jugent; ceux qui accusent les autres, les marchés, le destin alors qu’eux-mêmes n’ont rien fait pour étudier, travailler, empêcher les démagogues dépensiers. « Inspecteur des travaux finis » était une scie de la génération avant celle de mon père, c’est dire si ce travers remonte à loin. Ce pourquoi :

  • le fusionnel collectiviste est une démission, un retour au ventre maternel.
  • le nationalisme est une régression, un repli sur soi figé en identité éternelle.
  • la xénophobie et le racisme sont des pathologies de la peur, celle de ne pas être à la hauteur et d’être englobé malgré soi dans autre chose que l’habitude.

Moins on peut, plus on aspire à un pouvoir fort qui contraigne et qui puisse à sa place. L’envie jalouse exige la contrainte tyrannique pour se venger de n’être rien. Le ressentiment social naît de la faiblesse de soi. Parce qu’on n’a rien foutu à l’école, parce que l’on n’a pas su se faire une place en société, parce que d’autres ont mieux réussi en amour, en métier, en affaires. La « justice » est le grand mot qui masque trop souvent l’envie. Les institutions ont à rester neutre sur les revendications particulières en fonction d’un droit commun, là est seulement la justice – elle n’est pas la rectification forcée de ceux qui réussissent pour les mettre au niveau des plus nuls.

Ce pourquoi le scepticisme est une force bien plus grande qu’une foi ou qu’un dogme. Car le sceptique, comme Montaigne ou Nietzsche, ne prend jamais pour argent comptant ce qu’on lui conte ou montre. Il cherche ce que le masque recouvre : que l’endettement d’État n’est pas la faute « des marchés » mais de la gabegie politique, que ce n’est pas la finance qui contraint le foot mais l’incroyable avidité des joueurs, des clubs et des médias à faire du fric, que ce n’est pas la faute aux autres ni au système si DSK a fauté. La foi n’écoute pas, le dogmatique braille en fanatique pour couvrir toute critique – seul le sceptique écoute, analyse et pense par lui-même. Tout ce qui est figé, soi-disant intangible, est illusion. Cherchez à qui le crime profite !

Qui est au pouvoir (même un tout petit pouvoir) veut le conserver et l’amplifier. Aux dépend des autres qui doivent résister et se faire reconnaître. La liberté des uns s’arrête où commence celle des autres. Dans un monde qui bouge, sans cesse en devenir, dans un univers en perpétuel mouvement, la lutte est sans repos. Contre l’entropie matérielle, contre la maladie et la mort, contre la tyrannie des autres. La démocratie est comme la santé ou la vie : une énergie sans cesse renouvelée pour aller contre les forces d’inertie, d’immobilisme, de conservatisme.

Nietzsche se voulait un danseur, sans cesse sur la corde raide.

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Que faisiez-vous le 11-Septembre 2001 ?

Je rentrais de vacances, justement de trois semaines au Pakistan. Les attentats ont été préparés par Ben Laden et ses complices, cachés quelque part dans la zone floue entre Afghanistan et Pakistan. Cette zone tribale d’ethnie Patan déborde des deux côtés de la frontière, mêlant clanisme familial et seigneurs locaux de la guerre. Le Pakistan n’a jamais voulu s’aliéner ces ethnies montagnardes, soucieux de conserver une profondeur stratégique à son pays, s’il était menacé par l’Inde. Les États-Unis ont soutenu cette idée en finançant à tour de bras les islamistes contre les soviétiques.

