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Pierre Ménat, L’Europe entre Poutine et Trump

L’ancien ambassadeur de France en Roumanie, Pologne, Tunisie et aux Pays-Bas, ancien conseiller du président Chirac et directeur de l’Union européenne au ministère des Affaires étrangères, poursuit ses réflexions sur l’Europe, son domaine d’expertise (voir ses précédents ouvrages en fin d’article).

Dix chapitres et deux parties, sur 200 pages. Deux risques majeurs pour l’Europe : Poutine et Trump. Comment l’Europe (plus large que la simple UE) peut-elle s’adapter ?

La première partie, à peu près la moitié de l’ouvrage, offre une synthèse récente de ce qui s’est passé depuis le Covid venu de Chine, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et la réélection d’un Trump plus national-conservateur que jamais. Elle est une revue utile, mais sans nouveauté pour qui suit l’actualité internationale. La seconde partie, en revanche, offre des perspectives neuves. L’auteur propose « une différenciation selon les matières : méthode communautaire pour le cœur de métier (économie, commerce, marché intérieur) ; maintien du caractère spécifique de la zone euro et des affaires de sécurité et de justice. En revanche, pour les affaires étrangères et la défense, il faut imaginer un autre modèle, pouvant conduire à un nouveau traité spécifique, dans l’esprit du Plan Fouchet proposé par le général De Gaulle en 1961 » p.17.

Un rappel utile des deux risques majeurs, Poutine et Trump :

« Le pouvoir russe développe (…) une rhétorique nationale-conservatrice, articulée autour de trois piliers : la souveraineté absolue, le rejet des ‘valeurs occidentales’ et la restauration de la grandeur russe. La souveraineté est conçue de manière radicale : non seulement comme indépendance vis-à-vis des pressions extérieures, mais aussi comme rejet de tout cadre normatif international qui limiterait l’action du Kremlin » p.24.

« Le trumpisme est un syncrétisme résultant d’influences conjuguées et parfois contradictoires. C’est une synthèse associant nationalisme économique, populisme autoritaire, conservatisme culturel et instinct anti-élites. Il repose sur la défiance vis-à-vis des institutions, le rejet du multilatéralisme, la glorification d’un leadership fort et direct » p.47.

Les deux se conjuguent pour former une coalition idéologique anti-Europe, anti-valeurs du droit et de la négociation, anti-Lumières. Or l’Europe, si elle est forte en soi, est faible en actes. Elle ne valorise pas sa prospérité, ne se fait pas respecter sur le plan commercial, détourne son épargne des investissements sur son sol, laisse partir ses talents à l’étranger faute de financements, bafouille sur l’immigration. Elle est contestée en interne par la droite extrême, que l’auteur voit en trois blocs : les conservateurs, les souverainistes, les nationalistes. Elle se met des bâtons dans les roues en forçant sur l’élargissement (à l’Ukraine, la Moldavie, les Balkans, voire la Géorgie et… la Turquie), alors que l’approfondissement permettrait seul une Europe puissance.

L’Europe doit amenuiser ses dépendances : commerciale (elle importe 40 % de ses besoins), énergétique (prix du gaz de 30 à 50 % plus élevé qu’avant la guerre en Ukraine, 80 % des panneaux solaires sont chinois), technologique (cloud et IA presque exclusivement américains, 90 % des puces importée), défense (la plupart des matériels viennent des États-Unis), agricole (engrais, soja, phosphate), géographiques (terres rares à 80 % chinoises, exportations majoritairement vers les États-Unis). Contre cela, deux rapports : Draghi 2024 propose surtout de créer un fond souverain européen permettant de financer directement des projets industriels stratégiques ; et Letta pour améliorer le marché intérieur, énergie trop segmentée, manque d’harmonisation fiscale, persistance de barrières non tarifaires dans le secteur des services, marché unique des capitaux, marché unifié de la donnée. La réindustrialisation passe par le soutien à des pôles industriels stratégiques comme les batteries électriques, les électrolyseurs d’hydrogène, les semi-conducteurs, la technologie quantique. Mais pèsent sur tout cela les contraintes de Budgets, les lourdeurs administratives, l’opposition locale et les contraintes environnementales – sans parler de la concurrence internationale et de la diversité des fiscalités.

« L’euro est le plus puissant instrument de souveraineté que détient le continent (…) Il constitue un levier stratégique sous-exploité par l’Union européenne (…) sous-utilisé dans les transactions internationales, notamment dans les secteurs de l’énergie, des matières premières, des technologies. Cette situation maintient l’Europe dans une dépendance financière structurelle vis-à-vis du système monétaire dominé par le dollar, elle limite sa capacité à contourner les sanctions extra-territoriales américaines, à autonomiser ses échanges commerciaux ou à offrir une alternative crédible aux pays tiers souhaitant diversifier leurs partenaires financiers » p.133.

L’immigration est un enjeu crucial. Pas moins de 2,8 millions d’immigrants ont pénétré en Europe rien qu’en 2023. Or c’est un volet de la guerre hybride déclenchée par Poutine pour semer la zizanie dans les démocraties en exaspérant les ressentiments – ou par Erdogan si on ne le finance pas. Le pacte migratoire européen est nettement insuffisant, et les retours sont faibles, le tout sans vision stratégique d’ensemble.

La défense, autre enjeu crucial, est fragmentée, dispersée, illisible. La volonté politique manque et la dépendance de l’Otan – donc des États-Unis – reste forte. Deux programmes européens, SAFE et EDIP, favorisent les financements et les projets industriels communs, mais une véritable préférence européenne dans les marchés publics de défense est aujourd’hui absente. La politique des petits pas, en attendant de convaincre tout le monde, est insuffisante face à l’imminence de la menace russe. Ce sera toujours trop peu, trop tard. L’auteur prône une « rupture » en intercalant un projet de défense européenne entre l’Otan et les défenses nationales, sur adhésion volontaire de certains pays seulement. Il faudra pour cela un nouveau traité.

Ni fédéralisme, ni retour aux États, l’auteur prône une voie médiane, « consistant à doser les compétences respectives des États et de l’Union de manière à obtenir une efficacité maximale » p.199.

Un livre d’actualité qui fixe les idées fin 2025, sorte de rapport sur l’État de l’UE, à lire d’urgence, car il deviendra malheureusement assez vite dépassé par la marche de l’histoire.

Pierre Ménat, L’Europe entre Poutine et Trump, 2025, Éditions Pepper – L’Harmattan, 202 pages, €20,00, e-book Kindle €14,99

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Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

Déjà chroniqué sur ce blog :

Prix Mieux comprendre l’Europe de l’Institut Jacques Delors 2024

Et un roman

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Christophe Guilluy, La France périphérique

Relire dix ans après cet essai d’un géographe sociologue est passionnant. Christophe Guilluy a anticipé les Gilets jaunes comme l’irruption d’Emmanuel Macron, puis la chute de l’UMPS au profit des extrêmes, unis dans le populisme du RNFI. Ce n’est pas rien. Certes, les chiffres donnés dans le livre datent ; mais les tendances affichées se sont poursuivies, ce qui est le principal du propos.

Deux France coexistent, comme dans tous les pays occidentaux développés : les métropoles néolibérales du capitalisme américain mondialisé, où se concentrent les emplois, les richesses, les cadres – et une fraction de l’immigration qui en profite -, et le réseau éparpillé des villes petites et moyennes, des zones rurales fragilisées par le retrait des industries et des services publics. Or, démontre-t-il à l’aide des chiffres de l’Insee, si les deux-tiers du PIB français est produit dans les métropoles, 70 % des communes ont une population fragile, ce qui représente 73 % de la population (tableaux chapitre 2).

D’où le divorce idéologique entre les nomades éduqués à l’aise dans le monde, et les ancrés au terroir faute de moyens, isolés des centres de culture et des universités, qui végètent et craignent les fins de mois. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les partis politiques, ni leurs « programmes » qui font les électeurs, mais bien l’inverse. D’où le déclin (irréversible, selon lui) du Parti socialiste et des Républicains modérés, élite des métropoles, en faveur surtout du Rassemblement national (ex-FN) et, marginalement, de LFI.

Car Mélenchon se trompe de combat, dit l’auteur ; il veut ressourcer la vieille gauche révolutionnaire alors qu’elle n’a plus rien à dire sur les chaînes de valeurs. Les yakas ne font pas avancer la machine, qui déroule ses engrenages nécessaires à partir de l’économie. Les années Covid l’ont amplement montré depuis. Mélenchon joue « les banlieues » comme nouveau prolétariat appelé à faire la révolution, dans une lutte des classes devenue lutte ethnique, alors que « les banlieues » ne sont que des centres de transit avant l’intégration. Un flux constant de nouveaux immigrés arrive, toujours pauvres et pas toujours éduqués aux mœurs occidentales, tandis que, dans le même temps, la génération d’immigration précédente s’en sort par les études et les emplois proches dans la métropole, et déménagent pour s’installer dans des quartiers plus huppés.

« Les banlieues », donc, peuvent connaître des émeutes, mais pas de processus révolutionnaire. « Globalement, et si on met de côté la question des émeutes urbaines, le modèle métropolitain est très efficace, il permet d’adapter en profondeur la société française aux normes du modèle économique et sociétal anglo-saxon et, par là même, d’opérer en douceur la la refonte de l’État providence. » Contrairement aux idées reçues une fois encore, et complaisamment véhiculées par les médias, « si les tensions sociales et culturelles sont bien réelles, le dynamisme du marché de l’emploi permet une intégration économique et sociale, y compris des populations précaires et émigrées. Intégration d’autant plus efficace qu’elle s’accompagne de politiques publiques performantes et d’un maillage social particulièrement dense. » Inégalités croissantes mais, paradoxe, intégration croissante.

C’est plutôt sur le déclin de la classe moyenne et la précarisation des classes populaires que vont pousser (qu’ont poussées depuis la parution de l’essai) les nouvelles radicalités. Les Bonnets rouges de la Bretagne intérieure, les petites villes des plans sociaux, les classes moyennes inférieures des périphéries rattrapées par le logement social des immigrés comme à Brignoles, illustrent les fragilités sociales. Paiement des traites des maisons et endettement, frais de déplacement dus à l’éloignement des centres, et difficultés de retour à l’emploi en cas de chômage. Le piège géographique conduit à l’impasse sociale, ce qui explique la sensibilité des gens à l’immigration. « Dans ce contexte d’insécurité sociale, les habitants deviennent très réactifs à l’évolution démographique de leur commune, notamment la question des flux migratoires. »

D’où la poussée du RN, dans le Nord en raison de la précarisation sociale, dans le Sud en raison des tensions identitaires, dans l’Ouest en raison d’une immigration de plus en plus colorée, donc visible. La pertinence du clivage droite/gauche n’a plus cours ; le populo s’en fout. « Paradoxalement, c’est le vieillissement du corps électoral qui permet de maintenir artificiellement un système politique peu représentatif. Les plus de 60 ans étant en effet ceux qui portent massivement leur suffrage vers les partis de gouvernement. » (J’avoue, c’est mon cas). Le clivage actuel est plutôt entre ceux qui bénéficient ou sont protégés du modèle économique et sociétal, et ceux qui le subissent. C’est le cas par exemple dans les États-Unis ayant voté Trompe, ces « hillbillies », les ploucs de collines emplis de ressentiment revanchard contre les élites qui « se goinfrent » et sombrent dans l’hédonisme immoral le plus débridé (Bernard Madoff, Jeffrey Epstein, Stormy Daniel, David Petraeus, Katie Hill, William Mendoza, Mark Souder, Chaka Fattah, Scott DesJarlais, P. Diddy…). En France, « ouvriers, employés, femmes et hommes le plus souvent jeunes et actifs, partagent désormais le même refus de la mondialisation et de la société multiculturelle. »

Que faire ?

Économiquement : La France périphérique cherche une alternative au modèle économique mondialisé, centré sur la relocalisation, la réduction des ambitions internationales, le protectionnisme, la restriction à la circulation des hommes et à l’immigration – au fond tout ce que fait Trompe le Brutal, et son gouvernement Grotesque. « Initiative de quatre départements, l’Allier, le Cher, la Creuse et la Nièvre, les nouvelles ruralités s’inscrivent dans le contexte de la France périphérique. Si l’appellation semble indiquer une initiative exclusivement rurale, ce mouvement vise d’abord à prendre en compte la réalité économique et sociale (…) En favorisant un processus de relocalisation du développement et la mise en place de circuits courts. »

Politiquement : « La droite a joué le petit Blanc en mettant en avant le péril de l’immigration et de l’islamisation La gauche a joué le petit Beur et le petit Noir en fascisant Sarkozy, stigmatisé comme islamophobe et négrophobe. Les lignes Buisson et Terra Nova qui, pour l’une cherchait à capter une partie de l’électorat frontiste et pour l’autre visait les minorités, ont parfaitement fonctionné. » Mais comme ni droite ni gauche n’ont rien foutu contre l’insécurité sociale et culturelle, en bref la précarisation et l’immigration sauvage, les électeurs se sont radicalisés, délaissant PS et Républicains. Y compris les électeurs français ex-immigrés : « Le gauchisme culturel de la gauche bobo se heurte en effet à l’attachement d’ailleurs commun à l’ensemble des catégories populaires (d’origine française ou étrangère), des musulmans aux valeurs traditionnelles. Autrement dit, le projet sociétal de la gauche bobo s’oppose en tout point à celui de cet électorat de la gauche d’en bas. » On parle aujourd’hui de « woke » pour vilipender ce délire gauchiste culturel. D’où le recentrage vers le conservatisme de tous les partis, sauf LFI. Pour garder ses électeurs, il faut répondre à leurs attentes. Or la mondialisation, si elle ne disparaîtra pas en raison des enjeux de ressources, de climat et d’environnement, est désormais restreinte. Le Covid, puis Trompe, l’ont assommée. Les partis politiques doivent donc le prendre en compte et moins jouer l’économie du grand large que les liens sociaux intérieurs. On attend toujours…

Sociologiquement : le mode de vie globalisé à la Jacques Attali, nomade hors sol sans cesse entre deux avions, n’est pas supportable pour la planète s’il se généralisait. Guilluy cite Jean-Claude Michéa, justement inspiré : « C’est un mode de vie hors-sol dans un monde sans frontières et de croissance illimitée que la gauche valorise, comme le sommet de l’esprit tolérant et ouvert, alors qu’il est simplement la façon typique de la classe dominante d’être coupée du peuple. » Au contraire, la majorité de sa population se sédentarise, s’ancre dans les territoires, faute de moyens pour accéder aux métropoles où les loyers et le mètre carrés se sont envolés. Dans un chapitre intitulé « le village », l’auteur montre comment la trappe à emploi a piégé les déclassés en périphérie des métropoles, et agit idéologiquement comme un contre-modèle valorisé de la société mobile et mondialisée. L’enracinement local est source de lien sociaux. « Face à la mondialisation et à l’émergence d’une société multiculturelle Ce capital social est une ressource essentielle pour les catégories populaires, qu’elles soient d’origine française ou immigrée. Des espaces ruraux aux banlieues, ce capital du pauvre est la garantie de liens sociaux partagés. » D’où les revendications identitaires aux Antilles, en Corse, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie pour se préserver des flux migratoires.

Christophe Guilluy note malicieusement que c’est exactement la même tendance en Algérie ou au Maroc, où l’immigration noire alimente les tensions sociales. Et même en Palestine ! « Si on se détache un instant de ces passions géopolitiques, on ne peut qu’être frappé par la banalité des ressorts du conflit. Territoires, instabilité démographique, insécurité culturelle, rapport à l’autre… les tensions, la cause des tensions sont toujours les mêmes. Pour les Juifs israéliens, la peur de devenir minoritaire est d’autant plus forte que le territoire est restreint et la dynamique démographique, à l’exception des orthodoxes, faibles. Pour les Palestiniens, la question du territoire est d’autant plus vitale que la dynamique démographique est forte. La banalité de cette lutte territoriale et culturelle est occultée par l’instrumentalisation politique du conflit qui ne permet pas de percevoir le caractère universel de ces tensions. En la matière, il n’y a pas à rechercher de spécificité juive ou arabo-musulmane à l’histoire d’Israël. » Et paf ! C’était dit dès 2014.

Un petit essai très intéressant à relire.

Christophe Guilluy, La France périphérique – Comment on a sacrifié les classes populaires, 2014, Champs Flammarion 2024, 192 pages, €7,00, e-book Kindle €5,99

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A jouer au con, on le devient

Qu’arrive-t-il à « la gauche » ces temps-ci ? Une régression boutonneuse comme ces à peine pubertaires qui se fâchent parce qu’ils ont été « traités » ou parce qu’untel « l’a dit » ? François Bayrou, encore Premier ministre, a énoncé « un sentiment de submersion », à Mayotte surtout et parfois ailleurs. En bon agrégé de lettres classiques, il sait ce les mots veulent dire, au contraire des Vallaud (juriste énarque), Faure (économiste politicien) et autres faibles du parti qui se dit « socialiste ».

Bayrou énonce une réalité. Bien loin des « grands mots » des enflures théâtrales à la Hugo, qui sonnent bien mais accrochent peu, tant les gens sont exaspérés de l’écart grandissant entre les mots et les actes. Bien nommer les choses, disait Camus, c’est déjà avoir prise sur le réel. S’enfumer de « Grands principes » et de « mots tabous » n’est qu’une hypocrisie de petite politique politicienne. Il y a des jours où « les socialistes » feraient mieux de se taire et de travailler.

« Alerte vagues submersion : le niveau 5 déclenché à Biarritz », énonce la Météo ces jours-ci, sans que les caciques du parti rose n’y voient une désinformation due au Rassemblement national. Il s’agit de vagues (pourtant marines) pouvant emporter un promeneur sur le bord de côte, pas d’un tsunami. Même chose pour l’immigration : le chef de l’extrême-centre reste modéré et n’entonne pas les clairons de l’extrême-droite. Il y a un vrai problème à Mayotte, comme dans certaines régions françaises (la Guyane, le Nord, par exemple). Le nier au nom du tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, tout le monde il a droit, est une niaiserie. C’est jouer l’autruche à se cacher la tête dans le sable, endosser le rôle de Tartuffe devant le sein qu’il ne saurait voir – mais qui existe.

Or « le peuple » – les citoyens qui votent et manifestent – savent bien qu’il y a une question. Qu’aucun gouvernement n’a prise à bras le corps, contrairement à ce qui a été fait au Canada, en Suède, au Danemark et ailleurs. Ne pas la considérer revient à laisser la place à tous les excès des « yakas » par les « fauqu’on ». Donc à ouvrir tout droit un boulevard aux Trump et autres adeptes de la tronçonneuse.

Le problème de Mayotte est dû à la droite, jamais cohérente dans ses choix contradictoires. Il n’aurait jamais fallu faire de cette île un « département ». La solution serait probablement de le transformer en « territoire d’outre-mer », analogue à Tahiti, en décentralisant la gestion des flux et sans que les nés sur place deviennent français par automatisme. Mais qui prendra à bras le corps cette question ? La droite, aujourd’hui à grande gueule, n’a rien foutu malgré sa décennie de gouvernement.

Il y a bien d’autres menaces de « submersion » aujourd’hui que Mayotte. Cette île n’est (pour paraphraser le diable) qu’un « détail » politique dans la multiplicité de problèmes bien plus graves. Pensons à la « submersion » de la dette, que les marchés vont nous infliger s’il y a encore censure et une fois de plus aucun budget ; à la « submersion » de l’anti-parlementarisme devant cette Assemblée de singes qui ne pensent qu’à leur banane personnelle et pas à la jungle qui les environne ; à la « submersion » des licenciements par l’attentisme des investissements d’entreprise devant l’incertitude et l’immobilisme politique persistant ; à la « submersion » du prochain vote à l’extrême, comme on l’a vu aux États-Unis, face aux errements de « la gauche » et de sa débilité politique.

En jouant chaque jour un peu plus aux cons, les « socialistes » le deviennent. Ils sont à chaque fois ramenés vers la radicalité mélenchonne, une envie de tout casser et de renverser la table pour virer ces incapables qui se goinfrent en Assemblée aux frais des contribuables – sans faire leur boulot qui est de composer une politique. Au risque que le parti socialiste soit assimilé définitivement au parti insoumis, et que cette radicalité révolutionnaire entraîne un mouvement de rejet clairement en faveur de l’ordre… donc du RN. La chienlit, ça suffit ! Avait dit de Gaulle avant d’emporter l’Assemblée en 1968, avec une majorité introuvable.

On ne sait même plus de quel « socialisme » on parle chez les Vallaud, Faure et autres indignés pour un mot. Le socialisme utopique des « droits » de 1848 et de l’enflure romantique ? Le socialisme « scientifique » des moyens de production de Marx ? Le socialisme d’État à la chinoise avec surveillance tout azimut et camps de redressement ? Du socialisme « réel » des soviétiques, de sinistre mémoire (« sinistre » vient de « gauche ») ? Le socialisme démocratique à la scandinave qui a pris la « submersion » migratoire à bras le corps, en imposant une intégration des valeurs du pays aux postulants étrangers) ? Le faurisme est instable, comment pourrait-il établir une relation durable en politique ?

Le Bruit du tic-tac se rapproche (titre d’un livre commis par Olivier Faure avec Lucile Schmid en 2001) : la France va bientôt exploser si les députés ne se reprennent pas pour faire leur travail (comme tout le monde !), et ce sera un benêt rose soi-disant indigné, comme le Premier secrétaire (mal élu) du PS, qui aura allumé la mèche.

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Trump et nous

Donald, duc aux cheveux oranges, a gagné non seulement les institutions, mais aussi la population. Il est désormais président de plein exercice des États-Unis, ayant remporté la présidence, le Sénat, la Chambre des représentants, et conservant la Cour suprême. Il a tous les pouvoirs.

Quelle leçon pour nous ?

Son succès est dû à la fois au discours populiste et aux réseaux sociaux.

Il est populiste parce qu’il agite les plus bas instincts humains, la peur et la haine, la survie. L’immigration est pour lui le bouc-émissaire facile de tout ce qui ne va pas en Amérique (comme pour Le Pen-Zemmour). Ceux qui sont différents sont aussi nuisibles que des Aliens venus d’ailleurs ; ils menacent insidieusement la base WASP des États-Unis, en régression démographique. « Apocalypse zombie », dit Elon Musk de l’immigration – bien que lui-même soit immigré. La vulnérabilité aux théories du complot (paranoïa) serait causée par l’instinct de survie : les informations potentiellement dangereuses, même fausses, sont prises en compte plus fortement que les autres ; on les croit plus vite et plus volontiers, selon le Système 1 du cerveau expliqué par Daniel Kahneman.

C’est aussi, pour Trump le trompeur, un coin enfoncé dans la bonne conscience morale de ses adversaires intellos de gauche. Ce pourquoi Kamala Harris, demi-Jamaïcaine et demi-Indienne, n’était probablement pas la bonne candidate pour contrer le mâle blanc dominateur d’origine allemande.

Les réseaux sociaux, c’est Elon Musk (né en Afrique du sud alors raciste), autiste Asperger harcelé à l’école et père de douze enfants avec trois femmes, dont les garçons X Æ A-XII (ou X), Techno Mechanicus (ou Tau), la fille Exa Dark Sideræl (ou Y), et un transgenre Xavier devenue fille (Vivian), « piégée par le woke », dit-il. Il veut sa revanche sur la société et devient l’innovateur en chef de l’Amérique d’aujourd’hui avec SpaceX, Tesla, le transhumanisme Neurolink, OpenAI, xAI et le réseau X (ex-Twitter). Les algorithmes des ingénieurs du chaos, si bien décrits par Giuliano di Empoli dans son livre chroniqué sur ce blog, ont appris tout seul à capter le ressentiment et à s’en servir pour asséner des slogans porteurs à des publics précis.

Le seul personnage historique en politique qui ait réussi cette alliance de manipulation des bas instincts et de technique la plus avancée a été Adolf Hitler. Peut-être est-ce ce qui nous attend.

Le moralisme de gauche politiquement correct qui dérive de plus en plus vers le woke revanchard des minorités colorées, est manifestement rejeté par la population des États-Unis, dans un mouvement non seulement anti-élite, mais aussi anti-assistanat. La liberté prime sur toute notion d’égalité. Les gens veulent faire ce qu’ils veulent sans que des normes, des règles, des lois, ou l’État puissent s’y opposer. Les libertariens représentent l’acmé de l’individualisme porté par le mouvement démocratique. Non sans contradictions : s’il est interdit d’interdire, pourquoi interdire l’avortement pour des raisons morales ?

Le projet MAGA pour l’Amérique à nouveau forte d’Elon Musk, riche de 210 milliards $ et désormais conseiller du président, vient de ses expériences industrielles :

  • Il préfère les essais aux théories, développer par itération plutôt que de tout concevoir en une fois – d’où le flou du « programme » politique.
  • Il cherche avant tout à éliminer pour optimiser – d’où ses propositions de supprimer des milliers de fonctionnaires (5 % par an minimum) et les règles « inutiles » voire « néfastes » à l’initiative.
  • Il prône l’intégration verticale, un maximum de compétences en interne pour maîtriser le maximum de choses sans dépendre de sous-traitants, de leur bon-vouloir, leurs délais, leurs difficultés – d’où les droits de douane élevés aux importations des pays tiers, le rapatriement des industries sur le territoire, et la méfiance envers les « alliances » et tout ce qui n’est pas « intérêt » premier de l’Amérique, voire les coups d’État encouragés à l’étranger proche si c’est pour accaparer les mines de lithium.

