
Une fille et un gars se rencontrent lors d’un jeu télé débile qui consiste à faire réagir le public à une situation de voyeurisme. La fille est Danielle (Margot Kidder), ex-jumelle attachée à sa sœur Dominique, et séparée à l’âge adulte. Le gars est un Noir, gentil et en costume, qui la raccompagne chez elle et, parce qu’elle y consent, la baise. C’est assez osé aux Etats-Unis au début des années soixante-dix, mais ce n’est que le début de l’horreur.
Curieusement, un homme à lunettes et imper ne cesse de surveiller Danielle (William Finley). Il veut lui faire quitter le restaurant africain où les partenaires télé ont gagné un dîner pour deux dans une ambiance qu’on dirait aujourd’hui « raciste » alors qu’elle n’était alors que particulière, « ethnique » (gorille empaillé, cris de jungle, jazz nègre, coiffures afro, videurs musculeux – tout l’attirail des préjugés, non sans un certain humour). Il suit le couple jusqu’à l’appartement, où le Noir, en gentleman, part par la porte avant et revient par la porte de service avant de passer la nuit avec Danielle pour que l’homme à lunettes cesse sa surveillance.
C’est le premier indice que quelque chose ne vas pas. Un autre indice sont ces pilules rouges que Danielle s’empresse d’avaler dans la salle de bain, laissant les dernières (en femme légère) sur le bord du lavabo. Le Noir en s’éveillant, s’apercevant qu’il est tout seul dans le lit et Danielle en conversation avec quelqu’un dans la pièce voisine, ramasse ses habits et va dans la salle de bain, où un pan de sa chemise balaie les pilules laissées là par bêtise. Lorsqu’il revient dans la chambre, Danielle lui dit avoir parlé de leur anniversaire avec sa sœur jumelle Dominique qui a peur des gens, et lui demande de passer à la pharmacie tandis qu’elle appelle son docteur en urgence pour obtenir de nouvelles pilules. Sinon quoi ?

Le Noir gentil fait les courses puis, avisant une pâtisserie, va négocier l’achat d’un gâteau qu’il demande à la boulangère gouailleuse de décorer des deux prénoms de Danielle et Dominique. Lorsqu’il revient à l’appartement, assez longtemps après, Danielle est recouchée. Il passe dans la cuisine et sort un grand couteau à découper, cadeau de la chaîne de télé à la partenaire fille. Il revient près du lit pour couper le gâteau anniversaire dégoulinant de crème rose bonbon (l’horreur gastronomique à l’américaine), où il a planté quelques bougies. Le réveil de Danielle ne se passe pas comme prévu : elle empoigne le couteau et, au lieu de le planter dans le gâteau, en perfore le bide de son amant d’une nuit. Puis elle s’acharne sur lui qui vit encore, sur les jambes, sur la poitrine, sur le dos. Une vraie psychose, comme dans la douche de Hitchcock.

Le Noir survit toujours, comme s’il avait neuf vies (ce qui est suspect). Il rampe jusqu’à une vitre où il dessine de son sang un SOS. La fille journaliste qui habite en face et travaille devant sa fenêtre, Grace Collier (Jennifer Salt) le voit et appelle la police. Encore du voyeurisme, au quotidien et non plus à la télé (encore que les fenêtres fassent des écrans acceptables). Mais les flics sont bornés et procéduriers, en plus ils n’aiment pas les articles de la journaliste, même pas américaine mais canadienne, qui dénonce les manquements et les dérives. Il est vrai que les flics de New York, dans les années soixante, étaient très corrompus, lâches avec les forts, sévères avec les faibles. Un Noir qui se fait trucider par une fille qu’il a violée, on voit ça tous les jours, disent-ils.

En bref, ils ne se pressent surtout pas d’y aller voir. Il faut que Grace se mette en route pour qu’ils la suivent en feignant de la précéder. Ce temps perdu a permis à Danielle de rappeler son docteur, qui est venu en catastrophe. Ils ont planqué le corps dans le canapé-lit, il a nettoyé au détergent les traces de sang sur le sol et la fenêtre. Lorsque les cons de flics débarquent enfin, il est déjà dans l’escalier pour aller jeter les chiffons pleins de sang. Les bornés ne trouvent évidemment rien, et Danielle joue les filles normales, sans affect, à peine habillée. Un vrai dédoublement de personnalité.

Ce troisième indice d’un être psychopathe, est l’engrenage de l’horreur. Elle est folle et ne le sait pas. L’homme qui la surveille est son médecin, celui qui l’a séparée de sa jumelle, est tombé amoureux d’elle et a supprimé la sœur geignarde qui avait peur de tout. Il l’a baisée encore attachée, ce qui est bien tordu, Dominique regardait tandis que Danielle jouissait ; enceinte, Danielle a perdu son bébé, qui rendait trop jaloux Dominique. Une fois séparées, l’une était dans l’autre et l’empêchait de vivre autonome. Il a fallu la piquer. Le docteur psycho expédie le canapé au Canada dans un camion de déménagement, tandis qu’il emmène de force Danielle à sa clinique psychiatrique où il l’interne à coup de piqûres calmantes avant de la baiser – elle aime ça car elle se sent exister en tant que personne autonome, trop longtemps attachée par la cuisse à sa jumelle. Sauf que, depuis la mort de sa sœur piquée par le baiseur, cela se termine toujours mal pour elle ; elle est prise par l’autre, qui se venge.

Grace Collier n’a pas lâché. Une fois les flics partis, elle contacte un journaliste qui avait suivi l’odyssée des siamoises et fait un reportage sur leur séparation. Le journal est preneur d’un nouveau papier avec le meurtre mystérieux dont le corps a disparu. Mais, pour cela, elle doit engager un détective privé. Tel un pitbull, il ne lâche pas sa proie : l’appartement, où il ne trouve qu’un dossier sur les siamoises, et le canapé, trop lourd pour ne pas dissimule un corps. Il n’a pas le temps d’aller plus loin, les déménageurs arrivent et il les aide, feignant d’avoir lavé les carreaux. Il suit avec sa camionnette Ford le camion de déménagement jusqu’au Canada et attend celui qui viendra le réceptionner, tandis que la journaliste suit Danielle emmenée par son docteur jusqu’à la clinique.

Évidemment, elle s’y introduit, mais si l’on y entre gratuitement, la sortie est payante. Elle se retrouve prisonnière, sous calmants, hypnotisée pour qu’elle oublie tout ce qu’elle a vu. En une ellipse trop rapide, le film passe brutalement à sa délivrance par les flics qui ne l’avaient pas cru, sous l’influence de sa mère et du journaliste qu’elle avait contacté ; quant au cadavre, il est toujours sous canapé, et le détective reste à le surveiller… Quant à elle, elle nie avoir vu un cadavre, donc qu’il y ait eu un quelconque meurtre. Comme quoi les évidences ne sont jamais celles que l’on attend.

Un film petit budget, parfois déroutant, pas un grand film mais une bonne horreur pour « les plus de 16 ans » qui sont d’humeur.
DVD Sisters – Soeurs de sang, Brian de Palma, 1973, avec Margot Kidder, Jennifer Salt, Charles Durning, William Finley, Lisle Wilson, Wild Side Video 2004, 1h30, €24,83, Blu-Ray (anglais seulement) €47,60
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