Ce qui m’a surpris, le 11-Septembre, est que cette haine affichée de l’Occident n’existait absolument pas quelques jours avant dans les bazars de Peshawar, grande ville la plus proche de l’Afghanistan et de la fameuse passe de Khyber. Notre guide à moustaches, Karim, nous a emmenés à l’intérieur de la mosquée Jakeola. Les dalles de marbre étaient chaudes aux pieds nus en cette heure méridienne. Des gamins se poursuivaient sous l’œil protecteur des adultes qui les réprimandent rarement tant l’exemple joue pour ces gosses qui sont constamment mêlés aux hommes. Nombre d’adultes en turbans faisaient la sieste allongés sur les dalles, à l’ombre de la galerie ; quelques-uns priaient à l’intérieur de la mosquée. Le bruit dominant était celui des jeunes garçons ânonnant le Coran pour l’apprendre par cœur, en balançant le haut du corps en rythme. Un lettré barbu par groupe, baguette à la main, lançait les versets et reprenait la récitation fautive des élèves dans une indifférence agacée. Nul doute que notre présence ne perturbait les séances bien que nous tentions de nous faire discrets. Mais des petits quittaient l’école pour s’agglutiner autour de nous. Ils étaient mis en récréation, de toute façon ils ne pouvaient plus être à leur devoir. Ils nous disaient « hello ! » et «what’s your name ? » Ils n’attendaient pas vraiment de réponse car les plus jeunes ne savaient même pas ce que ces expressions anglaises voulaient dire. Ils copiaient les grands. Mais ils étaient en tout cas amicaux envers les Occidentaux et soucieux de faire la conversation.

Du gamin au vieillard, les hommes portaient tous le pantalon large et la chemise longue ouverte sur la poitrine. Dans une société où les femmes et les mères sont confinées dans les intérieurs, les garçons vivent dehors dès qu’ils savent marcher. Comme tous les gosses, l’habillement est le dernier de leur souci, Les rues ne sont peuplées que de mecs dépoitraillés (il fait 40°) et les femmes mettent les voiles. Les très rares qui passaient rasaient les murs, en silence, voilées de la tête aux pieds avec un grillage serré devant les yeux. Élevés et éduqués sans jamais voir le sexe opposé, dans une théologie sexiste datant du 7ème siècle bédouin, les étudiants en religion (talibans) parviennent à l’âge adulte sans connaître la femme autrement que comme tentation, vulve à crocs, Satan incarné. Cet enfermement expliquerait leur peur de la simple vue d’une femme et les mesures délirantes qu’ils prennent pour conjurer leur immense émotion de puceaux tourmentés.

Si le Paradis promis aux croyants comporte « de jeunes serviteurs, pareils à des perles renfermées dans leur nacre » (Coran LII, 24) – jolie métaphore pour désigner le teint adolescent – il comprend aussi de jeunes vierges aux yeux noirs qui « ressemblent à l’hyacinthe et au corail » (LV, 58). Les musulmans ne sont pas insensibles à la beauté des femmes, mais ils la réservent à leur mari, leurs enfants, frères et neveux, pour lesquels tout inceste est prohibé. On considère, en islam, que la femme « encadrée » par le mariage et par les rites sociaux qui restreignent sa liberté, ne sera pas tentée de succomber à Satan et à ses pompes. « Les femmes sont votre champ ; cultivez-le de la manière que vous l’entendez » (sourate II, 223). Car « les maris sont supérieurs à leurs femmes. Dieu est puissant et sage » (II, 228) et en cas de partage des biens, « donnez au fils mâle la portion de deux filles » (IV, 12). En effet, « les hommes sont supérieurs aux femmes à cause des qualités par lesquelles Dieu a élevé ceux-là au-dessus de celles-ci » (IV, 38). C’est une tautologie, mais ce que Dieu veut… « Il ne convient pas aux croyants des deux sexes de suivre leur propre choix, si Dieu et son apôtre en ont décidé autrement » (XXXIII, 34). Le désir homosexuel existe inévitablement dans une société qui valorise tant le mâle et dévalorise tant la femelle. Si ce n’est pas le dessein de Dieu, c’est un péché véniel : « Dieu ne pardonnera point le crime d’idolâtrie ; il pardonnera les autres péchés à qui il voudra » (IV, 51).

Le fils de l’un de nos chauffeur de car, un Ali d’une beauté froide à 14 ans, restait debout alors qu’un siège lui tendait les bras. Ma compagne et moi avons bien mis une heure à comprendre, nous lui disions en anglais qu’il pouvait s’asseoir et il déclinait toujours. C’était la religion ! Nous avons échangé nos places, elle et moi. Ali s’est assis à mon côté presqu’aussitôt après : il ne pouvait supporter être assis près d’une femme, comme si elle était Satan en personne qui allait le violer.