A noter pour nous qu’Elon Musk est proche en Europe d’Alain Soral et de Giorgia Meloni ; il a aussi désactivé son réseau de satellites lors d’une offensive ukrainienne en Crimée pour faire plaisir au tyran mafieux Poutine.

La politique, ce n’est pas du rationnel, c’est de l’irrationnel.

Ce sont les émotions véhiculées par les images, mais surtout les instincts de base que sont la peur, la faim, le sexe, qui motivent les votes des électeurs. Freud distingue les pulsions de vie liées à la recherche du plaisir, de la satisfaction et de l’amour – et les pulsions de mort liées à l’agressivité, à la destruction et à la pulsion de retour à l’inorganique. Les psychologues modernes, notamment américains, résument les instincts fondamentaux en : survie, reproduction, réalisation personnelle, soin.

Pour Trump :

  • la peur, donc la survie, c’est l’immigration et le changement culturel du woke ;
  • la faim, donc la réalisation personnelle et le soin aux citoyens légitimes, ce sont les bas salaires, la concurrence chinoise et allemande, et le trop d’impôts ;
  • le sexe, donc la reproduction, c’est le féminisme croissant qui dévalorise la virilité et la victimisation hystérique des Mitou qui fait de tout mâle – dès la maternelle – un violeur prédateur dominateur en puissance.

Où l’on constate objectivement, dans ces élections, que près de la moitié des femelles américaines semblent plutôt aimer être « prises par la chatte », comme l’a déclaré Trump – puisqu’elles ont voté largement pour lui – et que beaucoup de Latinos et de « Nègres » (ce nouveau mot ancien qui va faire führer aux USA, déjà né sous X) préfèrent un mâle blond, riche et autoritaire à une femelle classe moyenne, métissée et libérale.

C’est peut-être aussi ce qui nous attend – dans les prochains mois et les prochaines années.

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Lepénie en débandade après l’érection

Pas de majorité absolue, trois blocs dont la gauche en tête – mais avec le repoussoir Mélenchon. Qui sera Premier ministre ? Suspense.

Les Français en ont eu marre du bordel ambiant. Mélenchon, Macron, Hollande sont, dans cet ordre les moins appréciés des Français comme fouteurs de merde : le premier adepte de la révolution permanente et de la crise de régime pour assurer une démocratie directe dont il serait le caudillo à la Chavez ; le second pour avoir forcé à coups de 49-3 des réformes dont les Français ne voulaient pas, avant de dissoudre trop tard et trop vite l’Assemblée, laissant le pays en plein vide vacancier et en pleins JO à la merci d’inexpérimentés ; le troisième parce qu’il n’a pas su assurer la politique sociale-démocrate de gauche en augmentant les impôts – donc le chômage, puis en s’alliant au diable gauchiste au mépris de tous ses « principes ». Les plus appréciés, Attal et Bardela, dans cet ordre, ne le sont qu’à 42 %, selon un sondage Opinion Way pour la Fondapol, réalisé par interview du 21 au 24 juin dernier sur 3040 personnes selon la méthode des quotas. Car Attal n’a pas eu le temps de faire ses preuves et Bardela ne les a jamais faites. Fausse vérité, Bardela n’a eu qu’une « victoire différée » – l’autre nom de la vraie défaite. Le président a divisé pour mieux régner – mais va-t-il y parvenir ? Son ex-majorité n’a pas si démérité que cela et Gabriel Attal se place pour l’avenir.

Avant le second tour, la moitié des électeurs craignait l’une ou l’autre des majorités possibles, celle du président suscitant le moins de crainte car on sait à quoi s‘attendre, au contraire de la gauche populo ou du RN populiste. Le Nouveau « Front populaire » (dont le nom lui-même est une arnaque) est une agrégation de divergences ; seuls 20 % des électeurs souhaiterait voir Mélenchon accéder au foutoir (le nom qu’il donne au pouvoir). Le plus adulé, Bardela, est érigé par 38 % seulement – et la débandade est sévère au second tour. Le chef insoumis a accumulé tant de haine dans la société politique que ses électeurs mélenchonistes ont parfois préféré Jordan Bardela à Gabriel Attal. La politique a quelque chose de sexuel, d’où l’excitation médiatique, les halètements des commentateurs et les métaphores amoureuses. Le résultat des érections sortis des burnes a rejeté le RN, goûté du bout des lèvres le FDG, relégué l’ex-majorité. Faites vos jeux, la balle au centre – à condition de virer le Mélenchon comme arbitre… ce qui n’est pas acquis pour l’instant. Car aucun bloc élu ne peut gouverner seul.

Pour l’ensemble, les trois priorités pour la France sont le pouvoir d’achat, l’immigration et la délinquance. La dette ne vient qu’en sixième position (quoiqu’on s’encroûte), après « les inégalités » (tonneau des danaïdes) – et l’aide à l’Ukraine ou la défense en dernier (plutôt rouge que mort). Le problème français est que l’État-providence ne l’est plus. Il est déjà réduit aux fonctions régaliennes, mais nul politicien n’ose l’avouer aux électeurs. C’est alors le sempiternel bal des promesses, qui ne font (et ne feront) que des cocus aigris et revanchards. La politique économique n’est plus décidée par le gouvernement mais par les multinationales, les questions sociales et culturelles sont guidées par la mondialisation, la démographie dépend de plus en plus des flux migratoires, les frontières sont désormais perméables, les taux d’intérêt décidés en Allemagne ou aux États-Unis. Après quarante ans d’endettement sans garde-fou et de fiscalité maximum sans que les dépenses s’ajustent, le gouvernement – quel qu’il soit – n’a plus de marge de manœuvre budgétaire. S’il faut distribuer, il faut prendre ailleurs : réduire l’école pour la défense, réduire l’hôpital pour la justice, réduire les aides sociales pour payer les fonctionnaires. Seuls la diplomatie, le renseignement, et le militaire restent des moyens politiques encore efficients, d’où l’âpre bataille qui va avoir lieu pour les contrôler entre Élysée et Matignon.

La France se voit désormais en trois blocs : ceux qui veulent éviter le RN, ceux qui veulent éviter Mélenchon, ceux qui veulent éviter l’ex-majorité présidentielle… Mais de projet positif : point. Tous se rejettent et se haïssent, l’aptitude à former des compromis semble bien… compromise. Dure habitude à prendre : se caresser au lieu de se bugner. La victoire anglaise des Travaillistes montre a contrario combien la gauche française est médiocre. Son leader Keir Starmer, quasi inconnu, a évacué les gauchistes et a rassemblé une majorité très confortable. Les Faure et Hollande en ont été incapables, privilégiant la petite tactique IVe République au grand dessein de ressusciter la social-démocratie sous la Ve. Glucksmann se retrouve le dindon de la farce, lui qui avait bien redressé l’image de la gauche aux Européennes. Le risque était plutôt Bardela (l’ordre) que Mélenchon (le chaos), résultante des petits arrangements entre minables. Selon les estimations vers 20h40, les villes ont refusé le RN, les bourgs et les campagnes Mélenchon. Mais échec au RN : les Français ont eu peur de l’aventure, des collabos de Poutine, des relents de pétainisme. Caramba, encore raté !

De quoi goûter le second degré de ce célèbre slogan de mai 68, jamais compris à sa juste valeur : érection, piège à cons.

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Immigration, un très vieux débat

Les politiciens et le monde médiatique, dont la tête de linotte est d’évidence la marque, feignent de découvrir le « problème » de l’immigration. Ce n’est pas faute d’en avoir parlé ! Valéry Giscard d’Estaing avait pris en 1980 par la loi Stoleru-Bonnet, après le second choc pétrolier de 1979 dû aux ayatollah iraniens, des mesures fortes… que la gauche irénique, aveuglée par ses tabous gauchistes, s’est empressée de rapporter aussitôt au pouvoir en 1981. Les vannes étaient grande ouvertes avec régularisations massives et regroupement familial facilité – au détriment du petit peuple qui côtoyait les nouveaux immigrés. Car l’absorption d’arrivants différents est tout à fait possible, à condition qu’elle se fasse au rythme nécessaire à sa digestion. Pas en force.

Or la gauche abêtie, et les intellos suivistes qui ont peur de rater le train du « progressisme » (sans savoir ce que c’est), sont immédiatement grimpés aux rideaux comme des félins en chaleur dès que « le peuple » a commencé à regimber, à dire qu’il ne se sentait plus chez lui, qu’on lui imposait des coutumes étrangères sans lui demander son avis. Le grand mot de « racisme » a été prononcé, l’accusation diabolique « d’extrême-droite » a été proférée, le malaise populaire a été dénié. La poussière ainsi mise sous le tapis a fermenté ; la pression est montée et – ô surprise ! – le bien brave socialiste Jospin, qui se croyait fort de son bilan économique et social réussi, s’est vu reléguer en troisième position à la présidentielle de 2002, derrière Jean-Marie Le Pen ! Ben vrai…

Mais Chirac n’a rien foutu, comme d’habitude, sur l’immigration. La droite LR qui pousse aujourd’hui les hauts cris, n’a rien foutu elle non plus, que des réformettes gentillettes pour surtout « ne pas fâcher » les progressistes, les chrétiens-démocrates, les intellos, les droit-de-l’hommistes, le Conseil d’État, l’Europe, le pape, l’ONU, les Juifs toujours sensibles au sujet des éléments allogènes de la nation. Ils sont bien niais de brailler aujourd’hui, Les Républicains, eux qui ont été au pouvoir avant Hollande et qui n’ont quasiment rien fait ! Ils se sont contentés de détricoter partiellement à chaque fois ce que la gauche en alternance avait rétabli.

Ce n’est pas faute d’analyses dans leurs rangs. En témoigne cet essai de 1992 (il y a déjà TRENTE ans !), du ministre gaulliste Alain Peyrefitte, académicien, écrivain décédé d’un cancer en 1999 : La France en désarroi. Il notait de multiples malaises dans la société, les institutions, le territoire, la justice, l’enseignement, l’information, l’Europe, le nouvel ordre mondial (post-URSS) – et le malaise de l’immigration.

Il ne disait rien que par bon sens – mais chacun sait que c’est la chose du monde la moins bien partagée, submergée par les croyances, inhibée par les névroses, effarée par le qu’en-dira-t-on et le ce-qui-doit-se-penser. Que disait-il ? Le rejet de l’autre existe « dès qu’est franchi un seuil de tolérance, variable selon les habitudes culturelles de la population accueillante, mais aussi de la population accueillie. On assimile aisément un individu ou un petit groupe. On assimile vite qui veut être assimilé. On n’assimile pas des masses soudées en communauté. Surtout si leur culture est trop différente et si elles entendent y rester fidèles » p.222. Ce rejet populaire est comparable à un estomac qui a trop mangé, il a besoin d’évacuer.

Pas de racisme en ce cas. Le mot est trop facile, qui mélange le suprématisme d’une « race » (qui biologiquement n’existe pas) et les habitudes culturelles et de mœurs (qui, elles, existent). Le racisme qui fait accuser de nazisme, par réflexe pavlovien, ceux qui osent évoquer les différences. Or il ne faut pas confondre nature et culture, la génétique avec les façons d’être. « Depuis le 10 mai 1981, on a souhaité rompre avec la politique de l’incitation au retour ; on a voulu accueillir à bras ouverts de nouveaux immigrés, y compris ceux qui étaient en situation irrégulière ; y compris ceux qui avaient déjà reçu le pécule de départ ; y compris ceux qui avaient été expulsés comme délinquants. Le socialisme a choisi la la voie du laisser-faire  : laisser grandir en notre sein des communautés qui nous restent étrangères, et cultivent farouchement leur caractère étranger » p.229.

Les exemples sont nombreux, depuis « le voile » (décliné en burkini, djellaba, burqa, abaya… l’imagination des militants islamistes est féconde), les attentats, les émeutes des banlieues, les recours de délinquants contre les expulsions, les imams prêcheurs de haine, les réseaux vers la Syrie pour Daech, les trafics de drogue et d’armes, les règlements de compte à l’arme de guerre. Qui fait communauté se sépare de la nation. Rompt le « contrat social » (terme progressiste qui fait de la citoyenneté un choix et une volonté).

« Intégrer ceux qui vivent sur notre sol, c’est les convaincre, surtout s’ils souhaitent devenir français – qu’il ne peuvent y être polygames, ni y procéder à des mutilations rituelles, ni y ménager des mariages de convenance pour leur fille mineure. C‘est les convaincre de se vêtir en Français, sans burnous, djellaba, hidjab ni tchador. C‘est les convaincre qu’ils doivent en France d’apprendre et parler le français, et demander à leurs enfants de se comporter au dehors comme des enfants français – même si chez eux ils conservent leurs usages. C’est les convaincre, quand ils pratiquent leur religion – étrangère à notre tradition judéo-chrétienne – de renoncer à ses manifestations publiques. On doit admettre la construction de lieux de culte pour les communautés étrangères  ; à condition qu’ils ne deviennent pas des foyers d’agitation » p.230. Comment mieux dire – il y a 30 ans ? Pourquoi la droite au pouvoir, qui gueule aujourd’hui, n’a-t-elle rien fait pour appliquer ces principes de bons sens ?

Les gens du peuple deviennent intolérants parce qu’on a dépassé le seuil de tolérance. Les chiffres officiels des « étrangers » masquent la réalité sociale car, sur les quelques 10 à 12 % d’étrangers chaque année, un certain nombre deviennent « français » par naturalisation ou mariage, sortant ainsi des statistiques. Ils n’en demeurent pas moins « d’origine » étrangère quand ils préfèrent leur communauté à la nation – dont ils n’ont pris la citoyenneté que par commodité administrative. Les intellos et les gens aisés ne côtoient guère les immigrés et les exploitent le plus souvent (nounous, ménage, aide à la personne, poubelles) ; ils trouvent malséant d’en parler.

Quant au « patronat », ce qui compte seul est le profit : avoir une armée de réserve de travailleurs non qualifiés et précaires, voire clandestins, permet de les payer peu et de les faire travailler beaucoup. Ce pourquoi l’appel de l’industrie à 3,9 millions d’immigrés en France d’ici 2050 pour « ses besoins » est une sinistre farce. C’est un confort économique pour ne pas innover en robotisation, ne pas verser de salaires décents, ne pas aménager les conditions de travail. Ce n’est pas une nécessité, c’est plutôt une honte. Mais la droite LR se garde bien d’en parler ! Tout comme la Meloni en Italie, qui régularise massivement sous la pression du patronat (et de la Mafia). Or on intègre avec succès des individus, qui se fondent dans la nation – pas des masses, qui restent en communautés d’origine, fermées et intolérantes.

Ce pourquoi Emmanuel Macron, président, a eu raison de s’atteler au problème. Même s’il reste « négocié » (donc insuffisant) pour rallier les indécis, effrayés par trop d’audace et par la peur de se faire « accuser de faire le jeu » de l’extrême-droite ou des racistes. Mais le jeu va bien sans « le faire », il se poursuit en sous-main. Car les tabous de la moraline de gauche ne passent plus dans « le peuple » – ce pourquoi Mélenchon, qui l’a compris, dragué éhontément les immigrés devenus français des banlieues, croyant y retrouver un « prolétariat » populiste qu’il pourrait manipuler en caudillo.

L’idée de l’équilibre entre répression et accueil était une bonne idée. Malheureusement, elle passe mal politiquement dès lors que les gens se radicalisent. La politique est désormais au tout ou rien, ce qui n’arrange ni le bon sens, ni la mesure, ni la démocratie d’ailleurs. Où sont les débats sereins ? Les compromis nécessaires ? Le simple bon sens ?

Le peuple jugera, en la personne de ses citoyens qui voteront régulièrement, en France, en Europe et ailleurs. Nous pourrions, dès avant 2030, nous retrouver avec Marine Le Pen présidente, un Parlement européen plus clairement de droite dure, Donald Trump aux États-Unis, Xi Jinping encore en Chine – et toujours l’inamovible Poutine en Russie, le modèle de la force cynique sûre d’elle-même, accrochée à ses intérêts par une mafia de corruption, capable de faire peur et de déstabiliser les egos fragiles fascinés par la brutalité (comme Zemmour) et les pays trop faibles…

Tout cela pour avoir nié le réel.

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Alien le huitième passager de Ridley Scott

L’alien, c’est l’étranger en anglais, terme qui vient du latin alienare, égarer la raison, transformer, rendre hostile. Le mot a donné « aliéné » en français, celui qui est hors de sa raison, le fol.

L’Alien est un monstre de l’espace, suprêmement intelligent, télépathe, et sans aucune conscience « humaniste ». Le rêve des libertarien américains. Il est efficace, cruel pour arriver à ses fins, n’hésitant jamais à faire tout ce qu’il peut pour se reproduire et prendre le pouvoir; un vrai psychopathe. Le rêve des capitalistes yankees. A noter que les créatures extraterrestres « aliens » sont des reines qui se reproduisent en agrippant au visage n’importe quel être vivant sans avoir besoin de mâles. Le rêve des féministes anglo-saxonnes. D’ailleurs, l’héroïne du film est la troisième lieutenante du vaisseau, Ellen Ripley (Sigourney Weaver), ce qui accentue le message.

Ce film, dont le scénario de Dan O’Bannon n’est pas très bon à cause des invraisemblables manquements aux règles les plus élémentaires de sécurité dans l’espace au début, est devenu un mythe. Il s’est décliné en six suites et plusieurs jeux vidéos ou jeux de rôle. L’Alien est l’étranger qui s’inocule chez vous, dans votre cocon, dans votre ventre même, et qui vous transforme en esclave pour ses besoins propres. Une allégorie de « l’immigration » non consentie ou du « viol » physique, thèmes qui résonnent toujours fort de nos jours.

Le cargo interstellaire Nostromo, qui transporte une cargaison de 20 millions de tonnes de minerais pour une puissante compagnie privée, retourne vers la Terre. L’ordinateur de bord appelé « Maman » réveille les sept membres de l’équipage maintenus en biostase pour une raison non-commerciale mais militaire : un signal radio inconnu a été capté, émis depuis un planétoïde du système binaire Zeta Reticuli. Les consignes exigent d’aller voir pour enquêter sur toute vie extraterrestre. La navette attenante au vaisseau est donc détachée avec tout l’équipage pour atterrir sur la planète.

Si le lieutenant Ellen Ripley, l’officier scientifique Ash (Ian Holm), l’ingénieur Parker (Yaphet Kotto) et le technicien Brett (Harry Dean Stanton) restent à bord de la navette, le capitaine Dallas (Tom Skerritt), son second Kane (John Hurt) et la navigatrice Lambert (Veronica Cartwright) débarquent à pied en scaphandre pour aller voir le signal, qui émet à 2000 m de leur atterrissage. Les scaphandriers contiennent des enfants, les fils de Ridley Scott, pour rendre le décor plus grand qu’il n’est.

Kane, qui ne prend aucune précaution élémentaire devant l’inconnu et qui explore comme un gosse, tombe devant des « œufs » qu’il s’empresse d’approcher de près et de toucher. Il ne lui vient pas une seconde à l’esprit que ce pourrait être dangereux. D’autant que nul n’a eu l’idée de faire décoder le signal radio par « Maman », ce qu’entreprend en attendant le retour des trois la lieutenante Ripley. Kane est donc victime – par imprudence et bêtise – d’un parasite qui explose d’un œuf pour se fixer à son visage comme un masque.

Il est ramené au vaisseau et, malgré l’ordre de Ripley, commandante de la navette en l’absence du capitaine, est introduit dans la cabine par Ash. Pire, au lieu d’être mis immédiatement en hibernation afin d’en savoir plus et de le soigner sur terre, il est conduit à l’infirmerie où l’officier scientifique l’examine et dit que tout va bien.

Et ce n’est pas entièrement faux. Kane se réveille, le masque qui le couvrait étant tombé tout seul. Il plaisante, a soif et faim, se restaure comme un ogre… avant d’être pris brutalement de nausées et d’expulser par le ventre un xénomorphe qui ressemble à un jeune dragon. Ash empêche Parker de le poignarder au sortir du ventre. Kane meurt et tous les autres sont menacés, comme l’avait prédit Ripley.

Seul l’ingénieur technique noir Parker a du bon sens dans tout cet équipage de demeurés. Lui veut éliminer carrément l’alien alors que le scientifique Ash tergiverse et que le capitaine s’en lave les mains. Quant à la navigatrice, elle est gourde et tétanisée, elle ne sera d’aucune utilité et victime consentante du monstre qui la viole d’une antenne et jouit de ses cris.

Car l’alien devenu très vite adulte (Bolaji Badejo) massacre un à un tout l’équipage, sauf Ripley, moins bête que les autres, qui prend le temps de réfléchir avant de faire n’importe quoi. Il est assez pénible aujourd’hui de suivre les actions stupides de tous ces gens réputés entraînés, éduqués, prévenus (comme d’introduire l’inconnu dans le vaisseau, ne pas respecter la quarantaine, empêcher qu’on le tue au sortir du ventre, aller traquer le monstre à la torche). L’espace n’est pas un bac à sable, et pourtant ils font comme si.

La raison donnée est militaro-industrielle, scie des intellos hollywoodiens en mal d’idées. Ash, qui a remplacé le médecin militaire précédent sans raison, se révèle un androïde placé dans le vaisseau par la compagnie pour assurer la mission. Il tente de tuer Ripley dans un simulacre de viol en lui enfonçant une revue porno roulée dans la bouche lorsque, devenu capitaine après la mort du capitaine, elle apprend par Maman que les ordres sont d’assurer le retour de l’Alien aux laboratoires de la compagnie multinationale Weyland-Yutani, « même si cela implique la disparition de l’équipage ». Les « affaires » avant tout, ou plutôt la puissance militaire au mépris de la vie humaine – un air connu aux États-Unis entre Vietnam et Watergate.

La seule survivante de cette histoire avec le chat Jones (quatre chats roux différents ont joué le rôle) parvient à durer après avoir enclenché l’autodestruction du vaisseau et détruit ainsi symboliquement la Mère qui a trahi (Maman). Mais l’alien, rusé, s’est introduit dans la navette et Ripley doit ruser elle aussi, s’adapter en bonne humaine intelligente, pour éviter de penser à ce qu’elle va faire afin de ne pas alerter le monstre et le surprendre. Elle réussit à passer un scaphandre, à ouvrir le sas et à éjecter la créature dans l’espace d’un coup de harpon. Elle dicte un rapport sur les événements avant de se mettre en hibernation avec cap sur la terre.

DVD Alien le huitième passager (version cinéma 1979 et Director’s Cut), Ridley Scott, 1979, avec ‎ Sigourney Weaver, Tom Skerritt, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, 20th Century Fox 2014, 1h57, Blu-ray €19,49 version classique DVD 2005 €11,47

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Chienlit immigratoire

Ce qui m’étonne, à propos de l’immigration, c’est que la crainte légitime d’une déferlante africaine sur l’Europe suscite des réactions aussi braillardes qu’inefficaces. Les Zemmouriens sont comme les lémuriens, une variante archaïque de prosimiens antéhumains. Le grand remplacement des Blancs par les basanés de différentes nuances est peut être inscrit dans l’évolution anthropologique longue, mais elle n’est pas un fantasme, il suffit de regarder la population des villes. Notre pays, comme les autres pays européens, ne sont pas des poubelles réceptacles de toute la misère du monde même si, comme le disait Michel Rocard, ils doivent en prendre leur part. L’immigration, pour le moment, peut être choisie, comme le fait depuis des décennies le Canada.

Le problème est l’immigration sauvage de victimes qui se lancent sur les flots en étant démunies de tout, sauf de la croyance qu’ils seront sauvés par les humanitaires chrétiens et niais que nous sommes. En ce sens, le pape François reste aussi arriéré que ses prédécesseurs sur la pilule et l’avortement, en prenant position pour une immigration inconditionnelle au nord (une « maison commune » – nom autrefois du bordel), en même temps qu’une natalité sans aucun frein au sud. Confondre les individus auquel toute l’humanité est due et la masse envahissante qu’il est légitime de contrôler. C’est appeler aux réactions les plus xénophobes et les plus violentes, et à la remontée d’une mentalité frileuse, voire raciste, que le christianisme ne nous a pourtant pas habitué à prôner.

Les électeurs extrémistes peuvent le constater sans peine en Italie avec le gouvernement de droite dure de Georgia Meloni : elle a braillé qu’on allait voir ce qu’on allait voir, l’immigration zéro, mais une fois au pouvoir, elle s’est retrouvée liée avec l’Union européenne, les traités internationaux, le Vatican, et une opinion publique qui voudrait bien que l’immigration s’arrête mais qui ne veut pas voir les conséquences d’un tel choix : soit tirer à vue sur les barcasses à la dérive, soit dénoncer l’ensemble des traités et faire de l’Italie une forteresse bien gardée à toutes les frontières (à la russe), soit négocier, encore négocier et toujours négocier pour que la lourdeur allemande et le braquage polonais ou hongrois rencontrent enfin la prudence française et l’exaspération des pays du Sud en première ligne des arrivées.