Plus tard dans la montagne, un instituteur qui marchait avec moi pour revenir au village, m’a exposé son existence. Il ne faisait classe que le matin ici, l’après-midi ailleurs, faute de moyens. Il gagnait très peu, se faisant payer en nature par les paysans pour subsister. Impossible pour lui de songer à se marier car il n’était pas du clan, venait de la ville et restait trop pauvre. Comment résolvait-il ses problèmes de libido ? Il ne m’en a rien dit, mais on peut deviner avec tous ces jeunes garçons de la campagne curieux du plaisir…

J’ai lu une fois ‘The News’, le quotidien en anglais du Pakistan. Le numéro du lundi 6 août 2001 m’a permis de voir ce qui intéresse la fraction éclairée du pays. En première page, la fierté nationale : le Cachemire, la Palestine (où un chauffeur de car « a blessé dix Israéliens » en fonçant dessus), les Talibans (qui ont arrêtés dix membres d’ONG « prêchant le Christ »), un lama tibétain (« qui voudrait venir en visite »). On le voit, les « problèmes mondiaux » se réduisaient à l’islam. Le supplément hebdomadaire du journal laissait parler ses lecteurs : on y lisait les peines de cœur et les angoisses d’identité des filles et des garçons. Le conservatisme social et la morale – le « religieusement correct » – rendent les adolescents moins autonomes, Une fille qui utilisait internet s’étonnait que les tchats la conduise à « recevoir des propositions de rencontres directes » ! Réaction ingénue : les êtres humains sont-ils de purs esprits ?

La première force politique du Pakistan reste l’armée, la seconde le clergé musulman, viennent ensuite les propriétaires fonciers puis les industriels, enfin les petits commerçants. 44% de la population vit de l’agriculture (mais ne produit que 25% du PIB), 39% vit des services et 17% seulement de l’industrie. Poids de l’armée… L’industrie produit surtout du textile, de l’alimentaire et des boissons, des matériaux de construction, à destination du marché intérieur et, à l’exportation. Fait amusant : le Pakistan exportait en 2001 surtout vers les USA (22%), Hongkong, le Royaume-Uni et l’Allemagne (7%). Le Pakistan importait un peu plus qu’il n’exporte, principalement machines et pétrole, surtout des États-Unis et du Japon. Pays pauvre, surpeuplé, sous-éduqué, souffrant de disputes tribales et politiques internes, manquant d’investissement international et en coûteuse confrontation avec son voisin l’Inde, le Pakistan s’est constitué en entre-soi xénophobe. Il se voulait le Pays des Purs où seul l’Islam est permis.

Muhammad Saïd al-Ashmawy, ancien Président de la Haute Cour de justice du Caire, dit des fondamentalistes islamistes : « leur doctrine, système de vie total, sinon totalitaire, s’inspire de la même obsession d’une cité terrestre parfaite, conforme à la cité céleste dont ils déterminent l’organisation et la séparation des pouvoirs à travers les lunettes de leur lecture fantasmatique du Coran. » L’État n’est pas séparé de l’Église, ni la Morale du Livre : Dieu a tout créé, il veut tout. Pervez Hoodbhoy, professeur de physique pakistanais, déclarait à l’Express le 20 septembre 2001 : « cela me peine de le dire, mais l’Islam propose toujours des solutions faciles à des questions complexes. Voilà 700 ans que le monde musulman n’a pas produit un seul penseur marquant, dont les écrits auraient une valeur universelle. (…) Parce qu’elle a cristallisé une série de règles et d’interdits, l’orthodoxie islamiste nous rend introvertis, voire xénophobes. »

Cela dit, constatons que le fanatisme islamique a été encouragé par les États-Unis, notamment par Kissinger et Brezinski, ces brillants stratèges. Les États confessionnels non marxistes pouvaient résister efficacement aux sirènes soviétiques, cet ennemi de l’Amérique durant la longue guerre froide. La promotion de la vulgate coranique qui bloquait avec bonheur toute modernisation des pays musulmans ne pouvait que profiter au capitalisme américain, heureux de cette dépendance technique. La démographie galopante créait un marché pour les produits made in USA (armes, blé, machines) en échange de l’énergie vitale pour l’Amérique : le pétrole. C’est ainsi qu’ont été déstabilisés l’Égypte de Nasser, l’Iran du Shah et l’Irak de Saddam Hussein, brisant net leur développement. Mieux vaut reprendre la vieille diplomatie britannique impériale du « diviser pour régner ». D’autant que le fondamentalisme islamique ne saurait gêner les fondamentalistes protestants puritains…