Nous en sommes là, à tenter de trouver une position commune entre le refus pur et simple d’une xénophobie à la russe et la vocation universaliste des pays issus des lumières. Il est curieux que le pape François n’appelle pas l’Arabie Saoudite, au territoire immense, la Russie, ce pays-continent à la Sibérie quasi vide, ou encore l’Argentine ou le Brésil, très peu habités, à accueillir l’immigration. Pourquoi faut-il que ce soit dans les pays les plus densément peuplés d’Europe du Nord ?

C’est pourquoi voter extrémiste n’a aucune utilité.

Les soi-disant tabous qu’on ne veut pas entendre se répandent à longueur de chaînes télé et des médias, sans parler des réseaux sociaux. On ne cesse d’en parler, de ces soi-disant tabous qu’il faudrait taire. Le seul tabou est celui de la gauche, mais la gauche est électoraliste, puisque les Maghrébins et les Africains issus de l’immigration ont voté massivement pour l’extrémisme de gauche. Mélenchon peut se frotter les mains, lui qui se disait républicain et laïc et qui s’est converti récemment, par pur électoralisme trotskiste, à la charia et à l’islamisme. La seule liberté qu’il prône est celle d’obéir à l’obscurantisme religieux avec la burka, le burkini et l’abaya.

Une façon intelligente de limiter l’immigration est donc de voter contre l’extrême-gauche, des socialistes Nupes aux insoumis en passant par les écologistes – mais pas pour l’extrémisme de droite. Car le premier flatte l’électorat immigré tandis que le second ne fait que brailler et proposer de fausses solutions sous forme de yakas.

Ce sont dans les partis de gouvernement, aptes à négocier tant au niveau politique intérieur qu’au niveau européen divers compromis socialement acceptables, que peuvent se situer les solutions concrètes et réalistes.

J’en conviens, ces solutions sont pour le moment bien rares et assez faibles. Elles ne répondent pas au sentiment d’exaspération croissant qui naît du franchissement allègre de la limite des 10 à 12 % d’allogènes dans une population – 10.3% selon l’Insee en 2023. C’est donc par la pression de l’opinion publique, manifestée par les votes successifs, que ces partis de gouvernement finiront par prendre de vraies mesures, tout comme les Danois l’ont fait, et que les Allemands augmentent les critères d’intégration.

Toute politique utile prend du temps, freinée par les ignorants et les moralistes, ce qui nécessite du débat, encore du débat, et toujours du débat. Mais, comme le disait Danton, il faut de l’audace.

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Guillaume Auda, Jeunes à crever

Double sens du mot : être jeune à en crever pour les minables devenus terroristes, être jeune et crever pour la génération trentenaire branchée parisienne.

Le procès du 13 novembre – un vendredi 13 choisi exprès pour la superstition – s’est voulu un procès pour l’Histoire ». Allez, n’ayons pas peur des mots : 132 morts, 1000 enquêteurs, 4000 scellés, 242 tomes de procédure, 20 accusés, 2300 parties civiles, 400 témoignages dont 150 pour le Bataclan, 330 avocats, 8 magistrats, 10 mois d’audience, 65 millions d’euros en tout – ce fut un procès pour l’exemple, filmé pour l’édification des foules et le retentissement international, en bref Hollywood, Kramer contre Kramer rejoué en État contre terroristes. Guillaume Auda, journaliste impliqué dans l’affaire comme témoin des premières heures après l’attentat, s’est efforcé de rendre l’atmosphère particulière et la grande variété des situations dans un livre témoignage. Il est bien écrit et très vivant.

Sauf qu’il y a erreur : ce procès n’a pas concerné les terroristes eux-mêmes, tous morts sauf un, mais les seconds couteaux, les complices entraînés par la bande. L’édification vertueuse qui voulait faire de ce procès un exemple tombe donc un peu à plat. Seul Abdeslam, l’accusé numéro un, dernier survivant du commando islamique, « éructe » – au début, se la jouant terroriste – avant de mettre de l’eau dans son thé (le vin est interdit aux musulmans) et de faire des demi-aveux qui sonnent aussi comme des demi-mensonges. Il n’a pas fait sauter sa ceinture soi-disant par humanité, a-t-il dit, en réalité parce qu’elle était défectueuse, ont dit les policiers.

C’était le procès d’une génération contre une autre, la même mais inversée. Les terroristes étaient en effet trentenaires, issus de l’immigration et radicalisés principalement dans leur nid laxiste belge de Molenbeek ; les victimes étaient trentenaires elles aussi, issues de la diversité parisienne dans un arrondissement multiculturel et métissé, dont l’idéologie est à l’ouverture et, disons-le tout net, à la naïveté de « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ». Comment donc « décortiquer et revivre l’histoire des jeunes qui tuent d’autres jeunes » page 25 ?

Vaste réflexion sur la justice. L’auteur discute avec des victimes et des avocats, des témoins et des policiers. Il est nécessaire tout d’abord de juger un être humain contre l’hystérie primitive de la société. Le choix de la civilisation (qui est l’inverse de la barbarie terroriste) est que la raison doit dominer les sentiments et les instincts. Mais la justice c’est aussi « neutraliser un ennemi » page 25. Pour cela, il faut d’abord comprendre.

Les terroristes sont des jeunes en crise d’identité, et au mal-être qui les porte vers le nihilisme avant de s’accrocher à la religion comme à un tuteur. Ils se sentent humiliés par la société et, pour eux, les attentats ont une réponse à la violence, celle d’un pays qui les néglige, celle d’un pays qui bombarde les populations « frères » en Irak et en Syrie. Se venger de l’humiliation est toujours l’argument des barbares, après Hitler et Daesh, voyez Poutine. L’effet de fratrie, de bande, de communauté religieuse, fait le reste.

Ils ont tué des gens beaux et insérés dans la société pour se venger d’être tout l’inverse. Pas de quoi s’en glorifier. La France est une société ouverte, tolérante et altruiste, surtout dans la génération des 30 ans. C’est contre cela même que veulent agir les ultraconservateurs rigoristes, qu’ils soient à prétexte religieux comme les islamistes, à prétexte impérialiste comme les Russes de Poutine ou à prétexte politique comme les ultradroitiers qui gravitent autour de Zemmour et de Le Pen.

Le journaliste décrit Maya et Olivier, qui témoignent, et Marie Violleau, avocate de Mohamed Abrini, qui a fait défection à Bobigny la veille de l’attentat, et une fois de plus en mars 2016 à l’aéroport de Bruxelles. Comprendre n’est pas pardonner et les gens qui disent « vous n’aurez pas ma haine » ne parlent que pour eux, dans le déni caractéristique de qui veut passer à autre chose. Il faut au contraire se souvenir, comme du 6 février 1934, de juin 1940, de la Shoah, des terroristes du vendredi 13. Un témoin qui était au Bataclan cite « le rictus sinistre des assassins qui piègent les spectateurs. Ils leurs disent de partir et puis leur tirent dans le dos, tout en s’esclaffant » page 87. Un témoin musulman, le père de Thomas, tué, s’insurge contre la malhonnêteté intellectuelle : « je ne peux pas accepter qu’on puisse faire l’amalgame entre des va-t-en-guerre, des paumés de notre société, des inadaptés sociaux, des tueurs sanguinaires – et les musulmans qui n’ont qu’une seule envie, vivre en paix et en harmonie avec et dans une communauté humaine ouverte et respectueuse de chacun » page 113.

Ce procès est aussi celui de la société qui n’a pas voulu voir les problèmes que posait l’immigration sans intégration, qui a laissé faire les moralistes de gauche pour qui le sujet était (et reste ?) tabou, qui n’a pas réagi lorsque la radicalisation a débuté avec les imams prêcheurs qu’on a laissé dire et les fichés S qu’on a laissé aller et venir en toute liberté. « Le mal est une contradiction logée au cœur du monde », dit l’auteur page 19, et juger le mal signifie : 1/ qualifier les faits (enquête), 2/ rétablir le droit (procès) et la norme (sociale), 3/ prendre du temps pour les victimes (catharsis) tout en respectant les accusés (justice) et 4/ siéger dans un lieu de mémoire, au cœur du vieux Paris (l’île de la Cité). Ce procès a été « une Odyssée » page 213, un voyage qui a fait changer les victimes, comme les accusés peut-être – mais pas vraiment la société, à mon avis.

L’auteur est titulaire d’un Master du Centre universitaire d’enseignement du journalisme de Strasbourg en 2004, après une maîtrise de Science politique à la Sorbonne. Il a été reporter à France Inter, Le Parisien, correspondant RTL à Jérusalem, journaliste iTélé Canal+ en Centrafrique, en Ukraine pendant Maidan, en Irak, à Gaza, à Washington, grand reporter à Stupéfiant-France 2 puis La fabrique du mensonge-France 5. Guillaume Auda est désormais auteur indépendant. Son livre s’étire un peu passée la page 150 (en numérique, soit probablement la page 300 en livre), les intermèdes citant des tweets n’ont guère d’intérêt (les mots ne sont pas des photos, ni des scellés). Il laisse trop de place aux pleurards, aux pardonneurs et aux vertueux qui posent, citant intégralement la plaidoirie de Marie Violleau (avocate elle aussi trentenaire) – et sans doute trop peu aux réactions saines de ceux qui veulent que les accusés assument leurs responsabilités.

On serait tenté, avec Zarathoustra, de dire aux victimes comme aux accusés : « Que votre vertu soit votre ‘moi’ et non pas quelque chose d’étranger, un épiderme et un manteau ». Or on a le sentiment, à lire ces témoignages et ces comptes-rendus, que ce qui compte avant tout est d’opposer un dogme social à l’autre et non pas une vertu personnelle à une lâcheté. « Ils veulent crever les yeux de leurs ennemis avec leur vertu ; et ils ne s’élèvent que pour abaisser les autres », dit encore Zarathoustra, fort justement. La vertu n’est pas la bien-pensance, ni une sorte de geste pour l’exemple, ni un appel à la discipline et à toujours plus de police.

La vertu – la vraie – est intérieure, elle se construit par l’éducation (des parents, des pairs, de l’école et des associations, de la société en ses institutions et ses média). Elle est celle des gens de bien, à la fois une force physique, un courage moral et une sagesse de l’esprit – et pas l’un sans l’autre. Les Latins en faisaient le mérite même de l’être humain, la force d’âme. On se demande où est désormais cette force dans notre société : serions-nous capables de résister comme les Ukrainiens ? Ce ne sont pas les procès-spectacle « pour l’histoire », celui du V13 fort bien décrit en ce livre ardent, qui vont changer les gens. Mais il témoigne.

Guillaume Auda, Jeunes à crever – Attentats du 13 novembre, un procès, une génération, 2022, 496 pages, Le Cherche Midi, €21.00 e-book Kindle €14.99

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Philippe Huet, Cargaison mortelle

Un roman policier français qui se passe au Havre avec pour thème l’immigration illégale.

Les conteneurs à destination des Amériques sont scellés mais les passeurs s’empressent d’en scier la targette, puis de la recoller ni vu ni connu lorsque le migrant est à l’intérieur. Le Canada est réputé pour son humanité envers les migrants. Aussi, c’est à travers tous les gros ports d’Europe, Anvers, Rotterdam, Amsterdam – et Le Havre – que les migrants d’Europe de l’est affluent pour passer.

Évidemment ils sont aidés : par des « zassociations » d’aide aux « sans », mais aussi par des militants communistes qui étaient tout hier au temps du bloc soviétique, et qui ne sont plus rien aujourd’hui que le mur est tombé et l’URSS dissoute. Des Roumains ayant eu maille à partir avec la milice de Ceaucescu fuient. Certes, ils sont désormais libres, mais la milice est restée la même et aussi brutale. Ils viennent en Europe de l’ouest légalement, via un visa de tourisme. Mais ils s’empressent de chercher à partir.

La police française est là pour faire son boulot mais elle comprend les migrants. « Ces mecs ne voyagent pas pour le plaisir, dit un commissaire p.131, ils fuient pour ne pas crever ». Mais les lois canadiennes sont fermes : c’est une forte amende à la compagnie maritime pour tout clandestin embarqué sur leurs bateaux. Elles font donc appel à une société privée pour les débusquer avant le départ.

Tout se passe bien jusqu’à ce qu’un jour, un Roumain seul se trouve face aux enquêteurs. Il est calme, pas comme les autres, sort un poignard et tue pour fuir un ancien flic de la société de sécurité, ami du commissaire. Cette fois, c’en est trop, la chasse à l’homme commence, tous les Roumains découverts sont interrogés, le centre d’hébergement d’un ancien anarchiste surveillé.

Le journaliste Bassot, rédac’chef du canard local en plein mois d’août, flaire la grosse affaire. Il envoie son meilleur stagiaire fouiller un peu, un Mathieu grand et blond « coiffé en briard » dont les parents d’origine tchèque ont fui jadis « l’avenir radieux » du communisme. Mathieu se prend au jeu, le journalisme le passionne, enquêter l’amuse comme un gamin qu’il est encore à 23 ans malgré sa copine Flo qu’il baise à couilles rabattues dès qu’elle peut se dégager de son stage à elle, à la télé à Paris – où elle s’emmerde à faire les cafés et les photocopies. Tous deux sont en école de seconde zone en journalisme.

Mathieu cherche à lier conversation en se présentant au refuge pour dormir, mais les Roumains ne parlent qu’entre eux une langue qu’il ne comprend pas. Il connaît un soir la situation cocasse d’une pute qui le trouve presque à poil, un jean enfilé à la hâte à cru sans tirer la braguette, envoyée par le tôlier qui paye un peu de bon temps à ses pauvres. Mathieu est « mignon dans le genre roseau élancé », mais n’est pas près à coucher avec n’importe qui, surtout une grasse et plantureuse qui veut carrément le violer. Il laisse entendre qu’il préfère les garçons…

Mathieu file les Roumains qui partent chaque matin du refuge où ils dorment sur son scooter hors d’âge qui manque de rendre l’âme à chaque démarrage. Il connaît quelque succès lorsqu’il piste un grand Roumain qu’il voit monter dans une Mercedes noire du corps diplomatique. Il en parle à son chef, copain avec les flics, qui trouvent l’information intéressante. D’autant qu’un peu plus tard, le grand Roumain s’enfuit de la Mercedes et se fait tirer dessus. C’est Mathieu qui lui sauve la mise en l’enlevant en scooter.

Le trafic de vies humaines rapporte ; mais plus encore lorsqu’il se double d’un autre trafic. Les passeurs sont alors aux petits soins pour leurs migrants clandestins : voyage organisé, planque réservée, courses indispensables à la traversée effectuées, plan du port et containers préparés. Des indics payés, des militants de « causes » engagés, tout est géré comme une entreprise. C’est qu’il y a beaucoup d’argent au bout ! Même si les immigrés ne connaissent jamais le sol canadien…

La progression de l’enquête est bien construite, les personnages typés, un zeste d’humour et voilà le polar. Un bon cru.

Philippe Huet, Cargaison mortelle, 1997, Albin Michel 2016, 264 pages, €22,50

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Fourquet et Cassely font l’archéologie des nouvelles couches culturelles

Le livre bilan sur quarante années de changements en France de Fourquet et Cassely, déjà chroniqué sur ce blog, montre le chemin depuis 40 ans des traditions à la globalisation en France.

La religion catholique qui formait « la roche mère » selon les auteurs, n’affleure plus qu’épisodiquement. Elle reste dans les noms de lieux, les monuments, mais l’Eglise a perdu son rôle central de synthèse. Les baptisés chutent de 70 % en 1970 à 27 % en 2018. Les anciennes Fête-Dieu deviennent des marches festives ou des marches blanches pour telle ou telle cause. On marche pour le climat, contre le chômage, pour une enfant tuée, au lieu de marcher en glorifiant la vierge Marie ou le pardon local. Désormais, 74 % des moins de 35 ans ne savent pas ce qu’est l’Ascension, bien que ce soit un jour férié. Ils sont indifférents à la religion, mais favorables à garder week-end de trois jours que Chirac a voulu leur reprendre…

Les identités régionales se perdent avec la baisse des accents locaux dont seulement 20 % de la population est affectée aujourd’hui, surtout dans le sud et dans le nord. Les emplois et les transports opèrent un grand brassage de population. Le rugby par exemple, est encore connoté sport du sud, mais de moins en moins. Cette homogénéisation réduit le sentiment de communauté, alors même que la décentralisation voudrait redonner de la vitalité aux régions. Il se trouve également que lesdites régions sont désormais plus administratives que culturelles, Nantes n’étant par exemple pas rattachée à la Bretagne, et la région Centre-Val de Loire étant le résidu de toutes les autres régions alentour. L’huile d’olive, de culture méditerranéenne à l’origine, opposée aux régions du beurre ou du lard, est devenue aujourd’hui le marqueur des couches sociales aisées. On assiste à une hausse de la consommation de bière aux repas (sur « la mode craft américaine des microbrasseurs ») alors que la France est une nation de multiples vins régionaux. La galette des rois s’est répandue sur tout le territoire bien que la brioche existe encore dans certains lieux du Sud.

La raison en est sociologique, les études faisant rompre les amarres avec le terroir natal avant les divers emplois, la retraite et la fin de vie ailleurs. Les zones de stabilité démographique sont plus restreintes : l’Alsace Moselle, le Nord-Pas-de-Calais, la Manche et le Finistère. Les auteurs observent que 78 % des décédés sont désormais nés dans un autre département. Les marqueurs régionaux anthropologiques pointés par Emmanuel Todd en 1990 ne jouent plus. Les écarts sont liés de nos jours à l’immigration (fécondité plus forte) et à l’autonomisation des individus (divorce, monoparentalité : 24 % en 2018, deux fois le chiffre de 1980).

Cette culture déjà brassée possède une surcouche yankee : l’américanisation des années Mitterrand a suivi les chanteurs, le cinéma et, dès les années 1990, les séries télévisées des chaînes privées. Depuis 1986, les meilleures entrées cinéma sont des films américains. Coca-Cola, McDonald’s, Disney, sont autant de « garnisons romaines réparties dans les provinces de l’empire » p.387. La fête d’Halloween a surgi alors qu’elle n’existait pas en France, le Black Friday remplace les soldes et les Buffalo Grill les brasseries tandis que les clubs de danse country s’installent un peu partout. L’imaginaire du Far-West est le plus populaire. Les clubs de bikers sur le modèle américain se répandent parmi les jeunes. L’Île-de-France et les grandes métropoles du Sud sont les plus touchées, « un bon terrain d’implantation de l’imaginaire américain sur un substrat culturel qui a été fortement chamboulé », jargonnent les auteurs p.398. La pop culture commerciale devient une culture « hydroponique » p.399. 27 % des Français sont allés aux États-Unis une fois au moins. Tout ce qui est « bien » vient des États-Unis, du mimétisme entrepreneurial des écoles de commerce au style de vie yuppie de Wall Street (aérobic, footing, loft, surf, business english), jusqu’aux plus récentes utilisations des réseaux sociaux pour les campagnes électorales. Même les gilets jaunes imitent les routiers canadiens qui imitent les partisans de Trump lorsqu’ils bloquent la capitale Ottawa. L’usage de la langue anglaise est un marqueur social, 29 % des jeunes la parlent mais surtout les bac+5 à 75 %. Les Masters et grandes écoles regardent les films et lisent volontiers livres ou magazines en version originale.

Il n’y a pas que les États-Unis dans la globalisation de la culture. À partir des années 1990, existe une influence japonaise : manga, sushi, Nintendo, dessins animés à la télévision (dès Goldorak), ainsi que les films comme Le dernier samouraï, Lost in translation, Wasabi. 6 % des Français se sont rendus au Japon, destination plus élitiste que les États-Unis ou même la Chine.

Une autre couche culturelle qui vient se superposer est la couche maghrébine : halal, kebab turc, chicha. La réislamisation frériste et la hausse globale du pouvoir d’achat ont engendré un commerce de charcuterie halal (à base de volaille), de viande de bœuf tuée selon les rites et de bonbons sans gélatine de porc (Haribo). La formule tacos est une invention de banlieue, une bombe calorique générationnelle des moins de 35 ans. Nous assistons à l’« avènement d’une génération d’entrepreneurs de banlieue nourrie de culture managériale à l’américaine » p.427. Les prénoms arabes sont passés de 7,3 % en moyenne en 1983 à 15 à 20 % en 2019. Ils forment 40 % des prénoms en Seine-Saint-Denis et 25 % dans le Rhône.

Pour la nourriture, le Vegan et le bio sont à Grenoble, illustrant « la gentrification, la patrimonialisation et le détournement », ces trois étapes indispensables à une culture pour s’imposer dans la durée. Le bœuf bourguignon et la blanquette de veau baissent au profit du couscous et de la pizza, tandis que steak frites et poulet frites demeurent stables. La variété française est moins écoutée tandis que la musique des quartiers (le rap) se répand dans la toute nouvelle génération.

Au total, qu’est-ce qu’être de culture française ? User de la langue sans doute, mais rester ouvert à tous les vents du large comme de ceux qui montent des profondeurs de la transition démographique : place à l’islam, à la culture du Maghreb, aux allégeances multiples. L’empreinte américaine demeure cependant la teinture principale, touchant toutes les strates sociales et désormais toutes les générations.

Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely, La France sous nos yeux – économie, paysages, nouveaux modes de vie, cartes de Mathieu Garnier et Sylvain Manternach, Seuil 2021, 494 pages, €23.00 e-book Kindle €16.

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Immigration en fait

L’émission des Matins de France culture consacrée à l’archéologie du vendredi 10 décembre a tendu à « prouver » qu’il existait des communautés étrangères sur le territoire aujourd’hui national (hier ouvert) tels les Grecs à Marseille au Vie siècle avant, les Juifs à Lyon au IIIe siècle de notre ère et les Musulmans au VIIIe siècle dans les villes du sud-ouest. Certes – mais qu’est-ce que cela prouve ? Que le territoire est un lieu ouvert où certaines minorités arrivent et repartent, parfois s’enkystent, tout en restant minorités.

Le problème n’est pas de nier l’immigration dans l’histoire, le problème est le stock d’origine immigrée AUJOURD’HUI. Deux études récentes de l’institut Montaigne ici et synthétisent des notes de l’INED et de l’INSEE qui sont rarement citées, de peur de « faire le jeu » du racisme et autres billevesées de la gauche « morale ». Je vous incite à aller voir les sources, c’est toujours mieux que les commentaires. L’immigration est un FAIT qu’il faut examiner en tant que citoyen, si possible rationnellement. C’est au contraire en posant un tabou idéologique au prétexte de « vertu » sur ce fait que l’on exaspère les radicalités et que l’idéologie (donc le mensonge ou l’illusion) prend le pas sur l’observation.

Aujourd’hui, plus d’un cinquième de la population est directement issu de l’immigration récente (immigrés et enfants d’au moins un parent immigré). Les étrangers sont 7,6 % en 2020, soit 5,1 millions de personnes (dont 4,3 millions d’immigrés et 0,8 million de personnes nées en France) auxquels il faut ajouter environ 400 000 clandestins et déboutés non renvoyés.

Les titres de séjour valides ont augmenté nettement depuis trente ans avec un stock 3,5 millions fin 2020 et un flux de 219 000 sur l’année. Il faut noter qu’il s’agit très majoritairement d’Africains (58 %). Les demandes d’asile d’un peu plus de 150 000 par an depuis la fin des années 2010 et leur taux d’acceptation d’environ un tiers concernent l’Afghanistan, le Bangladesh, l’Albanie et la Géorgie, l’Afrique subsaharienne.

La contribution des femmes immigrées à la fécondité est de près d’un cinquième des naissances 2,60 enfant par femme contre 1,77. En 2020, l’immigration a représenté plus de la moitié de l’accroissement de la population. Il y a deux fois plus de jeunes de moins de 18 ans d’origine immédiatement étrangère (immigrés et enfants d’immigrés : 22 %) aujourd’hui qu’à la fin des années 1960 (11 %). La population immigrée totale (y compris Français) comprend 47,5 % d’origine africaine et 29 % originaires du Maghreb – ce qui se voit immédiatement dans la rue et à l’école. Ce serait niais et hypocrite de faire comme si de rien n’était.

L’acceptation se fait, mais plus lentement que les flux, ce qui explique les « réactions », notamment populaires. Donc la propension à voter Rassemblement national ou à louer Zemmour (lui aussi issu de l’immigration mais « assimilé »). Notamment dans les deux régions qui accueillent plus de 10 % d’immigrés, l’Île de France (où vivent près de 40 % des immigrés) et PACA.

L’intégration est plus difficile pour l’immigration récente que pour les immigrations d’hier et d’avant-hier car le maintien de la culture d’origine est facilité par la permanence des flux et les moyens modernes d’information, de communication et de déplacement. Ce pourquoi « l’assimilation » à la Zemmour est un mythe qui fait peut-être vibrer les « anti » mais qui a peu de chance de s’avérer. Il faut faire avec les réalités. De plus, les structures traditionnelles de socialisation (associations, syndicats) ne jouent plus leur rôle et sont remplacées par des communautés religieuses. Dont l’islam, dont sont issus la plupart des terroristes depuis trente ans – ce que l’interminable procès de ceux du Bataclan remémore tous les jours, en pleine campagne présidentielle.