Les attentats du 11-Septembre ont été un drame humain et un acte de terreur inacceptable qui a conduit à la guerre en Afghanistan puis en Irak, faisant des centaines de milliers de morts… surtout musulmans. Bravo Ben Laden, défenseur de l’islam, vous avez bien mérité d’Allah en tuant surtout ses fidèles. Convenons cependant que les États-Unis naïfs de Clinton ou cyniques va-t-en-guerre de Bush l’ont provoqué. La naïveté à courte vue est malheureusement le lot des experts de la CIA et des élites du pays. La priorité donnée aux liens commerciaux et financiers sur tout autre motif est la clé de la situation. Instrumentaliser les islamistes radicaux a peut-être protégé le pétrole un temps en contenant les appétits de l’URSS et en sous-traitant les problèmes en Méditerranée et en Asie centrale, mais l’apprenti sorcier se révèle avec le temps. La haine religieuse surprend les Américains, persuadés de leur mission sur cette terre ; il ne surprend hélas pas les Européens, habitués aux guerres de religion ou d’idéologie. Et les révolutions arabes, un mixte de 1848 et de 1968, sont une heureuse surprise… imprévue, comme le reste.

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Anders Behring Breivic le monstre de Norvège

Un attentat à la bombe contre le gouvernement social-démocrate et des  jeunes travaillistes de 14 à 30 ans tués par balles en quelques heures. Breivic a frappé fort pour qu’on le considère. Rançon de notre société du spectacle où les idées sont inaudibles si elles ne hurlent pas devant les caméras.

Qui est donc Anders Behring Breivic ?

Anders n’est pas fou, seulement paranoïaque. Sa logique glacée vient du sentiment d’être cerné, personnellement sans amour, socialement noyé, culturellement métissé. C’est un activiste du choc des civilisations à la Huntington, proche en pensée de la droite israélienne et des Nachis de Poutine.

Behring n’est pas fasciste, il ne croit pas aux mouvements de masse ni aux partis autoritaires bottés sous le charme d’un gourou charismatique. Il est hyperindividualiste, ne croyant qu’en lui-même et aux actes personnels, proche en cela des ultraconservateurs américains, libertariens adeptes des milices armées civiles. Ce pourquoi les bobos intellos du Nouveau Snob se trompent, trop bardés de tabous politiquement corrects pour comprendre la différence entre extrême droite et anarchisme.

Breivic n’est pas raciste, non seulement il le dit mais la meilleure preuve est qu’il a massacré les siens, des ados blonds aux yeux bleus, et pas les basanés immigrés du coin. Il est proche en cela de l’Unabomber américain, un solitaire psychotique qui tuait parmi les siens tous ceux qui représentaient le gouvernement. Ce qui limite probablement son message.

Pourquoi parler de ses idées ?

Jamais je n’accomplirai un acte aussi barbare que de tuer au pistolet-mitrailleur des gosses en slip au bord d’un lac, qui n’ont que leurs mains pour se défendre. Jamais je ne justifierai un tel ‘happening’ au nom de je ne sais quelle révolution ou avenir radieux. Jamais je n’obéirai à la logique glacée des partisans persuadés d’avoir tout seul raison, de Savonarole à Torquemada, de Lénine à Pol Pot.

Mais je crois à la lucidité. Nul ne peut combattre la mort qui marche sans comprendre les ressorts qui la font s’avancer. Comprendre n’est jamais pardonner, cela est d’un autre ordre. Il n’y a aucune morale à analyser pour tenter de savoir ; juger, en revanche, est le lot de la société.

Quelles sont les idées du tueur ?

Elles ne sont pas aberrantes, loin s’en faut. Elles sont seulement poussées à leur logique folle, tout comme les Évangiles avec l’Inquisition et le Capital de Marx avec les camps staliniens. Ses idées sont contenues dans un opuscule de 1518 pages en anglais, qu’il diffuse gratuitement sous le titre de ‘2083 A European Declaration of Independence’.