Les comparaisons internationales montrent que la situation migratoire française se situe dans la moyenne – sauf sur ce point de friction politique crucial : le très faible taux de reconduite à la frontière par rapport au nombre de décisions d’éloignement prononcées (23 %, contre 44 % en moyenne européenne dont 89 % en Allemagne et au Royaume-Uni). Il y a donc un laxisme exécutif français du à une véritable lâcheté politique pour « faire comme si » l’immigration était officiellement maîtrisée mais officieusement laissée à elle-même. Ce qui n’est PAS le cas dans les pays voisins.

L’impact à long terme des migrations sur la richesse par habitant est neutre selon des études de l’OCDE. En France, l’effet serait même légèrement négatif en raison de notre immigration peu qualifiée, avec un taux de chômage important. Les immigrés contribuent moins en impôts et cotisations sociales alors que le système français est très redistributif.

Reste que la population française déclinerait, comme dans les pays européens en général, s’il n’y avait pas l’immigration, posant un problème de financement des retraites. Mais c’est parce que le système actuel finance les retraités avec les actifs ; il suffit d’introduire des fonds de pension (éventuellement gérés par l’Etat) pour que la question ne soit plus un véritable argument.

Si la proportion des immigrés dans la population à 12,8 % est inférieure à la moyenne de l’OCDE de 13,6 %, la France reste, du fait de son héritage migratoire, la première nation européenne pour la population totale d’origine immigrée : 26,78 %. Plus du quart : la population change, la culture change, le quotidien change. Pourquoi refuser de le voir ?

Pourquoi dénier les problèmes que cela pose, notamment sur le niveau scolaire – et les moyens qui devraient donc aller avec ? Pourquoi continuer d’accepter une immigration massive, à faible qualification, qui coûte plus qu’elle ne sert, tout en exacerbant les antagonismes culturels et religieux ? Pourquoi chercher ailleurs la MEFIANCE qui, bien plus qu’ailleurs, caractérise le citoyen français face à ses pouvoirs publics ?

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Woke, la nouvelle idéologie de la gauche bobo

Taubira ira ? n’ira pas ? Echo ou appel ? « Quitte ta maison et viens » pour prêcher avec moi. Car la gauche anéantie n’a plus rien à dire, sauf aux extrêmes minorités, individualistes en diable, exclues, sexualisées, genrées, racisées, immigrées. Or c’est « le peuple » qui vote dans sa majorité et pas les minorités. Les intellos qui étaient jadis avec le peuple comme des poissons dans l’eau se sont retirés dans leurs mares plus chaudes de l’entre-soi – et le peuple a repris ses idées.

Que fait aujourd’hui la gauche pour « le peuple » ? Elle a montré avec Mitterrand (et Hollande) qu’elle était nulle en économie ; elle a épuisé le social sous Jospin en exacerbant le « toujours plus » doublé du « et moi, et moi ! » ; elle a arpenté le minoritaire avec le mariage gay, le mitou néo-féministe qui inverse la domination (pour instaurer une nouvelle domination d’opinion), sans compter l’écologie punitive et la distribution à guichets ouverts des « droits » sans devoirs. Le peuple – la majorité démocratique – se dit qu’il n’est guère qu’un cochon de payant et se trouve même accusé de beaufitude, , de réaction, de racisme (mais qui évoque le mot, sinon les racisés ?). Le peuple en a marre. Il se méfie désormais des « élites » car 24 ans de gauche au gouvernement sur 43 ans depuis Giscard l’ont déçu et son espoir s’est envolé pour les fameux lendemains qui chantent. Toujours demain, comme chez Poutine.

La droite, qui n’a régné que 19 ans, fait désormais l’envie de ses yeux de Chimène. Elle parle des « vrais » problèmes populaires : ceux de l’immigration trop rapide et mal assimilée, des familles sans père (ni Nom du père pour les psys), du nouveau privilège féminin, des fins de mois difficiles. Car le multiculturalisme de fait laisse place à un multiculturalisme de normes. Le regretté Laurent Bouvet avait mis en évidence cette identity politics venue de la gauche américaine. Les groupes sociaux ne sont plus considérés en tant que classes en lutte pour leur part du gâteau économique mais par leur « identité » religieuse, leurs caractéristiques ethniques, leur orientation sexuelle ou leur genre, toutes ces micro-différences qui éparpillent le sentiment de classe – et qui préservent les nantis de toute revendication économique ! Le woke est un raffinement du « capitalisme ».

Le pire est cette nouvelle idéologie des bobos en manque d’idéal révolutionnaire. Le peuple a déçu, changeons le peuple ! Le parti socialiste, il y a quinze ans vivier de la modernité pour les petit-bourgeois fraîchement diplômés et devenus financièrement privilégiés, est devenu le nid de cette idéologie nouvelle, secrétée par cette nouvelle base sociale. Cette gauche « morale » compense ses privilèges de nouvelle classe économique par un affichage idéaliste accru. Le « woke », cet éveil venu des Etats-Unis, se veut d’un infini respect (affiché car dans les faits concrets, c’est autre chose) pour tous les déviants, qu’ils soient de sexe ou de « race » – un mot que l’on croyait banni des dictionnaires sérieux, les scientifiques ayant démontré que « les races » n’existaient pas. Mais balivernes !

L’idéologie a besoin de croire, comme toute religion, et « le racisme » est ce nouveau diable surgi des âmes coupables. Cette discrimination raciste ne touche curieusement que les Noirs aux Etats-Unis et les Maghrébins en France, pas les Indiens ni les Chinois, considérés comme « dominants » parce qu’ils défient le pays le plus puissant de la planète… Soutenir les minorités extrêmement minoritaires permet de se croire une supériorité morale qui ne coûte guère, puisque que ces minoritaires ne sont pas assez nombreux ni assez doués pour venir défier les nouvelles positions économiques et sociales des bobos fraîchement installés.

L’argent, beurk ! mais « les valeurs », super ! Les valeurs, personne ne sait trop ce que c’est puisque chacun a les siennes dans l’individualisme systémique ambiant. Mais ça fait bien en société : « J’ai des valeurs, moi, Monsieur ! » Ça impressionne. Surtout lorsqu’il s’agit de titiller le vieux fond de culpabilité chrétienne qui subsiste en tout Français (ou Américain) de tous sexes, même laïque, même incroyant, même revenu de l’Église, de ses histoires de quéquette et de dogmes antédiluviens. « La charité, Monseigneur ! la charité »… Quoi de mieux que l’Exclu majeur de notre temps : l’immigré en femme, noire, lesbienne, violée, battue ou tuée « par la police », malade, sans abri et sans le sou ? Il serait « raciste » selon le woke bobo de croire que la race n’existe pas ! Il serait inconvenant de croire qu’un homme n’est pas une femme, et réciproquement ! Renversons les valeurs.

Mais le peuple n’est pas d’accord. Depuis la Révolution, oui pour accorder tout aux exclus (immigrés ou sexuellement différents) en tant qu’individus, mais rien en tant que communauté – au prétexte que « ça se voit sur leur figure », que « c’est la guerre chez eux », que « la situation économique est effarante », ou encore « que la dictature y est féroce ». Si l’Europe devait accueillir toutes les populations qui réunissent ces critères, le territoire serait trop petit pour survivre. D’ailleurs les Etats-Unis woke de Biden ne respecte les déviants sexuels qu’en les parquant à distance par les principes (mais pas de ça chez moi) et n’accueillent pas plus les immigrants, la frontière est bien gardée, surtout au sud… En effet, question anti-woke : pourquoi tant de gosses (y compris par PMA encouragée), si la situation est si mauvaise ? Pourquoi enfanter ou accueillir de nouveaux exclus qui seront malheureux (racisés, battus par la police, violés, etc.) ? Pourquoi encourager ces familles trop nombreuses du tiers-monde à tenter de venir s’installer dans les Etats-providence d’Occident ?

C’est donc une lutte des classes qui nait entre « le peuple » et la gauche morale plus que contre les patrons (certains financent même Zemmour) . Celle-ci n’a rien à dire sur la montée des inégalités – qui lui profite amplement ; rien à proposer pour y remédier, sauf une rituelle invocation à « faire payer » les (très) riches : ceux qui le sont plus qu’eux. Ce pourquoi François Hollande a été éliminé, il avait évoqué 3500 € par mois comme seuil où l’on était considéré comme « riche » : vous vous rendez compte de l’effet dans un foyer bobo moyen ? Un président ne devrait pas dire ça, mais Hollande ne peut jamais s’en empêcher.

Les bobos, ces bons bourgeois issus du peuple d’hier, sont électeurs des grandes villes et montrent comme préoccupation majeure le climat ; ils se foutent du « social », ils ne sont pas concernés. D’où les gilets jaunes, frappés de plein fouet dans les provinces et les périphéries par les mesures antibagnoles, le contrôle technique renforcé, l’écotaxe sur le carburant, surtout diesel, et même le 80 à l’heure. Que les salaires stagnent et que la formation soit nulle pour la classe ouvrière ou la classe moyenne, ils s’en battent, les bobos. Que « le peuple » ait l’impression de régresser, que l’ascenseur social soit non seulement en panne mais en chute, n’est pas leur problème. L’immigration est morale, « il faut les aider », car les immigrés seront de toutes façons loin de venir piétiner leurs platebandes riches et diplômées – au contraire, les bobos pourront trouver à très bas prix de bonnes nounous pour leurs (rares) niards et des jardiniers pour leurs (superbes mais épuisants) jardins, sans parler des peintres, plombiers, éboueurs, sous-aides soignants, ramasseurs de fruits, livreurs de (la sempiternelle) pizza, videurs de poubelles, etc. Ouvrez les frontières ! accordez encore plus de droits aux minorités ! C’est bon pour la fluidité du commerce, coco ! C’est bon pour les jouissances du bobo.

La déconstruction, qui a conduit au woke, doit s’appliquer également au woke : rechercher ses bases sociales, les intérêts de classe que ses adeptes peuvent avoir, l’utilité de cette nouvelle idéologie par rapport aux précédentes pour mener une guérilla de prestige pour capter les postes – et garder le pouvoir. Déconstruisez les déconstructeurs, c’est de bonne guerre !

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Quand on a 17 ans d’André Téchiné

En terminale S d’un lycée d’Ariège Damien (Kacey Mottet Klein, 17 ans), est un bon élève qui récite du Victor Hugo et résout les équations de maths sans problème. Son condisciple Thomas (Corentin Fila, 27 ans) est un métis de congolais qui vit mal son adoption par des paysans frustes et taiseux qui le font trimer, faute de « vrai enfant » à eux après de multiples fausses couches. Il veut devenir vétérinaire pour mieux protéger les bêtes auprès desquelles il a trouvé jusqu’ici le seul amour. Damien le regarde souvent en classe ; ils sont tous deux solitaires et les derniers à être appelés lors de la constitution des équipes de sport collectif.

Un jour Tom fait un croche-pied à Damien en classe. Pour rien, par jalousie de voir sa mère venir le chercher peut-être, l’aimer ouvertement et normalement. Il lui dira plus tard qu’il le trouvait « prétentieux » mais c’est parce qu’il affichait de façon naturelle ce qu’est la vraie vie d’un fils – le contraire de la sienne. De cet acte d’envie va naître une progression d’échanges mimétiques. L’attirance comme un aimant irrésistible que la raison cherche à canaliser dans le refus, les coups, les regards hostiles, mais qui ne fait que s’amplifier justement par cette relation négative. La tourner en positif est tout le projet du film, l’aboutissement de la vérité comme apothéose, tout comme l’acceptation du deuil du père et de Damien ou la naissance de la petite demi-sœur de Tom.

Les nausées de la mère adoptive de Thomas, isolée dans sa ferme de montagne, font intervenir Marianne, la mère médecin de Damien (Sandrine Kiberlain) ; outre la fièvre, elle attend un bébé et doit être hospitalisée. Marianne propose spontanément à Thomas de l’héberger chez elle en attendant ; il sera plus près de l’hôpital et du lycée et pourra mieux réviser. Car ses notes sont en chute au premier trimestre et ses bagarres avec Damien le font surveiller du proviseur. Les garçons disent que c’est fini mais c’est irrésistible, ils ne peuvent faire autrement que de s’exciter mutuellement. A 17 ans on est plein d’énergie et il faut l’épuiser, par la boxe pour Damien avec Paulo, un ami de son père, et par la course aller et retour d’une heure à chaque fois pour attraper le bus du lycée pour Tom.

La cohabitation va les tourner l’un vers l’autre. Père absent d’un côté, adoption par dépit de l’autre, les deux garçons sont psychiquement orphelins. Ils cherchent à s’ancrer dans l’affectif même si Damien a sa mère, indulgente, généreuse et dynamique, et Tom ses bêtes qu’il désirerait soigner en vétérinaire plus tard. Tom apprécie Marianne, il en est peut-être même vaguement amoureux, comme la mère qu’il aurait désirée. Damien le voit se faire ausculter torse nu et provoque Tom en lui demandant si cela l’a fait bander. Thomas l’invite à le suivre dans la montagne et se met nu devant lui pour plonger dans le lac glacé, comme un refus physique et une invite au désir. Damien ne sait plus où il en est et cherche sur le net une rencontre masculine pour voir s’il est « attiré par les hommes ou simplement par Thomas ».

Montagne, nature, saisons, éveil du désir, violence physique issue de la pulsion sexuelle inavouée qui ne s’apaisera qu’en mettant des mots entre eux après les coups et avant les gestes d’union, tout part de l’intérieur. La famille, le lycée, la société, ne sont que le décor des tourments psychiques. S’ils détonnent parfois dans les garçons en devenir (la mort du père de Damien, pilote d’hélicoptère militaire au Mali, la naissance d’un bébé « vrai » chez les parents adoptifs de Tom), ce n’est qu’amortis par ce qui est principal : la pulsion. Celle-ci ne s’assouvira que dans la possession réciproque des mains, des bouches, des corps. Elle viendra en son temps, directe, immédiate, sans s’y appesantir : un aboutissement du désir, une normalité acceptée des années 2000. Sans « honte » comme le croyait Damien de Tom, mais par « peur » avoue celui-ci. La peur de la première fois, comme les hétéros pour le sexe opposé.

La terminale est une fin d’enfance, surtout en France où l’on infantilise très tard par tropisme paternaliste romain-catholique. Le jeune de 18 ans est encore immature même si la société lui permet – du bout des lèvres – une expérience sexuelle, mais pas avant 15 ans et avec le sexe opposé, une fille consentante par écrit et devant témoins sous peine d’accusation de « viol ». Et voilà pourquoi votre démographie est muette, peut-on dire en paraphrasant Sganarelle (Le médecin malgré lui). La hantise catholique du sexe comme cause de l’immigration, de l’adoption à l’étranger, des problèmes d’intégration de la jeunesse (survalorisée), du terrorisme et de la guerre au loin qui tue, la société malade… Le film fait réfléchir à cet engrenage par-delà l’incertitude identitaire personnelle des deux garçons. Eux, lumineux, vivent leur vie au ras de leur terroir et par tout leur corps, arpentant la neige ou se jetant dans l’eau glacée, nourrissant les vaches et soignant les agneaux, se mesurant à la lutte et aux poings pour s’éprouver et s’évaluer, finissant par s’entredévorer, s’entrejouir, s’aimer.

DVD Quand on a 17 ans, André Téchiné, 2016, avec Sandrine Kiberlain, Kacey Mottet Klein, Corentin Fila, Alexis Loret, Wild Side Video 2016, 1h49, €11.00

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Henri Troyat, Étrangers sur la terre

Ces deux volumes qui couvrent l’entre-deux guerres sont la troisième partie de la saga intitulée Tant que la terre durera, curieusement pas rééditée. Comme quoi, fût-on de l’Académie française et reconnu comme Immortel, la gloire passe vite en une seule génération… au rythme du zapping permanent de la mode imitée des USA. Ces deux tomes peuvent évidemment se lire indépendamment.

L’auteur, né russe Лев Асланович Тарасов en 1911 à Moscou, a émigré en France à 6 ans avec ses parents, fuyant la révolution bolchevique. Il se représente en Boris, fils cadet de la famille Danoff, Michel et Tania, dont l’aîné se prénomme Serge. Il décrit tout le drame de l’immigration, la difficile assimilation à la France, l’écartèlement entre les deux cultures, le choix final de devenir français en demandant la nationalité, effectuant son service militaire, épousant une française et partant pour la guerre de 40 dans sa nouvelle patrie.

Les parents Danoff, riches commerçants avant la révolution, sont réduits aux petits boulots après que le père, très slave en ses engouements irraisonnés, ait confié une grande part de ses économies à un escroc beau-parleur, russe comme lui mais plus assidu à flamber l’argent de la crédulité des autres qu’à réaliser ce fameux film qu’il faisait miroiter à la belle époque du cinéma nouvellement parlant. Les parents parlent français mais avec accent, surtout la mère qui ne fait aucun effort pour sortir de son milieu russe blanc. Serge s’ennuie au lycée et devient gigolo, entretenu dès la terminale par une couguar riche du double de son âge. Un jour, lassé d’elle, il sort et elle se tue durant son absence. Il part pour l’Afrique coloniale française codiriger une usine de pains de glace mais flambe, selon sa lâche habitude d’aristo décati, et finit pour se racheter à la Légion.

Boris, assez jeune pour se souvenir de la Russie du tsar sans en être imprégné, accepte la descente sociale parce qu’il ne se souvient pas vraiment d’autre chose. Il est bon élève, travailleur, passionné d’électricité et de mécanique. Imbu d’honneur, passion aussi bien russe que française, il présente à 14 ans devant son prof une pétition de la classe pour rappeler un élève renvoyé. Il est puni et s’insurge mais, lorsqu’il va trouver le prof chez lui, il découvre un autre homme. Un qui le comprend et le juge assez mûr pour lui expliquer les dessous de l’affaire. Ils deviennent amis, il fait connaissance de sa fille, un peu plus jeune que lui.

Mais ce n’est pas d’elle qu’il va tomber amoureux, mais de l’adolescente d’un avocat très bourgeois et dédaigneux des « étrangers » – pauvres de surcroît. Le mariage projeté ne se fera pas, l’âge de la majorité étant fixé très tard, à 21 ans, pour bien garder les rejetons bourgeois catholiques sous la tutelle paternelle. Ce n’est que le père mort – d’une crise cardiaque en pleine plaidoirie – que Boris pourra revoir quatre ans plus tard celle qu’il aime vraiment mais qui était trop lâche pour laisser tomber son petit confort et aller contre sa famille. Elle est mariée par convenance selon les désirs de son père mais son mari est immonde et elle divorce. A ce moment, la guerre intervient. Elle est enceinte de Boris et attend un petit Michel.

Ce roman autobiographique se lit bien, même au galop tant la langue est fluide et l’action bien menée. Les personnages hauts en couleurs ne manquent pas parmi ces Russes blancs ex-princes ou généraux devenus chauffeurs de taxis ou ouvreurs dans les boites. L’oncle Akim, colonel des hussards d‘Alexandra, est réduit à tourner des pièces en usine après avoir élevé des poules. Il vit dans le passé, comme Michel qui ne rêve que de revenir à Moscou reprendre possession de sa demeure et de ses magasins. Mais les bolcheviques sont bien implantés au pouvoir et zigouillent tous ceux qui peuvent leur faire de l’ombre. Même en plein Paris, sous les yeux naïfs du gouvernement parlementaire affairiste et d’une police qui s’en fout (ce ne sont que des bougnoules, pouvait-on dire, qu’ils se massacrent entre eux, ça en fera de moins). Car c’est un immigré Russe, Gorgulov qui a assassiné le président de la République Paul Doumer en 1932, et c’est un russe encore, bien qu’aussi juif, Stavisky, qui est à l’origine du scandale financier des bons de Bayonne (une pyramide de Ponzi) et qui sera retrouvé suicidé de deux balles dans la tête tirées à trois mètres en 1934 – dit-on. De quoi faire descendre les milices antiparlementaires dans la rue en février 1934.

Relire Troyat aujourd’hui permet de mettre en relation l’immigration russe d’hier avec l’immigration maghrébine d’aujourd’hui. Il est intéressant de lire les observations d’un protagoniste, cultivé et inséré dans sa nouvelle patrie. Dans tous les cas, l’émigration apparaît forcée par les circonstances (guerre, misère économique, pouvoir totalitaire) et l’émigré ne rêve tout d’abord que de revenir au pays après avoir établi sa fortune. Mais pour cela, il lui faut s’intégrer, parler la langue, vivre selon la culture du pays d’accueil, faire la part des choses entre sa tradition familiale et celle du pays d’accueil.

Lev Tarassov, dit Henri Troyat, observe fort bien ce qui différencie la façon de penser russe de la française. « Nous réfléchissons gravement, lourdement, aux problèmes essentiels de l’existence, Dieu, l’âme, la mort, le bien, le mal, l’amour, tels sont les thèmes éternels de nos méditations. Nos écrivains les tournent et les retournent sans se lasser. D’où une impression de monotonie grandiose, géniale. Les écrivains français, en revanche, sont moins obsédés par la métaphysique. Quand ils l’abordent, c’est avec le désir d’mettre une théorie nouvelle sur un vieux sujet. Ils s’amusent intellectuellement à faire jouer toutes les facettes du problème. (…) Ils analysent. Ils divisent. Ils démontent. (…) Si un Russe se perd dans les méandres de la déduction, il remplace la logique par le sentiment, l’intelligence par l’élan du cœur. Un Français, lui, ne renonce jamais à la logique, à l’intelligence ». II, 3, p.48. Cet écart enrichit celui qui le pense et le vit. Auquel cas émigrer n’est pas un moins, un manque, mais un plus, un supplément d’âme. Encore faut-il acquérir les capacités intellectuelles et humaines de s’ouvrir à l’autre et ne pas se borner à ses croyances natales.

Parler sa langue, pratiquer sa religion, manger sa cuisine, sont du domaine du privé. Pour tout le reste, à Rome faire comme les Romains : élever ses enfants selon la méritocratie de l’école républicaine, bien parler la langue, poursuivre des études, se faire des amis et éventuellement épouser une Française (ou un Français) et engendrer de petits Français. Troyat montre que ce n’est pas tous les jours facile, et que le choix d’une nouvelle patrie est un déracinement culturel, mais que l’ancienne culture peut cohabiter en privé avec la nouvelle en public et le cœur d’hier avec l’esprit d’aujourd’hui.

C’est ce que demandaient les Romains aux Juifs chrétiens par le sacrifice aux dieux civiques (peu importait d’y croire), c’est ce que font spontanément tous ceux qui demandent une carte verte de résident aux Etats-Unis. Alors, pourquoi cela ne serait-il pas exigible en France de ceux qui prétendent y immigrer ?

Henri Troyat, Etrangers sur la terre, 1950, Folio Tome 1 et 2, 1979, autour de 440 pages chacun, occasion €62.00

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Préoccupations politiques à six mois de la présidentielle

Après le Covid, pas d’An 01 d’un nouveau monde comme certains intellos l’espéraient : la politique saisit les Français au plus concret de leurs préoccupations. Ce ne sont pas « le climat » ni les « grandes réformes sociales » de gauche mais bien plutôt des choses toutes simples : « Réduire la délinquance » (51 %, en hausse de 5 points), « Réduire les inégalités sociales » (43 %, en recul de 2 points), « Réduire l’immigration » (42 %, en hausse de 5 points), « Réduire le chômage » (41 %, en recul de 10 points). C’est ce qu’indique le tout dernier indicateur de protestation électorale vague 5 d’octobre 2021 de la Fondapol.

Ce qui marque nettement la défaite sociologique de la gauche, notamment dans « le peuple », abandonné sous Hollande au profit des minorités. La disponibilité déclarée à voter à droite est largement majoritaire chez les répondants sans diplôme ou faiblement diplômés (63 %), appartenant aux catégories socioprofessionnelles inférieures (60 %), ou ceux qui estiment s’en sortir difficilement à la fin du mois (60 %) ou que leur niveau de vie s’est dégradé ces dernières années (60 %). 72 % des répondants envisagent soit de voter pour les partis extrêmes, soit de s’abstenir ou de voter blanc – mais en recul de 6 points par rapport à avril.

Macron n’a pas si mal géré la pandémie, malgré les mensonges et cafouillages du début, ni l’économie puisque la croissance reprend et que le chômage décroit. C’est moins vrai pour la sécurité, l’islam (66 % à gauche comme à droite estiment que « la plupart des immigrés ne partagent pas les valeurs de notre pays et cela pose des problèmes de cohabitation ») – mais aussi les inégalités sociales (reste de la crise des gilets jaunes, province et petites villes, accentué par le recours au télétravail plus difficile durant la pandémie et par l’envol récent du prix de l’énergie).

Si LR et LREM ont des électeurs les plus disposés à voter, le RN s’érode et les partis de gauche s’effondrent, y compris les écolos. Mais les partis ne font plus recettes et le retrait (abstention ou vote blanc) est une arme qui peut délégitimer celui qui arrivera en tête. 43 % des personnes interrogées répondent qu’ils pourraient « voter pour un candidat qui ne viendrait pas d’un parti politique » – signe de protestation électorale. Ils se méfient : 72 % ne font pas confiance aux médias (+3 points).

Ils préfèrent comme première source d’information YouTube, les blogs, les forums ou les réseaux sociaux dont TikTok ou Twitter. Sans avoir le plus souvent les outils intellectuels ou de méthode pour analyser la viabilité des sources ; sans s’apercevoir non plus de l’algorithmique qui ne leur propose que des liens en accord avec leurs convictions. Ils s’enferment donc dans leur illusion et forment bande, sans le savoir.