Anders Behring Breivic accuse l’Occident d’avoir laissé depuis 1945 l’égalitarisme marxiste envahir la culture pour saper les fondements même de la civilisation européenne. Il se dit « chrétien » mais version taliban : fasciné par le Jihad musulman, il se veut un croisé, retournant le jihad contre ses promoteurs. Ce pourquoi il revivifie le mythe du Templier, ordre militaire contre les infidèles. Il a trop joué à World of Warcraft, ado marqué par son époque, où le spectacle en ligne pousse à échapper à la réalité.

Il n’a rien d’un partisan d’extrême-droite (il a quitté le Parti du Progrès qui ne lui apportait rien) mais plus d’un anarchiste nihiliste. Un populiste braqué contre les élites vénales et lâches. Le marxisme, hérésie laïque du christianisme, prône l’égalité absolue des conditions, toute différence étant condamnable en soi. Philosophie de l’histoire tirée de l’observation socio-économique, Gramsci, Lukacs, Marcuse, Adorno et l’école de Francfort l’ont rendu « culturel », générant la « pensée 68 » et gangrenant les campus universitaires au nom de la révolution et de l’anti-répression des désirs. De déconstruction en contestation de toute légitimité, de féminisme en châtrage des valeurs mâles, jusqu’à l’anti-négationnisme où la loi interdit même de discuter des thèses d’histoire politiquement incorrectes. Il en fait un chapitre (p.343), « Le nom du diable est : marxisme culturel, multiculturalisme, mondialisation, féminisme, culte de l’émotion, humanisme suicidaire, égalitarisme »… Dans ce nivellement global « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ».

Sauf que les Musulmans ne sont pas gentils, ils sont croyants et intégristes, domptant les femmes à pondre des enfants. Qui ne prononce pas allégeance à Allah et ne se fait pas circoncire est à abattre comme un chien. L’immigration en Europe atteint l’étiage des 10%, avec une natalité plus forte. Dans une génération ou deux à ce rythme, l’Europe ne sera plus européenne mais la banlieue de l’islam. Avec la bonne volonté de ses dirigeants, qui appellent à une Eurabie en affirmant que l’islam est une part de l’Europe (comme la Turquie), encourageant immigration familiale et mœurs islamiques (voile, harem, épargne charia compatible, commerce halal, cantines spéciales, piscines séparées, enseignement de l’histoire expurgé, apprentissage de l’arabe à l’école, financement des mosquées…). Les musulmans pourraient représenter 50% de la population française en 2050 ! Je ne sais pas d’où viennent ces sources (Wikipedia ?) mais cela explique la « résistance » de l’auteur, « vrai » chrétien, traditionaliste souverainiste, tenant de la civilisation européenne historique.

Breivic fait appel aux sources Internet et à des textes glanés ici ou là dans l’Encyclopaedia Britannica et dans les journaux en ligne pour rassembler ses idées en 1518 pages. Son plan est en 5 parties : 1/ la montée du marxisme culturel et du multiculturalisme en Europe, 2/ pourquoi la colonisation islamique commence en Europe, 3/ l’état des mouvements de résistance européens antimarxistes et anti-jihad, 4/ les solutions pour l’Europe occidentale, et 5/les thèmes de discussion d’application utile à la stratégie politique. Pourquoi 2083 ? Parce qu’à ce moment, croit l’auteur, entre un tiers et la moitié de la population européenne sera musulmane, induisant un violent mouvement de réaction des autochtones avec coups d’état, déportation, interdiction de toute référence multiculturelle et imposition d’une idéologie nationale conservatrice (p.803).

Page 837 vient la formule appliquée littéralement par Breivic vendredi : « la meilleure méthode est d’attaquer de façon violente et par tromperie (attaque choc) avec des forces limitées (1 ou 2 individus). » Le terrorisme conservateur est aussi haïssable que celui d’extrême gauche durant les années de plomb des Brigades rouges, de la bande à Baader et d’Action directe. En cela, les partis de la droite extrême ne sont pas plus coupables de leurs idées que les partis d’extrême gauche. Le terrorisme est mimétique, partant des mêmes causes (un parti mou sans action concrète), avec les mêmes effets (des actes individuels de commando qui sèment la mort sans rien changer à la société).

Comment le contrer ?

En étant clair sur les objectifs de l’Union européenne, ferme sur la culture à transmettre et sur les valeurs qui composent notre vivre-ensemble, opposé à la lâcheté médiatique du métissage où tout vaut tout – pour mieux abêtir et vendre Coca cola.

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Nietzsche, Prologue de Zarathoustra

Nous sommes en 1883. Le Prologue en dix paragraphes présente l’œuvre, faite de quatre parties. Zarathoustra est parti sur la montagne à 30 ans, âge où la fougue juvénile commence à se calmer et qui éprouve le besoin de méditer. A 40 ans, il redescend, homme mûr, au midi de son âge et de sa pensée. Il ressent le besoin de donner comme « une coupe qui veut déborder ».

Ce n’est pas un hasard, le bouddhisme commençait d’être connu et ses textes traduits en allemand vers le milieu du 19ème siècle : Zarathoustra agit comme Bouddha – être humain qui s’est changé lui-même et non pas « dieu » advenu tout armé pour commander aux hommes. Il revient vers ses frères comme un bodhisattva – un saint homme qui préfère donner aux autres par générosité plutôt qu’entrer de suite dans le nirvana, ce grand Tout où l’individualité s’abolit. Dès lors, Zarathoustra commence son « déclin ». Car tout ce qui n’avance plus recule, tout ce qui donne se retranche.

Mais tel est le destin de l’homme : d’être détruit pour être surmonté. Ainsi les enfants poussent les parents dans la tombe – et c’est bien ainsi. C’est le tragique de l’existence que le « sur » homme doit accepter plutôt que de se consoler dans les illusions religieuses. Ce oui à la vie née d’eux, les parents s’en font joie ; leur mort inéluctable pour laisser la place, ils la désirent parce que, sans elle, les enfants ne seraient pas. Et leur amour est assez grand pour s’effacer devant ceux qui leur succèdent.

Tout, dans l’univers, a sa place et sa fonction. Celle du soleil est d’éclairer, indifférent au sort des êtres ; celle de Zarathoustra est d’éclairer les hommes, en prophète, parce qu’il « aime les hommes ». Oui, « Il s’est transformé, Zarathoustra. Il s’est fait enfant, il s’est éveillé » – Bouddha fut lui-même appelé l’Eveillé. L’enfant de Nietzsche est celui qui, adulte, a retrouvé les grâces et l’énergie vitale de l’âge tendre : la curiosité, le désir, l’innocence du devenir. L’univers est une harmonie dont l’homme est une partie. Il est fait d’interrelations (tout est lié) et d’interactions (tout agit sur tout) – on le voit bien avec le climat qui lie les économies du monde, ou les sociétés qui lient les individus entre eux.

L’idée de Nietzsche est que le mouvement même est positif et que « le bonheur », cet état de satisfaction béate et immobile du « dernier homme » (en France, la période Chirac), est négatif. Le « bonheur » – ce Paradis retrouvé – signifie l’arrêt du désir, l’arrêt du travail, l’arrêt de la création (donc du sexe). « Amour ? Création ? Désir ? Etoile ? Qu’est cela ? – Ainsi demande le dernier homme et il cligne de l’œil. (…) On ne devient plus ni pauvre ni riche : c’est trop pénible. Qui voudrait encore gouverner ? Qui voudrait encore obéir ? C’est trop pénible. Point de berger et un seul troupeau ! Chacun veut la même chose, tous sont égaux : quiconque est d’un autre sentiment va de son plein gré dans la maison des fous. ‘Autrefois, tout le monde était fou’, disent les plus fins, et ils clignent de l’œil. On est prudent et l’on sait tout ce qui est arrivé. » On reconnaît là le « principe de précaution ». N’a-t-il pas été introduit par Chirac dans la Constitution, ce contrat social des Français ?