Ce pourquoi Zemmour est arrivé, comme Zorro, pourfendant le politiquement correct et la langue de bois bien qu’il commence à tourner en rond sur les mêmes thèmes ressassés de l’Histoire de France réécrite façon storytelling. Zemmour rafle particulièrement à droite, chez les électeurs Le Pen et Dupont-Aignan, et sur les classes d’âge les plus élevées qui aspirent à un retour à l’ordre moral comme à une France masculine fière d’elle-même.

Les clivages traditionnels de gauche et de droite font donc moins recette puisque les partis traditionnels n’ont semble-t-il rien à dire de probant sur ce qui préoccupe le plus les électeurs. 37 % des interrogés déclarent se situer à droite, 20 % à gauche et 18 % au centre, tandis que 23 % répondent ne pas vouloir se situer (2 % ne savent pas). Ce quasi quart-là est à mon avis important, il s’ajoute aux 18 % qui se situent « au centre », c’est-à-dire ni à droite, ni à gauche, le signe que la société change et ne se reconnait plus – à 41 % – dans les vieilles lunes.

En revanche, 79 % des personnes interrogées souhaitent que la France reste dans l’Union européenne et 82 % veulent conserver l’euro – ce qui relativise le vote positif en faveur de l’extrême-droite. Au fond, les Français semblent être devenus comme le reste du monde après l’épreuve pandémique plus frileux, plus soucieux de se retrouver soi, dans leurs traditions et valeurs. Il suffirait qu’un ténor affirme l’avenir de la France et de ses lois (qu’attend-t-on pour appliquer intégralement la loi de 1905 sur les religions ?) pour que le climat s’apaise et retrouve des accents plus habituels, sur le pouvoir d’achat et la répartition des richesses.

Emmanuel Macron saura-t-il l’incarner ? Ou un leader enfin désigné de la droite, où la nostalgie Fillon fait grimper la radicalité sur le « retour à » ? Les médias se trompent à interroger toujours les mêmes, les socialistes sectaires ou les écologistes immatures ; les partis de gouvernement se trompent à ressasser les mêmes vieilles lunes économiques et sociales sans lien avec la sécurité et l’immigration ; les gouvernants eux-mêmes se trompent de ne pas développer beaucoup plus vite et de façon mieux organisée les débats citoyens et les panels tirés au sort sur des sujets concrets.

La démocratie ne réclame pas la révolution, seulement l’écoute et l’attention. Le phénomène Zemmour est la provocation de certains électeurs éduqués et déçus, relayés par des intérêts financiers bien compris et par des médias sans cesse en quête de coups. Je ne crois ni à sa candidature lorsque le temps sera venu, ni à son élection – mais il faut se souvenir que l’exaspération de ceux que l’on n’écoute jamais peut parfois se traduire par l’intronisation de clowns, plus ou moins dangereux (aux Etats-Unis, en Ukraine, en Islande…).

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Eric Zemmour, l’homme qui ne s’aimait pas

Éric Zemmour fait frémir la droite qui en a marre d’être dans l’opposition. La société française devient plus conservatrice, la droite française se radicalise. La radicalisation est d’ailleurs à la mode, puisque tous les partis font dans la surenchère pour exister médiatiquement. L’exemple de Donald Trump a donné des ailes à tous les candidats aux fonctions suprêmes. L’étrange est qu’Éric Zemmour semble obsédé par un certain nombre de thèmes politiques que les partis de gouvernement refusent d’aborder tranquillement, publiquement et honnêtement. Il s’agit de la sécurité, de l’immigration, de l’intégration, de l’islam. Tous ces éléments fabriquent une identité inquiète, comme si les Français ne savaient plus ce que signifie être français.

Éric Zemmour, 63 ans, adore transgresser les règles depuis qu’il a échoué deux fois à l’ENA, cette école de l’élite à laquelle il n’appartiendra pas. Né à Montreuil mais issu d’une famille juive de tradition, rapatriée d’Algérie, le garçon au père ambulancier et à la mère au foyer a été élevé surtout par des femmes. Il se lance dans le journalisme plutôt à droite, au Quotidien de Paris, à Valeurs actuelles et au Spectacle du monde, au Figaro et au Figaro-Magazine, avant d’aborder l’audiovisuel avec RTL, i-Télé et CNews. Au milieu des années 2000, il se radicalise avec Le premier sexe, publié en 2006, un essai sur la féminisation de la société et la perte des valeurs masculines. Petit frère, roman publié en 2008 insiste sur l’angélisme antiraciste tandis que Le suicide français en 2014 montre l’affaiblissement de l’État-nation à cause des idéologies gauchistes de mai 1968. Son dernier livre, paru en septembre 2021, La France n’a pas dit son dernier mot, a été refusé par Albin-Michel, scandale de la liberté d’expression pour cet anarchiste de droite à la Edouard Drumont.

Mais son livre initiateur, qui révèle son auteur, est sur Jacques Chirac : L’homme qui ne s’aimait pas, paru en 2002. Car Éric Zemmour lui non plus ne s’aime pas. Originaire d’Algérie, français par hasard d’un décret de 1899, il déteste les immigrés algériens. Issu d’une famille juive, élevé dans la tradition, il affirme que la patrie est le sol où l’on est enterré et que l’assimilation pure et simple doit gommer les identités, donc la judéité qui est la sienne. Petit mâle guère sportif dont l’agressivité n’a pas permis de gagner la compétition au concours des grandes écoles, il affirme le pouvoir masculin contre le féminisme. Il se dit gaullo-bonapartiste, oubliant volontiers que c’est le général De Gaulle qui a donné l’indépendance à l’Algérie, sa patrie originelle. Pour lui, les peuples sont en lutte pour une compétition à mort et seul l’État-nation conduit par un homme providentiel, César, Duce, Führer ou populiste gueulard à la Trump ou Le Pen (mâle), peut permettre de survivre à l’évolution darwinienne. Son obsession de la décadence, son souverainisme intégral en faveur de l’État national, son affirmation qu’une nation doit être unitaire, donc homogène culturellement, religieusement et ethniquement, le situent dans les courants autoritaires d’il y a un siècle.

Toutes ces idées sont opposées à celles les Lumières, mouvement qui a pourtant accordé aux Juifs l’égalité avec les autres citoyens, à l’inverse d’un Ancien régime raciste (le sang bleu), aristocratique (par la naissance) et totalitaire (l’Etat c’est moi). Décidément, Zemmour ne s’aime pas. Ni en tant qu’homme, ni en tant que Juif, ni en tant que citoyen, ni en tant que Français. Il considère l’État de droit comme contraire à une mythique « volonté populaire » et préférerait le plébiscite. C’est ainsi que Mussolini a gagné il y a un siècle et qu’Hitler a remporté les élections en 1933. Ces deux modèles, nationalistes allant jusqu’au racisme, inspirent notre polémiste. Faut-il rappeler que les Arabes sont aussi des Sémites et qu’être antisémite, pour un Juif, est une forme de la détestation de soi ? Pour la France, travail, famille, patrie, cette devise du catholique conservateur autoritaire Pétain, maréchal de France et cacochyme en 1940, représente pour Zemmour le nec plus ultra de la politique. Est-ce vraiment s’adapter au monde moderne pour la compétition mondiale ? L’éducation caserne qui disciplinait les garçons (seulement) dans le rabâchage du par-cœur ? Le calvaire des quelques 330 000 garçons (au moins) de 10 à 13 ans violés par quelques 3000 religieux catholiques en France de 1950 à nos jours est-il le modèle patriarcal hiérarchique autoritaire des citoyens pour l’avenir ? Vraiment, c’était mieux avant ?

Les soutiens du futur ex-candidat probable sont à l’extrême-droite, Jacques Bompard maire d’Orange, Sarah Knafo d’origine juive algérienne née en 1993 et énarque depuis 2017, ou dans les milieux libertariens tel Charles Gave, financier millionnaire international, et quelques banquiers de chez Rothschild. Tous ces gens flattent l’ego zemmourien et l’incitent à se présenter à l’élection présidentielle. Éric Zemmour observe surtout l’envolée des ventes de son livre, publié par sa propre maison d’édition en guise de libre parole. Sera-t-il vraiment candidat ? Rien n’est moins sûr tant il faut réunir des parrainages d’élus, ce qui est loin d’être gagné, et présenter un vrai programme économique et social aux électeurs. Parler de ce qui fâche ne suffit pas. Si le milieu médiatique est essentiellement parisien et intello, la France qui vote est en majorité provinciale et soucieuse de son pouvoir d’achat comme de la façon d’élever ses enfants. Rembarquer les immigrés n’est pas un programme. Non seulement parce qu’il faudrait changer le droit et dénoncer les traités européens et un certain nombre de traités internationaux, abandonner ce qui fait le fond de l’identité française sur la scène internationale – les droits de l’Homme – mais aussi parce que la remigration engendrerait des conséquences économiques extrêmement fortes avec un bouleversement dans l’emploi, comme le montre dans une moindre mesure le Brexit pour les Anglais.

Éric Zemmour profite de l’usure de Marine Le Pen, toujours aussi nulle depuis son débat il y a cinq ans avec l’actuel président, de la lassitude des incantations de l’extrême gauche – de la néo-Rousseau aux Jacobins trotskistes – de l’effondrement des idées de gauche qui s’éclatent en egos démagogiques (allez que je te double le salaire des profs fonctionnaires en 5 ans !), ainsi que – ce qui est pire – des incertitudes de la droite traditionnelle. Elle ne parvient ni à trouver une procédure de choix incontestable de son candidat, ni à faire émerger un candidat crédible, ni même à faire figurer dans son programme quelques idées fortes pour la prochaine législature… Vers qui donc se tourner lorsque le débat politique ne fait figurer aucune de vos idées ? Ce fut Coluche en 1981, Zemmour en 2021.

Un Éric (dont le prénom – scandinave – signifie le roi) qui profite des tabous idéologiques refusant le parler vrai sur l’islam et sa dérive islamiste, sur la culture française et ses dérives mondialistes, sur la place des femmes et sa radicalité victimaire anti domination, sur la génération fragile élevée dans du coton depuis 25 ans et qui mesure à peine les menaces actuelles du climat, de la santé, de l’énergie, de l’agriculture, des migrations, et des religions. Mais pour réussir il faut d’abord être soi, donc s’aimer un tantinet ; cela afin d’établir un programme complet avec des objectifs à long terme. Décadence et pessimisme ne sont pas des projets. Je crois pour ma part à un prochain dézemmour dans les sondages, la plupart étant actuellement effectués par Internet pour des raisons d’économie auprès de ce qui veulent répondre, donc des plus militants. La réalité est bien au-delà de cette illusion.

Sur Zemmour et son courant

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Le populisme se nourrit des errements du gouvernement

Le constat :

« Les gens » en ont marre globalement. De « la crise » qui dure depuis 1974, de la démocratie représentative qui bavasse de ce qui ne les intéresse pas, ou qui « réduit les avantages acquis » des travailleurs, des pauvres, des sans voix, de la pandémie avec son cortège d’injonctions contradictoires et autoritaires, des « aides au développement » de pays qui vont de coups d’Etat et dictatures, à commencer par l’Afghanistan, le Mali, Haïti, la Guinée.

Ce sont plus les peu lettrés qui râlent en ayant l’impression qu’on ne les entend pas. Ainsi, selon une étude de la Fondation pour l’innovation politique, vague 4 de juin 2021, 65% des diplômés au-delà de bac+2 ont une opinion négative des gilets jaunes tandis que 54% des sans diplôme ou BEP en ont une opinion positive. Ce sont les mêmes qui ne font pas confiance aux médias traditionnels en déclarant à 61% que les médias « parlent de sujets qui ne les concernent pas ». Les mêmes encore qui disent le plus utiliser les chaînes d’information en continu, à 40 % des personnes proches du RN et 33% des personnes proches de LR – ou qui s’informent d’abord sur Internet (42% pourraient voter pour un(e) candidat(e) du RN au premier tour.

Selon l’étude, 4 Français sur 10 se situent à droite (en augmentation) et 2 sur 10 à gauche (en diminution) et un tiers des 18-24 ans se situent désormais à droite. Ce qui fait peur, comme partout en Europe, est l’immigration, jugée excessive car trop nombreuse trop vite pour être assimilée correctement, notamment à cause de l’islam radical qui effraie (la moitié des votants à gauche en France pensent de même selon une étude de la même Fondation sur quatre pays européens en mai 2021).

Les fractures territoriales et le rejet du centralisme alimentent en France la protestation électorale et ce vote croît fortement dans les communes rurales ainsi que dans les villes petites et moyennes, note l’étude. 74% des sondés réclament « que plus de décisions politiques soient prises dans les régions, les départements et les communes, et moins à Paris ». La position plus à droite est également favorable à plus d’autonomie pour les petites et moyennes entreprises, à moins d’assistanat centralisé d’Etat et à la réussite individuelle érigée en norme sociale.

Au global, 80% des électeurs ne font pas confiance aux partis politiques, 64% au gouvernement, 62% aux syndicats, 61% aux députés ou encore 60% au président de la République. Ce pourquoi l’idée d’un candidat qui ne viendrait d’aucun parti séduit majoritairement (55 %).

Mais qui ferait mieux ?

L’Opposante en chef Marine Le Pen n’a pas une aura de compétence reconnue mais pourrait être un vote de rupture si tout va mal ; si tout s’améliore, elle pourrait à la rigueur gagner par accident électoral en profitant de la nette droitisation de l’électorat.

C’est pourquoi le mythe d’une candidature Zemmour est très utile. Je ne crois pas qu’un polémiste solitaire qui ne dispose d’aucun parti puisse réussir à franchir même le barrage des 500 signatures pour accéder au premier tour, mais il fait d’ores et déjà du tort à Marine Le Pen en mordant sur ses électeurs. L’érosion du privilège de compétence accordé aux partis de gouvernement réduit le repoussoir du populisme, même si les Français sont plus rationnels en général que les Américains et autres Brésiliens. Le cas anglais du Brexit est différent, le chauvinisme îlien des Grands Bretons est bien plus fort et plus ancré que le simple patriotisme français qui ne date que de la Révolution mais s’est dilué avec la croissance des « issus de l’immigration » qui ont aussi d’autres allégeances.

Emmanuel Macron reste la meilleure option. Car si 78 % envisageaient en juin de voter pour un parti protestataire, de voter blanc ou de s’abstenir – c’était à un an des présidentielles, alors que ni le vaccin ni la reprise économique n’étaient encore visibles. La « première dose » pour le gros de la population adulte ne pouvait être obtenu avant mai au minimum. C’est là une erreur du gouvernement que d’avoir communiqué trop tôt sur « les vaccins », alors même que leur livraison n’était que prévue sur le papier et que l’organisation des centres était un foutoir sans nom. Le « c’est comme si c’était fait » ne tient pas face aux faits. Marine Le Pen avait alors un potentiel électoral de 10% minimum avec un intermédiaire à 20% tandis qu’Emmanuel Macron était à 5 % et 15%. L’été a remis les choses en place en montrant que tout finit par arriver – même le meilleur – et que les errements de com et d’administration n’étaient que provisoires. A l’époque déjà, « pour une majorité des personnes interrogées, les partis d’opposition, de droite ou de gauche, n’auraient pas fait mieux s’ils avaient eu à gérer la pandémie » – c’était en juin, c’est d’autant mieux en septembre.

Les sondages reflètent l’amertume ou l’espoir des électeurs au moment de leur déclarations. Il ne faut pas les prendre pour argent comptant jusqu’à leur vote réel, on l’a bien vu dans les divers scrutins récents. Ce pourquoi la stratégie du président actuel est la bonne : se saisir des doléances en décideur, même si aucune grande réforme ne pourra être mise à l’agenda du Parlement avant l’été prochain. Il montre qu’il écoute, qu’il a conscience, qu’il fait étudier. Lui travaille plutôt que de promettre. Lui agit plutôt que de battre seulement les estrades médiatiques.

Il n’est pas compétent en Covid 19 ? Mais qui l’est, si l’on écoute les divers « médecins » qui hantent les plateaux télé ? Rappelons aussi que la médecine est un art, pas une science exacte, et que le travail scientifique consiste à émettre des hypothèses puis à les tester avec tout l’appareil de vérification nécessaire, avant de conclure. Affirmer en gourou n’a rien de scientifique, même si formuler des hypothèses hors des normes a sa vertu.

Par exemple les écologistes français, avec leur positionnement d’urgence absolue et d’autoritarisme punitif ne passent pas. Pour les trois-quarts des électeurs, la croissance économique est parfaitement compatible avec la préservation de l’environnement. Il ne faut pas confondre l’élection écolo locale avec un mouvement national ; voter pour un maire ou un conseiller régional n’a rien à voir avec voter pour un président.

Par exemple aussi « la gauche », ardente à dénoncer en morale et beaucoup moins à proposer concrètement au-delà de ce qui a été fait quand elle était au pouvoir (et pas très bien fait si l’on en juge par l’état de l’éducation, la santé, la justice, l’armée… après cinq ans de Hollande).

Et la droite ? Elle se cherche, ses électeurs écartelés entre Le Pen et Macron, sans leader d’envergure comme le gaullisme le veut.

La politique est, comme la médecine, un art, celui de concilier les contraires, de ramener les personnalités diverses et les idées éparses en une équipe apte à proposer et à décider de ce qui est possible – avec le peuple qu’on a, les médias qu’on a et la conjoncture qu’on a – pas dans l’abstrait des grands mots et des grandes causes.

Tout le reste n’est qu’agitation de croyances que seuls suivent les idiots.

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Guerre civile et tribunes de militaires

Les « tribunes de militaires » publiées sur le site et dans l’hebdomadaire Valeurs actuelles (la dernière le 11 mai) n’interviennent pas à n’importe quel moment. Elles prennent exemple sur les initiatives de Trump aux Etats-Unis pour gagner les présidentielles de 2016 : plus c’est gros, plus ça passe (c’est ce que disait Goebbels – et il ajoutait : plus c’est énorme, plus il en restera quelque chose). Elles se positionnent pour la présidentielle française de 2022. Les réactions d’orgueil offensé du gouvernement sont ineptes (qui c’est qui commande ? je vais sévir ! on se croirait au collège dans les années cinquante). Mieux vaut décortiquer le texte et le contexte.

Valeurs actuelles est un hebdomadaire conservateur et national-européen. Fondé par Raymond Bourgine, venu de la finance et fondateur d’un « hebdomadaire de la droite intelligente et capitaliste » dans les années 1950, partisan de l’Algérie française, défenseur de la mémoire du maréchal Pétain mais proche de Georges Pompidou et Jacques Chirac, l’hebdo passe entre les mains de la famille Dassault (l’avionneur) puis de Pierre Fabre (le pharmacien). Il a été longtemps dirigé par Yves de Kerdel, catholique élève de l’école Saint-Thomas d’Aquin à Paris, puis du collège Stanislas, d’études de droit à Assas (la fac d’extrême-droite des années post-68), et le diplôme de la Société française des analystes financiers – avant que soit nommé le président actuel de son comité éditorial, François d’Orcival, aristocrate du Périgord ayant étudié les lettres et l’histoire avant de s’intéresser… aux affaires. Qui fut, très jeune, partisan de l’Algérie française et compagnon de militantisme d’Alain de Benoist à France Information et Jeune Nation avant la Fédération des étudiants nationalistes (FEN) puis aux revues Défense de l’Occident de Maurice Bardèche, Europe-Action de Dominique Venner et Nouvelle école d’Alain de Benoist, ainsi qu’aux travaux du GRECE (c’est une certitude, une source de toute confiance l’y a vu au début des années 1970).

Le positionnement de Valeurs actuelles est donc très clair : conservateur patronal, économiquement libéral mais avec un Etat fort colbertiste, catholique pour les mœurs et « ethnique » pour la culture. Il ne se reconnait ni dans le Rassemblement national ni dans Les Républicains mais peut-être dans un mouvement français-européen identitaire futur que prépare Marion Maréchal. Nous y voilà.

Après le contexte, le texte. Que disent donc ces tribunes « de soldats » ?

La première laisse entendre que l’armée pourrait intervenir en cas d’urgence, comme durant la guerre d’Algérie, souvenir de jeunesse nostalgique de certains dirigeants de l’hebdo. Mais le putsch des généraux (qui n’étaient pas un quarteron mais seulement quatre) a fait pschitt au bout de quelques jours car la nation n’était pas prête à revenir au pétainisme après avoir subi l’Occupation et bien observé le conservatisme catholique de Franco. Quant aux Arabes, ils pouvaient rester dans leur chez eux tout neuf. La seconde laisse croire qu’en cas de « guerre civile », les politiques donneraient l’ordre à l’armée d’intervenir, ce qui est plus réaliste mais tient pour acquis qu’une guerre civile est à nos portes et qu’il suffit d’une étincelle. Or les gilets jaunes n’ont fait que tourner en rond, tout comme les nuits debout des intellos n’avaient pas passé les aubes dorées ; quant au terrorisme islamiste, il ne touche que très peu de gens, même si leurs meurtres frappent l’opinion par leur sauvagerie. Mais il y a bien plus de morts d’accidents de la route ou de grippe chaque année que d’attentats arabes.

La rhétorique – trop bien rédigée pour être celle de « soldats » lambda – en appelle évidemment au « simple bon sens », cet argument suprême du populiste qui affirme que le citoyen de base a non seulement la raison du monde la mieux partagée mais aussi la pureté d’opinion que ne sauraient avoir ni les bourgeois, ni les intellos, ni les politiciens. Mais le bon sens se travaille par l’observation, la comparaison et la critique, la raison s’éduque à penser par elle-même.

Autre argument du nationalisme le plus classique, le sacrifice : « Ils ont offert leur peau pour détruire l’islamisme auquel vous faites des concessions sur notre sol. Presque tous, nous avons connu l’opération Sentinelle. Nous y avons vu de nos yeux les banlieues abandonnées, les accommodements avec la délinquance. Nous avons subi les tentatives d’instrumentalisation de plusieurs communautés religieuses, pour qui la France ne signifie rien – rien qu’un objet de sarcasmes, de mépris voire de haine. » Certes, mais il s’agit de sociologie et de politique, pas de guerre. Le droit existe, il est appliqué, même s’il faut des preuves… que nombre de flics sont incapables de produire, alors ils braillent, ils manifestent : que ne font-ils leurs enquêtes correctement pour que les juges aient de quoi condamner sur des bases solides ! Le coup de poignard dans le dos était la rhétorique classique du nazisme qui voulait « purifier » le pays. Quant au « c’était mieux avant »…

Enfin le seul, le véritable argument final, préparé par les violons ci-dessus est très clair : l’islamisme. Car tel est l’ennemi et il faut le désigner, même s’il apparaît sous un vocable euphémisé dont les Alain de Benoist ont par exemple le secret pour ne pas braquer (appris dans le militantisme issu de l’agit-prop d’Algérie) : « Nous voyons le communautarisme s’installer dans l’espace public, dans le débat public. Nous voyons la haine de la France et de son histoire devenir la norme. » Mais non, c’est bien excessif pour quelques braillards, nous ne sommes vraiment pas dans les années trente…

Il s’agit de résister à la multiculture, de rejeter l’islam comme un corps étranger (et les Arabes dehors, en subliminal), car ils sont vecteur de « déchéance ». « Nous l’avons vue dans bien des pays en crise. Elle précède l’effondrement. Elle annonce le chaos et la violence, et contrairement à ce que vous affirmez ici où là, ce chaos et cette violence ne viendront pas d’un ‘pronunciamiento militaire’ mais d’une insurrection civile. » Elle couverait en France selon la paranoïa habituelle des extrémistes : grand soir à gauche, guerre civile ethnique à droite. Avec, comme d’habitude chez les partisans de l’action, ces « légalistes, transis de peur, [qui] misaient déjà sur les concessions avec le mal », comme en 40. Un auteur a publié un roman d’anticipation sur le sujet, il n’a pas eu le succès national que la paranoïa aurait pu escompter. Alors la guerre civile…

Elle est le fantasme de l’extrême-droite française depuis la guerre d’Algérie et leur soutien inconditionnel à Israël, pays ethnique et nationaliste à leurs yeux (bien que de constitution démocratique). Les tensions identitaires des Arabes israéliens les ravissent : enfin les prodromes que ce qui va (inévitablement ?) se produire en France. Si les citoyens arabes d’Israël se sentent Israéliens, collectivement ils se sentent Palestiniens et musulmans. La révolte ethnique et religieuse d’aujourd’hui pourrait préfigurer une vraie « guerre civile ». Moins ils sont légitimes comme citoyens israéliens aux yeux de la population majoritaire juive, plus ils se perçoivent comme ethniquement Arabes. C’est le cas aussi en France depuis les attentats de Merah, ceux du Bataclan et de Nice. Avec, dans les deux pays, la montée de l’extrême-droite qui accroît le malaise identitaire à la fois des deux ethnies ou des deux allégeances religieuses et culturelles. La radicalisation religieuse des uns appelle à la réaction identitaire des autres.

Sauf que nous ne sommes pas en guerre (malgré les rodomontades en son temps de Hollande puis de Macron) ; nous ne sommes pas un pays qui occupe illégalement une part de territoire (depuis que nous avons quitté l’Algérie il y a deux générations) ; nous ne sommes pas surarmés ni obligés à la préparation militaire annuelle (comme Israël, pays assiégé) ; nous ne sommes pas enfin un pays à base ethnique (nous ne l’avons jamais été, même si trop et trop vite d’immigration n’est pas intégrable), même si le catholicisme a été la religion des rois et les guerres de religion un fait cruel – mais il y a quatre siècles. Alors la guerre civile…

Il s’agit plus d’un fantasme pour flatter un lectorat avide de lire ce qu’il a envie de lire et que le panorama des médias en France lui offre peu ; de faire du buzz, de faire du fric, de se positionner pour la – sait-on jamais ? – « victoire » de Marine Le Pen aux prochaines présidentielles. De l’histrionisme à la Trump, pas de l’analyse politique ni de la sociologie française qui, pourtant, serait d’actualité avec la responsabilité de la gauche dans le renouveau du racisme. La droite extrême, même avec Zemmour, manque décidément d’intellos à la hauteur.

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Demain l’identité

En politique, rien n’est jamais simple. Les sujets profonds surgissent lentement mais avec de plus en plus de force alors que les sujets d’actualité accaparent l’attention des médias et des politiciens. L’un de ces sujets profonds est celui de « l’identité ». Longtemps nié à gauche à cause des relents de rejet de l’Autre que le concept véhicule « par principe » (et la gauche est en adoration devant « les Principes »), trop pris en compte par la droite extrême qui en fait son sujet de prédilection mais le contamine par ses références au « nazisme » (ce point oméga de toute grimpée aux rideaux politique), l’identité n’en demeure pas moins le sujet profond qui va faire de plus en plus notre actualité.

Il semble que l’immigration en notre siècle ait remplacé la lutte des classes du siècle dernier : l’avenir radieux se lit sur les moteurs de recherche et plus dans les prophéties marxistes. Pour la gauche naïve, l’immigré est « la » victime par excellence, le lumpen-prolo qui fait désormais l’Histoire après l’ouvrier (embourgeoisé), le symbole d’une « égalité » sans cesse repoussée et toujours à conquérir. La fondation socialiste Terra Nova, dans une célèbre étude retirée soigneusement depuis de ses archives numériques (Projet 2012, Gauche, quelle majorité électorale pour 2012 ? citée dans l’une de mes notes), prônait à la gauche de s’appuyer sur les immigrés pour garder le pouvoir, au détriment des « classes populaires » de plus en plus tentées par l’extrême-droite. Quand le vote du peuple ne vous convient pas, changez de peuple.

Or ledit peuple se sent de plus en plus menacé dans son emploi, dans sa fiscalité, dans ses pratiques culturelles, dans sa démographie. En témoignent les Gilles et Jeannes des ronds points, mais aussi les Wotan au Capitole et la « Génération » identitaire sur le point d’être niée – interdite.

La mondialisation et la loi anglo-saxonne du fric ont tué des pans entiers de l’industrie européenne tandis que la technologie automatisait la production, forçait à la rationalisation, aux gains de productivité, et faisait grimper le niveau de formation requis pour tout emploi décent. Seules restent disponibles les métiers non-délocalisables, souvent de services, donc mal payés, et les métiers de haute volée dans l’ingénierie, la finance et la recherche. A moins d’être fonctionnaire – donc rester petit ou moyen.

Les exigences du « toujours plus » dans la protection sociale et les aides de toutes sortes votées par démagogie pour répondre aux « revendications » de la société et « des associations » creusent le déficit budgétaire, engageant à augmenter inexorablement les impôts bien avant le « quoi qu’il en coûte » à prétexte Covid. Hollande en a fait l’expérience, ce n’est pas la solution : faire « payer les riches » est peanuts en termes de rendement et faire payer les classes « moyennes » (pour Hollande, est riche qui gagne plus de 3500 € par mois) aigrit le plus grand nombre sans que jamais l’administration d’Etat n’apparaisse comme plus efficace… Les palinodies sur les masques, le gel, les blouses, les vaccins, en sont le dernier exemple en date, sans parler de « la justice » trop lente faute de moyens, de l’école qui forme de parfaits chômeurs, de l’université qui dérive vers la théologie et incite les meilleurs à tenter une « grande » école, de l’armée qui ne sait plus sur quel sein se dévouer (comme disait un ineffable directeur de banque à l’ancienne en 1981) au Mali et ailleurs faute d’objectif clair et de suivi politique – et ainsi de suite.

Quant à la culture, elle apparaît comme la dernière roue du carrosse technocratique au pouvoir sous Macron, pourtant le meilleur président que la France ait connu depuis des décennies. La culture est « pour les bobos », un vernis de musée et d’art contemporain, bien loin de son enracinement populaire fait de mythes et de littérature, de spectacle vivant et de concerts, de gastronomie au restaurant et de conversations de café, d’habitus et de vivre-ensemble.

La démographie, elle, menace. Le taux de fécondité « des Françaises » ne remplace pas la population puisqu’en-dessous du deux enfants par femme en âge de procréer fatidique (1.87 alors qu’il faudrait 2.1 ou 2.2 dans les faits pour compenser les décès par accidents et maladie). Quant au concept de « la Française », il comprend de plus en plus de femmes immigrées de la seconde ou de la troisième génération qui colorent un peu plus l’ensemble de la population par leur fécondité supérieure (à la troisième génération, leur fécondité statistique tend à s’assimiler). La protection sociale si généreuse des Etats européens depuis Bismarck ne pourra subsister avec moins d’enfants et plus de retraités, avec plus de chômeurs non-cotisants entre les deux. L’immigration apparaît comme la solution la plus facile mais l’Allemagne sera au tiers non-allemande d’ici 2040 et l’Afrique, qui explose démographiquement, risque d’exporter environ 200 millions de Noirs en Europe blanche avant la prochaine génération. La hantise du Grand remplacement à l’extrême-droite fait encore un brin rire car elle est plus imaginaire que réelle (7.4% de la population française est immigrée selon l’INSEE, les descendants nés français se cumulent cependant pour former près d’un quart de la population). Mais elle l’est de moins en moins car l’imaginaire est un puissant ressort réel de l’action politique. Trump l’a montré : agiter la peur de devenir minorité en son propre pays est très payant électoralement (malgré les inepties économiques, écologiques et diplomatiques par ailleurs).

Si les politiciens de tous bords en Europe ne prennent pas en compte de façon raisonnable et concrète la question de l’identité, ils se préparent une vague de radicalité et de populisme sans précédent. Il n’y a pas que l’économie, imbécile ! pourrait-on dire en paraphrasant à l’envers la phrase de Carville, si efficace dans la première campagne de Bill, Clinton. Il y a la hantise : celle de devenir marginal chez soi, déclassé économique, défié culturel, soumis au moralisme religieux venu d’ailleurs – en bref exclu du pouvoir de conduire son propre avenir.

C’est en Europe la différence entre les démocraties libérales et les illibérales. Les premières sont à l’ouest, les secondes à l’est. Les premières sont sûres d’elles-mêmes mais de moins en moins, les secondes n’en sont plus sûres du tout à cause de l’émigration de leur population jeune tentée par l’Eldorado économique allemand ou anglais. Les libérales accueillent l’immigration en tentant leur « assimilation » (de moins en moins bien acceptée par les « victimes » racisées ex-colonisée et soumises à Allah avant la loi), les secondes refusent toute multiculture au nom des traditions et de l’histoire. Mais est-il justifié de refuser aux démocraties d’Europe de l’est ces droits accordés trop volontiers en Europe de l’ouest aux allogènes ? Notamment le principal : le droit à leur identité ? Faudrait-il prôner des « accommodements raisonnables » envers Maghrébins et Turcs musulmans au nom du vivre-ensemble et les refuser aux Hongrois et Polonais catholiques dans l’Union européenne ?

La gauche a pour tendance de mépriser le bourgeois blanc, considéré comme privilégié dans l’Histoire, et de ne considérer que les « droits » revendiqués des minorités venues d’ailleurs, vues en victimes ; mais une réaction se fait jour au vu des attentats islamistes et du travail de sape contre la laïcité : l’immigration (surtout musulmane mais peut-être aussi un jour chinoise) pourrait bien miner la culture démocratique en introduisant des pratiques culturelles et sociales contraires à la laïcité, au droit des femmes, aux coutumes alimentaires et vestimentaires, au vote pour élire des représentants. Si les Algériens réclament en Algérie des droits à la française, les Chinois préfèrent peut-être pour leur santé et pour l’économie l’efficacité collectiviste de Pékin aux hésitations et contestations de Paris.

La droite conservatrice a pour tendance de regretter le bon vieux temps de l’entre-soi et de la domination blanche sur le reste du monde ; mais un activisme positif se fait jour au vu du succès de Trump, de Xi Jinping, d’Erdogan et de Poutine en faveur de l’affirmation d’une culture historique occidentale (après tout pas pire qu’une autre) et de la religion chrétienne (après tout moins nocive depuis deux siècles que d’autres).

Entre les deux le centre, qui préfère s’adapter avec le temps et expérimenter l’équilibre.

Et « les écologistes » qui sont une nébuleuse de sectes et de sous-sectes en France, pas un parti homogène. Leurs succès électoraux s’accomplissent plus « contre » que « pour » tant leur programme apparaît autoritariste, de fatwas en fatwas : contre la viande dans les cantines, le sapin de Noël arbre mort, le tour de France macho et pollueur (tiens, rien sur le foot, pourtant bien plus macho ? – il est vrai que les équipes y sont plus « colorées »…). Mais leur aspiration à « un retour à » la vie paysanne, austère sans voyages, la consommation locale, la méfiance pour l’industrie et la surveillance Internet, le moralisme de clocher et la démocratie directe est peut-être l’antidote futur à l’immigration sauvage ? Décourager les migrants de venir vivre en communautés fermées à forte identité culturelle et sociale subsistant chichement à la sueur de leur front pourrait bien être la meilleure solution. Y a-t-il beaucoup de Latinos ou d’Afro-Américains chez les Mormons ? Chacun chez soi et la planète pour tous, les échanges réduits au minimum et l’exploitation à presque rien.

Il reste à régler la question des frontières, des institutions et du droit de vote, des droits de chacun. Mais surtout du nouveau modèle économique sans lequel rien ne sera socialement possible.

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Valy

Lorsqu’il était petit, vers 1930, Valéry Giscard d’Estaing se nommait lui-même Valy. Ce petit nom d’enfant le rend plus familier, ce qu’il savait être avant que le pouvoir ne l’isole.

Je l’ai rencontré pour la première fois avant qu’il ne devienne président, lors d’une conférence qu’il fit sur l’inflation à l’université Paris II Assas. Avec la pandémie et les gestes barrière, on ne se rend plus compte de l’attrait incomparable d’une ville comme Paris pour côtoyer des gens qui vous apprennent quelque chose sur la vie et la société. Je n’étais pas élève d’Assas mais j’étais venu, avec d’autres camarades de Science Po, poussé par la curiosité. Avec Valéry Giscard d’Estaing l’économie devenait claire, immédiate, bien loin du jargon à prétentions matheuses du corps professoral qui cachait souvent une ignorance du terrain par une théorisation inutile. Sans parler de l’idéologie, à l’époque toute au marxisme, nouvelle bible des intellos qui y puisaient la scolastique et la morale sans chercher plus loin. Heureusement, nous avions Raymond Barre comme prof.

Giscard est élu président après avoir passé deux bacs à 16 ans, s’être engagé dans l’armée de Leclerc à 18 ans et être décoré de la croix de guerre 1939-45 à 21 ans, avoir été reçu à Polytechnique puis à l’ENA, avoir été élu député du Puy-de-Dôme en 1956 à 30 ans puis secrétaire d’État aux Finances du général de Gaulle auprès d’Antoine Pinay à 32 ans puis plusieurs fois ministre des Finances. Il bat Mitterrand de 425 000 voix en mai 1974. La France de l’ouest, de l’est et du centre a voté pour lui, ainsi que Mireille Matthieu, Jacques Chirac et Johnny Hallyday. Moi pas, je n’avais pas l’âge requis pour voter et, sept ans plus tard, j’ai choisi un autre candidat. Mais j’ai pu côtoyer sa nièce Olivia lors des réunions d’analystes financiers à Paris.

Ce fut, avec le recul, un bon président, initiant les réformes de société indispensables après l’émergence de la jeunesse comme état d’esprit en 1968. Les vieux conservateurs, qui se disent « gaullistes » en figeant l’image du général, vont très vite regimber, comme ils continuent de le faire aujourd’hui sur toute évolution de la société. Giscard était, au contraire d’eux, un « libéral », ce qui signifie qu’il ne refusait pas la marche du monde mais l’accompagnait en la régulant. Les réformes qui vont de soi aujourd’hui datent de son septennat : majorité à 18 ans, divorce par consentement mutuel, dépénalisation de l’avortement, intégration des handicapés, politique plus verte de la ville, fin des saisies de presse et de la censure des films, fin des écoutes téléphoniques ordonnés par l’exécutif (que Mitterrand s’empressera de rétablir), saisine du Conseil constitutionnel par 60 députés ou sénateurs. Il va donner une impulsion nette à l’Europe, que Mitterrand prolongera, et créer l’embryon de la monnaie unique.

Ce sont malheureusement les chocs pétroliers dus à la géopolitique contre Israël et au réveil religieux islamiste (déjà..) en Iran, qui vont faire grimper le chômage et l’inflation, créant le mal être dans la société après les Trente glorieuses et l’euphorie post-68. Si Giscard supprime l’immigration de travail en 1974, son premier ministre Chirac rétablit le droit au regroupement familial en 1976, et le Conseil d’État annule le décret de 1977 qui suspend le décret Chirac pour consacrer le « droit de mener une vie familiale normale » en principe général du droit selon les alinéas 5 et 10 du préambule de 1946 à la Constitution. De là date le robinet ouvert, avec l’appui de la gauche sans frontières.

En 1981, Valéry Giscard d’Estaing est battu sur un mélange d’isolement du pouvoir monarchique (qui sera pire sous Mitterrand avec la Cour et le Château), d’affaires montées en épingles par les médias (les fameux « diamants » qui n’étaient que des éclats pour quelques milliers de francs) mais surtout par l’arrogance de l’intelligence. Difficile de se mettre à la portée des gens moyens lorsque vous êtes très intelligent, que vous détenez le pouvoir et que les courtisans vous adulent. Sept ans, c’était long et le sphinx florentin qui lui a succédé a bien manipulé les naïfs de gauche pour parvenir au sommet, les laissant faire joujou avec le franc, les industries et l’économie avant, 18 mois et trois dévaluations du franc plus tard, de mettre en demeure ses candidats premier ministre de choisir : le modèle Corée du nord ou l’arrimage socio-libéral à l’Europe. Il les a roulés dans la farine et a maté la gauche des utopies pour longtemps. Son double septennat a créé « la génération Mitterrand » (dite la génération Y par les Yankees), ce qui a éclipsé l’œuvre de Giscard. A tort à mon sens, mais l’histoire est impitoyable.

A presque 95 ans, il aura bien vécu. Le Covid l’a tué, achevant son insuffisance cardiaque. Le centrisme qu’il affichait, reflet de son intelligence des situations et plus Maupassant que Hugo, a du plomb dans l’aile avec la montée des ressentiments, des intolérances et des extrémismes aujourd’hui. Il reste cependant un modèle.

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François de Coincy, Mozart s’est-il contenté de naître ?

Voici un petit livre décapant, iconoclaste, qui revisite l’économie en mots simples accessibles à tout le monde. Les raisonnements sont limpides, bien que mis bout à bout sans structure d’ensemble.

Si je tente de me placer en hauteur, l’exposé semble être le suivant : seul le travail crée de la richesse et seule la liberté permet le travail efficace. Nous avons la chance de vivre encore en société de libertés – ce pourquoi tant d’immigrés veulent y tenter leur chance – ne gâchons pas nos talents au profit de fausses valeurs telle l’égalitarisme, la subvention, le règlement, le pouvoir autoritaire technocratique. C’est en gros la philosophie générale d’un libéral qui n’est ni libertaire ni libertarien, ne sacrifiant pas l’effort ni l’épanouissement des talents à l’hédonisme de l’assistanat ou au seul droit du plus fort. Il est pour une société régulée, mais qui décide librement en démocratie participative.

Si je tente d’entrer dans les détails, ce ne sera que pointilliste tant manque l’organisation de l’ensemble en discours cohérent aboutissant à un projet global clair. Car la succession des treize chapitres ne fait pas un plan ni ne dégage de lignes directrices, pas plus que le titre, contestable : le pauvre Mozart est peut-être devenu célèbre grâce à la combinaison de son talent et d’un travail acharné, mais quelle existence contrainte dès le plus jeune âge qui a formé un singe savant puis abouti à un adulte infantile mort jeune ! Est-ce un modèle d’individu libre et épanoui à suivre ? C’est dommage car le propos de François de Coincy mérite d’être connu et débattu, développé à l’aide d’exemples concrets de l’actualité (il y en a trop peu).

Les français sont inégaux… en production pour le pays : « Alors que le rapport des contributions [à la richesse nationale] entre la moyenne des tranches extrêmes est de l’ordre de 12, celui du niveau de vie est de l’ordre de 3. En rappelant que la contribution, c’est ce que l’on produit et que le niveau de vie est ce que l’on consomme, on constate que 60% des Français consomment plus que ce qu’ils produisent » p.38. Ce rapport inégal mesure le poids de la solidarité. Elle est un choix de société, pas une morale permettant de voler aux riches pour donner aux pauvres. Confondre l’égalité et la solidarité est le meilleur moyen pour faire fuir les talents, les entreprises et la contribution fiscale. Partir tôt en retraite ou laisser filer l’immigration de travailleurs pauvres diminue la richesse produite, donc le niveau de vie de chacun (p.47). Ce pourquoi la mesure du PIB est fausse car l’investissement compte deux fois le travail (p.77), ce qui biaise la perception de ce qui est et l’action politique.

Marx comme Keynes ou les monétaristes, ces trois piliers de la théorie économique contemporaine, tordent la réalité. « Karl Marx a vu dans le capital l’essence de l’économie de marché, alors que le moteur en était l’esprit d’entreprise. En ne tenant pas compte de tout le travail réalisé par le capitaliste entrepreneur, il enlève toute cohérence à la relation économique et en contestant la répartition inique du travail et du profit, il occulte la réalité du travail/profit de l’entrepreneur capitaliste. Pour lui, dans l’activité économique, l’entrepreneur n’existe pas, il n’y a que l’argent » p.106. Or l’argent n’est qu’une unité de compte pratique, pas un « bien ». Ce que mesure l’argent, c’est le travail accumulé (l’épargne) qui peut être prêté (le capital) pour produire des biens ou des services nouveaux (investissement) et suscitant une dette (qui peut être vendue). Le capital n’est que du travail réalisé avant, pas un fief féodal par droit de naissance. L’investissement, dont nos politiciens ont plein la bouche, génère le crédit et pas l’inverse : quel entrepreneur investira-t-il s’il n’a pas de débouché à sa production ? « Il n’y a aucune relation mathématique entre le montant de l’investissement et la création d’emploi ; cela dépend des projets » p.99. Or le projet est un pari d’entrepreneur, pas une décision administrative.

Le prix d’un bien ne reflète pas le travail accumulé pour le produire + le profit, mais le niveau de pouvoir d’achat que la demande sur ce bien est prête à investir. Ce qui dépend de la conjoncture, de l’utilité, de la mode, de l’imitation sociale et de bien d’autres choses. Un bien, pas plus qu’une entreprise n’a de « valeur en soi », mais seulement une valeur d’échange sur le marché. C’est ainsi que les analystes financiers évaluent la rentabilité d’une ligne de production, d’une société mise en vente ou d’un bien immobilier par le flux futur des bénéfices dégagés (actualisation des cash flows futurs).

Le système monétaire, quant à lui, est un jeu d’écritures et la spéculation ne produit rien, sinon un passe-temps à somme nulle où le risque est artificiellement joué au-delà de sa probabilité. « Ce marché des écritures est le principal générateur des crises financières » p.122. De même, la dette d’Etat est une insuffisance d’impôts qui permet de vivre au-dessus de ses moyens au détriment des générations futures. Un truc pratique à méditer : pour chaque foyer fiscal, la dette de l’Etat en France est de 25 fois l’impôt sur le revenu annuel du foyer (p.125).

Beaucoup de bon sens, des formules imagées comme cette délicieuse Main invisible d’Adam Smith comparée à un régulateur d’allure pour bateau à voiles, et une redéfinition des mots-valises trop usés des médias et des politiciens tels que croissance, crédit, dette, redistribution, profit, investissement et ainsi de suite. « La confusion est devenue la règle quand on nomme ‘droit au logement’ ou ‘droit au travail’ ce qui est en réalité un ‘droit du logement’ ou un ‘droit du travail’. On transforme en vérité morale ce qui est une convention sociale. Une telle déformation du sens des mots entraîne nécessairement désillusion et amertume » p141. D’où la perpétuelle tentation selon Aristote pour la démocratie de dégénérer en démagogie, portée ces dernières années par « la morale populiste » (p.137). Avec sa contradiction de fond : « sans inégalités, la solidarité n’a plus de sens » p.149.

Aujourd’hui retraité, l’auteur qui a occupé plusieurs fonctions financières dans le groupe Hachette puis créé un groupe immobilier avant de présider la Compagnie de Chemins de Fer Départementaux de 1977 à 2018, prône de calculer le produit national de chacun, de supprimer toutes les niches fiscales et les aides aux entreprises, et en contrepartie de créer un produit social pour compenser les distorsions de concurrence des pays à bas salaires. Entre autres.

Un livre utile qui prône l’esprit critique. Décapant !

François de Coincy, Mozart s’est-il contenté de naître ?, 2020, autoédition bookelis.com, 205 pages, €18.00 e-book €9.99

Blog de l’auteur

Attachée de presse BALUSTRADE : Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

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Fatale erreur !

Le logiciel du gouvernement Macron bogue : sur l’écran de l’actualité s’inscrit cette mention bien connue : Fatal Error ! Les librairies sont en effet fermées par décision administrative pour cause de Covid-19. On devrait plutôt fermer Internet et les réseaux pour cause de contamination islamiste, ce serait plus sain.

Les livres ne sont pas considérés comme des « produits de première nécessité » – en revanche les ordinateurs, les smartphones et les baladeurs le sont ! C’est du grand n’importe quoi des ignares de bureau. Pire : sous prétexte de concurrence « faussée », les rayons des grandes surfaces qui vendent du tout culturel sont forcés à fermer. Même là, pas de livres pour les clients ! Au moment où les écoles restent ouvertes et « obligatoires », empêcher d’acheter des livres est un non-sens absolu.

Je comprends que la contamination galopante soit une préoccupation de santé légitime. Mais pourquoi fermer les librairies alors que les cosmétiques, l’électronique et la bouffe sont autorisées ? Va-t-on se contaminer plus encore en allant au rayon d’à côté dans le même magasin, ou dans la librairie du coin où il y a moins de monde qu’à la boulangerie où dans le métro « autorisé » à travailler ?

La précipitation gouvernementale montre une chose qui ne sera pas oubliée : la « seconde vague » annoncée n’a absolument pas été préparée. On a laissé faire « les jeunes » et leurs fiestas, les vieux et leurs mariages, baptêmes, enterrements, les mûrs leurs « réunions » d’entreprise, d’association, de culte ou de copains. Il ne fallait surtout pas toucher aux sacro-saintes « vacances » avec l’hédonisme qui va avec, les déplacements de masse et les frotti-frotta y afférents. Depuis, le « déconfinement » a accouché d’un minable couvre-feu qui n’a pas couvert grand-chose (les fiestas se sont déroulées en privé, à huis-clos et toute la nuit). Il aurait fallu agir avant. Tout le monde le savait. Personne n’a osé.

Jupiter en son Olympe décide tout seul. Il dépend d’un aréopage de « scientifiques » en conseil qui crient haro après avoir crié tant d’autres choses, du haut de leurs « compétences » : que les masques ne servaient à rien, que l’été allait voir disparaitre la pandémie, que les hôpitaux pourraient faire face, que les tests allaient tout régler, que « le » vaccin était imminent… Sauf que « le système » ne suit pas parce que trop centralisé, hiérarchisé, attendant les ordres, ne proposant aucune initiative de terrain. Et que la solitude du pouvoir de la Ve République, héritage militaro-catholique romain, rend les conseillers du prince inefficaces parce que larbins et le sommet inaccessible à tout ce qu’il ne désire pas entendre. Nous sommes loin de la décentralisation allemande, suisse, espagnole, italienne, américaine ou même anglaise !

Alors on ferme. Style guichet de prison. Vous êtes condamnés. J’veux pas l’savoir ! Castex en vortex : obstiné jusqu’à être borné.

Les livres ? Un luxe pour intellos. Y a Internet, ça suffit bien. Pour les ignares vautrés dans l’économisme, le livre n’est qu’un produit à vendre comme les autres. Je connais l’économie et la mentalité économiste : Macron en est un pur produit. Ce qui ne se calcule pas n’existe pas, ce qui ne rapporte pas n’est que fumée. Le pain et les jeux oui – mais la culture non. Ça sert à quoi ?