Cet exemple trivial pour montrer comment Nietzsche peut être « inactuel » ou « intempestif ». Il est universel parce qu’hors de son temps ; les idées qu’il a émises sont toujours d’actualité. Ainsi, « l’homme doit être surmonté ».

Il ne faut pas se méprendre sur « le surhomme » : il ne s’agit pas d’un raidissement de morgue à la prussienne, ni d’un néo-racisme biologique que le nazisme a tenté de faire advenir. L’homme a évolué depuis l’Australopithèque des savanes africaines ; il continue son évolution, même si elle est peu perceptible sur une génération. Mais ce qui forçait l’évolution humaine étaient les conditions de survie, les changements climatiques, la nourriture à trouver, les prédateurs auxquels échapper. Aujourd’hui, sous la civilisation, ces vertus de survie ne suscitent plus aussi fortement le désir. Les uns se réfugient dans les illusions supraterrestres de la religion au lieu de se préoccuper de ce qui arrive sur cette terre ; d’autres méprisent leur corps, mais « votre corps, qu’annonce-t-il de votre âme ? » ; d’autres laissent en friche leur raison alors que, demande Nietzsche, « est-elle avide de savoir, comme le lion de nourriture ? »

De même pour Nietzsche, la justice devrait être « ardeur », la vertu faire « délirer » et la pitié « la croix où l’on cloue celui qui aime les hommes ». Or, rien de tout cela n’advient dans la société de son temps, la civilisation bourgeoise, allemande, bien-pensante, de la fin 19ème. « Suffisance » et « avarice » sont les deux défauts de cette population là. A-t-on vraiment évolué depuis ? La finance 2008 n’a-t-elle pas montré combien suffisance scientiste et avarice égoïste mènent encore la société.

« L’homme est une corde tendue entre la bête et le surhomme – une corde au-dessus d’un abîme. Danger de le franchir, danger de rester en route, danger de regarder en arrière – frisson et arrêt dangereux. Ce qu’il y a de grand en l’homme est qu’il est un pont et non un but. » Des trois dangers, Nietzsche ne choisit pas le conservatisme (regarder en arrière), ni l’immobilisme àlachiraque (rester en route) : il est pénétré du désir d’aller de l’avant (franchir). « J’aime ceux qui ne cherchent pas par-delà les étoiles, une raison de périr ou de se sacrifier, qui au contraire se sacrifient à la terre, pour qu’un jour vienne le règne du surhomme. J’aime celui qui vit pour connaître (…) celui qui travaille et invente (…) celui dont l’âme se dépense (…) qui tient toujours plus qu’il ne promet (…) celui qui justifie ceux de l’avenir et qui délivre ceux du passé… » Et, concernant la vertu : « Qui donne à manger aux affamés réconforte sa propre âme : ainsi parle la sagesse. » Nietzsche est donc très loin de la caricature qui lui est souvent faite.

Mais son message n’est sans doute pas fait pour le grand nombre car ce qui dérange les habitudes, ce que le médiocre nomme « la folie » parce qu’il ne le comprend pas, fait peur. Or elle est bien souvent ce qui dépasse le commun – la frontière est si ténue qui sépare la folie du génie ou de la grandeur. Quant à la pauvreté, elle est sociale et non personnelle ; elle résulte de conséquences économiques et non d’une « nature » héréditaire. On ne naît pas pauvre, on le devient par son milieu ou sa déchéance sociale. La « richesse » est un jugement de valeur, un ensemble de biens et de qualités reconnus par la partie puissante de la société. Le vieux Diogène en haillons dans son tonneau était plus « riche » aux yeux des Grecs qu’Alexandre, le jeune et brillant roi de Macédoine, conquérant de la Perse.

C’est la raison pour laquelle Nietzsche, dans ce Prologue, dit pourquoi il ne s’adresse pas en prophète à la foule. « Des compagnons, voilà ce que cherche le créateur, et non des cadavres, des troupeaux ou des croyants. Des créateurs comme lui (…) de ceux qui inscrivent des valeurs nouvelles sur des tables nouvelles. » Ainsi firent tous les philosophes avec leurs disciples.

Au contraire des politiciens et des gourous qui veulent embrigader et asservir !

Frédéric Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1884, Livre de Poche, 4.27€ 

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