Eh bien, cher président (des banques et des grandes entreprises plutôt que des Français), la culture ça sert contre le terrorisme des incultes qui croient agir à la place de Dieu. Les livres permettent de balayer toute cette rhétorique à prétexte religieux avec les grands auteurs comme Molière (Tartuffe) ou Voltaire (Traité sur la tolérance), avec les chercheurs (les vrais, ceux qui publient, pas ceux qui bavassent à la télé). Les livres permettent de réfléchir au lieu de suivre les plus grandes gueules, d’étudier au lieu de dire n’importe quoi, de devenir plus sage au lieu de moutonner avec la foule des « réseaux ».

Malgré la tendance générale réformiste qui me plaît chez En marche, cette réduction à l’économisme me débecte. Ah, ils sont loin les de Gaulle, Pompidou, Mitterrand et Giscard, qui lisaient des livres, qui écrivaient des livres, qui soutenaient le livre, qui aimaient la compagnie des auteurs ! La France a rayonné dans le passé par sa culture et notamment par sa littérature et par sa pensée politique. Plus aujourd’hui.

On voit pourquoi : le réformisme économiste ne jure que par les nouvelles technologies qui font « jeune », par l’hédonisme flemmard de se bourrer les oreilles de « musique » à la mode ou de films venus des Yankees. Le livre ? Même l’école démissionne : ça prend la tête. D’où les têtes mal faites qui n’agissent que sur l’émotion, dans le seul immédiat, via les réseaux tribaux offerts par l’électronique. Réfléchir ? Ça va pas ! Pavlov oui, Tchékhov non : c’est ça l’économisme – le pire hier du communisme, le pire aujourd’hui du réformisme.

Au moment où le monde entier tourne la tête vers la France et son martyr Paty, mort pour l’Ecole ; au moment où l’immigration incontrôlée montre combien passoires sont les frontières qui définissent le citoyen et les droits ; au moment où l’on cherche dans la patrie des droits de l’Homme et de la pensée des Lumières un sens… il n’y en a pas. Le livre est interdit : moins « de première nécessité » qu’un paquet de lessive (autorisé). Et un boulevard est ouvert aux GAFAM du pays de Trump pour qu’ils déversent leurs fausses informations malveillantes à guichets ouverts sans contradiction, et se fassent plein de fric sur nos données concédées gratuitement.

La France a perdu son âme. Une sacrée Fatale erreur !

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Pierre Ménat, Dix questions sur l’Europe post-covidienne

Ancien ambassadeur de France en Roumanie, Pologne, Tunisie et Pays-Bas, Pierre Ménat actualise son livre France cherche Europe désespérément après la pandémie de Covid-19. Face au duel global de la Chine et des États-Unis, l’Europe reste coincée entre défiance et puissance. En 10 questions, il rappelle l’origine des interrogations des citoyens et propose quelques solutions.

Tout d’abord, l’anxiété. L’Europe vieillit, sa population ne représentera que 6 % de la population mondiale en 2050. Les ressources naturelles sont limitées, la mondialisation fait concurrence, les idées sont en crise. Les Européens cherchent donc des refuges dans la famille, la religion, la nation. L’expression publique de cette frustration du peuple contre ses élites se radicalise – à l’américaine – ce qui ne risque pas de faire avancer les choses. Il faudrait donc à l’Europe une politique industrielle, des négociations réciproques pour les échanges, une politique monétaire de l’euro pour le rendre égal au dollar. Quant aux défis écologiques, l’Europe prend sa part et ne doit pas se culpabiliser, renvoyant plutôt les excités aux plus grands pollueurs de la planète que sont les Américains les Chinois. En revanche les intellectuels, bien absents, sont appelés à la rescousse pour penser le nouveau monde.

Si les Anglais s’en vont, par souci de commercer librement et surtout de s’aligner sur les États-Unis, l’essentiel de leur commerce reste tourné vers les pays européens, tandis que les États-Unis regardent vers le Pacifique. Le plus sage pour les Anglais du Brexit serait de conserver une relation forte dans la défense et les affaires étrangères avec l’Europe.

Le sentiment d’impuissance des citoyens en Europe vient de ce que la souveraineté des états a été déléguée en catimini depuis les années 50. Dans les faits, seulement cinq compétences exclusives ont été déléguées par les Etats : l’union douanière, les règles de concurrence, la politique monétaire pour l’euro, la conservation des ressources de la mer commerciale commune. Tout le reste est partagé ou en appui, notamment la santé : « l’Union n’a pas de compétence en la matière » p.9. Mais il existe un déficit d’information aux citoyens. Un rapport de 2005 en France remis à Dominique de Villepin est resté lettre morte. Or il existe une citoyenneté européenne selon l’article 9 du traité : elle permet de voter aux élections locales et un droit d’initiative populaire au niveau européen. Qui le sait ? Qui l’utilise ?

L’ultralibéralisme est une idéologie française qui distord la revendication historique libérale qui a conduit à l’indépendance américaine et à la révolution française. La défense de la dépense sociale française, qui représente plus que les dépenses de l’État, est un intérêt particulier dans toute l’Europe. Le retour de l’Etat dû au Covid ne devrait pas durer au-delà de la pandémie. Le droit et les institutions l’emportent même si l’Europe à 27 est partagée entre le Nord plus ouvert au large et le Sud plus étatiste parce que plus clientéliste. La France se situe en pays intermédiaire : ses citoyens manifestent surtout un conservatisme anti-industriel et radicalisent l’écologie pour « répondre à la rage ambiante ».

Reste une ambiguïté entre l’Europe à 27 et la zone euro à 19. La politique monétaire devrait faire partie de l’Europe, ou du moins les pays réunis autour de l’euro devraient avoir une représentation qui ne soit pas confondue avec celle des 27. Avec le Covid, les critères de Maastricht sont suspendus et la Commission pourra directement recourir à l’emprunt pour 900 milliards d’euros, deux fois le budget communautaire, même si l’interdiction de financer directement les Etats demeure. Manque cependant une gouvernance politique des crises, criante durant la débâcle financière de 2008, la crise grecque, et la pandémie Covid.

Un point sensible, laissé de côté par la pandémie, reste l’immigration. Elle représente 500 000 à 1 million de personnes par an dans toute l’Europe. C’est une compétence partagée de l’Union où Schengen fonctionne mais pas Dublin. Les solutions existent et ne sont pas mises en œuvre, par exemple le demandeur d’asile n’a pas à choisir son pays d’accueil. Il faudrait augmenter les moyens de Frontex et négocier des accords supplémentaires avec les pays limitrophes. On ne peut laisser non plus la charge de premier accueil aux Etats du sud tel que la Grèce ou l’Italie.

Au total, que signifie la souveraineté européenne ? Après le Covid, nous nous apercevons que la Chine est devenue une puissance mondiale d’influence, tandis que les États-Unis imposent leurs lois nationales et leurs GAFAM aspirateurs de données tout en se dégageant de l’OTAN. La souveraineté européenne est donc toute relative puisque nous dépendons des autres pour beaucoup de nos industries, de nos matières premières et de notre santé. À quelle fin récupérer cette souveraineté ? Dans le domaine monétaire, économique et politique : il nous faut encourager la recherche, développer le numérique, élaborer une véritable autonomie stratégique dont la pandémie a montré la carence, une politique industrielle, une sur les flux migratoires et développer une force d’intervention autonome. « Je propose que soit élaboré un traité d’union politique sur le modèle du plan Fouchet » p.95. Ce serait un projet collectif pour une diplomatie européenne.

Au total, ce petit livre fait le point sur l’Europe aujourd’hui du point de vue politique, un sujet important pour les Français et que la pandémie met en lumière de façon très crue.

Pierre Ménat, Dix questions sur l’Europe post-covidienne – Entre défiance et puissance, septembre 2020, L’Harmattan/éditions Pepper, 99 pages, €12.00

Pierre Ménat, France cherche Europe désespérément, février 2019, L’Harmattan/éditions Pepper, collection Témoignages dirigée par Sonny Perseil, 319 pages, 29€

Pierre Ménat est aussi l’auteur d’un roman chroniqué sur ce blog

Attachée de presse Guilaine Depis, 06 84 36 31 85 guilaine_depis@yahoo.com

L’Europe vue par ce blog

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Grande peur ravivée par le Covid

Le phénomène social de la « Grande peur » agite périodiquement le peuple dans l’histoire. Il suffit d’observer aujourd’hui les attitudes de répulsion des autres quand vous les croisez dans la rue (en-deçà de deux mètres), le foulard intégral remis au goût du jour en dépit de la loi de 2009 sur le voile dans l’espace public (avec Marine Le Pen en femme voilée allant reflorer la Jeanne !). Certains portent en outre lunettes, capuche et gants au cas où vous auriez la peste en sus du Covid. Je suis persuadé que certains mâles ont même enfilé une capote (on ne sait jamais !) : « sortez couverts », ils se souviennent.

Les masques pour tous ont immédiatement (et en France seulement !) provoqué l’ire des « syndicats » d’infirmières et autres « soignants » qui se voient d’un coup dévalorisés dans la rue parce qu’ils ne portent plus leur signe distinctif de Héros : le masque comme un cimier glorieux. Une sorte de marque d’honneur qui leur était jusqu’ici exclusivement réservée et qui les distinguait du vulgum pecus réduit à subir. Mais oui, le masque pour tous, c’est démocratique ! Et très utile à la santé… de tous ! Ces ignares hors de leur domaine, éduqués par Mélenchon en économie, confondent allègrement flux et stocks, commandes qui arrivent enfin et complot d’accapareurs ! Les mythes éculés de la Révolution ont la vie dure. Le gouvernement devrait penser à leur accorder un badge bien reconnaissable marqué « soignant » en lettres d’or de cinq centimètres de haut sur un fond rouge sang pour panser leur vanité blessée. Les sociétés égalitaires ont toujours retrouvé à un moment ou à un autre le sens des « distinctions » : héros de l’Union soviétique, pins à l’effigie du Grand timonier, médailles militaires, badges scouts… Les privilèges, au fond, chacun aime ça.

Quand aux névrosées obsessionnelles (je l’ai vu surtout chez les femmes), elles ne cessent de passer de la lingette alcoolisée sur tout ce qu’elles touchent, du chariot de supermarché à l’emballage des pommes et aux touches de l’appareil à cartes : pourquoi ne portent-elles pas plutôt, comme moi, des gants jetables ? Je songe aux gestes « barrière » des nobles de Pékin, dans la Chine impériale, qui portaient d’immenses chapeaux garnis de tiges pour éviter que quiconque n’ose les approcher de trop près. Le barrage sanitaire devient vite un barrage social, engendrant méfiance, prophylaxie et soupçons. Rien de tel que le mépris pour engendrer une révolte.

La Grande peur de la Bête (Satan lui-même, invention d’église), aurait donné paniques et croisades autour de l’an mille de l’ère chrétienne. Mais il s’agit de l’interprétation millénariste de l’Apocalypse par saint Augustin car Jean de Patmos lançait un message d’espoir selon Jean Delumeau (L’Express 23.09.1999) : le retour du Christ sur la terre pour un règne de justice de mille ans. C’est Michelet qui en fit le mythe de la Grande peur qui nous reste à l’esprit, alors même que les neuf dixièmes de la population médiévale ne savaient pas lire et qu’ils ne connaissaient ni l’année, ni la date du jour, ni celle de leur naissance. « L’an mille » était donc un temps nébuleux, pas un événement précis ou marquant – sauf peut-être chez les clercs, volontiers enfiévrés de continence et confinés à macérer entre eux. L’Apocalypse de Jean n’est d’ailleurs devenue livre canonique chrétien qu’au XIVe siècle…

Le terme de Grande Peur a été donné en priorité aux insurrections paysannes de 1789 par les historiens marxistes qui faisaient commencer la France sociale moderne à ce moment – en oubliant, comme aurait dit Marc Bloch, le sacre de Reims. Tout vient alors des campagnes, comme aujourd’hui les gilets jaunes. Les mauvaises récoltes (les mauvais salaires et prestations) engendrent la pénurie, donc les théories du Complot. Des racailles (appelés jadis « vagabonds ») sont grossies et déformées par l’imagination pop en « armées » de brigands. Il se propage la rumeur (par les réseaux sociaux d’époque) qu’à Paris une « Saint-Barthélemy des patriotes » a lieu : un grand massacre CRS de gilets jaunes, dirait-on sur Twitter. L’alarme se répand et naissent les inévitables dommages collatéraux (pas perdus pour tout le monde, resquilleurs, détrousseurs et Black Blocs de l’époque) : pillages, émeutes, attentats, incendies, viols. Les symboles du pouvoir social, alors châteaux et abbayes, aujourd’hui préfectures, palais de la République, avenues prestigieuses, banques et grands magasins, sont envahis et dévastés.

La Grande peur du « Boche » en 40 (qui a engendré l’Exode) a été suivie (aux Etats-Unis surtout) de la Grande peur de l’apocalypse nucléaire après-guerre, tandis que l’envolée des cours du pétrole à la fin des années 70, suivie de la récession occidentale et son chômage chronique dont les délocalisations mondialisées ne sont qu’un avatar, ont engendré une Grande peur du déclin inexorable de l’Occident. L’immigration arabe, touchant à la bite et au couteau – ces instruments vitaux du viril – a créé chez les Blancs déclassés, divorcés et en manque d’enfants (combien de gosses chez Renaud Camus ?), la Grande peur hantée d’un Grand remplacement. Plus récemment, avec les tempêtes, les ouragans, les incendies, les catastrophes industrielles (dont Tchernobyl et Fukushima), la Grande peur est celle du climat et de « la Terre qui se venge » dans une Apocalypse prédite par les textes bibliques – jusqu’au virus grippal issu des coucheries incestueuses des hommes et des bêtes en Chine qui a fait jusqu’ici autant de morts que la grippe de 1957 sans engendrer alors de Grande peur (on avait d’autres soucis, à commencer par la guerre civile en Algérie, département français qui allait encourager le putsch des généraux). Même le Sida n’était censé toucher que les déviants (« juste » châtiment divin pour avoir bafoué les Commandements du Père fouettard Jéhovah de ne coucher qu’avec l’unique femme sacralisée devant Lui par le curé).

Aujourd’hui est différent : on joue à se faire peur. Le confinement rend con, finement. Ressasser entre soi les mêmes rengaines paranoïaques n’améliore pas le jugement. Au contraire : la raison se perd au profit de la croyance en tout et n’importe quoi. L’imagination, laissée à elle-même la plupart du temps par le chômage partiel (ou intégral pour les fonctionnaires, payés à rester chez eux jusqu’au dernier centime), travaille (elle) : « on » l’avait bien dit, « on » nous cache des choses, « on » aurait fait mieux, oh, là ! là !

Or, si l’empire inca s’est effondré à cause de la variole et l’empire des Yuan au profit des Ming en Chine à cause d’une épidémie, les différentes pestes et choléras en Europe n’ont rien changé au monde du temps. Le commerce avant tout : la santé, c’est bien, mais celle de l’économie, c’est-à-dire de toute la société dans sa survie, c’est mieux. L’être humain est social et a besoin vital d’échanges. Le commerce en est un, celui des marchandises, et la culture un autre, qui se diffuse aujourd’hui par l’industrie (de la presse, du livre, des concerts, des raves, des spectacles, des réseaux), tout comme les lieux de sociabilité que sont les bars, café, restaurants, théâtres et stades – ou le tourisme. La frénésie de purification ne dure qu’un temps. Une fois éradiqués les boucs émissaires dans la panique, la promiscuité entre égaux retrouve ses droits, parfois entre sectes du même gourou : « le monde ne peut que penser comme moi ». Quitte à bâtir une maison de pierre plutôt que de paille, pour résister au loup méchant, comme dans les Trois petits cochons – ce que Trump entreprend, tonitruant, en fermant les frontières.

La peur, selon le sociologue historien Norbert Elias, est le mécanisme qui permet aux structures élémentaires de la société d’être transmises aux psychologies individuelles. Les peurs sont intériorisées pour que chaque personne se trouve en phase avec sa société dans sa culture. Selon les biologistes, les souvenirs des traumatismes se transmettent de génération en génération par l’épigénétique (Brian Dias, université Emory d’Atlanta, in La Recherche, janvier 2015) ! Dès lors, la Révolution de 1789, la Grande guerre de 14-18, la honteuse Défaite de 40 et son Exode rural, les guerres perdues coloniales, les attentats islamistes, sont des marqueurs français plus profonds qu’une épidémie : ils viennent des humains, pas du destin; des élites défaillantes ou de la lâcheté du peuple. Car d’autres pandémies, nous en auront dans le futur.

Mais la vie continue, elle continue toujours, et il faudra reprendre le collier comme avant, même si quelque chose aura changé (peut-être) dans les mentalités. Un recentrage sur les vrais métiers (alimentaire, santé, artisanat, communications numériques ?) au détriment des futilités (foot surévalué et surpayé, « spectacles » sans intérêt, spéculation financière vide ?), retour aux vrais amis et aux proches (bien oubliés jusqu’ici dans le « virtuel » et les EHPAD ?), bifurcation politique (plus de souverainisme, plus d’achat français et local, cesser de jargonner globish, aspiration à plus de participation, de décentralisation, de parler franc ? de « solidarité » réelle peut-être ?), désurbanisation possible (pour les nantis qui peuvent financer deux résidences ou travailler à distance ?), voire retour à la terre, sinon à « la nature » (concept flou) ?

Une Grande peur marque toujours ; mais elle n’a pas forcément de conséquences directes. Juste une cristallisation des tendances sous-jacentes peut-être, une accélération des remises en causes restées jusqu’ici latentes. Le monde de demain ressemblera à celui d’hier, malgré les utopistes ; le capitalisme restera cette technique inégalée d’efficacité économique applicable en tout, malgré ceux qui annoncent sa chute… depuis deux siècles ; la mondialisation se poursuivra, un peu différente sur certaines chaînes de valeurs, mais inexorable malgré les écolos qui chantent déjà victoire ; les particularismes nationalistes et identitaires s’exacerberont en réaction, malgré les incantations à « gauche ». Il est fort probable que les clowns qui gouvernent soient réélus car ils racontent la « belle histoire » que la majorité veut entendre, même si le conte a souvent peu à voir avec la réalité ; il est fort probable que les oppositions, aujourd’hui nulles, restent dans leur nullité et leur opposition, ici ou ailleurs – pour cause de nullité sans remède à échéance connue et d’opposition systématique qui déconsidère leur soi-disant projet.

Mais nous aurons vécu quelque chose, une période inédite dans l’histoire ; nous nous serons recentrés sur nous-mêmes et nos proches, forcés à confiner, ce qui peut inciter à penser par soi-même au lieu de suivre les hordes ou les modes. Qui sait ?

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Aurélia Gantier, Les Volponi 2 – Clichy sur scène

Après un premier tome sur Les Volponi – genèse tunisienne, la suite vient de paraître. Nous suivons la famille Volponi, des Siciliens de Sicile, Français de papier. Ils ont quitté la Tunisie pour la France à la fin du protectorat, en 1956, tandis que la famille Panzone, de laquelle vient la mère, Crocefissa, ont choisi l’Italie – puis Nice qui leur rappelle « le pays ». Voyage en bateau jusqu’à Marseille, divers trains et métros jusqu’à Rueil, puis Clichy-la-Garenne où un trois pièces loyer de 1948 va loger les deux parents et les cinq enfants dans 35 m².

C’est l’aventure de l’intégration à l’époque des Trente glorieuses puis de mai 68. Les Ritals sont d’abord méprisés, puis assimilés alors qu’arrive l’immigration portugaise puis arabe. Se faire appeler Josée plutôt que Crocefissa (Crucifixion) est judicieux, de même que se faire teindre en blonde avec les cheveux raccourcis et bouffants à la mode, ou porter des jupes au-dessus du genou et colorées, pas jusqu’à terre et seulement noires comme les gitanes. La pénurie de logement laisse place aux grands ensembles et l’école permet l’émancipation aux filles. La voiture est suivie de la télé, puis une auto plus grande, la fameuse Ariane de Simca, vaste comme une péniche américaine et à la mécanique robuste mais un peu lourde pour son moteur d’Aronde. Mais bien utile pour caser cinq gosses à l’arrière, à l’époque où les ceintures de sécurité n’existaient pas.

Pierre, le seul fils, se fait discret, son père Marcello ne l’aime pas, le traite de femelle et de pédale, et le bat régulièrement jusqu’à ses 15 ans, tout comme son propre père avant lui. Anne est blonde et aimée, elle s’épanouit. Marie-Claire et Myriam sont petites et suivent. Reste la fille aînée, Rosaria, chétive et maladive, déjà atteinte de poliomyélite elle le sera par la tuberculose avant l’asthme… Son père ne l’aime pas non plus car elle est « le ballon » qui l’a forcé au mariage, lui qui adorait courir les filles de Tunis en macho irresponsable. Il la gifle, lui cogne la tête contre l’évier, lui flanque le visage dans la sauce de son assiette. Une vraie brute à qui il manque une épouse capable de se dresser devant lui, ou un fils suffisamment fort pour le contrer. Le monde a bien changé en trois générations : la sienne revient de loin, père tout-puissant et mâle dominant usant de sa force pour courber toutes les têtes. Les hommes ne sont plus comme cela un demi-siècle plus tard, tout comme les filles ne jouent pas constamment à aguicher le mâle, mais il en reste des traces.

Marcello continue d’ailleurs à engrosser les filles en leur faisant miroiter le mariage… jusqu’à ce qu’un Sicilien de Sicile lui courre sus avec fusil, fils et revolver ; il n’en réchappera que de justesse en rampant sous un wagon au dépôt de Catane. Mais un père pareil n’est pas un papa : c’est un tyran méditerranéen. « Rosaria découvrit à cette occasion [sa communion solennelle] les trois axiomes qui la guideraient tout au long de sa vie. Le premier était qu’elle n’avait pas de chance, le second qu’on ne pouvait jamais être un instant tranquille dans cette foutue famille, le dernier que le mensonge sauvait » p.81.

Pierre quittera le foyer à 18 ans en se mariant à une petite rousse qu’il a engrossée sans vraiment l’aimer – comme son père. Quant à Rosaria, elle prend sa valise le jour même de ses 21 ans (âge de la majorité à l’époque) pour partir. Où ? Ce sera probablement le thème du prochain tome de la saga familiale.

L’écriture apparaît mieux inspirée et plus dense que dans le précédent volume, plus proche des souvenirs réels peut-être. Certains chapitres sont captivants, d’autres assurent une transition plus ou moins réussie. Je me demande encore qui parle au chapitre XVI sur mai 68, alors qu’aucun des enfants n’est allé en Sorbonne… Il reste quelques incongruités comme « cool » qui n’est apparu dans le vocabulaire qu’après 68, « échanger » sans dire quoi qui n’est survenu comme tic de langage que dans les années 2010, et deux erreurs d’orthographe : « ballade » au lieu de balade pour dire se promener et « prendre ses clics et ses clacs » au lieu de cliques et claques.

Mais rien qui empêche de prendre un grand plaisir à lire ce livre de mémoire, les avatars romancés d’une famille immigrée de Tunisie, où elle était déjà immigrée de Sicile, avant de choisir de devenir Français.

Aurélia Gantier, Les Volponi 2 – Clichy sur scène, 2019, éditions Une heure en été, 250 pages, €17.50 (sortie le 2 mars)

Le premier tome :

Aurélia Gantier, Les Volponi – Genèse tunisienne, novembre 2018, éditions Une heure en été, 243 pages, €16.50 e-book Kindle €8.99

Chroniqué sur ce blog en novembre 2018

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Fondements sociaux de la crise politique

Le monde change, la politique avec. Les transformations de la société par la technique et l’économie engendrent des bouleversements dans la façon de s’exprimer et d’agir. Les politiciens sont déboussolés – on le serait à moins car tout va très vite. La révolution numérique a engendré une mutation de la production et de la vente qui a bloqué les revenus, tandis qu’elle a encouragé techniquement la spéculation, aboutissant à la crise financière de 2008, obligeant les Etats à s’endetter pour assurer un filet social et empêcher l’effondrement du système. Les idéologies ont lâché devant le pragmatisme exigé. La guerre imbécile de Bush à l’Irak, à l’Afghanistan, plus tard à la Syrie, a engendré des migrations massives et incontrôlées en même temps qu’une montée du radicalisme islamiste ; la guerre du commerce électoraliste de Trump avec la Chine et l’Europe engendre des crispations nationalistes.

Rien n’est simple et la visibilité est nulle, le nez sur le guidon. Un brin de hauteur s’impose.

Internet et le téléphone mobile n’existent que depuis 25 ans, or les politiciens ont largement dépassé cet âge, ils sont maladroits avec le numérique. Ils n’ont surtout pas vu – ou voulu voir – que l’outil Internet a développé de façon phénoménale les « réseaux sociaux ». Ceux-ci exacerbent l’individualisme, chacun rassemblant autour de lui ceux qui lui ressemblent via des liens baptisés un peu vite « amis ». Ce ne sont que des amis à l’américaine, fondés sur leur utilité ; qu’ils quittent la communauté et le lien est brisé. L’affection ne compte pas, seulement l’intérêt – y compris l’intérêt affectif de ne pas se sentir seul. Ces réseaux et le formidable pouvoir d’opinion qu’ils représentent font éclater la nation au profit des tribus et des egos. La politique, dès lors, n’existe plus comme projet mais seulement en tendance : on est « pour » (la planète, l’humanitaire, la hausse des salaires) ou « contre » (les industriels, les migrants, la finance). Mais ces « grands principes » n’accouchent d’aucun projet concret pour la nation. Ils véhiculent seulement des micro-projets personnels dirigés sur une petite cause dans le vent immédiat. Pour le reste on braille, on pétitionne, on n’agit pas. La politique devient à l’état gazeux, aussi volatile que la tête de linotte à la mode, sans forme précise ni liens solides. Le vote est de circonstance, pas de conviction.

La révolution numérique bouleverse dans le même temps le commerce (qui se multiplie en ligne, rendant « l’ouverture le dimanche » aussi ringarde qu’un militant CGT) en ruinant les pas de porte et l’emploi (phénomène accentué par la casse rituelle des gilets jaunes chaque samedi, appelés via les réseaux sociaux). La production n’est pas en reste, plus automatisée, plus standardisée, plus décentralisée : les pièces détachées et les composants viennent d’ailleurs, la « réparation » ne se fait plus, les qualifications sont dévalorisées. La finance prend alors le pas sur l’ingénierie et la spéculation prend son essor. Au détriment des salariés qui deviennent variables d’ajustement et des métiers qui ne sont plus sollicités. Entre le PDG et le manœuvre, l’emploi fond à grande vitesse, conduisant à la société du sablier : des très riches et de vrais pauvres. La classe moyenne se trouve menacée dans ses revenus cantonnés, dans son ascension sociale bloquée, dans son rôle démocratique dénié.

L’anxiété identitaire ressurgit alors avec force : Qui suis-je ? Où vais-je ? Comment mes enfants vivront-ils ce monde nouveau ? Cela a donné Trump aux Etats-Unis, ce bouffon milliardaire gonflé d’ego macho qui fait de l’égoïsme sacré le parangon des vertus américaines. Les perdants des industries en déclin, des petites villes désertées, des classes moyennes blanches menacées, ont voté pour lui. Assez d’assistanat social ! Assez de commerce avec les pays voyous (la Chine qui foule aux pieds les brevets et la propriété industrielle, le Mexique qui envoie des travailleurs clandestins et laisse passer la drogue, la Suisse qui fait échapper à l’impôt, l’Allemagne qui truque ses autos…) ! Cela a aussi donné Orban en Hongrie, conservateur anti-immigration par hantise démographique plus que par un supposé « racisme » : l’Europe centrale, dérèglementée à marche forcée depuis la fin de l’empire soviétique, perd sa jeunesse qui émigre faute d’emplois qualifiés et malgré l’aide considérable des fonds européens. Accepter des immigrés d’une autre culture (musulmane) comme Merkel l’a fait, est un suicide démographique et la population n’en veut pas. A l’Ouest, les sociétés plus ouvertes se ferment peu à peu sous les coups de boutoir de l’idéologie radicale de l’islam, encouragée par l’Arabie saoudite wahhabite et par l’appel romantique au djihad en Syrie et au Levant. L’école laxiste post-68 et l’indulgence « de gauche » pour les nouveaux prolétaires fantasmés laisse faire. En réaction, les classes moyennes réclament plus d’ordre et moins de passe-droits : c’est le vote populiste, qui profite surtout à la droite – et se polarise aux extrêmes. Et qui rejette nettement « la gauche » dans les poubelles de l’histoire.

Les usages de la démocratie alors se défont. L’esprit de débat, de négociation et de compromis se réduit au profit des positions tranchées, du fanatisme borné qui transforme les adversaires d’un moment en ennemis irréductibles – et à la violence de mieux en mieux acceptée. La délibération est évacuée au prétexte de « l’urgence », la représentation abandonnée au profit des revendications personnelles. Ne reste qu’à autoriser les armes en vente libre pour arriver au niveau de violence américain, prélude à la guerre civile « raciale » qui ne tarderait pas à achever le travail.

La représentation démocratique a divorcé du capitalisme lorsque celui-ci a abandonné le libéralisme pour la manipulation oligarchique. La Chine reste communiste, autoritaire et centralisée ; elle est pourtant capitaliste, d’un capitalisme aussi sauvage qu’aux Etats-Unis il y a un siècle. Le modèle de contrôle d’Etat qu’elle incarne séduit de plus en plus de monde qui refuse la chienlit – notamment ces classes moyennes qui ont formé durant deux siècles le terreau de la démocratie (le parti républicain, puis le parti radical, puis l’UMP et le parti socialiste). Le libéralisme conforte la démocratie, il ne se confond pas avec elle : le peuple peut décider autrement que par le vote de représentants, par exemple par acclamation d’un tyran (Poutine ou Erdogan), par consensus sur le parti unique (Chine), par liens croisés avec les intérêts économiques (l’armée et les politiciens sous Chavez). Le libéralisme propose des garde-fous aux dérives possibles des politiciens via les règles de droit et les garanties constitutionnelles. C’est pourquoi tous les tyrans en puissance commencent par changer la Constitution ! C’est le cas en Hongrie, en Pologne, au Venezuela, en Russie – c’est la tentation en France à gauche.

Je ne sais comment va évoluer le régime dans notre pays mais les tendances sont bien établies et de mieux en mieux comprises. Pragmatisme et participation semblent à l’ordre du jour pour contrer le populisme trop facile. Tant que l’économie suit et que l’école, la santé, la retraite, la sécurité et la justice sont à peu près assurés, toute révolution semble exclue. L’Union européenne y aide, face aux monstres qui se réveillent en Chine, aux Etats-Unis, en Russie, au Brésil – prêts à tout pour affirmer leurs intérêts purement égoïstes de prédateurs mondiaux.

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Être ou se faire avoir

Les gilets jaunes veulent exister, se faire reconnaître comme l’œil du cyclone social. L’Europe centrale et orientale veut exister, se faire reconnaître comme un réservoir de la biodiversité blanche préservée. Le Royaume-Uni veut exister, se faire reconnaître comme Etat souverain, lié par rien ou en bilatéral volontaire et provisoire. Est-ce là l’identité que chacun cherche confusément ?

La France est dans l’histoire une mosaïque de régions et d’ethnies rassemblée autoritairement sous la houlette d’un roi parisien. Colonisée (un peu) par les Grecs un millénaire avant notre ère et ouvrant les Celtes au commerce méditerranéen, la France a été romanisée par le sud, puis entièrement sous César faute d’union des Gaules, avant que les « barbares » venus de Germanie ne l’aient franchement conquise. Les Ottomans ont isolé l’empire romain d’Orient, aujourd’hui la Turquie et une grande part des Balkans ; les Mongols ont isolé la Russie ; les Arabes ont isolé le Maghreb autrefois romain. Ces invasions forment les limites de l’Europe au sud, au sud-est et à l’est. La France se situe au carrefour des Germains et des Latins.

Pays catholique qui a choisi le pape alors que la périphérie choisissait de protester, roi absolu qui se prenait pour l’Etat et a révoqué un édit de tolérance pour chasser les forces vives proto-industrielles du pays, révolution qui a essaimé les Lumières mais accouché d’un esprit militaire et d’une bureaucratie jacobine centralisée pour laquelle l’impôt est l’alpha et l’omega plutôt que la prospérité – la France s’est trouvée fort dépourvue au siècle des nationalités. Elle était trop composite elle-même, parlant plusieurs langues en son sein appelées dérisoirement « patois », pour être une nation comme les pays autour d’elle. Ce pourquoi elle a choisi « l’universel », orgueil romain, héritage catholique, mission des Lumières, fantasme communiste. Le retour de l’identité la gêne, l’irrite, la déstabilise. C’est pourtant ce que réclament les gilets jaunes tout comme ceux qui votent Rassemblement national, soit une bonne moitié de la population qui s’exprime dans les urnes.

Déstabilisés dans un monde en mutation, envahis par des cultures étrangères où la religion se confond avec les mœurs et la politique, en prise à la délinquance comme au terrorisme des mêmes, déchu d’industries par la mondialisation et la prédation américaine qui « juge » extra-territorialement à coup de milliards que sa loi est la seule à s’appliquer au monde entier, colonisé mentalement par la loi des séries dites « populaires » (dans les faits commerciales), les Français issus du peuple un peu instruit et surtout de province isolée des grands centres, se crispent. Leur économie, leur culture, leurs mœurs foutent le camp et la régulation rampante de non-élus à Bruxelles les dépossèdent de leur destin.

La faiblesse du libéralisme à l’américaine, qui est la mentalité dominante jusque chez les élites européennes, est la lâcheté envers les frontières et la culture des « autres ». L’Amérique s’en foutait puisqu’elle est elle-même un ramassis de rejetés du vieux continent, issue de peuples divers, jusqu’aux esclaves importés d’Afrique. Depuis que la Chine lui taille de sévères croupières économiques et qu’elle défie sa technologie jusque dans sa pointe, l’Amérique se réveille, se crispe sur son statut et élit un populiste à grande gueule : Trump. Et les Anglais font de même avec un Boris (!) Johnson. Dès lors l’Europe, et la France, et les Français perdus, se disent qu’ils seraient bien bêtes de ne pas prendre le même train. L’Europe centrale et orientale trumpettant était inaudible ; elle le devient.

Ces ex-pays de l’Est connaissent un vieillissement de la population, un effondrement de la natalité et une émigration des forces jeunes qui cherchent un avenir meilleur à l’ouest. Leur panique identitaire est une panique démographique plus qu’économique. La nature ayant horreur du vide, et le filet juridique et réglementaire de Bruxelles enserrant ses membres dans un insidieux avenir multiculturel à l’américaine, ceux qui restent à l’Est ont peur d’une déferlante moyen-orientale ou africaine. Ils n’en veulent pas. Un peu ça va, trop, bonjour les dégâts. L’immigration ethnique est comme l’alcool, mieux vaut ne pas en abuser. Le foie distille sa dose, au-delà il cirrhose.

L’Est est encore homogène, l’Ouest déjà multi-ethnique. Ce sont moins les cultures différentes qui posent problème que l’individualisme exacerbé qui encourage l’universalisme du « tout égale tout » et du » tous pareils ». Les pays d’Europe centrale et orientale honnissent le Grand frère (ex-soviétique) mais lorgnent sur la politique à la Poutine : les immigrés, pas de ça chez nous ! L’identité bien assumée passe par le nationalisme et les frontières.

C’est bien ce à quoi aspirent confusément les gilets jaunes comme les extrémistes de droite et de gauche. Le « capitalisme » est l’autre nom, euphémisé, du colonialisme financier (plutôt connnoté « juif » et « anti-palestinien ») comme de l’impérialisme yankee de la marchandise. Dès lors, protectionnisme et nationalisme sont à essayer, croient-ils. Sur le modèle Poutine, Erdogan, Xi Jinping et Trump – entre autres.

Et la gauche inepte, qui devrait faire avancer l’écologie pratique de proximité et le social dans les territoires, entonne toujours la même incantation aux impôts et taxes pour aider les sans-frontières, sans-papiers, sans-abri, sans-ressources venus des pays « en guerre » (depuis Hollande, ne le sommes-nous pas nous aussi, « en guerre » ?). Les sans futur, qui va les aider ?

La tentation est grande de « l’homme » fort (qui peut être une femme au nom belliqueux comme Marine ou Maréchal). Un recours comme Sauveur – et comme d’habitude. Seuls peut-être, les deux Napoléon et De Gaulle ont réussi à changer les choses et à faire émerger un ordre du chaos. Leur image hante les déserts vides de la France périphérique et des acculturés à la violence. Mais les circonstances étaient à chaque fois exceptionnelles et la volonté du collectif alors très grande. C’est loin d’être le cas aujourd’hui où le chacun pour soi et le victimaire agressif sont la seule réaction des egos blessés.

Pour être, il faut d’abord ne pas se faire avoir. Mais encore ? « L’identité » suffit-elle à créer de la culture, de la recherche, des initiatives d’entreprises ? L’entre-soi est-il meilleur en nation qu’en caste sociale ? S’affirmer, certes, mais pour quoi faire ? et pour qui ?

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Plantation de café Arenal : fleurs et papillons

Le petit déjeuner à l’hôtel est pour tous les goûts : pain et confiture pour les routiniers, riz et haricots rouges plus omelette pour les locaux ou les voyageurs qui veulent s’adapter aux pays. Sont offerts en plus des fruits coupés. Le café est du genre chaussette. Les jus de fruits sont bien trop sucrés pour mon goût et je rajoute de l’eau.

Dans le hall, en attendant le guide, je feuillette le journal du pays, La Nacion. Il comprend de nombreuses publicités pour des automobiles japonaises. Après une page de Une où le foot fait la photo, plusieurs pages sont consacrées à la politique locale, l’économie ; deux ou trois pages seulement aux nouvelles internationales, en général des catastrophes ; enfin six à huit pages de sport où le foot une fois de plus est mis en valeur. Un article est consacré au tourisme et il y est dit que le Costa Rica doit vanter sa gastronomie ; les chefs doivent apprendre à accommoder différemment le riz et les haricots rouges… mais aussi à mettre en valeurs les fruits qui poussent localement.

Adrian dit souvent « pura vida », une expression qui signifie « c’est bien » ou « parfait », « génial ».

Nous prenons le bus pour quitter la capitale. Les façades des maisons de San José sont souvent grillagées et les murs barbelés, comme si la guerre civile menaçait. Adrian nous apprend que les gens qui vivent ici sont peu nombreux la nuit et qu’ils craignent les cambriolages en raison plus de l’immigration du Nicaragua que de la pauvreté. Dans la ville de Juan Santamaria – qui a donné son nom à l’aéroport de San José – un jeune tambour de 15 ans d’apparence est érigé en statue de la guerre de 1856. C’est purement symbolique car il s’agit de la statue d’un autre récupérée… Né en 1831, ce tambour costaricien a été engagé au Nicaragua contre William Walker. Il est mort héroïquement à la bataille de Rivas en 1856, mais il avait 25 ans.

Nous quittons la route plus ou moins dégradée par la pluie mais aux limitations de vitesse précises – à l’américaine – pour visiter une plantation de café. Elle est aménagée pour le tourisme, à l’américaine là encore, avec un sol en ciment orné de grains de café.

Le Costa Rica, d’ailleurs, m’apparaîtra comme un pays voué au tourisme des nord-américains. Tout y est aménagé pour eux et selon leurs normes. Nous visitons donc Coffeeland. L’entrée s’effectue par le paiement d’un billet aussitôt suivie d’une offrande : une dégustation de café au lait chocolat-cannelle, froid et savoureux, puis de divers cafés de force et de mélange différents. Ils sont issus des mêmes plans mais triés ou traités différemment.

La plantation comprend un grand jardin où s’épanouissent les fleurs tropicales : héliconie et oiseaux de paradis pour les plus colorées. Nous visitons une « ferme », un pavillon de papillons avec des morphos bleus élevés pour les fêtes, car le lâcher de papillons lors d’un mariage est du dernier cri. La ferme livre les cocons à éclore dans les trois jours précédant la cérémonie.

Les morphos sont difficiles à photographier car leur vol est rapide et erratique ; vu leurs couleurs vives, ils doivent échapper aux oiseaux. Lorsqu’il se repose, le morpho replie ses ailes pour se confondre avec la feuille ou le bois sur lequel il s’est posé. Certes certains morphos, fatigués ou malades, se laissent saisir en images mais ce ne sont pas les plus beaux.

Une chenille de papillon hibou a deux yeux sur les ailes pour faire peur aux prédateurs. Mon appareil Nikon refuse de fonctionner ; ce n’est pas la batterie, il est chargé, ce serait plutôt un problème électronique ; peut-être a-t-il trop côtoyé une source électromagnétique. J’en suis réduit au seul petit appareil Sony. La qualité des photos s’en ressentira.

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Montée du maréchalisme

La revue de réflexion Le Débat, dans son dernier numéro 205 de mai à août 2019, offre un panel d’articles sur la situation inconfortable d’aujourd’hui. Tout ce qui existait hier est remis en question… pour se réfugier dans l’avant-hier. La démocratie « représentative » est vilipendée comme confisquant le pouvoir au profit d’une élite qui « n’écoute pas »… mais le remède en serait la démocratie « plébiscitaire » adulant un homme fort tel que les fascismes et les socialismes l’ont promu à la génération d’avant. Ou, selon la classification des droites par René Rémond, la confluence de la droite légitimiste et de la droite bonapartiste.

Xi Jing-Ping déclare que la dictature d’un parti unique éclairé vaut mieux que les bavardages conflictuels des parlements démocratiques ; Poutine déclare le libéralisme « obsolète » et assume un nationalisme orthodoxe qui vante la grandeur de l’ex-URSS et la morale stricte inculquée à l’extrême jeunesse dans ce que la litote globish nomme des « Boot camps » – qui ne sont guère qu’une Putin-jugend sur le modèle de « l’Autre », l’ennemi de l’ouest. Aux Etats-Unis, mais aussi en France, un tiers de la jeunesse ne croit pas que la démocratie soit le meilleur système politique et préfèrerait une version plus musclée. En gros un Maréchal de 30 ans plutôt que de 90, la morale (voire la religion catholique) rigoureusement remise au goût du jour, les chantiers de jeunesse patriotique, la terre qui ne ment pas et le protectionnisme industriel. En témoigne la dernière élection européenne…

La souveraineté du peuple à la Rousseau comme fondement de la légitimité politique s’oppose à l’Etat de droit à la Montesquieu. Ni la représentation, ni la séparation des pouvoirs ne sont plus ressentis comme justifiés. D’où l’abstention, l’aversion ou la sécession. Toute parole officielle se trouve discréditée, et l’on assiste à l’essor des vérités « alternatives » comme au recours à la théorie du Complot. Dans le même temps le « libéralisme », dévoyé du politique à l’économique, engendre une prolifération de normes, règles et contraintes qui font douter de la « liberté » qu’il peut apporter. Les inégalités économiques croissent à mesure de la contrainte bureaucratique et la stagnation, voire le recul du niveau de vie, exacerbent les comparaisons entre statuts et positions.

Le « progrès » de gauche apparaît comme une régression sociale face aux inégalités et comme une régression culturelle face à l’immigration et aux musulmans français victimisés « plus égaux que les autres » ; le développement promis se dérègle à cause de la raréfaction des ressources, de l’énergie et de la destruction de l’environnement. Et aucun intellectuel n’est capable de proposer un nouveau modèle pour la société. L’université apparaît comme un parking où les diplômes sont dévalorisés par l’absence de sélection et par son refus de s’ouvrir au monde professionnel.

Dans l’ambiance générationnelle des nés-numériques, l’individualisme devient exacerbé. C’est chacun pour soi, du sport où la compétition fait rage au show-business où seul l’apparence compte, des profs qui prennent en otage les notes des bacheliers aux aide-soignantes qui simulent un suicide à l’insuline (tout en se faisant immédiatement soigner par les autres…), aux associations thématiques qui permettent d’émerger, aux entreprises créées à partir de rien sur des projets inédits. L’échelle locale apparaît comme la seule qui permette de valoriser le moi, et non plus ces « valeurs » abstraites d’un collectif incantatoire qui s’en fout dans les faits. Les syndicats sont dévalorisés et seul le happening (mais où l’art est dévoyé en politique) vaut titre d’existence (médiatique). Le basculement identitaire est en marche et c’est bien la faute de la gauche en France, au pouvoir par longues alternances depuis des décennies, d’avoir abandonné les individus au profit des utopies gentillettes sans racines.

Les 18-24 ans des enquêtes montrent qu’ils votent le plus pour des candidats radicaux, 25.7% pour Marine Le Pen au premier tour de la dernière présidentielle, 24.6% pour Jean-Luc Mélenchon (OpinionWay) contre 21% pour Emmanuel Macron. L’originalité de Mélenchon au premier tour a été d’avoir rompu avec la gauche culturelle européiste pour mener une campagne populiste et souverainiste ; l’erreur de Mélenchon au second tour a été d’abandonner cette posture identitaire pour rallier le reste de la gauche et en devenir son leader : son discours gauchisant sur l’immigration, l’éducation, la famille, l’Europe, a déçu. Même les gilets jaunes aujourd’hui lui tournent le dos – et les européennes ont montré que sa coalition n’était que de circonstance, fragilisée par ses coups d’éclat personnels.

L’identité malheureuse, la dépression économique, la régression nationale face aux géants américains, chinois, russes ou même allemands font que la génération jeune rejette la génération vieille qui a « joui sans entraves » en laissant un fardeau de dettes, de fils d’immigrés mal assimilés et d’immigrés récents de plus en plus inassimilables, sans parler du réchauffement climatique, des impôts au plafond et de la hausse exponentielle des taxes sur l’énergie. Le « vivre-ensemble » du discours lénifiant de la gauche bobo ne passe plus sur le terrain des inégalités économiques, des incivilités ethniques et de l’insécurité culturelle. Quand on n’a plus de repères aujourd’hui, on en revient volontiers aux repères d’hier.

Et le premier est la frontière : politique pour ne pas être inféodé, économique pour protéger ses industries, sociale pour préserver le système de santé, de chômage et de retraite, enfin culturelle face à la masse africaine (Maghreb et Afrique noire) dont l’explosion est déjà programmée : 150 millions dans les années 1930, 1.3 milliards aujourd’hui, 2.4 milliards en 2050 – seulement dans trente ans. Il faudrait être niais pour feindre de croire qu’une petite part des Africains jeunes ne désireront pas « rejoindre les cousins » dans l’eldorado européen, là justement où la démographie stagne et où la population vieillit, mettant en péril production, cotisations santé et retraites. Déjà, un immigré sur deux en France vient d’Afrique : réfugié, clandestin économique, étudiant qui reste ou regroupement familial.

Or l’islamisme progresse en Afrique et se fait plus intégriste. L’intégration des immigrés n’est pas une question sociale mais de plus en plus une question de mœurs, de religion et de culture. L’essor de l’individualisme engendre partout l’entre-soi, donc des tensions croissantes entre des « eux » et des « nous ». La religion est souvent le prétexte pour justifier des exactions violentes comme le dit Olivier Roy, mais les banlieues se radicalisent sous la férule des imams formés en Arabie saoudite comme le dit Gilles Kepel. Le fait religieux est autonome de la position sociale, ce sont surtout les classes moyennes qui partent en Syrie – même si la fratrie, la bande de petite délinquance et la mosquée servent de viviers. Selon Hakim El-Karoui, plus d’un quart des musulmans de France ont un système de valeurs qui s’oppose clairement à celles de la République. 68% des musulmans d’une cohorte de 11 000 collégiens des Bouches-du-Rhône interrogés mettent la loi de l’islam au-dessus de la loi française (contre 34% des catholiques). Une autre étude portant sur 7000 lycéens de seconde montre que 33% des musulmans ont une vision « absolutiste » de la religion, contre 11% pour les autres (enquêtes citées p.136).

Les « idiots utiles » (terme de Lénine à propos des intellos) dénient et minimisent, littéralement aveugles à la réalité identitaire qui monte en pression. Elle est pour eux « fasciste » et ils mettent dans ce mot le Diable incarné – qu’il ne faut dès lors qu’exorciser et non pas dialectiquement réfuter. Cette gauche morale en faillite, crispée sur ses positions de jeunesse alors que le monde n’est plus le même, a colonisé les médias et imposé son dogme, stigmatisant et rejetant dans les ténèbres extérieures tous ceux qui pensent autrement. La générosité est manipulée sur des cas individuels pour encourager l’immigration sans frontières ; la « domination » est mise en avant pour dévaloriser la culture traditionnelle, qualifiée de « bourgeoise » même quand il s’agit des sciences physiques ou statistiques ; la honte est agitée sur le rationalisme exacerbé en dérive des Lumières, sur la colonisation (à l’origine de gauche pour « éduquer » les peuples « enfants »…), sur la Shoah.

Un Mélenchon ne qualifie Merah, le froid tueur d’enfants, que de simple « fou » d’un banal fait divers ; un Peillon réduit à l’hitlérisme toute critique des islamistes en comparant le sort des Musulmans au sort des Juifs durant la Seconde guerre mondiale – on se demande d’où sort la politique de ce prof de philo… Si nombre de Juifs français fuient les banlieues où ils ne peuvent plus vivre ni étudier en sécurité, si de plus en plus quittent la France, ce n’est certainement pas le cas des Musulmans qui, eux, arrivent en masse et réclament toujours plus de visas ! S’ils étaient tellement menacés par « le racisme » en France, ne la quitteraient-ils pas pour un autre pays ou pour revenir chez eux ? Une telle niaiserie de la part de politiciens « progressistes » dans le déni, la complaisance ou le silence, laisse pantois. Ce pourquoi la gauche s’est effondrée et ses politiciens déconsidérés à vie.

Restent deux pôles : le raisonnable et réformiste démocratique – et le retour de l’archaïque sur le modèle Poutine d’un âge d’or mythifié autoritaire. Aujourd’hui Emmanuel Macron (malgré ses défauts) ou Marine Le Pen (avec ses défauts). Mais demain probablement Marion Maréchal, bien plus crédible que sa tante mais encore un peu jeune, prônant l’alliance de la bourgeoisie conservatrice et des classes populaires via le problème identitaire. Elle est évidemment pro-Trump tout comme elle était membre du groupe d’amitié France-Russie lorsqu’elle siégeait à l’Assemblée nationale…

Oui, le maréchalisme monte lentement en France.

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